Rapport d'information n° 551 (2021-2022) de MM. Daniel GREMILLET , Jean-Pierre MOGA et Jean-Jacques MICHAU , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 25 février 2022
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L'ESSENTIEL
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LISTE DES RECOMMANDATIONS
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DES FRANÇAIS DANS LE NOIR :
UN RISQUE QUI N'EST PLUS À EXCLURE ?
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I. LA FRANCE CONNAÎT DE GRAVES
DIFFICULTÉS SUR LE PLAN DE LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
CET HIVER
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II. CES DIFFICULTÉS EMPORTENT DE LOURDS
RISQUES, UN « BLACK-OUT » GÉNÉRALISÉ
N'ÉTANT PAS ENVISAGÉ, MAIS DES COUPURES LOCALES ET CIBLÉES
NE POUVANT ÊTRE EXCLUES
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III. CES DIFFICULTÉS MANIFESTES DOIVENT
PERDURER À COURT, MOYEN ET LONG TERMES
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I. LA FRANCE CONNAÎT DE GRAVES
DIFFICULTÉS SUR LE PLAN DE LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
CET HIVER
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UN RISQUE QUI EXISTE FAUTE D'ANTICIPATION
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I. LES CAUSES CONJONCTURELLES ÉTAIENT
PRÉVISIBLES : L'IMPACT DE LA CRISE DE LA COVID-19 ET DE LA
FLAMBÉE DES PRIX DES ÉNERGIES
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II. LES CAUSES STRUCTURELLES ÉTAIENT
PRÉVISIBLES : LE MANQUE D'INVESTISSEMENT DANS LA
FILIÈRE NUCLÉAIRE, MAIS AUSSI LE RETARD DES PROJETS
D'ÉNERGIES RENOUVELABLES ET DES ACTIONS D'EFFICACITÉ
ÉNERGÉTIQUE
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III. DES TENSIONS PARTAGÉES, AUX
ÉCHELONS EUROPÉEN ET INTERNATIONAL, MAIS UNE SITUATION DE
VULNÉRABILITÉ PARTICULIÈRE EN FRANCE
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I. LES CAUSES CONJONCTURELLES ÉTAIENT
PRÉVISIBLES : L'IMPACT DE LA CRISE DE LA COVID-19 ET DE LA
FLAMBÉE DES PRIX DES ÉNERGIES
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COMMENT PRÉVENIR TOUT RISQUE DE
« BLACK-OUT » ?
12 RECOMMANTIONS POUR INVESTIR MASSIVEMENT DANS LA FILIÈRE NUCLÉAIRE ET RENFORCER DURABLEMENT LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
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I. UNE RÉVISION D'ENSEMBLE DE NOTRE CADRE
ÉNERGÉTIQUE EST URGENTE, POUR REVALORISER LA FILIÈRE
NUCLÉAIRE ET CONFORTER LA SÉCURITÉ
D'APPROVISIONNEMENT
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II. LE SYSTÈME EXISTANT DE PRÉVENTION
ET D'INTERVENTION EN MATIÈRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ
D'APPROVISIONNEMENT DOIT ÊTRE CONSOLIDÉ
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III. AU-DELÀ DE LA PRODUCTION
D'ÉLECTRICITÉ, LES LEVIERS DE PILOTAGE DE LA PRODUCTION ET DE LA
CONSOMMATION D'ÉNERGIE DOIVENT ÊTRE TOUS MOBILISÉS
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I. UNE RÉVISION D'ENSEMBLE DE NOTRE CADRE
ÉNERGÉTIQUE EST URGENTE, POUR REVALORISER LA FILIÈRE
NUCLÉAIRE ET CONFORTER LA SÉCURITÉ
D'APPROVISIONNEMENT
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 551
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur l' impact de la transition énergétique sur la sécurité d' approvisionnement électrique : la France est-elle en risque de « black-out » ?,
Par MM. Daniel GREMILLET, Jean-Pierre MOGA et Jean-Jacques MICHAU,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
L'ESSENTIEL
Alertée par le fait que Réseau de transport d'électricité (RTE) a placé la France en situation de « vigilance particulière » cet hiver et jusqu'en 2024, la commission des affaires économiques a souhaité faire un point d'étape sur la sécurité d'approvisionnement électrique ; elle a adopté 12 recommandations, regroupées en 3 axes, pour réviser l'ensemble de la stratégique énergétique et relancer massivement la filière nucléaire, aux côtés naturellement des énergies renouvelables. Ce point d'étape s'inscrit dans le cadre d'une mission d'information au long cours, sur l'énergie et l'hydrogène nucléaires, dont les travaux se poursuivront sur les prochains mois.
I. NOTRE SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT EST EN RISQUE
A. LA SITUATION DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE EST CRITIQUE
Les arrêts de réacteurs nucléaires sont nombreux cet hiver : 12 réacteurs sont arrêtés mi-février 1 ( * ),2 ( * ) , 4 autres le seront fin février 3 ( * ) et 8 autres début mars 4 ( * ) . Le groupe EDF évalue la capacité nucléaire à 45 gigawatts (GW) mi-février, tandis que RTE anticipe un niveau entre 38 et 46 GW en février et entre 35 et 43 GW en mars.
Ces arrêts sont dus à l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'« arrêts de tranche » du groupe , c'est-à-dire des arrêts pour maintenance ou rechargement. Ils s'expliquent aussi par les contrôles rendus nécessaires par la découverte d'un phénomène de « corrosion sous contrainte » , soit de fissures sur l'acier de certaines tuyauteries ; 5 réacteurs 5 ( * ) sont l'objet de contrôles à ce titre et 6 autres 6 ( * ),7 ( * ) le seront sous 3 mois. Cependant, le groupe EDF développe actuellement une méthodologie, qui pourrait permettre de faciliter ces contrôles, afin de limiter leur impact sur la disponibilité du parc nucléaire. Dans ce contexte, le groupe a néanmoins révisé sa prévision de production d'énergie nucléaire, pour la fixer entre 295 et 315 térawattheures (TWh) en 2022 et entre 300 et 330 TWh en 2023.
Si la situation du parc nucléaire n'est donc pas satisfaisante, la diversification du mix électrique n'est pas d'un grand secours cet hiver , RTE considérant la production d'énergie éolienne faible voire nulle, la capacité des batteries limitée et celle des effacements de consommation inconnue.
À l'inverse, les conditions météorologiques sont pour lui favorables .
Le bilan de la politique nucléaire du Gouvernement : une dégradation sans précédent ! |
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Une production historiquement faible en 2022 |
Une baisse de capacités |
Arrêts de réacteurs liés aux
contrôles
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Pertes
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Entre 295
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10 GW liée à la Covid-19 |
1,5 GW liée à l'arrêt de la centrale de Fessenheim |
7 GW liée aux contrôles de la « corrosion sous contrainte » |
5 en février 6 autres d'ici avril |
8 Md€
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B. LES EFFETS ET RISQUES EN RÉSULTANT SONT LOURDS
Cette situation de tension nuit à notre transition énergétique . À court terme, le Gouvernement a, facilité le recours aux centrales thermiques fossiles, dont celles à charbon, par un décret n° 2022-123 du 5 février 2022, au mépris de son engagement de sortie des centrales à charbon d'ici 2022, fixé par l'article 12 de la loi « Énergie-Climat » de 2019. Selon RTE, 390 à 470 heures d'électricité ont déjà été produites par ces centrales début février. À plus long terme, la question de l'atteinte de nos objectifs de décarbonation, qui nécessite une électrification massive, est posée.
Cette situation de tension nuit à notre indépendance énergétique . Selon RTE, la France a importé de manière « quasi-systématique » depuis novembre, avec des pics proches des capacités techniques maximales fin décembre. De 2019 à 2020, la crise de la Covid-19 avait d'ailleurs conduit à une baisse de 7 % des exportations et une hausse de 22 % des importations. De plus, on avait dénombré 43 jours d'importation en 2020, contre 18 en 2019.
Cette situation emporte de lourds risques pour tous les consommateurs d'énergie : ménages, entreprises, collectivités territoriales . Si RTE n'identifie pas de risque de « black-out » , c'est-à-dire de coupure généralisée, il estime que le recours à des mécanismes post-marché (appel aux gestes citoyens, recours aux services d'interruptibilité, baisse de tension sur le réseau de distribution, coupures ciblées, locales, temporaires et maîtrisées) est « probable en cas de vague de froid, de situation de très faible production éolienne ou de forte dégradation supplémentaire de la disponibilité du parc de production et, quasi-certain, si ces facteurs se combinent ».
C. CETTE SITUATION, LOIN D'ÊTRE CONJONCTURELLE, VA PERSISTER À COURT, MOYEN ET LONG TERMES
Cette situation de tension a conduit RTE a placé la France en « vigilance particulière », cet hiver et jusqu'en 2024 . Cela s'explique par une conjonction de facteurs : la rénovation du parc nucléaire, l'attrition des centrales à charbon, les retards dans les projets éoliens et solaires et le chantier de l'EPR de Flamanville 3, mais aussi la réduction globale des capacités de production pilotables à l'échelle européenne. C'est dans le Grand Ouest et aux heures de pointe (8-13 heures et 17 h 30-20 h 30) que cette situation est la plus tendue.
Pour RTE, la France retrouverait des marges de manoeuvre d'ici 2030 , si les objectifs de production et de consommation fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) étaient atteints. Cependant, l'engagement simultané des pays européens dans la réalisation du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui nécessite de doubler la production d'électricité européenne, peut être source de difficultés.
D'ici 2050, l'atteinte de la neutralité carbone pèserait sur le système électrique . Pour RTE, la consommation d'électricité doit augmenter de 60 % dans son scénario de référence et jusqu'à 90 % en cas de réindustrialisation profonde, par rapport à aujourd'hui. De plus, les réacteurs existants, construits dans les années 1970-1980, vont arriver en fin de vie, avec un « effet falaise » à compter de 2040. À cela s'ajoutent d'autres risques pour le parc nucléaire actuel liés, par exemple, à leur résilience climatique ou à la cyber-résilience.
Le déploiement de nouvelles capacités de production électrique est par ailleurs limité par la capacité industrielle des filières nucléaire et renouvelable , les contraintes techniques (existence de stockage) ou sociales (artificialisation des sols) à l'intégration des énergies renouvelables, l'approvisionnement en minerais, composants essentiels des panneaux solaires, des pales d'éoliennes, des batteries électriques ou des électrolyseurs d'hydrogène.
II. UNE SITUATION QUI RÉSULTE D'UN DÉFAUT D'ANTICIPATION
A. LES CAUSES CONJONCTURELLES : LA CRISE DE LA COVID-19
La crise de la Covid-19 a eu un impact sensible sur le secteur de l'énergie . D'une part, elle a conduit à des décalages dans le programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF ; d'autre part, elle a déstabilisé les appels d'offres et les chantiers des énergies renouvelables ; enfin, elle a engendré une « flambée des prix des énergies » en sortie de crise.
Cette flambée des prix nuit elle aussi sur notre sécurité d'approvisionnement . Tout d'abord, les consommateurs d'électricité font face à un prix de marché dépassant 200 € par kilowattheure (KWh), soit une multiplication par 10, contrebalancé par le « bouclier tarifaire » appliqué. Plus encore, le groupe EDF évalue à 8 Md€ le manque à gagner induit par ce « bouclier tarifaire », et notamment le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) 8 ( * ) . Les producteurs d'énergies renouvelables ne tirent plus profit des dispositifs de soutien, mais rétrocèdent, au contraire, des trop-perçus. Interconnectée avec ses voisins, la France, même peu utilisatrice d'électricité fossile, pâtit de sa flambée.
Ces causes conjoncturelles étaient prévisibles, la commission ayant alerté sur l'impact de cette crise sur le programme, les prix et les projets précités , dès ses travaux dédiés, en plein confinement, en juin 2020 !
B. LES CAUSES STRUCTURELLES : UN DÉSINTÉRÊT POUR LE NUCLÉAIRE ET UN MANQUE D'ANTICIPATION DE LA PART DU GOUVERNEMENT
Le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière nucléaire . Avec la fermeture de la centrale de Fessenheim, pourtant pleinement fonctionnelle sur le plan de la sûreté, il a privé la France d'une pleine capacité de 1,8 GW, soit 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques 9 ( * ) , et d'une production de 11 TWH, soit jusqu'à 10 M de tonnes d'économies de CO 2 10 ( * ) . Jusqu'à tout récemment, aucune décision sur les arrêts de réacteurs ou les perspectives d'investissement dans de nouveaux n'avait été prise.
Les conséquences de ce désintérêt sont aujourd'hui dramatiques . RTE évalue les baisses de capacités à 10 GW pour la crise de la Covid-19, 1,5 GW pour la centrale de Fessenheim et 7 GW pour les arrêts réalisés pour contrôle du phénomène de « corrosion sous contrainte ». De son côté, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) relève une « érosion tendancielle » de la production d'énergie nucléaire en 10 ans. Pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notre système électrique est « sans marge ».
Enfin, le Gouvernement n'a pas atteint ses objectifs renouvelables . En 2020, les énergies renouvelables représentent 19,1 % de notre consommation (contre un objectif de 33 % en 2030), dont 24,8 % pour l'électricité (contre 40 %), 23,3 % pour la chaleur (contre 38 %), 9,4 % pour les carburants (contre 15 %) et 0,44 % pour le gaz (contre 10 %).
Ces causes structurelles étaient prévisibles. La commission a alerté sur l'absence d'étude d'impact des arrêts de réacteurs et de centrales à charbon , dès la loi « Énergie-Climat » de 2019. Elle a proposé de mettre fin aux arrêts de réacteurs , dès la loi « Climat-Résilience » de 2021 . Enfin, elle a alerté sur la non-atteinte des objectifs renouvelables , à chaque examen budgétaire !
C. DES TENSIONS PARTAGÉES EN EUROPE, MAIS UNE VULNÉRABILITÉ SPÉCIFIQUE À LA FRANCE
La crise de la Covid-19 a eu un impact mondial , l'Agence internationale de l'énergie (AIE) l'assimilant à un « immense choc ».
Par ailleurs, tous les États européens font face à des difficultés spécifiques , car ils réduisent simultanément leurs capacités fossiles voire nucléaires. Selon France Stratégie, la transition énergétique doit ainsi faire passer les capacités pilotables européennes, à la pointe de consommation hivernale, de + 35 GW à - 10 GW.
Pour autant, l'application des actuelles PPE et SNBC conduit à ce que la France présente une situation déficitaire , tout comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Belgique, mais au contraire de l'Espagne ou de l'Italie.
III. PRÉVENIR TOUT RISQUE DE BLACK-OUT, RÉVISER L'ENSEMBLE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ET S'APPUYER SUR LE NUCLÉAIRE
A. RÉVISER L'ENSEMBLE DU CADRE STRATÉGIQUE
Si le Président de la République, le 10 février, à Belfort, a fait des annonces en direction des énergies nucléaire comme renouvelables, elles interviennent très tardivement , à la toute fin du quinquennat, et ne sont , pour l'heure, aucunement suivies d'effets !
Or, la « renaissance » de la filière nucléaire doit s'appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs . Pour conforter durablement notre sécurité d'approvisionnement, il faut investir massivement dans l'énergie nucléaire. Les dispositions réglementaires de la PPE, prévoyant des arrêts de réacteurs, doivent être abrogées sans tarder. À terme, il faut consacrer, dans le code de l'énergie, le « nouveau nucléaire » : la construction des EPR 2, l'essor des SMR, le projet ITER et l'effort de R&D en direction de la « fermeture du cycle du combustible ». L'objectif annoncé de 25 GW de « nouveau nucléaire » appelle à être renforcé, car il est inférieur de 2 GW au scénario le plus « nucléarisé » de RTE. De plus il est nécessaire de tenir compte de deux alertes : celle d'EDF, qui anticipe une hausse de 2 % par an de la consommation d'électricité d'ici 2050, contre 1 % dans l'hypothèse moyenne de RTE ; celle de l'ASN, qui plaide pour intégrer une « marge de sûreté » à notre système de production, facilitant l'arrêt concomitant de plusieurs réacteurs nucléaires pour motif de sûreté. Enfin, les annonces sont peu disertes sur les prérequis indispensables à toute « renaissance » du nucléaire à savoir la révision de l'Arenh, l'apurement de la dette d'EDF et la consolidation des compétences. Un « plan de financement » est indispensable !
Dans un contexte très dense pour le secteur de l'énergie, la sécurité d'approvisionnement doit être intégrée aux débats préalables aux grands chantiers nationaux (« loi quinquennale » sur l'énergie, PPE, SNBC). De plus, l'énergie nucléaire doit bénéficier du cadre le plus favorable dans les textes européens en cours de négociation ou d'application (taxonomie verte, paquet « Ajustement à l'objectif 55 », réforme du principe du « coût marginal » 11 ( * ) ).
Enfin, parce que la transition énergétique induit une dépendance aux métaux rares, la sécurité d'approvisionnement doit viser l'autonomie stratégique en matière minière . Pour y parvenir, le « bilan carbone », conditionnant l'accès des énergies renouvelables aux dispositifs de soutien publics, doit être complété en ce sens.
B. CONSOLIDER LE SYSTÈME DE SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
Hormis le cadre stratégique, qui doit donc être révisé , il faut consolider notre système de prévention et d'intervention en matière de sécurité d'approvisionnement .
Pour ce faire, une évaluation, précise et complète, de l'impact de la crise de la Covid-19 doit être conduite . Une évaluation technique est nécessaire, pour mesurer son incidence sur le parc nucléaire, mais aussi la transition énergétique. Une évaluation financière est également requise, pour mesurer les effets du « bouclier tarifaire », sur les consommateurs d'énergie comme les fournisseurs et producteurs, à commencer par le groupe EDF.
Plus encore, notre cadre national devrait évoluer . Tout d'abord, les missions de RTE pourraient être complétées (par un rôle plus prescriptif que prospectif) et les moyens de l'ASN pourraient être relevés (à mesure de l'application des annonces précitées). En outre, le bilan électrique de RTE gagnerait à mieux rendre compte des émissions de CO 2 et des importations d'électricité nécessaires pour passer la pointe hivernale. Quant au dispositif d'alerte « ÉcoWatt », il mériterait de voir sa notoriété renforcée, par une campagne nationale, et son champ étendu, sur le principe, aux zones non interconnectées (ZNI).
S'agissant du cadre européen, une meilleure coordination entre les différents acteurs de la sécurité d'approvisionnement (gestionnaires de réseaux, autorités de régulation ou de sûreté) devrait être promue par la présidence française de l'Union européenne (PFUE).
C. MOBILISER LES LEVIERS DE PILOTAGE DE LA PRODUCTION ET DE LA CONSOMMATION
Enfin, au-delà de la production d'électricité, les leviers de pilotage de la production et de la consommation d'énergie doivent être mobilisés .
Des appels d'offres encore attendus doivent être appliqués , pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables (stockage de l'électricité) ou réduire la consommation d'énergie (effacement de consommation).
Dans un même souci de réduction de la consommation d'énergie, les aides à l'efficacité énergétique, des particuliers comme des entreprises, doivent être soutenues , en consolidant en ce sens les missions du service public de la performance de l'habitat (SPPEH) et les « coups de pouce » dédiés des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Enfin , une complémentarité des énergies doit être recherchée à la pointe de consommation hivernale . Dans la mesure où un socle de gaz est utile à cette période, une production de biogaz, renouvelable, stockable et locale, doit d'urgence remplacer les imports fossiles , dont on mesure actuellement le risque de dépendance, dans la grave crise des États européens avec la Russie. De surcroît, c'est sur les énergies renouvelables électriques les moins intermittentes , l'hydroélectricité ou l'éolien en mer, qu'il faut prioritairement miser .
Ces énergies renouvelables , électriques comme gazières, ont toujours largement été promues par la commission , ses derniers travaux législatifs ou rapports d'information en témoignant.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
AXE I - RÉVISER LE CADRE STRATÉGIQUE
Recommandation n° 1 : Faire aboutir la relance annoncée de l'énergie nucléaire, en révisant rapidement la planification énergétique, en investissant massivement dans les réacteurs nucléaires (2 e , 3 e et 4 e générations) et en soutenant le groupe EDF et l'ensemble des acteurs de la filière.
Recommandation n° 2 : À l'échelle nationale, intégrer la sécurité d'approvisionnement aux travaux préalables aux grands chantiers énergétiques : la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Recommandation n° 3 : À l'échelle européenne, garantir à l'énergie nucléaire le cadre le plus favorable possible, dans les textes en cours de discussion ou d'application : la « taxonomie verte », le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et la réforme du principe du « coût marginal ».
Recommandation n° 4 : Étendre la sécurité d'approvisionnement à l'autonomie stratégique dans le domaine minier, en envisageant l'application de ce critère dans le cadre du « bilan carbone » prévu pour les dispositifs de soutien aux projets d'énergies renouvelables.
AXE II - CONSOLIDER LE SYSTÈME
DE
PRÉVENTION ET D'INTERVENTION
Recommandation n° 5 : Évaluer, de manière précise et complète, l'impact de la crise de la Covid-19 et de la « flambée des prix des énergies » sur la sécurité d'approvisionnement, et notamment sur le parc nucléaire actuel, en accordant une attention spécifique au phénomène de « corrosion sous contrainte » ainsi qu'aux autres risques (soutenabilité du financement, résilience climatique, cyber-résilience, disponibilité des métiers et des compétences).
Recommandation n° 6 : Consolider les missions de Réseau de transport d'électricité (RTE), en matière de sécurité d'approvisionnement, et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en matière de sûreté nucléaire.
Recommandation n° 7 : Renforcer la communication entourant la sécurité d'approvisionnement, en valorisant deux indicateurs agrégés, rendant compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des importations d'électricité.
Recommandation n° 8 : Renforcer l'information entourant la sécurité d'approvisionnement, en consolidant la notoriété du dispositif « ÉcoWatt » et en envisageant son extension, sur le principe, aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental.
Recommandation n° 9 : Améliorer la coopération européenne en matière de sécurité d'approvisionnement, en proposant un renforcement des échanges entre les gestionnaires de réseau, les autorités de régulation et celles de sûreté, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE).
AXE III - MOBILISER LES LEVIERS DE PILOTAGE
DE LA
PRODUCTION ET DE LA CONSOMMATION
Recommandation n° 10 : Renforcer l'appel d'offres sur les effacements de consommation et appliquer celui sur le stockage de l'électricité, en veillant à accorder une place spécifique aux stations de transfert d'électricité par pompage (STEP).
Recommandation n° 11 : Conforter les aides à l'efficacité énergétique pour les particuliers comme les entreprises, en confiant au service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) une mission en ce sens et en consolidant le « coup de pouce thermostat » prévu dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Recommandation n° 12 : Favoriser une complémentarité des énergies, à la pointe de consommation hivernale, entre l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables gazières (biogaz) ou électriques les moins intermittentes (hydroélectricité et éolien en mer).
DES FRANÇAIS DANS LE NOIR :
UN RISQUE QUI N'EST PLUS À
EXCLURE ?
I. LA FRANCE CONNAÎT DE GRAVES DIFFICULTÉS SUR LE PLAN DE LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT CET HIVER
La France est confrontée à une situation de tension sur le plan de sa sécurité d'approvisionnement cet hiver, et au-delà.
Pour preuve, Réseau de transport d'électricité (RTE), qui est en charge de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, a placé le pays en situation de « vigilance particulière », pour cet hiver 12 ( * ) et, plus largement, pour les hivers 2021-2024 13 ( * ) .
RTE indique ainsi que, s'agissant de cet hiver, « le système électrique est exploité dans des conditions dégradées par rapport au critère de sécurité d'approvisionnement ».
En premier lieu, concernant la production d'électricité, le pays fait face à de faibles capacités, du parc nucléaire comme de celui renouvelable.
Tout d'abord, la disponibilité du parc nucléaire est faible ; fin janvier, sa capacité a atteint 48 gigawatts (GW), ce qui correspond à « son plus bas niveau historique », avec la mise à l'arrêt de 9 réacteurs .
• Ainsi, 4 réacteurs ont été mis en maintenance , dans le cadre d'une visite décennale (Dampierre, Bugey 5 et Gravelines 1) et d'un rechargement de combustible (Gravelines 6) ;
• De plus, 5 réacteurs ont été l'objet de contrôles liés à un phénomène de « corrosion sous contrainte » (Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1, Chooz 2 et Penly 1). En effet, le 13 février dernier 14 ( * ) , le groupe EDF a annoncé que des défauts ont été détectés à proximité de soudures des tuyauteries du circuit d'injection de sécurité du réacteur de Civaux 1, lors de sa visite décennale, puis sur les autres réacteurs précités, au cours de travaux préventifs, ce qui a conduit à leur arrêt pour y réaliser des contrôles et y instruire et déployer des solutions techniques, sous le contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
• Cependant, si le programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF prévoyait initialement 8 arrêts de réacteurs en février et 9 autres arrêts en mars, 6 de ces arrêts ont été décalés (Cruas 4, Flamanville 2, Cattenom 4, Golfech 1, Gravelines 3 et Flamanville 1).
Au total, selon RTE, entre 9 et 13 réacteurs doivent être à l'arrêt, en février, et entre 12 et 19, en mars . Si le niveau de disponibilité du parc sera proche de celui de l'an passé en février (entre 38 et 46 GW fin février), il sera « à un niveau très en-deçà sur la majeure partie du mois de mars » (entre 35 et 43 GW à la mi-mars).
Le graphique ci-après, repris des travaux de RTE, présente les calendriers prévu et observé des arrêts de réacteurs.
Interrogé par les rapporteurs, le groupe EDF a fait part de ses propres prévisions actualisées :
• la capacité nucléaire s'est établie entre 45 et 50 GW en janvier et sera de 45 GW en février ;
• 12 réacteurs seront arrêtés en février ;
• 4 réacteurs supplémentaires seront arrêtés fin février , dont 1 pour le phénomène de « corrosion sous contrainte » (Chinon B3), tandis que 1 réacteur sera reconnecté (Bugey 5) ;
• 8 réacteurs supplémentaires seront arrêtés début mars , dont 1 réacteur pour ce même phénomène (Cattenom 3), alors que 2 réacteurs seront reconnectés (Gravelines 1 et Gravelines 6).
RTE 15 ( * ) estime que les contrôles liés au phénomène de « corrosion sous contrainte » pourraient affecter, y compris à moyen terme, la sécurité d'approvisionnement : « La stratégie de contrôle de ce type de défaut sur le reste du parc, qui sera mise en oeuvre par EDF sous le contrôle de l'ASN, aura des conséquences en matière de sécurité d'approvisionnement électrique au-delà de cet hiver ».
Il considère a contrario que le décalage du programme d'« arrêts de tranche », contribue, dès à présent, à limiter les effets des contrôles susmentionnés : « Cette action est favorable du point de vue de la sécurité d'approvisionnement et permet de réduire le risque en contrebalançant l'effet de la mise à l'arrêt des réacteurs concernés par l'anomalie de corrosion » .
De son côté, le groupe EDF a précisé, à l'issue de son audition, que le phénomène de « corrosion sous contrainte » n'avait pas, pour l'heure, d'incidence sur l'équilibre offre-demande : « Depuis la fin 2021, nous sommes confrontés à une baisse de la production liée à la “corrosion sous contrainte”. [...] EDF a activé tous les leviers disponibles pour limiter les risques sur l'équilibre offre-demande ».
Le groupe a précisé mobiliser aussi d'autres leviers que ceux nucléaires, pour garantir la sécurité d'approvisionnement : « EDF a également maximisé la puissance thermique à flamme pendant l'hiver, [...] géré les barrages pour garantir au mieux la production hydraulique [et] contractualisé des effacements avec certains clients, pour l'utilisation en situation de très forte tension du système ».
Pour autant, les 7 et 11 février derniers 16 ( * ) , le groupe a réévalué sa production d'énergie nucléaire entre 295 et 315 térawattheures (TWh) pour 2022 (contre 300 à 330 précédemment) et entre 300 et 330 TWh pour 2023 (contre 340 à 370 précédemment) .
Cela s'explique par la conjonction d'un « programme industriel chargé » , avec 44 arrêts de réacteurs pour maintenance et contrôle, et la poursuite du « programme de contrôles et de réparations des tuyauteries concernées par le phénomène de corrosion sous contrainte » .
En complément de son audition, l'ASN a qualifié le phénomène de « corrosion sous contrainte » d' « inattendu » , car il concerne l'acier de circuits « a priori peu sensible à ce phénomène » et de « sérieux en termes de sûreté », car ces circuits sont connectés au circuit primaire du réacteur, « sans possibilité d'isoler la fuite éventuelle » .
S'agissant du nombre de réacteurs faisant l'objet de contrôle, l'ASN a rappelé que 5 sont à l'arrêt et que 6 le seront d'ici avril , précisant qu' « à terme, EDF envisage de contrôler l'ensemble des réacteurs » .
Par ailleurs, elle a précisé que le phénomène de « corrosion sous contrainte » était « potentiellement générique » , c'est-à-dire « susceptible d'affecter plusieurs réacteurs » , ajoutant qu' « à ce stade, on ne peut en exclure aucun » .
En effet, elle a rappelé que la standardisation du parc nucléaire peut constituer un inconvénient sur le plan de la sûreté nucléaire : « La standardisation a beaucoup d'avantages en termes industriels (effet de série), mais elle a un inconvénient, c'est le caractère potentiellement générique de défauts. »
Enfin, l'ASN a indiqué que les contrôles nécessaires à la mesure de la profondeur des fissures ne peuvent pas actuellement être réalisés par « les systèmes de contrôle par ultrasons », ce qui suppose de « découper le tuyau et de réaliser une expertise en laboratoire, puis de remplacer la zone découpée par une pièce neuve » .
Cependant, de nouveaux instruments de contrôle sont « en cours de développement et de qualification » et devraient être « disponibles courant mai » ; ils permettront d'accélérer les contrôles et de limiter leur impact sur la disponibilité du parc nucléaire et la sécurité d'approvisionnement.
Sollicité par les rapporteurs, le groupe EDF a confirmé que 6 autres réacteurs feront l'objet de contrôles dans les 3 mois, lors d'arrêts programmés (Bugey 3, Flamanville 1 et Flamanville 2) ou spécifiques (Chinon 3, Cattenom 3 et Bugey 4).
Il a précisé avoir défini « des calculs permettant de connaître la taille des défauts », « des analyses permettant de comprendre l'origine de l'apparition de la corrosion » et bientôt « des procédés d'examens non destructifs plus rapides à mettre en oeuvre ».
À ce stade, le phénomène de « corrosion sous contrainte » semble limité, avec « des fissures qui varient de 0,75 mm à 5,6 mm au maximum [...] à comparer à l'épaisseur des tuyauteries de près de 30 mm ».
Si la situation du parc nucléaire n'est donc pas satisfaisante, la diversification du mix électrique n'est pas d'un grand secours sur le plan de la sécurité d'approvisionnement, fin janvier :
• tout d'abord, bien que les capacités de photovoltaïque et d'éolien ont atteint respectivement 18,4 GW et 11,9 GW en 2021, RTE 17 ( * ) constate que « la production d'éolienne a été très faible, voire nulle certains jours » ;
• de plus, si la production de stocks hydrauliques, d'environ 2 500 gigawattheures (GWh) en octobre, « contribue fortement à sécuriser l'exploitation du système électrique » , la capacité des batteries , d'environ 100 mégawatts (MW) en octobre, « reste relativement limitée » 18 ( * ) ;
• enfin, si la capacité des effacements de consommation s'élève à 3,4 GW, « toute [...] augmentation de la capacité soutenue ne correspond pas à de nouvelles capacités », cette dernière n'étant d'ailleurs « pas encore précisément connue » .
En second lieu, s'agissant de la consommation d'électricité, le pays est confronté à une demande haussière, mais à des conditions météorologiques favorables.
Tout d'abord, la consommation atteint un « niveau proche de celui d'avant-crise » , avec 468 TWh en 2021 contre 458 TWh en 2020, selon RTE.
On constate une baisse (jusqu'à 2 % ) de la consommation par rapport aux niveaux d'avant-crise, avec une baisse de cette consommation pour l'industrie (jusqu'à 6 % ) et les transports (jusqu'à 10 % ), une stagnation pour le logement et une hausse pour le tertiaire (jusqu'à 2 % ).
En revanche, les aléas météorologiques ne pèsent pas sur la consommation d'électricité , car « les températures observées ne sont pas descendues significativement en dessous des normales saisonnières ».
Or, il faut savoir qu' « en cas de vague de froid » , chaque degré perdu entraîne une hausse de 2,4 GW de la consommation d'électricité.
II. CES DIFFICULTÉS EMPORTENT DE LOURDS RISQUES, UN « BLACK-OUT » GÉNÉRALISÉ N'ÉTANT PAS ENVISAGÉ, MAIS DES COUPURES LOCALES ET CIBLÉES NE POUVANT ÊTRE EXCLUES
Cette situation de tension sur le système électrique emporte de lourds effets et risques, sur plusieurs plans : la transition énergétique, la souveraineté énergétique et l'accès à l'électricité.
Tout d'abord, cette situation de tension nuit à notre transition énergétique , car elle entraîne le recours à des moyens de production d'électricité émissifs, l'électricité nucléaire émettant 6 grammes d'équivalents en dioxyde de carbone par kilowattheure (geqCO 2 /kWh) contre 1058 pour une centrale à charbon, 418 pour une centrale au gaz ou 730 pour une centrale au fioul 19 ( * ) .
En adoptant l'article 12 de la loi « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019 20 ( * ) , le Parlement a acté la fermeture des 4 dernières centrales à charbon d'ici à fin 2022. Une ordonnance du 29 juillet 2020 21 ( * ) a été prise en application de cet article, pour accompagner les salariés dans ces fermetures. Sa ratification est intervenue par l'article 44 de la loi « Climat-Résilience », du 22 août 2021 22 ( * ) : la commission des affaires économiques a d'ailleurs veillé à ce que le « filet social » ainsi prévu pour ces salariés soit à la hauteur de celui de droit commun.
Depuis lors, l'article L. 311-5-3 du code de l'énergie dispose que le Gouvernement fixe un plafond d'émissions de gaz à effet de serre (GES), à compter du 1 er janvier 2022, pour les installations de production d'électricité fossile émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents en dioxyde de carbone par mégawattheure (teqCO 2 /MWh).
Un premier décret n° 2019-1467 du 26 décembre 2019 23 ( * ) a fixé ce plafond 24 ( * ) à 0,7 kilotonne d'équivalents en dioxyde de carbone par mégawattheure (kteqCO 2 /MWh), à compter du 1 er janvier 2022.
La limitation ainsi prévue à 700 heures du fonctionnement des centrales à charbon « devrait conduire à leur fermeture ou leur reconversion vers des solutions moins émettrices de gaz à effet de serre » 25 ( * ) .
En revanche, elle a laissé inchangées les centrales au gaz ou au fioul qui « pourront être maintenues compte tenu de leur nombre d'heures de fonctionnement, qui est d'ores et déjà très faible ».
De plus, les installations fonctionnant aux combustibles renouvelables, au gaz de récupération, à la cogénération et celles de très petites tailles ont été exclues de cette limitation.
Or, un second décret n° 2022-123 du 5 février 2022 26 ( * ) a reporté l'application du plafond de 0,7 kteqCO 2 /MWh au 1 er janvier 2023. À la place, il lui a été préféré un plafond de 1 kteqCO 2 /MWh pour les installations mises en place entre le 1 er janvier et le 28 février 2022, et de 0,6 kteqCO 2 /MWh, pour celles entre le 1 er mars 2022 et le 31 décembre 2022.
L'objectif de cette modification réglementaire, passée inaperçue, est simple : faciliter le recours aux centrales thermiques fossiles, dont celles à charbon, pour passer le tumulte de l'hiver 2021-2022 !
RTE 27 ( * ) précise bien ce revirement dans la politique énergétique du gouvernement : « Ceci vise à faire face aux tensions sur l'équilibre offre-demande notamment en cas de vague de froid tardive cet hiver voire ultérieurement en 2022. Concrètement, leur durée de fonctionnement maximale autorisée est désormais de l'ordre de 1 000 heures sur les deux premiers mois de 2022 et de 600 heures sur le reste de l'année, contre environ 700 heures précédemment sur l'ensemble de l'année » 28 ( * ) .
Preuve concrète de l'utilisation d'énergie carbonée, RTE évalue que 390 à 470 heures ont déjà été produites par ces centrales début février .
L'engagement pris par l'Exécutif d'une sortie des centrales à charbon, dès la fin 2022, n'a donc pas été réalisé !
Or, il s'agissait d'un engagement du Président de la République lui-même qui avait affirmé , lors d'un entretien, le 17 décembre 2017 : « D'ici à la fin du quinquennat, j'aurai fermé toutes les centrales à charbon et les centrales thermiques. Je ne laisserai pas cette tâche à mon successeur » 29 ( * ) .
En outre, cette situation de tensions nuit à notre indépendance énergétique, car elle conduit à l'utilisation d'imports d'électricité !
À court terme, RTE estime que l'hiver 2021-2022 est caractérisé par des niveaux très élevés d'imports d'électricité : « Il en a résulté une situation où la France a importé de manière quasi-systématique, mais sans tension particulière sur l'équilibre offre-demande » 30 ( * ) .
À l'issue de son audition , RTE a d'ailleurs ajouté que « des niveaux très importants d'imports, proches des capacités techniques maximales, ont par exemple été enregistrés les 20, 21 et 22 décembre 2021 ».
À plus long terme, RTE relève que la crise de la Covid-19 a dégradé la situation extérieure de la France : si notre pays a présenté un solde extérieur positif (43,2 TWh) en 2020, ses importations ont augmenté de 22 % (pour s'établir à 34,6 TWh) et ses exportations ont diminué de 7 % (pour s'établir à 77,8 TWh) en un an 31 ( * ) .
Il a précisé que « cette situation particulière s'explique par l'impact de la crise sanitaire sur la capacité de production française (notamment nucléaire) et par la moindre demande d'électricité en Europe. »
De plus, le nombre de journées d'importation s'est élevé à 43, en 2020, contre 18, en 2019, seul l'hiver 2016-2017 ayant été plus défavorable.
RTE a ajouté que ces journées d'importation « sont principalement réparties en été et au mois de septembre lorsque la disponibilité du parc nucléaire est réduite, tandis qu'aucune journée n'est importatrice en janvier, février ou mars, ce qui s'explique notamment par un hiver doux ».
Dernier point, et non des moindres, cette situation de tension emporte de lourds risques pour l'accès à l'électricité , au détriment des consommateurs d'énergie, particuliers comme entreprises.
Si RTE n'identifie pas de situation de « black-out », entendue comme « une perte généralisée de l'alimentation électrique sur le territoire » 32 ( * ) , il estime que des mesures devront être prises en cas de fortes tensions sur la production ou la consommation 33 ( * ) .
C'est pourquoi RTE indique que « le recours à de moyens ”post-marché“ serait probable en cas de vague de froid (de l'ordre de 4 °C en dessous des normales), de situation de très faible production éolienne sur la plaque européenne ou de forte dégradation supplémentaire de la disposition du parc de production et quasi-certain si ces facteurs se combinent (en particulier s'ils sont conjoints avec les pays voisins) ».
Ces moyens post-marché consistent en :
• l'appel aux gestes éco-citoyens ;
• le recours aux services contractualisés d'interruptibilité ;
• la baisse de tension sur les réseaux de distribution ;
• des coupures ciblées, locales, temporaires et maîtrisées de consommateurs non sensibles.
Sur ce dernier point, RTE précise « en dernier ressort, le recours à des coupures ciblées de consommateurs demeure une solution à laquelle [il] devra potentiellement recourir » .
Pour autant, l'usage de mécanismes post-marché doit respecter le critère de défaillance , entendu comme « la durée moyenne de défaillance annuelle [...] pour des raisons de déséquilibres entre l'offre et la demande d'électricité » 34 ( * ) : juridiquement, cette durée a été fixée à 3 heures par an 35 ( * ) .
Dans un contexte croissant de tensions, RTE a institué cette année un nouveau dispositif de prévision et d'information :
• d'une part, trois séquences de communication sur le passage de l'hiver ont été instituées , en novembre, fin décembre-début janvier et fin janvier ;
• d'autre part, un dispositif « ÉcoWatt » a été consolidé 36 ( * ) , pour émettre une alerte sur le niveau de la sécurité d'approvisionnement et inciter les consommateurs à des gestes éco-citoyens , selon 4 niveaux « vert » (consommation raisonnable), « jaune » (consommation élevée), « orange » (système électrique tendu) et « rouge » (système électrique très tendu avec des coupures inévitables).
En complément de son audition, RTE a précisé avoir déjà eu recours à ces dispositifs, en janvier 2021, avec l'activation de l'alerte « rouge » du dispositif « ÉcoWatt » et le recours au mécanisme d'interruptibilité ; l'interruption de la consommation de 16 grands consommateurs d'électricité avait ainsi permis d'économiser 1,3 GW 37 ( * ) .
Sur ce dernier sujet, il faut rappeler que la législation française prévoit plusieurs dispositifs sophistiqués pour contribuer à la sécurité d'approvisionnement : les contrats d'interruptibilité, soit la possibilité de réduire la puissance d'un site en contrepartie d'une indemnité (article L. 321-19 du code de l'énergie) ; les mécanismes de capacité, c'est-à-dire l'obligation pour les fournisseurs d'électricité de disposer de capacités pour alimenter leurs clients en période de pointe (article L. 335-1 du même code) ; les effacements de consommation, soit la gestion active d'une consommation d'électricité (article L. 271-2 du même code) ; le stockage de l'électricité, via les stations de transfert d'électricité par pompage (STEP), les batteries ou l'hydrogène (article L. 352-1-1 du même code).
Par ailleurs, les consommateurs d'énergie bénéficient d'un fournisseur de secours (article L. 333-3 du code de l'énergie), institué par l'article 64 de la loi « Énergie-Climat » 38 ( * ) , du 8 novembre 2019, ou d'un médiateur national de l'énergie (article L. 122-1 du même code), consolidé par l'article 91 de la loi « Climat-Résilience » 39 ( * ) , du 22 août 2021. Le groupe EDF a été désigné fournisseur de secours , deux ans après la loi précitée, par deux arrêtés des 3 40 ( * ) et 5 41 ( * ) novembre 2021.
III. CES DIFFICULTÉS MANIFESTES DOIVENT PERDURER À COURT, MOYEN ET LONG TERMES
Cette situation de tension sur le système électrique doit perdurer sur trois périodes : jusqu'en 2024, d'ici 2030 et à l'horizon 2050.
Tout d'abord, les deux prochains hivers seront très difficiles.
Dans son bilan prévisionnel 2021 42 ( * ) , RTE a rappelé que « depuis 2017, toutes les analyses précédentes publiées par RTE [...] ont montré que la période 2021-2023 serait la plus à risque pour la sécurité d'approvisionnement ».
Cela s'explique par une conjonction de facteurs : la rénovation du parc nucléaire, l'attrition des centrales à charbon, les retards dans les projets éoliens et solaires et le chantier de l'EPR de Flamanville 3, mais aussi la réduction de capacités de production pilotables d'autres pays européens.
À cela s'ajoute « une désoptimisation des programmes d'arrêts pour maintenance des réacteurs nucléaires , entraînant des conséquences durables dans leur programmation au cours des prochains hivers ».
Le Grand Ouest du pays est particulièrement vulnérable 43 ( * ) , tant que l'EPR de Flamanville 3 n'a pas succédé à la centrale à charbon de Cordemais ; selon RTE, il n'y a en revanche pas d'impact territorial lié à l'attrition des centrales à charbon (Saint-Alvode, Gardanne ou Le Havre).
C'est aux heures de pointe, entre 8 et 13 heures et entre 17 h 30 et 20 h 30, que les risques sont les plus élevés 44 ( * ) .
En deuxième lieu, des marges de manoeuvre ne pourront être retrouvées qu'après 2030.
Selon RTE, en cas d'atteinte des objectifs de production et de consommation fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), « il [...] résulte, à l'horizon 2030, une sécurité d'approvisionnement renforcée par rapport à aujourd'hui ».
Sur le plan de la consommation, si la consommation croîtra d'ici 2030, pour s'établir à 480 TWh, l'effort conduit en direction de l'efficacité énergétique, c'est-à-dire l'optimisation et la réglementation de l'éclairage, de la cuisson et du chauffage, ou le pilotage de la demande énergétique, via les effacements de consommation ou le stockage par l'hydrogène ou les batteries, sera de nature à faciliter sa maîtrise.
Sur le plan de la production, si 4 réacteurs nucléaires devaient être fermés d'ici 2030, en application de l'actuelle PPE 45 ( * ) , les énergies renouvelables croîtront d'ici 2030, tant pour le solaire (48 GW) que l'éolien terrestre (38 GW) ou l'éolien en mer (6 GW).
Pour autant, plusieurs vulnérabilités demeurent : la disponibilité du parc nucléaire, des épisodes de grand froid et de faible vent, ainsi que la simultanéité de ces « aléas météorologiques extrêmes ».
Ces vulnérabilités en comprennent aussi une autre, encore trop peu évoquée dans le débat public : l'engagement simultané des pays européens en faveur de l'atteinte, dès 2030, d'ambitieux objectifs de décarbonation.
En effet, le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 » doit permettre à l'Union européenne de réduire de 55 % 46 ( * ) , ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030 , en limitant à 39 % la consommation d'énergie primaire 47 ( * ) ou en relevant à 40 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique 48 ( * ) , bien au-delà des objectifs - de respectivement 40, 32,5 et 32 % -- qui prévalaient en la matière dans le précédent paquet 49 ( * ) .
Enfin, l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 pèse sur le système électrique.
Dans son étude Futurs énergétiques à l'horizon 2050 50 ( * ) , RTE a rappelé les 2 grands défis auxquels notre production d'électricité fait face .
D'une part, si la consommation finale d'énergie doit baisser, de 1 600 TWh à 930 TWh, soit 40 %, cela se traduira par une hausse de la consommation d'électricité, de 400 TWh à 645 TWh, soit 60 %, dans son scénario de référence . Cette évolution pourra être moins importante, dans un scénario de sobriété (+ 40 % pour atteindre 555 TWh), ou plus importante, dans un scénario de réindustrialisation (+ 90 % pour atteindre 752 TWh).
Au cours de son audition devant la commission, le 10 novembre 2021 , le président-directeur général d'EDF, Jean-Bernard Lévy, a indiqué que le scénario maximal de RTE était le plus réaliste : « En France, le rapport de RTE pose un scénario central suivant lequel la hausse moyenne de la consommation d'électricité s'établirait à + 1 % par an dans les trente années à venir. [...] Nous considérons chez EDF qu'il s'agit plutôt d'une trajectoire a minima . Il nous semble plus prudent de prévoir une évolution de + 2 % par an dans notre pays, conformément au scénario maximum de RTE. Pour nous, le scénario maximum de RTE est donc plutôt un scénario central ».
D'autre part, l'arrivée en fin de vie des réacteurs de deuxième génération constitue « un impensé du débat français » : ces réacteurs ayant été installés dans les années 1970 et 1980, et leur durée de vie étant au plus de 60 ans, il sera nécessaire de renouveler cette production, de l'ordre de 400 TWh, à l'horizon 2050-2060. Un « effet falaise », c'est-à-dire une conjonction d'arrêts de réacteurs, est à prévoir, dès la décennie 2040 !
Le graphique ci-après, issu des travaux de RTE, présente l'évolution des capacités actuelles du parc nucléaire, en mettant en exergue cet « effet falaise ».
Ces difficultés sont d'autant plus lourdes que le parc nucléaire doit évoluer dans un monde plus incertain , où de nouveaux risques, liés au à la résilience climatique ou à la cyber-résilience sont à prendre en compte.
Face à cette perspective, RTE a identifié 6 scénarios d'évolution, allant de 100 % d'énergies renouvelables à 50 % d'énergie nucléaire à l'horizon 2050 . Dans ce dernier scénario, le plus « nucléarisé », pour maintenir une production de 325 TWh d'énergie nucléaire, RTE estime nécessaire de prolonger les réacteurs existants au-delà de 60 ans, de construire 14 EPR 2 et 4 GW de SMR et d'engager un effort R&D en direction de la « fermeture du cycle du combustible » 51 ( * ) .
Le graphique ci-dessous, tiré des mêmes travaux, présente les 6 scénarios ainsi identifiés, dont celui avec 50 % d'énergie nucléaire à l'horizon 2050.
Quel que soit le scénario retenu, l'évolution du système électrique est contrainte sur plusieurs plans : la capacité industrielle, la diffusion et l'intégration des énergies et l'approvisionnement en minerais .
Ce sont autant de risques, encore trop peu mentionnés auprès du grand public, pour notre sécurité d'approvisionnement.
Tout d'abord, la capacité de mobilisation de notre industrie est nécessairement limitée .
C'est vrai de l'énergie nucléaire , qui repose sur une industrie lourde, devant respecter des normes élevées sur le plan de la sûreté.
Ainsi, pour RTE 52 ( * ) , la construction de 14 réacteurs EPR 2 en 30 ans , telle que prévue par le scénario le plus « nucléarisé », constitue un « un défi industriel » qui « ne doit [...] pas être sous-estimé » .
Le graphique suivant, réalisé par RTE, compare les trajectoires de construction de nouveaux réacteurs, dont celle de ce scénario le plus « nucléarisé ».
Lors de l'audition précitée, le PDG d'EDF a insisté sur les prérequis nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires : l'obtention des autorisations, la sélection des prestataires, le renforcement des compétences et la mobilisation des financements .
Aussi a-t-il précisé les éléments suivants : « Le calendrier de la construction de nouveaux EPR dépendra d'un certain nombre de facteurs. [...] Le sujet le plus urgent consiste à lancer la phase nous permettant de disposer de toutes les autorisations pour commencer à construire. Il s'agit de permis de construire, comme pour tout bâtiment, mais aussi d'autorisations spécifiques au nucléaire, ce qui est plus lourd. [...] Nous devrons en parallèle préparer les chantiers, sélectionner des prestataires, vérifier et améliorer leurs compétences [...] La question du financement doit être examinée. Comme vous le savez, EDF est extrêmement endettée. Or ces programmes impliquent des dépenses précoces, pendant une dizaine d'années, puis des recettes tardives. [...] La nécessité d'une grande réforme du cadre de travail et de fonctionnement d'EDF reste pleine et entière. »
Si la capacité de notre industrie est donc limitée, s'agissant de l'énergie nucléaire, c'est aussi vrai des énergies renouvelables.
Ainsi, pour RTE, la construction de 210 GW de photovoltaïque, 75 GW d'éolien terrestre et 60 GW d'éolien en mer en 30 ans , telle que prévue par le scénario le plus « renouvelable », présente un « caractère très ambitieux » , du fait du rythme de développement « qui dépass[e] les meilleures performances européennes en la matière, et qui sembl[e] aujourd'hui difficilement atteignabl[e] au vu des rythmes constatés et projetés » 53 ( * ) .
Le graphique ci-après, conçu par RTE, compare les rythmes de développement des énergies renouvelables, dont celui de ce scénario le plus « renouvelable ».
Dans ce contexte, The Shift Project 54 ( * ) , think tank qui oeuvre pour la décarbonation de l'économie, a indiqué que « la production et l'installation de capacités renouvelables (essentiellement le photovoltaïque, l'éolien en mer ou terrestre) sont [...] limitées par une inertie industrielle. »
Une autre difficulté , pour l'évolution de notre système électrique, a trait à la diffusion et l'intégration des énergies renouvelables, qui butent sur des contraintes techniques - l'existence de stockages ou de flexibilités - ou sociales - l'artificialisation des sols et les conflits d'usages liés.
Dans son scénario le plus « renouvelable », RTE constate ainsi la nécessité de déployer 25 000 à 35 000 mâts d'éoliennes et 155 000 à 250 000 hectares de panneaux solaires , les sols artificialisés atteignant 450 à 750 hectares par an.
De son côté, The Shift Project a précisé que « de tels déploiements ont également un impact sur l'espace au sol mobilisé pour installer ces capacités diffuses. Le [photovoltaïque] (PV) pourrait venir occuper chaque année une surface équivalente à 30 % des surfaces nouvellement artificialisées. »
Dernière difficulté, l'approvisionnement en minerais doit également être pris en compte, car la transition énergétique repose sur un complet impensé : sa dépendance aux métaux rares !
En effet, ces derniers (cuivre, aluminium, lithium, cobalt, nickel, terres rares) sont des composants indispensables des panneaux solaires, des pales d'éoliennes, des batteries électriques et des électrolyseurs d'hydrogène.
L'essor des capacités de stockage, dont les batteries électriques, nécessitera de multiplier les ressources minérales, entre 4 , pour la Banque mondiale 55 ( * ) , et 6 , pour l'Agence internationale de l'énergie (AIE) 56 ( * ) .
Sur ce sujet, RTE 57 ( * ) estime que , sous l'effet de la transition énergétique, notre système électrique présentera de forts besoins en cuivre (55 à 70 kilotonnes/an), aluminium (100 à 150 kt/an), acier (1 400 à 1 700 kt/an,), béton (3 600 à 4 600 kt/an) ou terres rares (2 à 17 kt) d'ici 2050. De son côté, l'énergie nucléaire ne nécessitera qu'une consommation d'uranium de 5 kt/an, contre des réserves mondiales de 6 800 kt 58 ( * ) .
Le tableau ci-après, issu des travaux de RTE, présente le classement des minerais ainsi nécessaires à notre système électrique, selon leur degré de « criticité ».
L'analyse proposée par RTE est corroborée par celle de The Shift Projet 59 ( * ) , qui a indiqué que « ces déploiements ont des impacts significatifs sur la consommation de certains matériaux , comme le cuivre ou l'aluminium » tandis que « les quantités de béton et d'acier sont également importantes, mais restent mesurées devant la consommation actuelle du secteur de la construction ».
Cette dépendance minière de la transition énergétique induit plusieurs risques 60 ( * ) pour notre système électrique :
• une tension inflationniste, le prix du cuivre et de l'aluminium étant haussier ;
• des pénuries potentielles, la demande en cuivre devant être multipliée par 2, celle en nickel par 3, celle en lithium et en terres rares par 4, certains composants devenant rares (cuivre, indium ou néodyme) ;
• une dépendance aux pays producteurs , 50 % de la production mondiale de cuivre provenant du Chili et du Pérou 61 ( * ) , 40 % de celle d'aluminium et 60 % de terres rares de Chine et 50 % de celle de cobalt de la République démocratique du Congo (RDC).
Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le 12 octobre 2021, Frédéric Gonand, économiste à l'Université Paris-Dauphine, est revenu sur les risques d'inflation et de dépendance aux importations posés par les métaux rares nécessaires à la transition énergétique : « La transition énergétique nourrit la hausse des prix du cuivre et de l'aluminium [et] des terres rares. Tous ces facteurs sont d'ordre structurel. Je prends l'exemple du cuivre, métal de la transition énergétique par excellence, parce que c'est un excellent conducteur électrique. Il y en a beaucoup dans les véhicules électriques - à peu près 80 kilos par véhicule, contre 20 kilos dans un véhicule thermique. Il y en a également dans les éoliennes. L'aluminium aussi va devenir plus cher. [...] Les véhicules électriques, les panneaux solaires en consomment beaucoup. Qui dit batteries automobiles dit cobalt ! Or [la majorité] du cobalt dans le monde est produit en République démocratique du Congo. [...] Je pense [aussi] au néodyme, que l'on trouve dans les aimants semi-permanents, mais aussi au praséodyme ou à l'yttrium. Ces métaux, largement utilisés dans les moteurs électriques notamment, sont produits en Chine. [Les] besoins de stockage de données numériques [...] sont fortement [consommateurs] de métaux. [...] L'offre, sur ces différents marchés, va-t-elle réussir à suivre ? [...] On peut avoir des inquiétudes concernant l'indium, métal très utilisé dans les écrans tactiles des smartphones et des tablettes. Au-delà de l'indium, le néodyme pourrait faire l'objet de tensions. La France a un intérêt stratégique à investir beaucoup d'argent pour essayer soit de fabriquer des biens qui soient moins dépendants de métaux, soit de fabriquer des métaux sur son propre territoire. »
À l'occasion de son audition par la commission des affaires économiques, le 16 février 2022, Philippe Varin , auteur d'un rapport sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales, a quant à lui insisté sur les besoins en métaux rares induits par le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 », dans un contexte de rivalités stratégiques pour leur accès : « Si l'on veut appliquer les objectifs prévus pour " Fit for 55 ", en 2030, avoir une capacité de batteries de 600 à 800 GW correspond à 38 gigafactories, dont 3 en France, soit 150 Md d'euros sur les chaînes de valeur correspondantes, de la mine à la gigafactorie. Les 200 GW et 3 M de véhicules électriques pour la France nécessitent des matériaux critiques pour les batteries électriques : le nickel, le cobalt, le lithium, le graphite, le manganèse. Pour les moteurs des véhicules et ceux d'éoliennes, on utilise des aimants puissants lorsqu'on y intègre les terres rares : le néodyme, le praséodyme, le dysprosium. Dans un moteur, il y a 2 à 5 kilos d'aimants. Sur les éoliennes offshore les plus puissantes, on a 600 kilos. Dans les smartphones, on a 15 grammes. Le monde d'après sera sans carbone mais très riche en métaux. Les risques de pénuries ne sont pas un concept, mais une réalité. On passe d'un triangle du pétrole et du gaz - avec l'Arabie saoudite, les États-Unis et la Russie -, à une rivalité et un découplage - entre la Chine et les États-Unis. Sur le terrain, on voit déjà une guerre des métaux, comme en Australie ou en Afrique. L'Europe n'est pas présente sérieusement dans cette bagarre et les Chinois ont 20 ans d'avance. »
UN RISQUE QUI EXISTE FAUTE D'ANTICIPATION
I. LES CAUSES CONJONCTURELLES ÉTAIENT PRÉVISIBLES : L'IMPACT DE LA CRISE DE LA COVID-19 ET DE LA FLAMBÉE DES PRIX DES ÉNERGIES
Si les causes de la dégradation de la sécurité d'approvisionnement ne pouvaient pas toutes être anticipées, à l'instar du phénomène de « corrosion sous contrainte » auquel le groupe EDF est en train de répondre, le Gouvernement est en revanche entièrement comptable de sa politique énergétique , d'autant qu'il n'a jamais fait suite aux alertes réitérées de la commission des affaires économiques sur ce sujet.
Car les causes conjoncturelles de la dégradation de notre sécurité d'approvisionnement ont toujours été connues : il s'agit, en l'espèce, de l'impact de la crise de la Covid-19 sur la disponibilité du parc nucléaire, les projets renouvelables et les prix des énergies.
Premièrement , si le groupe EDF a parfaitement assuré la continuité de ses missions lors de la crise de la Covid-19, les absences de personnels et les reports de chantiers induits par le confinement ont déstabilisé l'application de son programme d'« arrêts de tranche » .
Dans son plan de relance « Énergie » 62 ( * ) , dès juin 2020, la commission des affaires économiques s'était inquiétée des répercussions à long terme de cette déstabilisation . Elle avait ainsi estimé que « le marché de l'électricité est entré en crise » et que « des reports de grands investissements sont attendus » , rappelant que « le groupe EDF a annoncé une nécessaire remise à plat de son programme d'“arrêts de tranche” [...] ainsi que des retards dans les projets de construction, dont les chantiers des réacteurs pressurisés européens (EPR) de Flamanville 3 et d'Hinkley Point C » .
Interrogée par la commission des affaires économiques, le 6 avril 2020, l'ancienne ministre chargée de l'énergie, avait salué les « mesures nécessaires pour maintenir la capacité d'exploitation des centrales et le niveau de disponibilités de son parc » , tout en admettant le besoin « de minimiser les perturbations sur le programme industriel des arrêts pour rechargement ou maintenance des centrales » , et en précisant que « pour ce qui concerne la centrale de Fessenheim, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur les dates fixées » .
Depuis lors, et sans surprise, les effets de la crise de la Covid-19 sur la disponibilité du parc nucléaire et notre sécurité d'approvisionnement se font sentir .
Le groupe EDF a ainsi indiqué aux rapporteurs que « la crise COVID a provoqué une désoptimisation de [son] organisation et de [son] programme d'arrêt de réacteurs pour maintenance et rechargement du combustible ».
Le graphique suivant, transmis par le groupe EDF, illustre l'impact de cette crise sur ce programme.
De son côté, RTE 63 ( * ) a indiqué que la crise de la Covid-19 réduit la disponibilité du parc nucléaire l'hiver jusqu'en 2024 : « la crise sanitaire de la COVID-19 a [conduit à] une désoptimisation des programmes d'arrêts pour maintenance des réacteurs nucléaires, entraînant des conséquences durables dans leur programmation au cours des prochains hivers. La disponibilité du parc nucléaire a donc été revue à la baisse pour les trois prochains hivers ».
Enfin, l'ASN a fait observer aux rapporteurs que notre système électrique est « sans marge » au sortir de la crise de la Covid-19 : « La crise sanitaire de 2020 a conduit EDF à devoir substantiellement modifier le placement des arrêts de ses réacteurs, avec plus d'arrêts planifiés cet hiver. Ils s'ajoutent aux arrêts pour gros travaux de modernisation et d'amélioration de la sûreté et aux contrôles rendus nécessaires pour la détection de corrosion sous contrainte sur certains circuits. C'est la conjonction de ces éléments qui conduit aux tensions que nous connaissons actuellement sur le système de production électrique. Ces tensions sont en réalité les conséquences d'un système de production sans marges. L'ASN avait depuis de nombreuses années alerté sur la nécessité de disposer de marges pour pouvoir faire face à l'arrêt concomitant de plusieurs réacteurs pour des motifs de sûreté ».
Deuxièmement, la crise de la Covid-19 a également retardé les projets d'énergies renouvelables.
Dans son plan de relance précité, la commission des affaires économiques avait relevé un double impact de cette crise sur ces projets : « Le contexte de crise engendre une désorganisation administrative préjudiciable aux projets EnR. [...] En amont, les appels d'offres ou à projets s'en trouvent déstabilisés. En aval, la mise en oeuvre des projets d'EnR est également perturbée. La crise a entraîné des retards dans l'instruction des projets, la consultation du public, la conduite des chantiers ; certaines autorisations arrivent à échéance. »
Sollicitée sur ce point, l'ancienne ministre chargée de l'énergie avait reconnu que « s'agissant des énergies renouvelables, la difficulté la plus immédiate est liée à l'arrêt des chantiers » , envisageant de « prolonger la validité des autorisations » , « d'ajuster les appels d'offres » et d' « accorder des délais ».
Ces mesures n'ont manifestement pas permis d'endiguer le ralentissement des projets d'énergies renouvelables, dont les capacités manquantes pèsent aujourd'hui sur notre sécurité d'approvisionnement .
Aussi RTE 64 ( * ) a-t-il indiqué que « la réduction de l'activité économique a ralenti le déploiement des nouvelles installations éoliennes et solaires et rendu plus difficile encore l'atteinte des objectifs fixés pour 2023 : ceux-ci ne seront très probablement pas atteints pour le solaire, et dans une moindre mesure pour l'éolien terrestre ».
Troisièmement, la crise de la Covid-19 a engendré une crise inédite des prix des énergies.
Dans son plan de relance susmentionné, la commission des affaires économiques avait anticipé une « flambée des prix des énergies » , prédisant « un effet inflationniste en sortie de crise, les prix étant susceptibles de “ flamber " si l'offre d'énergie déstabilisée ne parvenait pas à accompagner la demande ».
En réponse, l'ancienne ministre chargée de l'énergie avait indiqué que « les factures [n'allaient] pas augmenter significativement ».
Confirmant les inquiétudes exprimées par le Sénat, contre les propos rassurants du Gouvernement, la « flambée des prix des énergies » est une réalité aujourd'hui , au point de peser sur la sécurité d'approvisionnement .
Entre le printemps 2020 et la mi-février, le prix de marché de l'électricité, échangé sur le marché SPOT est passé de moins de 20 à plus de 200 € par mégawattheure (MWH), soit une multiplication par 10 .
Cette flambée à des effets inédits sur le secteur de l'électricité .
Tout d'abord, elle pénalise les consommateurs : ménages, entreprises et collectivités territoriales .
Dès ses travaux budgétaires « Énergie » 65 ( * ) , en novembre dernier, la commission a rappelé que 80 % des ménages souffrent de cette flambée, 60 % d'entre eux réduisent leur chauffage, 25 % diffèrent leurs paiements et 20 % souffrent du froid 66 ( * ) . De plus, elle a indiqué que les industriels sont confrontés à une augmentation de 35 % de leurs coûts 67 ( * ) . Enfin, elle a relevé que les collectivités territoriales pâtissent de leurs contrats de fourniture, individuels ou groupés.
Certes, le Gouvernement, avec son « bouclier tarifaire », a prévu une limitation à 4 % de la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) 68 ( * ) . Pour ce faire, il a d'abord fixé la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à son niveau minimal, du 1 er février 2022 au 31 janvier 2023. Ensuite, il a modifié l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), dispositif de régulation contraignant le groupe EDF à vendre, jusqu'à 150 TWh, sa production d'électricité nucléaire, à un prix réglementé, aux fournisseurs alternatifs : le plafond de l'Arenh a été relevé de 100 à 120 TWh et son prix de 42 à 46,2 € par MWh, du 1 er janvier au 31 décembre 2022.
L'impact de ces mesures sur les consommateurs d'énergie n'est pas connu. D'une part, les tarifs réglementés de vente 69 ( * ) ne concernent pas tous les consommateurs d'énergie 70 ( * ) . D'autre part, l'impact de l'Arenh sur les consommateurs d'énergie est direct pour ceux électro-intensifs - puisqu'ils sont réunis au sein d'un consortium dont les acquisitions d'électricité sont décomptées du droit à l'Arenh - mais indirect pour les autres - puisqu'ils supposent que les fournisseurs alternatifs les répercutent sur les offres de fourniture. Enfin, le « bouclier tarifaire » expire d'ici 2023 et fera l'objet d'un rattrapage sur les consommateurs d'énergie 71 ( * ) .
Plus encore, la « flambée des prix des énergies » déstabilise les fournisseurs .
Le groupe EDF a ainsi estimé l'incidence cumulée des modifications liées à l'Arenh et aux TRVE entre 7,7 et 8,4 Md d'euros 72 ( * ) .
En effet, lorsque les prix de marché sont supérieurs au prix de l'Arenh, les fournisseurs alternatifs réalisent des gains et EDF des pertes, et inversement. Or, le prix de l'Arenh est actuellement fixé à 46,2 € par MWh contre des prix de marché atteignant plus de 200 euros, soit 5 fois plus.
Le manque à gagner indiqué par le groupe EDF est important, par rapport à son chiffre d'affaires, de 85 Md€ en 2021. Il l'est aussi compte tenu de sa dette, de 43 Md€ en 2021. Il l'est enfin au regard des investissements à réaliser : ainsi, le groupe évalue le coût du grand Carénage à 45 Md€ sur 10 ans, de la construction de 6 EPR à 46 Md€ au total et de la transition énergétique à 10 Md€ par an 73 ( * ) . Ce coût pourrait d'ailleurs augmenter, car le grand Carénage doit être actualisé, ainsi que l'a annoncé le groupe EDF, le 18 février dernier, notamment pour tenir compte du phénomène de « corrosion sous contrainte » 74 ( * ) .
Dans ce contexte, une agence de notation a dégradé le classement du groupe EDF : ainsi, la note de ce groupe est désormais de « BBB - sous surveillance avec implication négative » pour Fitch, tandis qu'elle demeure, à ce stade, à « BBB + sous surveillance en vue d'un abaissement » pour Standard & Poor's et à « A3 sous surveillance en vue d'un abaissement » pour Moody's.
Cela a conduit le Gouvernement à annoncer, le 18 février dernier, une recapitalisation du groupe EDF, à hauteur de 2 Md€ 75 ( * ) .
Si les fournisseurs alternatifs, réunis au sein de l'Association française de producteurs indépendants d'électricité et de gaz (AFIEG) et de l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), bénéficient du relèvement du plafond de l'Arenh, ils sont cependant affectés par le gel tarifaire 76 ( * ) .
Enfin, la « flambée des prix des énergies » affecte la transition énergétique .
D'une part, la baisse de pouvoir d'achat rencontrée par les particuliers et la hausse des coûts des entreprises ou des collectivités territoriales risquent d'évincer l'investissement de long terme, en faveur de l'efficacité énergétique, au profit d'une urgence de court terme, liée à la précarité énergétique, à la rentabilité économique ou à la soutenabilité financière.
D'autre part, si la hausse des prix des énergies améliore la rentabilité des projets d'énergies renouvelables, par rapport aux énergies nucléaires ou fossiles, moins chères, elle amenuise l'attractivité des dispositifs de soutien.
Pour mémoire, les producteurs d'électricité renouvelable 77 ( * ) peuvent bénéficier d'une obligation d'achat ou d'un complément de rémunération, qui compensent l'écart entre les surcoûts rencontrés et un prix de marché (article L. 314-1 et L. 314-18 du code de l'énergie).
Or, lorsque le prix est supérieur au surcoût, les producteurs ne bénéficient plus de dispositifs de soutien, mais doivent, au contraire, rétrocéder les trop-perçus.
C'est pourquoi la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans une délibération de juillet dernier 78 ( * ) , actualisée en octobre dernier, a estimé que les charges de service public de l'énergie (CSPE), qui sous-tendent les dispositifs de soutien précités, passeront de 5,6 à 5,1 Md€, en baisse de 9,34 %.
Comme les CSPE ont été évaluées sur la base d'un prix de marché allant de 42 à 56 € par MWh, par le Comité de gestion des CSPE (CGCSPE), leur coût final, de 122,3 à 173,2 Md€ d'ici 2028, pourrait être réduit 79 ( * ) .
S'agissant des projets d'énergies renouvelables, il importera donc d'apprécier qui , de la hausse des prix de marché ou de la baisse des dispositifs de soutien, aura la plus forte incidence sur leur développement.
Au total, pour RTE 80 ( * ) , la « flambée des prix des énergies » ajoute une difficulté supplémentaire à un contexte déjà complexe sur le plan de la sécurité d'approvisionnement ; aussi a-t-il indiqué que « la situation défavorable de l'offre de production en France se conjugue toujours avec une crise énergétique européenne depuis l'automne 2021, marquée par un prix très élevé du gaz fossile et des prix très hauts sur les marchés de gros de l'électricité sur les marchés européens d'échange. Cette situation devrait donc se poursuivre a minima jusqu'à la fin de l'hiver voire au-delà. »
C'est notamment en raison des interconnexions entre les pays européens que la France peut voir sa sécurité d'approvisionnement être dégradée par la « flambée des prix des énergies », comme RTE l'a précisé à l'issue de son audition : « La crise énergétique européenne s'est accentuée à la fin de l'automne 2021, avec une poursuite de l'envolée des prix du gaz, qui a entraîné ceux de l'électricité (pour ce qui est des prix observés sur les marchés européens d'échange d'électricité). Même si le système électrique français dépend peu des énergies fossiles, il est fortement interconnecté avec ses voisins et donc concerné par cette envolée des prix, alors que la France est habituée à des prix de l'électricité beaucoup plus bas ».
Alors que la Russie vient d'engager une guerre contre l'Ukraine, le 24 février dernier, il conviendra de mesurer les répercussions de ce conflit potentiellement durable sur le prix des énergies, et singulièrement du gaz : à la date précitée, ce prix a atteint 4,19 € le million de British thermal unit (MMBtu), soit une multiplication par 5 par rapport au printemps 2020.
Pour la commission des affaires économiques, la « flambée des prix des énergies », née de la crise de la Covid-19 , pourrait dramatiquement s'aggraver, en cas de guerre persistante entre la Russie et l'Ukraine.
C'est pourquoi elle appelle le Gouvernement à être très attentif à l'évolution du prix du gaz, et des autres énergies, dans les mois et les années à venir.
II. LES CAUSES STRUCTURELLES ÉTAIENT PRÉVISIBLES : LE MANQUE D'INVESTISSEMENT DANS LA FILIÈRE NUCLÉAIRE, MAIS AUSSI LE RETARD DES PROJETS D'ÉNERGIES RENOUVELABLES ET DES ACTIONS D'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
Tout comme les causes conjoncturelles, les causes structurelles de la dégradation de notre sécurité d'approvisionnement ont toujours été connues : elles ont trait au manque d'évaluation de la stratégie énergétique du Gouvernement, à l'insuffisance des investissements dans la filière nucléaire et aux retards dans les projets d'énergies renouvelables et les actions d'efficacité énergétique .
En premier lieu, le Gouvernement n'a pas suffisamment évalué les conséquences de sa stratégie énergétique.
Dès l'adoption de la loi « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019, le rapporteur pour le Sénat, Daniel Gremillet 81 ( * ) , avait déploré le manque « d'étude d'impact » s'agissant de la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035 (dont les 2 réacteurs de la centrale de Fessenheim dès 2020), ainsi que des 4 dernières centrales à charbon d'ici 2022.
Sur le premier point, il avait regretté que « l'étude d'impact ne comporte aucun élément substantiel sur les effets économiques et sociaux induits par l'arrêt envisagé de 14 réacteurs d'ici 2035 ». En outre, il avait indiqué qu'un abaissement précipité de cette source d'énergie « n'était pas compatible avec nos engagements climatiques » et « aurait renchéri les coûts de la fourniture d'électricité, dégradé la balance commerciale et nui à la sécurité d'approvisionnement ».
Sur le second point, il avait indiqué qu'il appartiendrait à l'État « d'assumer les conséquences de la décision de fermer les dernières centrales au charbon » et « de s'assurer que l'arrêt des centrales à charbon ne comprom[ettrait] pas la sécurité d'approvisionnement ».
En second lieu, le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière du nucléaire, faisant ainsi preuve d'un manque flagrant d'anticipation.
Certes, dans son discours de Belfort , du 10 février dernier, le Président de la République a annoncé :
• prolonger tous les réacteurs existants , en envisageant leur maintien au-delà de 50 ans ;
• lancer un programme de nouveaux réacteurs , en construisant 6 EPR 2, avec un début de chantier en 2028 et une mise en service en 2035, et en en étudiant 8 supplémentaires ;
• porter la puissance de la capacité d'énergie nucléaire nouvelle à 25 GW d'ici 2050 ;
• investir 1 Md€ dans les SMR, conformément aux annonces faites à l'automne dans le cadre du plan d'investissement.
Ces annonces sont en totale contradiction avec la faiblesse de la politique nucléaire conduite sous le quinquennat !
Tout d'abord, le 27 novembre 2018, le Président de la République s'était bel et bien engagé dans une politique de fermeture des réacteurs existants, en ces termes : « 14 réacteurs de 900 MW seront arrêtés d'ici 2035. [...] J'aurais souhaité le faire dès 2025 comme le prévoyait la loi de transition énergétique. [...] Mais après expertise pragmatique, nous avons conclu que c'était inatteignable, et avons décidé de maintenir le cap, en repoussant l'échéance à 2035 » 82 ( * ) .
La fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, en mars et juin 2020, illustre les errements de cette politique : avec cet arrêt, la France s'est délibérément privée d'une puissance installée de 1,8 gigawatt, l'équivalent de 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques 83 ( * ) .
Or, cette centrale était fonctionnelle sur le plan de la sûreté .
Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le 7 avril 2021, le président de l'ASN a ainsi rappelé les performances sur ce plan de cette centrale : « L'ASN a toujours souligné que les performances de Fessenheim étaient parmi les meilleures sur l'ensemble des sites » .
Il a ajouté que l'arrêt de ces réacteurs nucléaires est source de tensions s'agissant de la sécurité d'approvisionnement : « Concernant l'arrêt de la centrale de Fessenheim et celui des centrales électriques au charbon, ce type d'arrêts crée de la tension sur la production d'électricité pour les deux à trois ans qui viennent, de même que le retard du chantier de l'EPR. »
Interrogé par les rapporteurs, le groupe EDF a relevé les conséquences négatives de cet arrêt sur la sécurité d'approvisionnement, dans un contexte de réduction globale des moyens de production pilotables : « La fermeture de nombreux moyens de production pilotables en Europe a considérablement réduit les marges en matière de sécurité d'approvisionnement. La fermeture de la centrale de Fessenheim a conduit à une perte de productible nucléaire d'environ 11 TWh/an. [...] Par ailleurs, la part des moyens pilotables dans le parc de production en France a été fortement réduite par la fermeture de moyens de production utilisant des combustibles, dont 10 000 MW ont été retirés du service depuis 10 ans. »
De plus, le groupe EDF a ajouté qu'un tel arrêt est source d'émissions de GES : « La réduction de la production nucléaire a conduit à une augmentation des émissions de CO 2 au niveau européen. La production nucléaire a été et sera remplacée par de la production thermique à flamme. [...] On peut estimer qu'une perte de production de 10 TWh/an, si elle est substituée par des centrales thermiques de type cycle combiné à gaz ou centrale à charbon, correspond à un effet de l'ordre de 4 à 9 M de tonnes CO 2 supplémentaires émises en Europe ».
Preuve des insuffisances de la politique nucléaire du Gouvernement, la ministre chargée de l'énergie s'est sans cesse exprimée en faveur de la réduction de cette source d'énergie, devant la commission des affaires économiques .
Le 10 novembre 2020, elle avait indiqué que la réduction de cette production était synonyme de sécurité d'approvisionnement : « 75 % de notre électricité est produite à partir du nucléaire : quand il y a un raté sur le nucléaire, on en subit les conséquences. C'est la raison pour laquelle il faut diversifier notre mix électrique, afin d'être moins à la merci de ce genre d'aléas en pouvant faire appel à d'autres types de production d'énergie. »
Le 23 novembre 2021, elle avait justifié la fermeture de la centrale de Fessenheim en raison de son âge : « Fessenheim était la plus vieille centrale de France - elle n'aurait pas pu fonctionner très longtemps - et je vous rappelle qu'un EPR devait la remplacer. Quand nous avons su que ce ne serait pas le cas, il était trop tard. »
De plus, elle avait soutenu la réduction à 50 % de la production d'énergie nucléaire d'ici 2035, et des arrêts de réacteurs liés : « Nous souhaitons maintenir l'objectif de 50 % de nucléaire en 2035 pour des raisons assez simples. D'abord, nous avons un besoin d'investir dans les énergies renouvelables, faute de quoi nous aurons très rapidement des problèmes. Ensuite, nos réacteurs, qui ont tous été construits dans un laps de temps très court, sont vieillissants et devront être arrêtés quasiment en même temps ; nous devons donc les remplacer. »
Enfin, sur le plan de la recherche et de l'innovation, elle avait soutenu l'arrêt en 2019 du projet de démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR) Astrid, imputable selon elle au contexte et à son coût : « Ce projet avait été lancé en 2010 ; depuis lors, plusieurs éléments sont intervenus. Dans le cadre de la PPE, le Gouvernement, en lien avec la filière nucléaire, a acté que le besoin d'un démonstrateur industriel de ce type s'était éloigné de plusieurs décennies [...] parce que les ressources en uranium naturel sont aujourd'hui abondantes et disponibles à un prix qui devrait être stable jusqu'à la seconde partie du XXIe siècle, et parce que la recherche conduite depuis plus de vingt ans sur les déchets radioactifs montre que les réacteurs de 4 e génération ne conduisent pas à supprimer le besoin d'une solution de stockage de ces déchets. En clair, on ne ferme pas le cycle du combustible avec Astrid ! C'est pour ces raisons, mais aussi pour son coût de plusieurs milliards d'euros, que le démonstrateur Astrid a été suspendu en 2019 ».
Conséquence des insuffisances de la politique nucléaire du Gouvernement, la place de cette source d'énergie a reculé, tant sur le plan de la capacité que sur celle de la production .
S'agissant les capacités installées, entre 2019 et 2020, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME-ATE) 84 ( * ) a relevé , entre 2019 et 2020, une baisse de 2 GW de la capacité nucléaire , liée à la fermeture de la centrale de Fessenheim, contre une hausse de 3,5 GW pour le gaz 85 ( * ) !
De son côté, à la demande des rapporteurs, RTE a évalué les capacités nucléaires manquantes à :
• 10 GW pour la désoptimisation du programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF, lié à la crise de la Covid-19 ;
• 1,5 GW pour la fermeture de la centrale de Fessenheim ;
• 7 GW , pour les arrêts de réacteurs réalisés pour contrôle du phénomène de « corrosion sous contrainte ».
Concernant la production effective, l'ADEME-ATE 86 ( * ) a relevé , depuis 10 ans, une « érosion tendancielle de la production électrique d'origine nucléaire ».
En effet, la production d'électricité a été tirée par les énergies fossiles de 1960 à 1980 (+ 100 TWh pour le thermique contre 40 pour le nucléaire et 25 pour l'hydroélectricité), l'énergie nucléaire de 1980 à 2000 (+ 350 TWh pour le nucléaire et - 70 TWh pour le thermique) puis les énergies renouvelables de 2000 à 2020 (+ 40 TWh pour l'éolien et le solaire).
En dernier lieu, le Gouvernement n'a pas suffisamment soutenu les projets d'énergies renouvelables et les actions d'efficacité énergétique.
Lors de son discours de Belfort , le 10 février dernier, le Président de la République a fait les annonces suivantes :
• porter la puissance de la capacité de l'énergie solaire à 100 GW, celle de l'éolien en mer à 40 GW et celle de l'éolien terrestre à 37 GW d'ici 2050 ;
• investir 1 Md€ dans les énergies renouvelables, toujours dans la droite ligne des annonces faites à l'automne dans le cadre du plan d'investissement.
Ces annonces sont en complet décalage avec la faiblesse de la politique d'énergies renouvelables conduite sous le quinquennat .
Selon l'Agence européenne de l'environnement (AEE) 87 ( * ) , la France n'atteint pas ses objectifs d'énergies renouvelables pour 2020, avec 19,1 % dans la consommation finale brute d'énergie, contre une moyenne de 22,1 % pour l'Union européenne !
Ces difficultés sont imputables à plusieurs causes :
• les objectifs réglementaires fixés par le Gouvernement dans la PPE 88 ( * ) ont été plus restrictifs que ceux prévus par le législateur dans la loi « Énergie-Climat » , dans plusieurs domaines (l'éolien en mer, l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone ou le biogaz) 89 ( * ) ;
• la crise de la Covid-19 a entraîné des retards sur les projets d'énergies renouvelables, mais aussi sur les chantiers de rénovation énergétique , identifiés par la commission, dès juin 2020 90 ( * ) ;
• des freins administratifs et réglementaires demeurent , en termes d'accès au foncier (pour le solaire), d'acceptabilité sociale (pour l'éolien terrestre) ou d'application des dispositifs de soutien (pour l'hydroélectricité, l'éolien en mer, le biogaz ou les biocarburants), relevés par la commission, dès mai 2021 91 ( * ) ;
• enfin, les bio-énergies, telles que les biocarburants ou le biogaz , pour lesquelles la commission est très impliquée 92 ( * ) , 93 ( * ) ne sont pas assez valorisées , alors qu'elles constituent un complément utile à l'électrification, pour décarboner les secteurs du logement ou des transports.
Le tableau ci-dessous, élaboré par la commission des affaires économiques 94 ( * ) , illustre les écarts entre les objectifs de transition énergétique fixés et ceux réalisés.
Objectifs |
Résultats |
|
Énergies renouvelables |
Au moins 33 %
de la consommation en 2030,
dont
40 %
pour l'électricité,
(Loi « Énergie-Climat ») |
19,1 %
de la consommation,
|
Biométhane injecté |
6 TWh en 2023 (PPE) |
2,2 TWh en 2020 |
Effacements |
Au moins 6,5 GW en 2028 (Loi « Énergie-Climat ») |
3,6 GW en 2019 |
Éolien en mer |
1 GW par an de capacités d'ici 2024 (Loi « Énergie-Climat ») |
0,6 GW
à Dunkerque en
2019,
|
Réseaux de chaleur et de froid |
Multiplication par 5 de la quantité livrée (Loi « Transition énergétique ») |
Multiplication par 2 de 2017 à 2019 |
Hydrogène renouvelable et bas-carbone |
20 à 40 %
de la consommation
totale
(Loi « Énergie-Climat ») |
Aucun résultat chiffré à ce stade |
Rénovation énergétique |
500 000 logements par an (Loi « Transition énergétique ») |
53 500 primes Ma Prime Rénov' attribuées en 2020 et 294 555 en 2021 |
Si la politique énergétique du Gouvernement n'a donc jamais été satisfaisante, qu'il s'agisse de l'énergie nucléaire ou des énergies renouvelables, la commission des affaires économiques s'est résolument évertuée à renforcer notre sécurité d'approvisionnement, en l'absence et, bien souvent, malgré l'opposition du Gouvernement .
Pour ce faire, elle a veillé à soutenir l'énergie nucléaire, pilier de notre sécurité d'approvisionnement, l'énergie hydraulique , première source d'électricité renouvelable, mais aussi les capacités de stockage ou de flexibilité (hydrogène renouvelable ou bas-carbone, stations de transfert d'électricité par pompage - STEP -, batteries électriques).
Dans la loi « Énergie-Climat » du 8 novembre 2019 95 ( * ) , la commission des affaires économiques n'a accepté la part de 50 % d'énergie nucléaire que parce qu'elle permettait de reporter de 10 ans, de 2025 à 2035, les fermetures de réacteurs . De plus, elle a introduit un objectif de 6,5 gigawatts d'effacement de consommation d'ici 2028 (11° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie). Elle a aussi consolidé un objectif de 20 à 40 % d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone dans la consommation industrielle et totale d'hydrogène à l'horizon 2030, en veillant à développer « ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité » d'ici 2028 (10° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie) .
Dans la loi « Climat-Résilience » du 21 août 2021 96 ( * ) , elle a conditionné toute fermeture de réacteur nucléaire à une étude d'impact sur la sécurité d'approvisionnement, mais aussi les émissions de GES et la sûreté nucléaire (I bis de l'article L. 100-4 du code de l'énergie).
Lors de l'examen de cet article, en séance publique, le 18 juin 2021, la ministre de l'énergie s'était vivement opposée à cette disposition, allant jusqu'à la qualifier de « ni fait, ni à faire » : « J'aimerais tellement que ce soit si simple. On ferme une centrale et hop, on met à la place des énergies renouvelables [...] La politique énergétique est beaucoup plus complexe que ça. [...] Ce qui marche par contre et c'est déjà prévu dans la loi, c'est que la politique énergétique doit assurer l'approvisionnement de notre pays [...] Des articles comme ça, ça ne résout rien du tout. [...] Rien n'est dit dans l'article sur la manière de revoir notre efficacité énergétique, la sobriété, nos modes de production. [...] Il y a un certain nombre de réacteurs qui vont s'arrêter et c'est normal. C'est le cycle de vie des centrales nucléaires, comme il y a un cycle de vie des éoliennes, comme pour tout. [...] Ce genre d'article n'est, ni fait, ni à faire ».
Dans cette même loi, la commission des affaires économiques a également introduit un « paquet législatif hydrogène » . Tout d'abord, elle a inscrit l'hydrogène dans la future « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023. En complément, elle a facilité l'octroi de garanties d'origine, c'est-à-dire d'aides extrabudgétaires, aux groupements de communes. Enfin, elle a permis l'utilisation sans mise en concurrence du domaine public de l'État.
Elle a intégré à cette même loi la proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique , adoptée par le Sénat le 13 avril 2021, à l'initiative du président Bruno Retailleau, de la présidente Sophie Primas et du rapporteur Daniel Gremillet. Sur le plan du stockage hydraulique, la commission a ainsi proposé un objectif lié au « stockage de l'électricité » (4° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie) et intégré les STEP à la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023 et à la PPE.
La commission des affaires économiques a veillé à la prise en compte de l'électromobilité , dans les plans d'actions des entreprises, et la trajectoire de substitution prévue pour les transporteurs routiers, mais aussi le « bac à sable réglementaire » de la CRE, c'est-à-dire les facilités réglementaires pouvant être accordées aux porteurs de projets innovants.
Elle a consolidé les appels d'offres en matière de stockage , en intégrant à leur champ l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone, les batteries électriques ou les STEP.
De manière connexe, la commission des affaires économiques a souhaité répondre à la dépendance minière induite par la transition énergétique .
Elle a ainsi consacré un objectif d'autonomie stratégique, en ces termes : « Cette gestion et cette valorisation ont pour objectifs de développer l'activité extractive sur le territoire national en veillant à un haut niveau d'exigences environnementales et sociales, de relocaliser les chaînes de valeur, de sécuriser les circuits d'approvisionnement, de garantir la connaissance, la traçabilité et le réemploi des ressources du sous-sol et de réduire la dépendance de la France aux importations ».
Enfin, elle a prévu une actualisation du recensement du sous-sol, un registre numérique et cartographique des projets miniers et un volet lié à l'approvisionnement dans la cadre de la stratégie minière.
Au-delà de ces textes législatifs, la commission des affaires économiques a également appelé à consolider la place de l'énergie nucléaire et à en faciliter le financement :
• d'une part, le Sénat a adopté, le 23 mars 2021, la résolution présentée par le président Bruno Retailleau, la présidente Sophie Primas et le rapporteur Daniel Gremillet « invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques en cherchant à préserver la prédominance du nucléaire au sein de notre mix énergétique » 97 ( * ) ;
• d'autre part, il a également adopté, le 29 novembre 2021, la résolution présentée par les rapporteurs Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent appelant à « [inclure] l'énergie nucléaire à la taxonomie , en veillant à reconnaître les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de cette énergie en tant qu'activités durables », mais aussi à « [maintenir] une neutralité technologique entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui issu des énergies renouvelables » 98 ( * ) .
Malgré l'implication de la commission des affaires économiques, la politique énergétique du Gouvernement n'a pas été significativement infléchie en faveur de la prise en compte de la sécurité d'approvisionnement : si des annonces ont bien été faites, elles n'ont pour l'heure pas été concrétisées .
Or, il y a urgence à décider et à agir !
Cette urgence transparaît des propos du président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Jean-François Carenco, tenus devant le groupe d'études « Énergie », le 16 février 2022 : « Cette crise est venue mettre à nu les principales fragilités de notre système énergétique : la dépendance au gaz. En outre, les indisponibilités nucléaires, qui aggravent la hausse des prix en France, alimentent l'impérieuse nécessité de construire des moyens de production décarbonés, le nouveau nucléaire comme les EnR pourront assurer la sécurité d'approvisionnement de notre pays ».
De son côté, RTE 99 ( * ) a indiqué que « quel que soit le scénario choisi, il y a urgence à se mobiliser », en raison de délais incompressibles, pour développer de nouvelles capacités nucléaire comme renouvelable : « Les délais effectifs ou projetés en l'état, l'autorisation puis la construction de champs d'éoliennes terrestres ou en mer, de fermes photovoltaïques, ou encore de nouveaux réacteurs nucléaires sont très longs, et renvoient l'essentiel des mises en service de ce qui serait décidé aujourd'hui au-delà de 2030 ».
Enfin, The Shift Project 100 ( * ) a rappelé que « plus on tarde à lancer les grands travaux d'infrastructures électriques, plus la sobriété sera forte en 2050 », invitant à mobiliser toutes les marges possibles : « Puisque la ligne de crête est étroite, il faut mettre toutes les chances de notre côté en menant les efforts de front : sobriété, efficacité, nucléaire et renouvelables. Si nous ne parvenons pas à suivre cette crête, des politiques de sobriété bien plus strictes devront être préparées et acceptées démocratiquement. Pour éviter un tel débat, le risque sera alors grand que l'objectif de décarbonation soit remis à plus tard... ».
III. DES TENSIONS PARTAGÉES, AUX ÉCHELONS EUROPÉEN ET INTERNATIONAL, MAIS UNE SITUATION DE VULNÉRABILITÉ PARTICULIÈRE EN FRANCE
Si un grand nombre de pays étrangers, notamment européens, sont confrontés à une dégradation de leur sécurité d'approvisionnement, la France présente une vulnérabilité particulière .
D'emblée, il faut indiquer que la crise de la Covid-19 a éprouvé la sécurité d'approvisionnement de la plupart des systèmes électriques .
C'est le sens de l'analyse faite par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a indiqué que cette crise constituait « un immense choc pour le système » , précisant que « la récession entraîne des risques pour l'épine dorsale des systèmes électriques actuels », et que « les réseaux électriques pourraient s'avérer être le maillon faible de la transformation du secteur de l'électricité, ce qui a des conséquences sur la fiabilité et la sécurité de l'approvisionnement en électricité » 101 ( * ) .
Pour autant, les États membres de l'Union européenne sont confrontés à des enjeux spécifiques.
D'une part, leurs capacités de production pilotables ont été réduites en raison de leur implication dans la transition énergétique .
Selon France Stratégie 102 ( * ) , les capacités de production nucléaire ou fossile doivent diminuer , de 30 GW pour le nucléaire (dont 13 GW en France 103 ( * ) , 10 GW en Allemagne et 6 GW en Belgique), 70 GW pour le charbon (dont 40 GW en Allemagne, 9 GW en Espagne, 6 GW en Italie, 4 GW au Royaume-Uni et 3 GW en France) et 10 GW pour le gaz ou le fioul.
En revanche, les capacités de production d'énergies renouvelables doivent croître , de 200 GW en Allemagne, 100 GW en Espagne, 75 GW en France, 70 GW en Italie et 20 GW en Belgique. Cependant, le taux de disponibilité à la pointe de ces énergies est estimé à 2 % pour le photovoltaïque, 10 % pour les éoliennes terrestres et 20 % pour celle en mer.
Au total, les capacités de production pilotables, appréciées à la pointe de consommation hivernale 104 ( * ) , doivent passer de + 34 GW en 2020 à 10 GW en 2035 , à l'échelle européenne.
D'autre part, les systèmes électriques des États membres sont de plus en plus interdépendants .
Le marché de l'électricité fait l'objet d'une régulation européenne 105 ( * ),106 ( * ) , une coordination liant, en sus, les autorités de régulation (Agence de coopération des régulateurs de l'énergie), les gestionnaires de réseaux de transport (Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité) ou les autorités de sûreté nucléaire (Groupement européen des autorités de sûreté nucléaire). La Commission européenne, les États membres, ainsi que les autorités de régulation et gestionnaires de réseaux sont réunis au sein d'un Groupe de coordination pour l'électricité 107 ( * ) .
Pour autant, l'article L. 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) consacre la compétence souveraine des États membres pour la définition de leur mix énergétique.
Au sein de cet ensemble, la France présente plusieurs spécificités.
Tout d'abord, les dernières difficultés d'ampleur du système électrique français sont relativement anciennes 108 ( * ) , au contraire de l'Italie (2003), de l'Allemagne (2006), du Royaume-Uni (2019), de l'Espagne (2019) ou encore de la Croatie (2021).
Par ailleurs, selon RTE 109 ( * ) , le système électrique français est moins émissif que celui de nos voisins , puisqu'il rejetait 19 M de tonnes de CO 2 en 2019, contre 70 M au Royaume-Uni, 90 M en Italie et 270 M en Allemagne en 2018.
Pour autant, pour France Stratégie 110 ( * ) , notre pays aurait des capacités de production déficitaires en 2035 , tout comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique, mais au contraire de l'Espagne et de l'Italie.
COMMENT PRÉVENIR TOUT RISQUE DE
« BLACK-OUT » ?
12 RECOMMANTIONS POUR INVESTIR
MASSIVEMENT DANS LA FILIÈRE NUCLÉAIRE ET RENFORCER DURABLEMENT LA
SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
Dans ce contexte, critique pour la sécurité d'approvisionnement, la commission des affaires économiques plaide pour plusieurs évolutions.
I. UNE RÉVISION D'ENSEMBLE DE NOTRE CADRE ÉNERGÉTIQUE EST URGENTE, POUR REVALORISER LA FILIÈRE NUCLÉAIRE ET CONFORTER LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT
Tout d'abord, la planification énergétique doit intégrer d'urgence la relance annoncée de l'énergie du nucléaire , aux côtés naturellement des énergies renouvelables.
Dans son discours de Belfort , le 10 février dernier, le Président de la République a indiqué souhaiter l'arrêt des fermetures de réacteurs existants , pour envisager leur prolongation au-delà de 50 ans.
Cette mesure doit être appliquée :
• le Gouvernement peut et doit, dès à présent, supprimer les dispositions réglementaires de la PPE prévoyant l'arrêt de 12 réacteurs, hors ceux de Fessenheim, à l'échéance de leur 5 e visite décennale, entre 2029 et 2035, ainsi que 2 réacteurs, en 2024-2025 et 2 réacteurs, en 2027-2028 111 ( * ) ;
• à terme , le Gouvernement doit proposer, dans le cadre de la « loi quinquennale » sur l'énergie, de 2023, la suppression de deux dispositifs désormais obsolètes, issues de la loi de Transition énergétique 112 ( * ) du 15 août 2015 : d'une part, l'objectif de réduction de la production d'énergie nucléaire à 50 % d'ici 2035, figurant au 5° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie ; d'autre part, le plafond de 63,2 GW des installations nucléaires, mentionné à l'article L. 311-5-5 du code de l'environnement ;
• enfin, cette annonce appelle à être complétée, en temps voulu , car le scénario le plus « nucléarisé » de RTE suppose une prolongation des réacteurs existants au-delà de 60 ans, et non de 50 ans.
De plus, dans ce même discours, le Président de la République a précisé vouloir porter à 25 GW la capacité d'énergie nucléaire nouvelle d'ici 2050, en lançant 6 EPR 2 et en en étudiant 8 supplémentaires.
Cette annonce doit être consolidée :
• tout d'abord, elle n'est pas à la hauteur du scénario le plus « nucléarisé » de RTE 113 ( * ) , qui prévoit une puissance nucléaire de 27 GW et suppose 14 EPR 2, 4 GW de SMR, ainsi qu'un effort de R&D, en direction de la « fermeture cycle du combustible » ;
• de plus, elle ne tient pas compte de l'alerte du groupe EDF, qui considère en ces termes que la croissance annuelle de la consommation d'électricité pourrait être non de 1 % , dans le scénario de référence de RTE, mais de 2 % , dans le scénario maximal de RTE 114 ( * ) , 9 autres EPR 2 ou 85 GW de photovoltaïque étant requis dans ce cadre : « RTE pose un scénario central suivant lequel la hausse moyenne de la consommation d'électricité s'établirait à + 1 % par an dans les trente années à venir. Il nous semble plus prudent de prévoir une évolution de + 2 % par an dans notre pays, conformément au scénario maximum de RTE » ;
• en outre, elle doit prendre en compte l'alerte de l'ASN, qui a appelé les rapporteurs à prévoir une « marge de sûreté » : « L'ASN avait depuis de nombreuses années alerté sur la nécessité de disposer de marges pour pouvoir faire face à l'arrêt concomitant de plusieurs réacteurs pour des motifs de sûreté » ;
• un autre point d'attention est que les puissances envisagées pour les capacités des énergies renouvelables ne correspondent pas à celles du scénario le plus « nucléarisé » de RTE 115 ( * ) : en effet, 100 GW ont été annoncés pour le photovoltaïque, 37 pour l'éolien et 40 pour l'éolien en mer, contre des estimations de respectivement 70, 43 et 22 GW.
• quel que soit le choix retenu, la construction des EPR 2, l'essor des SMR, la « fermeture du cycle du combustible » dont les réacteurs de 4 e génération, et le projet ITER constituent autant de projets nucléaires dont l'atteinte devrait être garantie , dans notre planification énergétique, tant à l'article L. 100-4 du code de l'énergie que dans la PPE.
Enfin, le discours du Président de la République n'a pas résolu le problème du financement de la relance de l'énergie nucléaire , aucune annonce concrète n'ayant été faite quant à la révision de l'Arenh, l'apurement de la dette du groupe EDF ou le renforcement des compétences. Un « plan de financement » est indispensable !
Les prérequis identifiés par le groupe EDF , à commencer par « la question du financement », doivent donc encore être levés .
La commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement fasse véritablement aboutir la relance annoncée de l'énergie nucléaire, en levant une à une les ambiguïtés énumérées précédemment ; bien évidemment, l'effort en direction des énergies renouvelables doit être maintenu dans le même temps.
1. Faire aboutir la relance annoncée de l'énergie nucléaire, en révisant rapidement la planification énergétique, en investissant massivement dans les réacteurs nucléaires (2 e , 3 e et 4 e générations) et en soutenant le groupe EDF et l'ensemble des acteurs de la filière. |
Au-delà de ces annonces, dans un contexte de débat public sur l'avenir du mix électrique, l'enjeu de la sécurité d'approvisionnement doit être intégré aux travaux préalables aux grands chantiers de l'énergie .
Si le ministère de la transition écologique a engagé une concertation, du 5 novembre 2021 au 15 février 2022, en préparation de la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023, de la PPE et de la SNBC, aucune des 12 thématiques proposées 116 ( * ) ne porte sur la sécurité d'approvisionnement .
Or, la renaissance de l'énergie nucléaire n'a de chance d'aboutir que si l'enjeu fondamental de sécurité d'approvisionnement qu'elle charrie est placé au centre de ces débats préalables, ce pour quoi plaide la commission des affaires économiques .
2. À l'échelle nationale, intégrer la sécurité d'approvisionnement aux travaux préalables aux grands chantiers énergétiques : la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). |
Au niveau européen, la renaissance de l'énergie nucléaire est loin d'être encouragée par les textes en cours de discussion ou d'application .
• d'une part, la « taxonomie verte » 117 ( * ) , n'intègre pas pleinement l'énergie nucléaire , qui n'est pas assimilée à une énergie durable, comme toutes les autres énergies décarbonées, mais à une énergie de transition, à l'instar du gaz naturel ;
• d'autre part, le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ne garantit pas pleinement la neutralité technologique pour l'énergie et l'hydrogène nucléaires dans les directives ou règlements relatifs à la fiscalité énergétique 118 ( * ) , aux énergies renouvelables 119 ( * ) , à l'efficacité énergétique 120 ( * ) ou au règlement sur les infrastructures de recharge 121 ( * ) ;
• enfin, si le Gouvernement a annoncé s'engager pour la réforme du principe européen du « coût marginal » 122 ( * ) , qui fonde le prix de l'électricité sur celui des dernières centrales appelées, bien souvent des centrales au gaz, cette réforme n'a pas encore abouti.
La commission des affaires économiques estime que le Gouvernement, dans le cadre des échanges européens en cours, doit garantir le cadre le plus favorable possible pour l'énergie nucléaire .
3. À l'échelle européenne, garantir à l'énergie nucléaire le cadre le plus favorable possible, dans les textes en cours de discussion ou d'application : la « taxonomie verte », le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et la réforme du principe du « coût marginal ». |
Parce que la transition énergétique s'accompagne nécessairement d'un recours accru aux métaux rares, la sécurité d'approvisionnement du système électrique doit aussi avoir pour objectif une autonomie stratégique dans le domaine minier : l'enjeu est d'offrir à la France et à l'Europe une production domestique de métaux rares, de même que leur importation ou leur recyclage via des circuits sécurisés .
Si les besoins de l'énergie nucléaire en uranium sont limités, il faut rappeler que les installations d'énergies renouvelables (panneaux solaires ou pales d'éoliennes) ou de stockage (batteries électriques et électrolyseurs d'hydrogène) supposent des métaux rares , dont le cuivre (produit au Chili et au Pérou), l'aluminium ou les terres rares (produits en Chine) ou le cobalt (produit en République démocratique du Congo).
Ces enjeux allant devenir centraux, à mesure que la transition énergétique progressera, il faut les intégrer dès à présent dans l'appréciation de la sécurité d'approvisionnement du système électrique .
À cette fin, il pourrait être envisagé d'inclure les enjeux miniers dans le « bilan carbone » dont l'application aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables a été prévue , par la loi « Énergie-Climat » 123 ( * ) , pour ceux attribués par appels d'offres, et envisagée , par la loi « Climat-Résilience » 124 ( * ) , pour ceux attribués en guichets ouverts (articles L. 314-1 A et L. 446-1 A du code de l'énergie).
4. Étendre la sécurité d'approvisionnement à l'autonomie stratégique dans le domaine minier, en envisageant l'application de ce critère dans le cadre du « bilan carbone » prévu pour les dispositifs de soutien aux projets d'énergies renouvelables. |
II. LE SYSTÈME EXISTANT DE PRÉVENTION ET D'INTERVENTION EN MATIÈRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT DOIT ÊTRE CONSOLIDÉ
Un autre enjeu est de mesurer, de manière complète et précise, l'impact de la crise de la Covid-19, et de la « flambée des prix des énergies » qui en a résulté, sur la sécurité d'approvisionnement .
Cette crise et cette flambée ont eu des répercussions très importantes sur le secteur de l'énergie : consommateurs, fournisseurs comme producteurs.
Une évaluation technique est nécessaire pour identifier l'incidence de la crise de la Covid-19 sur l'état du parc nucléaire (programme d'« arrêts de tranche » et phénomène de « corrosion sous contrainte »), mais aussi l'essor de la transition énergétique (efficacité énergétique et énergies renouvelables).
Une évaluation financière est aussi requise pour mesurer les effets de la « flambée des prix des énergies », et du « bouclier tarifaire », sur les consommateurs d'énergie comme les fournisseurs et les producteurs , à commencer par l'incidence du relèvement du plafond de l'Arenh et du report des TRVE sur la situation financière du groupe EDF.
5. Évaluer, de manière précise et complète, l'impact de la crise de la Covid-19 et de la « flambée des prix des énergies » sur la sécurité d'approvisionnement, et notamment sur le parc nucléaire actuel, en accordant une attention spécifique au phénomène de « corrosion sous contrainte » ainsi qu'aux autres risques (soutenabilité du financement, résilience climatique, cyber-résilience, disponibilité des métiers et des compétences). |
Un rôle plus prescriptif que prospectif doit en outre être donné à Réseau de transport d'électricité (RTE) .
RTE a acquis une place centrale dans le système électrique français, l'article L. 321-10 du code de l'énergie lui confiant une mission d'équilibre des flux d'électricité en réseau ainsi que de sécurité, de sûreté et de flexibilité : ses bilans devraient pouvoir recueillir, outre des observations, des recommandations , seuls quelques leviers étant aujourd'hui indiqués.
De plus, si la renaissance du nucléaire doit devenir une réalité, davantage de moyens nécessitent d'être alloués à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme cette autorité l'a elle-même signalé aux rapporteurs : « Si de nouvelles installations nucléaires devaient voir le jour, les moyens de l'ASN devraient naturellement être adaptés pour pouvoir en assurer convenablement le contrôle, tant au stade de la conception que de la construction ».
6. Consolider les missions de Réseau de transport d'électricité (RTE), en matière de sécurité d'approvisionnement, et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en matière de sûreté nucléaire. |
La communication entourant la sécurité d'approvisionnement peut aussi être renforcée.
Le bilan électrique de Réseau de transport d'électricité (RTE) pourrait mettre en valeur deux indicateurs agrégés , plus clairs que les informations existantes, permettant d'apprécier l'évolution à la pointe de consommation hivernale :
• des émissions de GES , de manière à rendre compte du recours à des centrales thermiques fossiles, plutôt qu'à une production décarbonée 125 ( * ) ;
• des importations d'électricité , afin de donner à voir le recours à une production étrangère, plutôt qu'à une production nationale 126 ( * ) .
7. Renforcer la communication entourant la sécurité d'approvisionnement, en valorisant deux indicateurs agrégés, rendant compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des importations d'électricité. |
L'information entourant la sécurité d'approvisionnement doit aussi être promue.
Tout d'abord, la notoriété du dispositif « ÉcoWatt » est encore insuffisante : il gagnerait à faire l'objet d'une campagne d'information auprès du grand public ainsi que des collectivités territoriales.
Dans la mesure où son champ est limité à la France métropolitaine continentale, ce dispositif mériterait aussi d'être élargi, dans son principe 127 ( * ) , aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental 128 ( * ) , où les enjeux de sécurité d'approvisionnement sont prégnants.
8. Renforcer l'information entourant la sécurité d'approvisionnement, en consolidant la notoriété du dispositif « ÉcoWatt » et en envisageant son extension, sur le principe, aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental. |
La coopération européenne en matière de sécurité d'approvisionnement doit être promue.
Étant donné que les États membres de l'Union européenne sont interdépendants sur le plan des interconnexions électriques et conduisent de manière simultanée, mais non coordonnée, des politiques de transition énergétique, un renforcement des échanges entre les gestionnaires de réseau, les autorités de régulation et celles de sûreté mériterait d'être réalisé .
Cela est d'autant plus nécessaire au regard des objectifs ambitieux fixés par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».
Naturellement, cette coordination devrait s'exercer sans préjudice de l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui confie la définition du mix énergétique aux seuls États membres.
Pour y parvenir, une telle coordination devrait être inscrite parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne (PFUE) .
9. Améliorer la coopération européenne en matière de sécurité d'approvisionnement, en proposant un renforcement des échanges entre les gestionnaires de réseau, les autorités de régulation et celles de sûreté, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE). |
III. AU-DELÀ DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ, LES LEVIERS DE PILOTAGE DE LA PRODUCTION ET DE LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE DOIVENT ÊTRE TOUS MOBILISÉS
En complément de la production d'électricité, les appels d'offres utiles à la flexibilité du système électrique doivent être renforcés .
Ceux en faveur des effacements de consommation n'ont pas permis d'obtenir les résultats escomptés : les capacités en la matière s'élèvent ainsi à 3,6 GW, en 2019, contre un objectif de 6,5 GW en 2028, fixé par la loi « Énergie-Climat » du 8 novembre 2019 129 ( * ) (11° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie).
Aussi est-il nécessaire de compléter et de renforcer les appels à projets déjà conduits en la matière .
La loi « Climat-Résilience » du 21 août 2021 130 ( * ) a institué un nouvel appel d'offres sur le stockage de l'électricité, similaire à celui sur les effacements ; il doit notamment porter sur les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), les batteries et l'hydrogène.
Or, son application n'est pas envisagée par le Gouvernement avant la prochaine PPE : son lancement doit être accéléré, au regard des lourdes difficultés actuelles, liées à la sécurité d'approvisionnement.
Parmi les modalités de stockage de l'électricité, les STEP ne font l'objet d'aucun dispositif de soutien spécifique (obligation d'achat ou complément de rémunération) : cela représente une anomalie qui doit être corrigée, car le stockage hydraulique constitue un mode répandu et éprouvé de ce stockage.
Au reste, cette anomalie avait été relevée dans la proposition de résolution tendant à lever les freins réglementaires et administratifs au plein essor de l'hydroélectricité , présentée le 25 février 2021, par le président Bruno Retailleau, la présidente Sophie Primas et le rapporteur Daniel Gremillet.
10. Renforcer l'appel d'offres sur les effacements de consommation et appliquer celui sur le stockage de l'électricité, en veillant à accorder une place spécifique aux stations de transfert d'électricité par pompage (STEP). |
Les dispositifs d'aide à l'efficacité énergétique doivent être améliorés.
Si la loi « Climat-Résilience » du 21 août 2021 131 ( * ) a renforcé les missions du service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH), elles visent la rénovation énergétique, et non l'efficacité énergétique : aussi devraient-elles être complétées (articles L. 232-1 du code de l'énergie et suivants).
Par ailleurs, le « coup de pouce thermostat » , permettant la prise en charge d'appareils de régulation de chauffage dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (C2E), mériterait d'être renforcé : en effet, son montant est de 150 € par logement, alors que le crédit d'impôt sur la transition énergétique permettait la prise en charge d'appareil de régulation à hauteur de 30 % des dépenses.
11. Conforter les aides à l'efficacité énergétique pour les particuliers comme les entreprises, en confiant au service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) une mission en ce sens et en consolidant le « coup de pouce thermostat » prévu dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (C2E). |
Enfin, la sécurité d'approvisionnement repose également sur la complémentarité des énergies .
Une complémentarité des énergies doit être recherchée entre les énergies électriques et celles gazières, car un socle de gaz demeure utile pour faire face à la pointe de consommation hivernale.
Dans la mesure où la quasi-totalité du gaz naturel est importée, dont 60 % environ en provenance de pays extra-européens 132 ( * ) , le soutien à la production de biogaz est indispensable pour disposer d'une source d'énergie renouvelable, stockable et locale .
La guerre engagée par la Russie en Ukraine, le 24 février dernier , est venue rappeler, avec gravité, le risque de dépendance de la France vis-à-vis du gaz russe , qui représente 20 % environ de nos importations 133 ( * ) : il y a donc urgence à remplacer les importations russes de gaz fossile par une production domestique de gaz renouvelable !
Or, la part de biogaz dans notre consommation totale de gaz n'est que de 0,44 %, contre un objectif d'au moins 10 % à l'horizon 2030, fixé par la loi « Énergie-Climat » du 8 novembre 2019 134 ( * ) (4° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie), ce qui témoigne du chemin restant à parcourir.
Pour la commission des affaires économiques, le Gouvernement doit plus largement mettre tout en oeuvre, pour sortir de notre dépendance aux importations de gaz issues de pays producteurs , tels que la Russie, manifestement hostiles aux économies et aux valeurs des démocraties libérales européennes : c'est une nécessité économique et une exigence morale !
Par ailleurs, une complémentarité des énergies doit aussi être promue au sein des énergies renouvelables électriques : en effet, c'est sur les moins intermittentes , comme l'hydroélectricité ou l'éolien en mer, que la France doit préférentiellement miser pour consolider sa sécurité d'approvisionnement en l'état des capacités technologiques.
12. Favoriser une complémentarité des énergies, à la pointe de consommation hivernale, entre l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables gazières (biogaz) ou électriques (hydroélectricité et éolien en mer) les moins intermittentes. |
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 24 février 2022, la commission a approuvé le rapport de MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau sur l'impact de la transition énergétique sur la sécurité d'approvisionnement électrique : la France est-elle en risque de « black-out » ?
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, je suis heureuse de vous retrouver pour la dernière réunion de notre commission, avant la suspension des travaux législatifs du Sénat. Elle porte sur un sujet d'actualité : notre sécurité d'approvisionnement. À n'en pas douter, ce sujet sera très durement impacté par les évènements dramatiques de ce matin en Ukraine.
Je rappelle que notre commission a confié, le 9 février dernier, une mission d'information sur l'énergie et l'hydrogène nucléaires à nos trois rapporteurs Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau.
Depuis lors, nos rapporteurs ont engagé leurs travaux, qui se poursuivront dans les mois à venir. En revanche, j'ai souhaité qu'ils présentent un point d'étape de ces travaux, sur un sujet ponctuel et critique : l'état de notre sécurité d'approvisionnement électrique, c'est-à-dire de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, pour cet hiver mais aussi les suivants.
C'est un sujet majeur car l'Europe se trouve confrontée à une « flambée des prix des énergies », imputable à une conjonction de facteurs, économiques comme géopolitiques.
À cela s'ajoutent des difficultés propres à la France : faute d'une politique gouvernementale solide, la production d'énergie nucléaire de notre pays s'est érodée en 10 ans, tandis que les objectifs d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique n'ont pas été atteints.
Si les annonces faites par le Président de la République, à Belfort, le 10 février dernier, témoignent d'une prise de conscience, il est regrettable qu'elles interviennent si tard, à quelques semaines de la fin du quinquennat ! J'ajouterais qu'il ne s'agit que d'annonces, qui devront être examinées et approuvées par le Parlement.
Or, une politique énergétique, a fortiori nucléaire, ne s'improvise pas. Elle nécessite de la constance et de l'anticipation, car l'enjeu n'est, ni plus, ni moins, que de réussir la mutation de notre système de production et de consommation d'énergie, afin d'atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050 !
M. Jean-Jacques Michau , rapporteur . - Madame la présidente, mes chers collègues, comme vous le savez, notre mission d'information a été instituée au début du mois de février et rendra ses conclusions d'ici l'été. Pour autant, nous suivons très attentivement la très dense actualité du secteur de l'énergie, notamment nucléaire. Aussi, il est apparu indispensable d'entamer nos travaux par un point d'étape sur la sécurité d'approvisionnement électrique. Naturellement, ce point d'étape sera complété par des travaux, plus longs et plus complets, au cours de la suspension.
Pour réaliser ce point d'étape, nous avons auditionné les acteurs essentiels sur le sujet : le groupe EDF, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et Réseau de transport d'électricité (RTE) - ce dernier ayant la charge de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité. De plus, notre commission a organisé un cycle d'auditions plénières sur la « souveraineté énergétique », l'automne dernier. Enfin, son groupe d'études « Énergie » a reçu, dans le cadre de ses auditions mensuelles, le Médiateur national de l'énergie (MNE), sur la « flambée des prix des énergies », la Commission de régulation de l'énergie (CRE), sur les marchés électriques et gaziers, RTE, sur la place de l'énergie nucléaire d'ici 2050, ainsi que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME-ATE), sur la place des énergies renouvelables d'ici cette même date. L'ensemble de ces éléments nous permet aujourd'hui de disposer d'un panorama assez complet de l'état de notre sécurité d'approvisionnement électrique.
Cet hiver, et au-delà, RTE a placé la France en situation de « vigilance particulière » sur ce plan.
La situation du système électrique est, en effet, critique.
Les arrêts de réacteurs sont nombreux cet hiver : 12 d'entre eux sont arrêtés mi-février, 4 autres le seront fin février et 8 autres le seront début mars. EDF évalue la capacité nucléaire française à 45 gigawatts (GW), mi-février, tandis que RTE anticipe un niveau se situant entre 38 et 46 GW, en février, et entre 35 et 43 GW, en mars.
Ces arrêts sont dus à l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF, c'est-à-dire des arrêts pour maintenance ou rechargement. Ils s'expliquent aussi par des contrôles liés à la découverte d'un important phénomène de « corrosion sous contrainte », c'est-à-dire de fissures sur l'acier de certaines tuyauteries. De ce fait, 5 réacteurs sont l'objet de contrôles et 6 autres le seront sous 3 mois. Je précise que le groupe EDF développe actuellement une méthodologie, qui pourrait permettre de faciliter ces contrôles et par conséquent de limiter leur impact sur la disponibilité du parc nucléaire. Pour autant, le groupe a révisé sa prévision de production d'énergie nucléaire, pour la fixer entre 295 et 315 térawattheures (TWh) en 2022 : c'est un minimum historique !
Si la situation du parc nucléaire n'est donc pas satisfaisante, la diversification du mix électrique n'est pas d'un grand recours cet hiver. En effet, RTE considère la production d'énergie éolienne faible voire nulle, la capacité des batteries limitée et celle des effacements de consommation inconnue.
À l'inverse, les conditions météorologiques sont, pour lui, plutôt favorables.
Les effets et les risques résultant de cette situation sont lourds.
Tout d'abord, cette situation nuit à notre transition énergétique. Par un décret du 5 février 2022, le Gouvernement a, en effet, facilité le recours aux centrales thermiques fossiles, dont celles à charbon, au mépris de son engagement de sortie de telles centrales d'ici 2022, fixé par la loi « Énergie-Climat », de 2019. Selon RTE, 390 à 470 heures d'électricité ont déjà été produites par ces centrales, début février.
De plus, cette situation nuit à notre indépendance énergétique. Selon RTE, la France a importé de manière « quasi-systématique » depuis novembre, avec des pics proches des capacités techniques maximales, fin décembre. De 2019 à 2020, la crise de la Covid-19 avait d'ailleurs conduit à une baisse de 7 % des exportations et à une hausse de 22 % des importations. 43 jours d'importation ont également été dénombrés en 2020 contre 18 en 2019.
Cette situation emporte de lourds risques pour les consommateurs d'énergie. Si RTE n'identifie pas de risque de « black-out » , c'est-à-dire de coupure généralisée, il estime que le recours à des mécanismes post-marché est « probable en cas de vague de froid, de situation de très faible production éolienne ou de forte dégradation supplémentaire de la disponibilité du parc de production et, quasi-certain, si ces facteurs se combinent ».
Pour mémoire, ces mécanismes post-marché consistent en des appels aux gestes citoyens, le recours au service d'interruptibilité, une baisse de tension sur le réseau ou encore des coupures ciblées.
Cette situation va persister, à court, moyen et long termes.
RTE a ainsi placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu'en 2024. Cela s'explique par une conjonction de facteurs, dont la rénovation du parc nucléaire, l'attrition des centrales à charbon et les retards des projets éoliens et solaires et du chantier de l'European Pressurized Reactor (EPR) de Flamanville 3. C'est dans le Grand Ouest que cette situation est la plus tendue.
Selon RTE, la France devrait retrouver des marges de manoeuvre d'ici 2030, si les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) sont atteints. Cependant, l'engagement simultané des pays européens dans la réalisation du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui suppose de doubler la production d'électricité européenne, peut être une source de difficultés supplémentaires.
D'ici 2050, l'atteinte de l'objectif de « neutralité carbone » devrait aussi peser sur le système électrique. Pour RTE, la consommation d'électricité doit augmenter de 60 %, dans son scénario de référence, et jusqu'à 90 %, en cas de réindustrialisation, par rapport à aujourd'hui. De plus, les réacteurs existants vont arriver en fin de vie, avec un « effet falaise » à compter de 2040. À cela s'ajoutent de nouveaux risques pour le parc nucléaire liés, par exemple, à sa résilience climatique ou à sa cyber-résilience.
Enfin, le déploiement de nouvelles capacités de production électrique est limité par la capacité industrielle des filières nucléaires et renouvelables, l'absence de stockage ou l'artificialisation des sols, limitant l'intégration des énergies renouvelables, et l'approvisionnement en minerais, composants essentiels des panneaux solaires, des pales d'éoliennes, des batteries électriques et des électrolyseurs d'hydrogène.
M. Jean-Pierre Moga , rapporteur . - La situation actuelle, dépeinte par mon collègue Jean-Jacques Michau, résulte d'un défaut d'anticipation.
En premier lieu, ses causes conjoncturelles étaient prévisibles.
En effet, la crise de la Covid-19 a eu un impact sensible sur le secteur de l'énergie. D'une part, elle a conduit à des décalages dans le programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF. D'autre part, elle a déstabilisé les appels d'offres et les chantiers des énergies renouvelables. Enfin, elle a engendré une « flambée des prix des énergies » en sortie de crise ; nous mesurons aujourd'hui les effets de cette flambée, qui pourrait se poursuivre, compte tenu des évènements de ce matin, rappelés par notre présidente.
Cette « flambée des prix des énergies » nuit à notre sécurité d'approvisionnement. Tout d'abord, les consommateurs d'électricité font face à un prix de marché dépassant les 200 euros par kilowattheure (KWh), soit une multiplication par 10 depuis le printemps 2020, contrebalancé par le « bouclier tarifaire » appliqué. De plus, le groupe EDF évalue à 8 milliards d'euros le manque à gagner induit par ce « bouclier tarifaire », et notamment le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Les producteurs d'énergies renouvelables ne tirent plus profit des dispositifs de soutien, mais rétrocèdent, au contraire, des trop-perçus. La France, même peu utilisatrice d'électricité d'origine fossile, pâtit de la flambée des prix des hydrocarbures chez ses voisins, du fait de son interconnexion avec ces derniers.
Or, notre commission avait alerté sur l'impact de cette crise sur le programme, le prix et les projets précités, dès ses travaux dédiés, en plein confinement, en juin 2020 !
En second lieu, les causes structurelles de cette situation étaient aussi prévisibles.
En effet, le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière nucléaire. Avec la fermeture de la centrale de Fessenheim, il a privé la France d'une capacité d'1,8 GW, soit 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques, et d'une production de 11 TWh, soit jusqu'à 10 millions de tonnes d'économies de CO 2 .
Les conséquences de ce désintérêt sont aujourd'hui dramatiques. RTE évalue les baisses de capacités nucléaires à 10 gigawatts pour la crise de la Covid-19, 1,5 GW pour la fermeture de la centrale de Fessenheim et 7 GW pour les contrôles liés au phénomène de « corrosion sous contrainte ». De son côté, l'ADEME-ATE relève une « érosion tendancielle » de la production d'énergie nucléaire en 10 ans. Pour l'ASN, notre système électrique est désormais « sans marge » .
Enfin, le Gouvernement n'a pas atteint ses objectifs d'énergies renouvelables. En 2020, ces dernières représentent 19,1 % de notre consommation, contre un objectif de 33 % en 2030, dont 24,8 % pour l'électricité, contre un objectif de 40 % toujours en 2030.
Là encore, notre commission avait alerté sur l'absence d'étude d'impact des arrêts de réacteurs et de centrales à charbon, dès la loi « Énergie-Climat », de 2019. Elle avait proposé de mettre fin aux arrêts de réacteurs, dès la loi « Climat-Résilience », de 2021. Enfin, elle avait déploré l'absence d'atteinte des objectifs d'énergies renouvelables, à chaque examen budgétaire !
Pire, si les tensions sont partagées à l'échelle européenne, la France présente une vulnérabilité spécifique.
Certes, tous les États européens font face à des difficultés, car ils réduisent conjointement leurs capacités pilotables, notamment fossiles. Selon France Stratégie, ses capacités à la pointe de la consommation hivernale doivent ainsi passer + 35 GW à - 10 GW.
Pour autant, l'application de la PPE et de la SNBC conduit la France à présenter une situation déficitaire, tout comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique, mais à l'inverse de l'Espagne et de l'Italie.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Afin de prévenir tout risque de « black-out », notre mission d'information propose 12 recommandations, réunies en 3 axes, pour réviser la stratégie énergétique et relancer la filière nucléaire, aux côtés naturellement des énergies renouvelables.
Le premier axe vise à réviser notre stratégie énergétique.
Si le Président de la République a fait des annonces en direction des énergies nucléaires comme renouvelables, elles interviennent à la toute fin du quinquennat, comme relevé par notre présidente. J'ajouterais que ces annonces ne sont, pour l'heure, pas suivies d'effets !
Or, la « renaissance » de la filière nucléaire doit s'appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs.
Les dispositions réglementaires de la PPE, prévoyant des arrêts de réacteurs, doivent être abrogées sans tarder. À terme, il faut consacrer, dans le code de l'énergie, le « nouveau nucléaire » : la construction des EPR 2, l'essor des Small Modular Reactors (SMR), le projet ITER et les efforts de recherche et de développement (R&D) en faveur de la « fermeture du cycle du combustible ».
L'objectif fixé de 25 GW pour le « nouveau nucléaire » appelle à être renforcé, puisqu'il est inférieur de 2 GW au scénario le plus « nucléarisé » de RTE. De plus, il est nécessaire de tenir compte de deux alertes, celle d'EDF qui anticipe une hausse de 2 % par an de la consommation d'électricité d'ici 2050, contre 1 % dans l'hypothèse moyenne de RTE, et celle de l'ASN qui plaide pour intégrer une « marge de sûreté » à notre système de production, de manière à permettre l'arrêt concomitant de plusieurs réacteurs pour motif de sûreté.
Enfin, les annonces sont muettes sur les prérequis indispensables à toute « renaissance » du nucléaire, à savoir la révision de l'Arenh, l'apurement de la dette d'EDF et la consolidation des compétences. Un « plan de financement » est indispensable !
Sur le plan stratégique, la sécurité d'approvisionnement doit être intégrée aux débats préalables aux grands chantiers nationaux : la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023, la PPE et la SNBC. De plus, l'énergie nucléaire doit bénéficier du cadre le plus favorable dans les textes européens en cours de négociation ou d'application : la « taxonomie verte », le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et la réforme du principe du « coût marginal » liant, dans les faits, le prix d'électricité à celui du gaz.
Enfin, parce que la transition énergétique induit une dépendance aux métaux rares, la sécurité d'approvisionnement doit viser l'autonomie stratégique en matière minière. Pour y parvenir, il faut compléter en ce sens le « bilan carbone », qui conditionne l'accès des projets d'énergies renouvelables aux dispositifs de soutien public.
Le deuxième axe a pour objet de consolider le système de sécurité d'approvisionnement.
Pour ce faire, une évaluation, précise et complète, de l'impact de la crise de la Covid-19 doit être conduite. Une évaluation technique doit mesurer son incidence sur le parc nucléaire, mais aussi sur la transition énergétique. Une évaluation financière est également requise, pour apprécier les effets du « bouclier tarifaire » sur les consommateurs comme les fournisseurs ou producteurs, à commencer par le groupe EDF.
Plus encore, notre cadre national devrait d'évoluer. Tout d'abord, les missions de RTE pourraient être complétées, avec un rôle davantage prescriptif que prospectif. Les moyens octroyés à l'ASN pourraient être relevés, à mesure de l'application des annonces précitées. En outre, le bilan électrique de RTE gagnerait à mieux rendre compte des émissions de CO 2 et des importations d'électricité nécessaires pour passer la pointe de consommation hivernale. Quand au dispositif d'alerte « ÉcoWatt », il mériterait de voir sa notoriété renforcée, par une campagne nationale, et son champ d'application étendu, sur le principe, aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain.
S'agissant du cadre européen, une meilleure coordination entre les différents acteurs de la sécurité d'approvisionnement - les gestionnaires de réseaux et les autorités de régulation ou de sûreté - devrait être promue par la présidence française de l'Union européenne (PFUE).
Le dernier axe tend à mobiliser tous les leviers de pilotage de la production et de la consommation d'énergie.
Tout d'abord, des appels d'offres, encore attendus, doivent être appliqués, pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables, en matière de stockage de l'électricité, et réduire la consommation d'énergie, en matière d'effacements de consommation.
Dans un même souci de réduction de la consommation d'énergie, les aides à l'efficacité énergétique, des particuliers comme des entreprises, doivent être soutenues, en consolidant le service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) ou les certificats d'économies d'énergie (C2E).
Enfin, une complémentarité entre les énergies doit être recherchée à la pointe de consommation hivernale, étant donné qu'un socle de gaz est utile pendant cette période. Une production nationale de biogaz doit d'urgence remplacer les importations de gaz fossile dont on mesure, avec la crise en Ukraine, le risque de dépendance. De surcroît, c'est sur les énergies renouvelables électriques les moins intermittentes, comme l'hydroélectricité ou l'éolien en mer, qu'il faut miser.
Notre commission l'a toujours dit, joignant l'acte à la parole dans les lois « Énergie-Climat », de 2019 et « Climat-Résilience », de 2021 !
Pour conclure, je souhaite remercier notre présidente et mes collègues, de ces travaux utiles réalisés dans un temps contraint.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je tiens à remercier nos trois rapporteurs de notre mission d'information, qui ont répondu très vite à ma demande de traiter ce sujet, sur lequel les décisions devront être prises très rapidement.
Je rappelle que la France importe 20 % de gaz de la Russie, l'Union européenne 40 % et l'Allemagne 55 % ! Or, la tarification de l'électricité est liée à celle du gaz, sur le marché européen de l'électricité...
Je pense que la crise en Ukraine est en partie liée au fait que le gazoduc Nord Stream 2 a été mis en place entre la Russie et l'Allemagne, impactant ceux qui traversent l'Ukraine et la Pologne, qui pourraient être fermés. L'Allemagne a, pour le moment, suspendu l'autorisation du gazoduc Nord Stream 2 ; combien de temps pourra-t-elle résister si toute son économie en pâtit ?
Cette actualité pose la question de l'unité européenne et par conséquent de la souveraineté énergétique, fondamentale, sur laquelle je ne suis pas certaine que les Français soient suffisamment avertis. Ce qui vient d'être indiqué par nos trois rapporteurs, c'est que nous allons peut-être devoir fermer la lumière, le chauffage et nos entreprises !
M. Franck Montaugé . - Je remercie nos trois rapporteurs pour le travail fourni et les propositions soumises. Je souhaite les prolonger en soulevant plusieurs interrogations.
Tout d'abord, je partage la nécessité de réformer le marché européen de l'électricité et celle de découpler le prix de l'électricité de celui du gaz. Malgré le caractère très technique que revêt ce sujet, ne serait-il pas envisageable que notre commission procède à des auditions étant donné qu'il est fondamental ? Je pense qu'il serait pertinent de prolonger la réflexion, en auditionnant éventuellement des fonctionnaires, voire des commissaires, de l'Union européenne. De plus, en matière d'autonomie stratégique, il serait intéressant d'approfondir le sujet du financement des investissements d'EDF, puisqu'il existe différentes manières de procéder et qu'il engage le devenir de la structure du groupe elle-même.
Je suis persuadé que nous nous trouvons dans une situation comparable à celle des années 1973-1974, voire des années 1978-1979, qui nécessite de reconsidérer la doctrine ou d'en établir une.
Enfin, je pense que la France a sûrement intérêt de mener des actions sur le gaz provenant des méthaniers, afin de gagner en autonomie, puisque les méthaniers apportent davantage de souplesse d'approvisionnement que les gazoducs.
M. Daniel Salmon . - Je souhaite souligner que le sujet de l'indépendance énergétique, en particulier nucléaire, est un sujet majeur, posant deux questions importantes : la souveraineté de la France ainsi que sa sécurité et sa sûreté.
Sur la première, je rappelle que la France ne produit pas d'uranium sur son territoire et que ses approvisionnements sont issus de cinq pays : le Niger, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Canada et l'Australie. Pour trois d'entre eux, nous ne pouvons pas affirmer que nous nous trouvons dans une situation d'approvisionnement sécurisée.
Sur la seconde, les centrales nucléaires représentent autant de cibles potentielles en cas de conflit. Aujourd'hui, la guerre se trouve aux portes de l'Europe et l'énergie nucléaire représente une source de vulnérabilité énorme. Nous pouvons nous retrouver rapidement à l'arrêt en cas de coupures , avec des risques d'accidents majeurs, sans compter les attaques ou cyberattaques qui seront davantage présentes. L'énergie nucléaire pose des problèmes, tant de manière conjoncturelle que structurelle, puisque ses déchets sont là pour des décennies.
Concernant l'énergie éolienne, RTE a démonté que celle-ci avait fourni entre 11 et 21 % d'électricité depuis le début du mois de février, ce qui n'est pas négligeable et ce qui a d'ailleurs permis d'exporter en conséquence. La problématique de son stockage est indéniable, puisque cette énergie est à 12 %, en ce moment, contre 2 %, un temps hier. Les possibilités de stockage doivent par conséquent être développées. L'hydrogène, qu'il soit nucléaire ou vert, en représente une.
Au sujet du coût, celui-ci est énorme puisque nous nous trouvons face à un « mur d'investissements ». De plus, la durée pour construire une centrale est de 15 ans, alors que nous savons que nous devons agir dans les 10 prochaines années pour limiter le réchauffement climatique. En raison d'un manque cruel d'anticipation, nous nous retrouvons face à des difficultés majeures et devons donc vivre avec les centrales en activité aujourd'hui. Pour autant, l'ADEME-ATE et RTE ont développé des scénarios, dont celui de la « frugalité » concernant la première. Je rappelle que le président de RTE, Xavier Piechaczyk, lors de sa venue devant le groupe d'études « Énergie » de notre commission, a affirmé que le scénario « 100 % renouvelable » ne représentait pas une élucubration d'écologistes, mais qu'il s'agissait d'un choix ; nous sommes donc face à un choix, qui doit être fait.
M. Laurent Duplomb . - Je ne reviendrais pas sur une tendance jusqu'au-boutiste, un manque d'anticipation ou une forme d'illusion, qui ont conduit à l'impasse à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Je souhaiterais poser trois questions à nos rapporteurs.
À quel niveau de risque sommes-nous s'agissant de la probabilité de connaître un « black-out » électrique ou énergétique ? Un peu comme le conflit en Ukraine, nous n'y avons longtemps pas cru...
Dans l'éventualité de ce « black-out », sommes-nous dans l'incapacité, comme j'entends dire, de prédire ce qu'il adviendra et de redémarrer le système ? Nous ne sommes pas face à un simple disjoncteur électrique...
En cas de fermeture de gazoducs et de difficultés d'approvisionnement en gaz, les citoyens se tourneront vers d'autres alternatives et utiliseront, par exemple, leurs radiateurs électriques, consommant davantage d'électricité. Compte tenu de mes deux premières questions, est-ce qu'aujourd'hui, tout ne semble pas converger vers une augmentation importante du risque de « black-out » ? Ce que nous pensions être de la science-fiction pourrait devenir une réalité à terme !
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Nous faisons effectivement face à une situation de même ampleur que lors des chocs pétroliers, mais dans un contexte économique différent, puisque la France se trouvait encore à l'époque dans les Trente Glorieuses, avec une industrie forte sur son territoire, qu'elle a aujourd'hui perdue en partie. L'atteinte de l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050 nécessite une réindustrialisation et des relocalisations.
Un des enjeux majeurs est de gagner en autonomie vis-à-vis du gaz importé, en développant notamment la production de biogaz sur notre territoire, qui est absolument stratégique.
Au sujet des déchets nucléaires, il s'agit d'un véritable sujet à ne pas négliger. On peut considérer que ces déchets n'en sont pas car ils pourront devenir de nouveaux combustibles. Nous l'avons toujours pensé ici et le temps nous donnera sans doute très rapidement raison. Il est nécessaire de faire confiance à la recherche sur ce point, comme pour les métaux rares usés que nous pourrons recycler.
Concernant l'énergie éolienne, le propos n'est pas d'opposer l'énergie nucléaire aux énergies renouvelables, mais de disposer d'une colonne vertébrale d'énergies pilotables, dont celles renouvelables. Or, au mois de décembre dernier, nous avons frôlé une situation très délicate en raison de l'absence de vent, pendant laquelle la production éolienne était effectivement très basse - en-deçà de celle indiquée par notre collègue Daniel Salmon pour ce mois de février. De surcroît, à cette période de l'année, l'énergie photovoltaïque n'etait pas surpuissante !
S'agissant du risque de « black-out », tous les interlocuteurs sont unanimes pour dire que, s'il advenait, nous ne saurions pas comment relancer le système électrique ni combien de temps cela prendrait, pour répondre aux questions de notre collègue Laurent Duplomb. Il faut donc l'éviter, l'anticiper, en procédant notamment à des coupures, des délestages. On en est là ! Aujourd'hui, la loi permet d'effectuer un délestage de 3 heures sans qu'il soit possible de contester la coupure qu'il implique. Il n'est d'ailleurs pas à exclure qu'un allongement de cette durée soit proposé... Par conséquent, nous nous trouvons face à un risque d'exposition de nos concitoyens et de nos entreprises. Bien entendu, une éventuelle rupture de l'approvisionnement en gaz amplifierait ce risque de « black-out » électrique, compte tenu des reports de consommation du gaz vers l'électricité.
Pour conclure, je tiens à souligner le très bon travail qu'exerce l'ASN, en anticipant et en arrêtant les réacteurs nucléaires pour vérification, en lien avec le groupe EDF, apportant ainsi une grande sécurité. L'hiver 2021-2022 est bientôt achevé mais nous nous trouvons, en revanche, dans une situation précaire et à risques pour les hivers 2022-2023 et 2023-2024, ce qui a justifié le point d'étape de ce jour.
M. Jean-Pierre Moga , rapporteur . - Concernant les déchets nucléaires, le groupe Orano travaille actuellement à la fabrication du combustible MOX, à partir du mélange de plusieurs déchets, nécessitant d'importer très peu de matières neuves. La Russie commence notamment à l'utiliser de manière régulière. Nous pouvons espérer disposer de nombreuses années d'avance de ce combustible.
Selon RTE, il apparaît nécessaire de recourir à l'énergie nucléaire dans notre mix énergétique. Nous n'aurons peut-être plus besoin d'énergie nucléaire sur très longue période, et nous pourrons peut-être nous contenter d'autres énergies, telle que celle hydraulique, qui représente 11 % de notre production d'électricité actuelle.
Dans l'immédiat, le Gouvernement a changé d'avis, après avoir commis l'erreur de croire que nous pouvions nous passer de nos centrales nucléaires. Il faudra que nous légiférions à nouveau, pour pouvoir construire de nouveaux réacteurs ou prolonger ceux existants. Dans la loi « Énergie-Climat », de 2019, nous avions déjà, et fort heureusement, prolongé de 10 ans ces réacteurs.
Nous pouvons être confrontés à des arrêts de réacteurs, compte tenu des contrôles en cours. Ces arrêts peuvent également être dus au réchauffement climatique, avec des étés très chauds et des étiages très faibles. Cela a été le cas pour une centrale nucléaire à proximité de mon département. Si le conflit en Ukraine conduisait à une rupture d'approvisionnement en gaz, nous pourrions nous trouver dans une situation très difficile. L'alignement des planètes n'est pas toujours dans le bon sens !
M. Jean-Jacques Michau , rapporteur . - Je pense que l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ne doivent plus être opposées, car il nous faut « faire feu de tout bois » pour couvrir les besoins. Sur le plan des minerais, nous sommes dépendants d'importations, aussi bien d'uranium pour l'énergie nucléaire, que de « terres rares » pour les énergies renouvelables. Il nous faut promouvoir des relations diplomatiques multilatérales et recourir à des contrats longs d'approvisionnement.
S'agissant des fissures sur certains réacteurs nucléaires, qui ont nécessité leurs arrêts, elles font malheureusement partie des aléas industriels.
Enfin, il me semble nécessaire d'observer par quel moyen nous pouvons sécuriser les approvisionnements afin de produire de l'électricité, et surtout de l'électricité pilotable. La petite et la grande hydroélectricité, présentes dans mon département, doivent être développées.
Mme Sophie Primas , présidente . - Concernant les autres sources d'approvisionnement de gaz, nous pourrons nous tourner vers les méthaniers américains, mais ils transportent du gaz de schiste, qui pose d'autres problèmes. Je souligne sur ce point que la France dispose d'une entreprise extraordinaire, GTT, exerçant une activité de maintenance sur les méthaniers du monde entier ; elle dispose d'une part de marché de plus de 90 %. Or, le groupe Engie s'en est désengagé !
J'entends par ailleurs les propos de notre collègue Daniel Salmon sur le risque nucléaire et l'interrogation en cas de conflit. Je partage également la préoccupation sur les déchets nucléaires, mais je considère comme une faute absolue l'arrêt de la recherche publique sur la « fermeture du cycle du combustible » dans le cadre du projet Astrid. Comme l'ont indiqué nos collègues Daniel Gremillet et Jean-Pierre Moga, les déchets pourront être une source d'indépendance dans les prochaines années. Il faut faire confiance à la science et au progrès. Arrêter ce projet Astrid et arrêter cette recherche publique est, à mon sens, une faute absolument majeure, contrairement à ce que nous a indiqué, lors de son audition, il y a quelques jours, l'administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Notre réunion de ce jour démontre la capacité du Sénat à se saisir des vrais sujets stratégiques, pour notre pays et pour l'Europe, et il me semble que les Français devraient être davantage informés sur les véritables sujets comme celui-ci. Je souhaite remercier chacun d'entre vous pour les travaux menés par notre commission lors de cette session avant cette suspension.
Pour répondre à notre collègue Franck Montaugé, l'enjeu de la réforme du groupe EDF pourra être abordé par cette mission d'information.
M. Franck Montaugé . - Je m'interroge sur la manière dont nous pourrions interpeller régulièrement le Gouvernement au sujet de l'évaluation et la révision de la PPE.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous effectuerons bien évidemment des travaux sur l'évaluation et la révision de cette PPE. Ces travaux, qu'ils soient effectués par notre commission ou son groupe d'études « Énergie », doivent en outre être continus : nous y veillerons ! Je vous remercie à nouveau.
La commission adopte à l'unanimité les recommandations proposées par les rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE
DE LA MISSION
D'INFORMATION SUR « L'ÉNERGIE ET L'HYDROGÈNE
NUCLÉAIRES »
Mercredi 16 février 2022
- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : MM. Olivier GUPTA , directeur général, et Rémy CATTEAU , directeur des équipements sous pression.
Jeudi 17 février 2022
- Réseau Transport Électricité (RTE) : M. Thomas VEYRENC , directeur de la stratégie et de la prospective.
- Électricité de France (EDF) : MM. Étienne DUTHEIL , directeur de la production nucléaire, Régis CLÉMENT , directeur adjoint de la production nucléaire, Bertrand LE THIEC , directeur des affaires publiques et Véronique LOY , directrice des affaires publiques adjointe.
PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE
DU GROUPE
D'ÉTUDES « ÉNERGIE »
Mercredi 20 octobre 2021
- Médiateur national de l'énergie (MNE) : M. Olivier CHALLAN BELVAL , médiateur national de l'énergie, Mme Frédérique FERIAUD , directrice générale des services, et M. Pierre-Laurent HOLLEVILLE , chargé de mission.
Mercredi 24 novembre 2021
- Électricité de France (EDF) : MM. Xavier URSAT , directeur exécutif groupe EDF en charge de la direction ingénierie et projets nouveau nucléaire, Gabriel OBLIN , directeur du projet EPR 2, Renaud CRASSOUS , directeur du projet SMR, Bertrand LE THIEC , directeur des affaires publiques.
Mercredi 15 décembre 2021
- Réseau de transport d'électricité (RTE) : M. Xavier PIECHACZYK , président du directoire.
Mercredi 12 janvier 2022
- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME-ATE) : M. Arnaud LEROY , président.
Mercredi 16 février 2022
- Commission de régulation de l'énergie (CRE) : M. Jean-François CARENCO, président, Mme Olivia FRITZINGER , chargée des relations institutionnelles, et M. Romain CHARVET , chargé de mission à la direction de la communication et des relations institutionnelles.
PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE
DU CYCLE D'AUDITIONS
PLÉNIÈRES SUR LA « SOUVERAINETÉ
ÉNERGÉTIQUE »
Mercredi 13 octobre 2021
- Université Paris Dauphine - Paris School of Economics (PSL) : M. Fréderic GONAND , professeur d'économie.
Mercredi 27 octobre 2021
- ITER Organization : M. Bernard BIGOT , directeur général.
Mercredi 10 novembre 2021
- Électricité de France (EDF) : M. Jean-Bernard LÉVY , président-directeur général.
Mercredi 16 février 2022
- France Industrie : M. Philippe VARIN , ancien président, chargé d'une mission sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales.
* 1 Selon RTE, en janvier, on a dénombré 9 arrêts de réacteurs à la fin du mois et 48 GW de capacité nucléaire en moyenne.
* 2 A contrario , 6 arrêts de réacteurs ont été décalés.
* 3 A contrario , 1 réacteur sera reconnecté.
* 4 A contrario, 2 réacteurs seront reconnectés.
* 5 Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1, Chooz 2, Penly 1.
* 6 Bugey 3, Flamanville 1, Flamanville 2, Chinon 3, Cattenom 3 et Bugey 4.
* 7 Dont 3 dans le cadre d'un arrêt programmé et 3 autres dans le cadre d'un arrêt spécifique.
* 8 Obligeant EDF à vendre aux fournisseurs alternatifs une partie de sa production à un prix régulé.
* 9 De respectivement 1 mégawatt ou 150 mégawatts.
* 10 Il s'agit d'un chiffrage théorique, dans l'hypothèse où cette production d'énergie nucléaire aurait été remplacée par une production d'énergie fossile.
* 11 Tarifant l'électricité à partir du coût de la dernière centrale appelée, fonctionnant bien souvent au gaz.
* 12 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 13 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France , Édition 2021.
* 14 Groupe EDF, EDF actualise son estimation de production nucléaire en France pour 2022 , 13 janvier 2022.
* 15 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 16 Groupe EDF, EDF ajuste son estimation de production nucléaire en France pour 2022, 7 février 2022, et EDF ajuste son estimation de production nucléaire en France pour 2023 , 11 février 2022.
* 17 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 18 Des demandes de raccordement, entre 50 et 100 MW, étant attendues.
* 19 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME-ATE), Base carbone consultable ici .
* 20 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 21 Ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.
* 22 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 23 Décret n° 2019-1467 du 26 décembre 2019 instaurant un plafond d'émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles.
* 24 Article D. 311-7-2 du code de l'énergie.
* 25 Note de présentation de la Consultation du projet de décret instaurant un plafond d'émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles, p. 1.
* 26 Décret n° 2022-123 du 5 février 2022 modifiant le plafond d'émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles.
* 27 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 28 Ibidem.
* 29 Le Figaro , « Macron promet la fermeture des centrales à charbon », 18 décembre 2017.
* 30 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 31 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2020 , 2021.
* 32 Selon la définition donnée par RTE dans le rapport précité sur l'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022.
* 33 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 34 Selon la définition donnée par le ministère de la transition écologique (MTE), consultable ici .
* 35 Article D. 141-11-6 du code de l'énergie.
* 36 Ce dispositif a été institué nationalement en 2020, après avoir existé localement pendant 10 ans.
* 37 Cet hiver, seule une alerte « jaune » régionale a été activée.
* 38 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 39 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 40 Arrêté du 3 novembre 2021 portant nomination à titre transitoire d'un fournisseur de secours en électricité.
* 41 Arrêté du 5 novembre 2021 portant nomination à titre transitoire d'un fournisseur de secours en électricité sur les zones de dessertes des entreprises locales de distribution.
* 42 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France , 2021.
* 43 Historiquement, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a longtemps été la plus vulnérable.
* 44 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 45 Le Président de la République ayant annoncé la fin des arrêts de réacteurs nucléaires, dans son discours de Belfort, du 10 février dernier.
* 46 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).
* 47 Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » - Directive relative à l'efficacité énergétique.
* 48 Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » - Directive relative à la promotion des énergies renouvelables.
* 49 Commission européenne, Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », 2020.
* 50 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050 , Principaux résultats , 2021.
* 51 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.
* 52 Ibidem.
* 53 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050. Les scénarios de mix de production , 2022.
* 54 The Shift Project, L'évaluation énergie-climat du plan de transformation de l'économie française , 2022.
* 55 Banque Mondiale, Minerals for Climate Action : The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition , 2020.
* 56 Agence internationale de l'énergie (AIE), The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions, World Energy Outlook Speech , 2021.
* 57 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques 2050. L'analyse environnementale , 2022.
* 58 Les panneaux solaires nécessitant de leur côté jusqu'à 650 kt de silicium d'ici 2050.
* 59 The Shift Project, L'évaluation énergie climat du plan de transformation de l'économie française , 2022.
* 60 Données indiquées par Frédéric Gonand et Philippe Varin à l'occasion de leurs auditions susmentionnées par la commission des affaires économiques, 12 octobre 2021 et 16 février 2022.
* 61 D'importants gisements en lithium existant également en Bolivie, au Chili et au Pérou.
* 62 Rapport d'information de MM. Daniel Gremillet, Daniel Dubois et Roland Courteau, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 535 tome IV (2019-2020) - 17 juin 2020, « Pour une relance bas-carbone : résilience, compétitivité, solidarité » .
* 63 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France , 2021.
* 64 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France , 2021.
* 65 Rapport d'information de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 201 (2021-2022) - 24 novembre 2021 « Écologie, développement et mobilité durable - (Énergie) ».
* 66 Médiateur national de l'énergie (MNE).
* 67 Ministère de la transition écologique (MTE).
* 68 Et un blocage des TRVG du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022.
* 69 Dont la hausse est bloquée, en gaz, ou compensée, en électricité.
* 70 Les TRVG concernent 3 M de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation de gaz, et les TRVE 22,2 M de sites résidentiels et 1,5 M de sites professionnels, soit 28 % de celle d'électricité, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
* 71 Un dispositif de compensation des pertes de recettes induites par les TRVG étant prévu.
* 72 Groupe EDF, Mesures exceptionnelles annoncées par le Gouvernement français , 13 janvier 2022.
* 73 Données indiquées par Jean-Bernard Lévy à l'occasion de son audition susmentionnée par la commission des affaires économiques, 10 novembre 2021.
* 74 Groupe EDF, Présentation des résultats annuels , 18 février 2022.
* 75 Le Monde, « EDF : l'État va participer à la recapitalisation "à hauteur de 2,1 milliards d'euros", annonce Bruno Le Maire » , 18 février 2022.
* 76 Notamment des TRVG.
* 77 Il en est de même des producteurs de biogaz (articles L. 446-4 et L. 446-7).
* 78 Commission de régulation de l'énergie (CRE), Délibération n° 2021-230 du 15 juillet 2021.
* 79 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat,
Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023, 2024-2028 , avril 2020, pp. 277 et 278.
* 80 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.
* 81 Rapport n° 657 (2018-2019) de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accédée, relatif à l'énergie et au climat, déposé le 10 juillet 2019.
* 82 Sciences & Avenir, « Emmanuel Macron annonce la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035 » , 27 novembre 2018.
* 83 De respectivement 1 et 150 mégawatts.
* 84 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME - ATE), Transition(s) 2050 : Feuilleton Mix électrique, Quelles alternatives et quels points communs ? , 2022.
*
85
Dans le
même temps, les capacités des énergies fossiles ont
diminué (- 5 GW pour le charbon et
- 7 GW pour
le fioul) tandis que celle des énergies renouvelables a augmenté
(+ 9 GW pour le photovoltaïque et + 11 GW pour
l'éolien).
* 86 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Agence de la transition écologique (ADEME - ATE), Transition(s) 2050 : Feuilleton Mix électrique, Quelles alternatives et quels points communs ?, 2022.
* 87 Agence européenne de l'environnement (AEE), bilan statistique consultable ici .
* 88 Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.
* 89 À l'occasion de l'examen de la loi « Énergie-Climat », la commission des affaires économiques du Sénat a fixé pour objectifs (article L. 100-4 du code de l'énergie) :
- au moins 10 % d'énergies renouvelables dans la consommation de gaz d'ici à 2030 (4°) ;
- environ 20 à 40 % d'hydrogène bas-carbone et renouvelable dans les consommations totales d'hydrogène et d'hydrogène industriel d'ici à 2030 (10°) ;
- 1 gigawatt par an de capacités installées de production à l'issue de procédures de mise en concurrence en matière d'éolien en mer d'ici à 2024 (4° ter).
Or, le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 fixant la programmation pluriannuelle de l'énergie assortit ces objectifs de conditions restrictives :
- le premier est fixé à 7 % en cas de baisses de coûts de production permettant d'atteindre 75 €/mégawattheures (MWh) en 2023 et 60 € en 2028 et jusqu'à 10 % en cas de baisses de coûts supérieures (I de l'article 5) ;
- le deuxième ne vise que l' hydrogène industriel (II du même article) ;
- le dernier varie « selon les prix et le gisement , avec des tarifs cibles convergeant vers les prix de marché sur le posé » (II de l'article 3).
* 90 Rapport d'information n° 535, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur le plan de relance de la commission des affaires économiques (Tome IV : Énergie), par MM. les Sénateurs Daniel Gremillet, Daniel Dubois et Roland Courteau, « Pour une relance bas-carbone : résilience, compétitivité, solidarité » .
* 91 Rapport d'information n° 553, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur la mise en application de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, par M. le Sénateur Daniel Gremillet, 5 mai 2021, « Où en est l'application de la loi "Énergie-Climat" ? Où en est l'atteinte de l'objectif de "neutralité carbone" ? » .
* 92 Rapport d'information n° 136, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur la filière française des biocarburants, par M. le Sénateur Pierre Cuypers, 20 novembre 2019, « Les biocarburants : Un atout pour la transition et l'indépendance énergétiques » .
* 93 Rapport d'information n° 872 de M. Daniel Salmon, fait au nom de la mission d'information sur « la méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts », 29 septembre 2021, « Méthanisations : au-delà des controverses, quelles perspectives ? » .
* 94 Rapport d'information de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 201 (2021-2022) - 24 novembre 2021 « Écologie, développement et mobilité durable - (Énergie) » .
* 95 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 1 er ).
* 96 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (articles 68, 85, 86, 87, 89, 92 et 138).
* 97 Proposition de résolution n° 348 (2020-2021) en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques.
* 98 Proposition de résolution n° 214 (2021-2022) au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables.
* 99 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.
* 100 The Shift Project, L'évaluation énergie-climat du plan de transformation de l'économie française , 2022.
* 101 Agence internationale de l'énergie (AIE), Panorama de l'énergie mondiale 2020 , Résumé, 2020.
* 102 France Stratégie, Quelle sécurité d'approvisionnement électrique en Europe à l'horizon 2030 , janvier 2021, n° 99.
* 103 Le Président de la République ayant annoncé la fin des arrêts de réacteurs nucléaires, dans son discours de Belfort, du 10 février dernier.
* 104 Et sans flexibilité supplémentaire.
* 105 Règlement (UE) n° 2019/943 du 05/06/19 sur le marché intérieur de l'électricité.
* 106 Tout comme le marché du gaz.
* 107 En outre, un Forum pentalatéral de l'énergie lie la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Autriche et la Suisse.
* 108 Tempêtes Lothar et Marin (1999) et coupures dans l'Ouest (1987) ou le Nord (1978).
* 109 Réseau de transport d'électricité (RTE), Précision sur les bilans CO 2 établis dans le bilan prévisionnel et les émissions associées , 2020.
* 110 France Stratégie, Quelle sécurité d'approvisionnement électrique en Europe à l'horizon 2030 , janvier 2021, n° 99.
* 111 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023 et 2024-2028 , pp. 159 et 160.
* 112 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
* 113 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.
* 114 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Les scénarios de mix production-consommation , 2022.
* 115 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.
* 116 Les 12 thématiques sont les suivantes :
- Quel équilibre entre recours à la sobriété énergétique et recours aux technologies nouvelles ?
- Quelles conditions pour une véritable culture du bas-carbone ?
- Souveraineté économique et échanges internationaux dans la transition : quel équilibre ?
- Quel accompagnement des ménages, entreprises, salariés et territoires pour une transition juste ?
- Quel équilibre entre les différents outils de politique publique dans la lutte contre le changement climatique ?
- Comment assurer une meilleure intégration des efforts d'atténuation dans les politiques territoriales ?
- Quelle répartition par secteur (bâtiment, transport, agriculture, déchet, industrie, production et transformation d'énergie) de l'effort supplémentaire pour le rehaussement de l'objectif climatique à l'horizon 2030 ?
- Comment baisser les émissions du transport ?
- Quelles évolutions pour le secteur du bâtiment pour le neuf et le parc existant ?
- Quelle agriculture dans un futur bas-carbone ?
- Quelle place pour la forêt et les produits bois dans la stratégie climatique nationale ?
- Comment organiser la fin des énergies fossiles à l'horizon 2050 ?
* 117 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 et Acte délégué climatique complémentaire incluant, sous certaines conditions strictes, les activités énergétiques spécifiques du nucléaire et du gaz dans la liste des activités économiques couverte par la taxonomie européenne, 2 février 2022.
* 118 Proposition de directive du Conseil restructurant le cadre de l'Union de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (refonte), COM(2021) 563 final.
* 119 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM(2021) 557 final.
* 120 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'efficacité énergétique (refonte), COM(2021) 558 final.
* 121 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil, COM(2021) 559 final.
* 122 Déclaration de Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur la lutte contre le réchauffement climatique et la politique de l'énergie, Paris, 26 octobre 2021.
* 123 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 30).
* 124 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 90).
* 125 Des éléments parcellaires figurent actuellement sur les moyens de production d'électricité.
* 126 Des éléments parcellaires figurent actuellement sur les volumes, flux et jours d'imports d'électricité.
* 127 Dans la mesure où l'activité monopolistique de RTE ne s'étend pas aux ZNI.
* 128 Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, les îles de Molène, d'Ouessant, de Sein et de Chausey.
* 129 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 1 er ).
* 130 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 85).
* 131 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 164).
* 132 Ministère de la transition écologique (MTE), Chiffres clés de l'énergi e, 2021.
* 133 Ibidem .
* 134 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 1 er ).