C. DES INTERROGATIONS SUR LES MOYENS DANS UN CONTEXTE DE PLAFONNEMENT DES EFFECTIFS DES CLASSES DE GRANDE SECTION, CP ET CE1 À 24 ÉLÈVES HORS ÉDUCATION PRIORITAIRE

Le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en REP et REP + nécessite un nombre important d'emplois d'enseignant. À celui-ci s'ajoute le plafonnement annoncé par le Président de la République de ces mêmes niveaux de classe à 24 élèves hors éducation prioritaire.

Le plafonnement à 24 élèves des classes de grande section, CP et CE1,
hors éducation prioritaire

Dans le cadre de sa restitution du grand débat national, le Président de la République a annoncé en avril 2019 un plafonnement des classes de grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire, à 24 élèves.

Selon les données du ministère de l'éducation nationale, cela concerne en 2019 environ 38 % du total des classes de ces trois niveaux, dont :

- 58 % des classes de grande section ;

- 24 % des classes de CP ;

- 43 % des classes de CE1.

Alors que 62 % des classes de ces trois niveaux avaient leurs effectifs inférieurs à 24 à la rentrée 2019, on compte à la rentrée 2021 86 % des classes de grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire, dont les effectifs sont plafonnés.

Les rapporteurs s'interrogent sur l'adéquation entre les besoins humains à la suite de ces annonces et les moyens mis à disposition par l'éducation nationale. En effet, ces deux mesures - dédoublement et plafonnement - nécessitent 19 300 emplois .

Emplois concernés

Nombre d'emplois concernés

Zone d'éducation prioritaire

Dédoublement CP et CE1

10 800

Dédoublement grande section

5 900

Hors zone d'éducation prioritaire

Plafonnement de la grande section au CE1

2 600

Total

19 300

Or, le nombre d'ETP créés dans le primaire, sur l'ensemble du quinquennat, ne permet pas de répondre à ces besoins.

Nombre d'ETP créés au primaire sur le quinquennat

Loi de finances

2018

2019

2020

2021

PLF 2022

Total

ETP créés

2 800

1 800

440

2 039

0

7 079

Les rapporteurs constatent que l'écart entre le nombre de postes créés dans le primaire entre 2018 et 2022 et le nombre de postes nécessaires pour mettre en oeuvre le dédoublement et le plafonnement est de 12 221 ETP .

Interrogé, le ministère a apporté les explications suivantes :

- la mise en oeuvre de ces mesures se prolonge au-delà de la période 2018-2022. Seuls 15 400 besoins d'emplois sont à rattacher à cette période.

- ces 7 079 ETP créés n'incluent pas les enseignants stagiaires. Or, ceux-ci effectuaient jusqu'à cette rentrée un demi-service d'enseignement en stage. À compter de la rentrée 2022, la réforme de la formation initiale conduira à nommer une partie des lauréats de concours à temps plein d'enseignement. Cela représente 2 000 ETP en moyen d'enseignement supplémentaire. Par ce biais, sur la période 2018-2022, les 7 079 créations d'emplois inscrits en loi de finances se traduiront par un apport de 11 135 ETP en moyens d'enseignement.

- le solde sur cette même période est financé par des redéploiements d'emplois :

o des redéploiements liés à la baisse démographique :

Entre les rentrées 2017 et 2021, on dénombre 229 000 élèves de moins dans le primaire et une baisse supplémentaire de 91 700 élèves de primaire est attendue à la rentrée 2022.

Les rapporteurs notent que le ministère a pu s'appuyer sur une aubaine démographique pour mettre en oeuvre cette réforme. Au final, dans un certain nombre de territoires, la limitation des classes à 24 élèves relève de l'effet démographique plutôt que d'une action politique ;

o le recours à des ETP précédemment mobilisés dans le cadre du dispositif « plus de maîtres que de classes » .

Les rapporteurs regrettent qu'aucune évaluation de ce dispositif n'ait été réalisée. Il présentait l'avantage de permettre à un enseignant d'encadrer un petit groupe d'élèves , le reste de la classe étant pris en charge par l'autre enseignant - ce que permet moins de faire le dédoublement des classes.

Les rapporteurs appellent à une vigilance toute particulière dans le déploiement de cette mesure, alors même que d'autres annonces gouvernementales sont également consommatrices de moyens humains supplémentaires dans le primaire. Tel est le cas du renforcement des temps de décharges des directeurs d'école : sur l'année scolaire 2021-2022, cela correspond selon les documents budgétaires à 643 ETP.

Les rapporteurs rappellent l'engagement du Président de la République à ne fermer aucune école, sans l'accord du maire. 75 % des quelque 2 000 élus locaux qui ont répondu à la consultation du Sénat dans le cadre de l'Agora de l'éducation, craignent une fermeture de classe dans les cinq prochaines années. Alors que les commissions départementales de l'éducation nationale sont en pleine préparation, dans plusieurs départements, les affectations supplémentaires pour permettre une augmentation des temps de décharge des directeurs d'école sont compensées par des fermetures de postes.

Enfin, si le directeur général de l'enseignement scolaire a indiqué que les dédoublements ne se font pas au détriment des postes affectés au remplacement , les rapporteurs ont eu de nombreux échos de terrain indiquant des difficultés particulières sur les capacités de remplacer les enseignants absents. La commission s'intéresse de longue date à cette problématique.

Les difficultés de remplacement sont une difficulté chronique de l'éducation nationale qui impactent non seulement la continuité pédagogique pour les élèves, mais aussi la formation continue des enseignants - à laquelle ils doivent renoncer, faute de remplacement -, ou encore la réalisation des tâches des directeurs d'école qui sacrifient leurs temps de décharge pour cette même raison.

Dans le premier degré, alors que le taux de remplacement était de 81,78 % en 2017-2018 et de 83,33 % en 2018-2019, il a chuté à 78,90 % en 2019-2020 et à 78,43 % en 2020-2021 - la pandémie expliquant en partie ce recul.

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Tout au long du quinquennat, le gouvernement a affiché sa priorité envers le primaire et l'apprentissage des savoirs fondamentaux. Les dédoublements des classes en REP et REP + et le plafonnement des effectifs à 24 élèves, hors éducation prioritaire, pour les classes de grande section au CE1, sont en cours de réalisation et témoignent de cet engagement.

Pour l'instant, les premiers résultats sur le niveau des élèves restent mitigés au regard des moyens importants consacrés.

Une évaluation à moyen terme sera nécessaire tout comme une attention particulière pour ces élèves au moment où ils quitteront les classes à effectifs réduits et plafonnés. L'engagement en faveur du primaire ne doit en effet pas cesser à la fin du CE1, au risque de voir les efforts du ministère perdre de leur sens.

Enfin, les créations de postes au regard des besoins dénombrés interrogent. Si la baisse démographique, la fin du dispositif « plus de maitre que de classes » - sans évaluation préalable - et la réforme de la formation initiale comblent en partie cette différence, les rapporteurs estiment que cette réforme ne doit pas se faire au détriment des moyens de remplacement ou par des suppressions de postes. Une vigilance toute particulière sur la mise en oeuvre de ces limitations d'effectifs est nécessaire .

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