V. LA RÉFORME DU LYCÉE : UNE RÉFORME AU MILIEU DU GUÉ

A. L'OBJECTIF DE LA RÉFORME : MIEUX PRÉPARER LES LYCÉENS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Dans la voie générale : de trois filières à 13 spécialités

Promesse de campagne présidentielle de 2017, la réforme du lycée a entraîné un profond bouleversement de l'organisation de celui-ci ces trois dernières années. Au regard de ces changements, les rapporteurs regrettent que ni la réforme du lycée, ni la réforme du baccalauréat n'aient fait l'objet de plus de débats devant le Parlement .

La cohorte 2021, qui a commencé en septembre ses études supérieures, est la première à avoir vécu ces nouvelles modalités du cycle terminal.

L'objectif de la réforme est multiple :

- faire émerger des parcours plus personnalisés pour les élèves afin de mieux les préparer à leurs études supérieures et ainsi réduire les taux d'échec en cycle de licence. En 2018, seuls 45,4 % des lycéens entrant en licence réussissaient leur année ;

- mettre fin à un fonctionnement en silo des filières ainsi qu'à la hiérarchie perçue entre les filières - la série « S » notamment qui accueillait en 2019 plus de 50 % des élèves.

À la rentrée 2019, première année de mise en oeuvre de la réforme , les 386 600 élèves de première générale ont choisi leurs trois spécialités : la « triplette » de spécialités.

La nouvelle organisation du lycée en voie générale : 13 spécialités

La nouvelle organisation a remplacé les trois filières S, ES et L de la voie générale par 13 spécialités :

- histoire géographie, géopolitique et sciences politiques ;

- humanités, littérature et philosophie ;

- langues, littératures et cultures étrangères et régionales ;

- littérature, langues et cultures de l'antiquité ;

- mathématiques ;

- numérique et sciences informatiques ;

- sciences de la vie et de la terre ;

- sciences de l'ingénieur ;

- sciences économiques et sociales ;

- physique-chimie ;

- arts (histoire des arts, théâtre, arts plastiques, arts du spectacle, cinéma-audiovisuel, danse) ;

- biologie écologie (uniquement pour l'enseignement agricole) ;

- éducation physique, pratiques et cultures sportives : nouvelle spécialité créée en première à la rentrée 2021 et de terminale à la rentrée 2022.

En terminale, les élèves doivent abandonner une spécialité, pour ne conserver qu'une « doublette ».

À ce choix de spécialité s'ajoute la possibilité pour l'élève de prendre une option en première, et en terminale une option et un enseignement optionnel (mathématiques complémentaires, mathématiques expertes, DGEMC). Cette année, en terminale, 61 % des élèves ont fait le choix de ne suivre aucun enseignement optionnel .

Enfin, tous les élèves suivent un tronc commun de 16 heures en voie générale - 14 heures en voie technologique - incluant le français (en première uniquement), l'histoire-géographie, l'enseignement moral et civique, deux langues vivantes, l'éducation physique et sportive, l'enseignement scientifique (mathématiques en voie professionnelle) et la philosophie en terminale.

Classe

2 nde

1 ère

terminale

générale et technologique

générale

technologique

générale

technologique

Tronc commun

16 heures

14 heures

16 heures

14 heures

Enseignement de spécialité

3, de 4h au choix

2 enseignements de 6h au choix

Enseignement optionnel

1, ou 2

1

2, de 3h maximum

Plus éventuellement

1 atelier artistique

1 ou 2 ens. optionnels de langues et cultures de l'Antiquité (latin et/ou grec)

1 atelier artistique

1 ou 2 ens. optionnels de langues et cultures de l'Antiquité (latin et/ou grec)

1 atelier artistique

2. Une réforme du lycée accompagnée par une réforme du baccalauréat

La réforme du lycée s'est accompagnée d'une réforme du baccalauréat dans un quadruple objectif :

- redonner sa crédibilité au baccalauréat , notamment la correspondance entre les résultats obtenus et le niveau d'acquisition des connaissances et des compétences ;

- parce qu'il constitue le premier diplôme de l'enseignement supérieur, avoir une meilleure articulation entre le baccalauréat et celui-ci. Cela passe notamment par une prise en compte des notes du baccalauréat dans le cadre du processus de candidature à l'enseignement supérieur . Les résultats du baccalauréat, dans son ancienne version, étaient connus après ceux d'admission dans l'enseignement supérieur ;

- éviter le bachotage et « transformer le rapport aux apprentissages en valorisant un effort inscrit dans la durée » 18 ( * ) ;

- avoir une organisation moins complexe , permettant notamment une reconquête du mois de juin.

Dans cette perspective, le nouveau baccalauréat prévoit de nouvelles modalités d'évaluation, basées sur 100 coefficients et un nouveau calendrier d'épreuves.

Les nouvelles modalités de passage du baccalauréat

Un contrôle continu à hauteur de 40 coefficients, établi sur la moyenne générale issue des moyennes annuelles du cycle terminal et intégrant les disciplines du tronc commun ne faisant pas l'objet d'un examen final. Chaque matière compte pour 6 coefficients, l'enseignement de spécialité abandonné à la fin de la première pour 8 coefficients et l'enseignement moral et civique pour 2 coefficients.

Le maintien d'épreuves anticipées ou finales, mais selon de nouvelles modalités pour certaines d'entre elles :

- les épreuves de français en fin de première : coefficients 5 pour l'écrit et 5 pour l'oral ;

- les deux épreuves de spécialités conservées par l'élève en terminale et passées normalement courant du mois de mars (16 coefficients chacune) ;

- la philosophie à la fin de la terminale : 8 coefficients en voie générale, 4 coefficients en voie technologique ;

- le grand oral : 10 coefficients en voie générale et 14 coefficients en voie technologique).

Enfin, les options, évaluées dans le cadre du contrôle continu, viennent s'ajouter, à hauteur de 2 coefficients par option et par année, et dans la limite de 14 coefficients (soit 3 enseignements optionnels en 1 ère et 4 en terminale).

Cette nouvelle organisation doit permettre de prendre en compte dans Parcoursup une partie des notes de contrôle continu, ainsi que les notes des deux épreuves de spécialités de terminale passées normalement au printemps. Les choix et les résultats de spécialités sont censés jouer un rôle important dans l'orientation de l'élève vers le supérieur .

Les rapporteurs notent que depuis sa mise en place en 2019 et alors même que les deux premières années ont été perturbées par la pandémie, les nouvelles modalités du baccalauréat ont déjà connu de nombreux aménagements, en vigueur depuis la rentrée 2021 :

- les épreuves communes de contrôle continu - les E3C - qui devaient se tenir initialement aux deuxième et troisième trimestres de première et au premier trimestre de terminale ont été supprimées et remplacées par la moyenne annuelle des notes. Ces épreuves n'ont au final jamais pu se mettre en place, entre la contestation de la première session en février 2020 et la crise sanitaire ;

- les modalités de prise en compte des options ont été revues : initialement intégrées dans la moyenne du tronc commun, elles permettent désormais à l'élève de bénéficier de coefficients supplémentaires ;

- les programmes de certains enseignements de spécialité ont été recalibrés . À titre d'exemple, pour la spécialité SES, les questions évaluables dans le cadre de l'épreuve de spécialité de terminale sont partagées en deux catégories « année paire » et « année impaire » ;

- le contenu de l'enseignement scientifique du tronc commun pourrait être modifié pour accorder une place plus importante aux mathématiques, selon les dernières déclarations du ministre en février 2022.

Pour les rapporteurs, ces modifications traduisent une réforme entrée en vigueur dans la précipitation et dont les enseignants et élèves en font les frais .

La réforme du baccalauréat perturbée par la crise sanitaire

Les élèves de première devaient inaugurer lors de l'année scolaire le baccalauréat dans sa nouvelle formule. Étaient notamment prévues en février et mai 2020 les épreuves communes de contrôle continu. Dans de nombreux établissements, la première session des E3C n'a pas pu se tenir, en raison de l'opposition des enseignants et des élèves.

La pandémie de la Covid-19 et le confinement de mi-mars à mi-mai ont empêché leur rattrapage et le déroulement normal des épreuves au 1 er semestre 2020. Le 3 avril 2020, le ministre de l'éducation nationale a annoncé des aménagements pour les examens : en ce qui concerne l'épreuve de français, l'épreuve anticipée à la fin de la première a été remplacée par la moyenne des notes obtenues tout au long de l'année. Les épreuves d'E3C qui devaient se tenir en mai/juin en histoire-géographie, langues, et mathématiques en voie technologique, ont été annulées.

De même, l'année 2020-2021 a également été perturbée : les évaluations communes de première et de terminale ont été annulées, tout comme les épreuves de spécialités de terminale, au profit du contrôle continu. Si les épreuves de français, le grand oral et la philosophie ont été maintenus, pour cette dernière la meilleure des notes entre la moyenne annuelle et la note obtenue à l'épreuve a été conservée. Au final, la part du contrôle continu pour la note du baccalauréat 2021 est de 82 %, au lieu des 40 % initialement prévus.


* 18 Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles, rapport de Pierre Mathiot remis à Jean-Michel Blanquer le 24 janvier 2018.

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