AVANT PROPOS

La défense des patrimoines constitue un des trois grands axes, avec la création artistique et la transmission des savoirs, de la mission « Culture ». Elle passe par le biais de dispositifs de soutien aux opérateurs - à l'image des musées nationaux - aux collectivités territoriales ainsi que, dans une moindre mesure, aux propriétaires privés. La mise en avant du Loto du patrimoine, destiné à compléter l'action de l'État dans ce domaine, la mobilisation de la générosité nationale en faveur de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou l'affectation de crédits conséquents au sein du Plan de relance (614 millions d'euros répartis sur les exercices 2021 et 2022) ont illustré au cours du quinquennat qui s'achève la prégnance de cette politique au sein du débat public.

La richesse du patrimoine français, mobilier comme immobilier, induit un effort particulier en sa faveur, qui ne saurait cependant se limiter au seul financement de sa restauration. L'État ou les collectivités territoriales ont su, en effet, développer un certain nombre de structures appelées à exercer une expertise en matière de recherche dans ce domaine. Le ministère de la culture gère directement trois d'entre elles, rassemblées sous le statut de services à compétence nationale (SCN) : le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Ces trois organismes bénéficient aujourd'hui d'une renommée internationale

Le DRASSM avait fait l'objet en 2010 d'une mission de contrôle budgétaire de la commission des finances 1 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux ont souhaité compléter ce travail en étudiant les deux autres SCN et en évaluant le suivi des recommandations visant le DRASSM. Ce nouveau travail vise également à préciser le rôle de ces services au sein d'un réseau dense de structures dédiées aux questions patrimoniales, au sein duquel il peut apparaître difficile de se repérer.

I. DES SERVICES COMPLÉMENTAIRES

Le réseau des services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture est composé :

- des dix-sept musées nationaux répartis en douze SCN ;

- du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ;

- du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ;

- de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAPA) ;

- du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) ;

- des trois services d'Archives nationales : les Archives nationales (AN), les Archives nationales d'outre-mer (ANOM) et les Archives nationales du monde du travail (ANMT).

La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.

L'activité tourne autour de trois axes :

- faire progresser les connaissances et les méthodes ;

- organiser les données descriptives en garantissant leur qualité et leur homogénéité sur le territoire ;

- disposer de moyens techniques performants de datation, d'analyse et d'évaluation des procédés de conservation et de restauration.

La recherche en faveur des patrimoines vise également à :

- élaborer des instruments de recherche pour les fonds et les collections ;

- moderniser les outils de stockage, de traitement, de recherche et de diffusion des ressources numérisées ;

- éclairer les décisions en étudiant les besoins et usages des utilisateurs.

Elle peut s'inscrire dans le cadre de projets européens, financés par l'Union européenne, via la Commission européenne. Celle-ci pilote en effet le projet d'infra-structures de recherche « E-RISH » pour les sciences du patrimoine. Elle coordonne également les Initiatives de programmation conjointe de recherche à l'image de l'initiative conjointe ( Joint programming initiative - JPI) « Patrimoine culturel et changement global : un nouveau défi pour l'Europe ».

Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale :

- le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ;

- le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ;

- le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

A. DEUX STRUCTURES DÉDIÉES AU PATRIMOINE MOBILIER ET IMMOBILIER

1. Le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)

Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.

Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie.

Il répond à deux objectifs :

- apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques ;

- développer une activité de recherche.

Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique . La direction de l'établissement est confiée à des membres du corps des conservateurs du patrimoine.

La loi de finances pour 2022 prévoit, pour cet établissement et après mise en réserve, une dotation de 788 072 euros (AE = CP) au titre du programme 361 :

- 634 458 euros au titre des frais de fonctionnement ;

- 153 614 euros dédiés à l'acquisition ou à l'entretien de matériels techniques de recherche.

Elle est complétée par une dotation du programme 175 provenant de l'enveloppe dédiée à la recherche en faveur des patrimoines, soit 139 876 euros en AE et 201 864 euros en CP, après mise en réserve, dont 46 488 euros en CP au titre des crédits d'investissement .

La dotation versée par le ministère de la culture en 2022 s'élève au total à 896 425 en AE et 958 413 euros en CP, après mise en réserve. Cette dotation n'intègre pas les frais de personnels.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette dotation a pu, par le passé, être complétée par le mécénat d'entreprise, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le Cercle des partenaires du patrimoine, qui a notamment participé à la mise en place d'un pôle bétons ou d'un programme plâtre a vu son activité s'arrêter en 2018. Aucune structure ne l'a depuis relayé, faute de réel appui du ministère. La révision en loi de finances pour 2020 du régime fiscal du mécénat d'entreprise ne favorise pas aujourd'hui une implication d'un acteur privé. Cette situation contraste avec celle constatée au sein des partenaires européens du LRMH, en particulier en Allemagne ou en Italie, où les grandes entreprises sont associées aux travaux des laboratoires.

a) L'assistance technique

Le LRMH peut être saisi par les architectes en chef des monuments historiques (ACMH) et les conservateurs régionaux des monuments historiques (CRMH) au titre de sa mission d'assistance technique.

Le LRMH peut réaliser tout ou partie de la gamme des interventions scientifiques, tout au long du chantier, et ce jusqu'à son achèvement. Il peut être amené, ponctuellement, à proposer un recours à des laboratoires extérieurs pour des analyses qu'il ne peut assurer lui-même.

En ce qui concerne les monuments historiques publics comme privés n'appartenant pas à l'État, le laboratoire intervient dans le cadre du contrôle scientifique et technique de l'État. Il donne accès à ses archives concernant le monument, peut participer à un pré-diagnostic, suggérer des protocoles d'études scientifiques et techniques qui serviront de base à la consultation de laboratoires privés, évaluer les résultats que ces derniers produisent et assister ainsi les maîtres d'ouvrage et d'oeuvre.

S'agissant des interventions, 298 opérations ont été réalisées en 2018, visant 177 monuments historiques. Le volume est resté quasiment identique en 2019 , le laboratoire étant par ailleurs mobilisé sur les travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La mobilisation du laboratoire sur ce dernier chantier n'a pas débouché sur une augmentation de ses effectifs. Une dotation visant l'acquisition d'équipements adaptés (résistance au plomb notamment) a, néanmoins, été accordée, en 2019 (47 096 euros).

Le LRMH intervient toujours à titre gracieux .

b) L'activité de recherche

L'activité de recherche du LRMH est centrée sur :

- l'amélioration de la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres patrimoniales et de leurs mécanismes d'altération ;

- l'optimisation ou l'évaluation des techniques et produits de la conservation et de la restauration ;

- le développement de nouvelles instrumentations spécifiques.

L'activité de recherche est financée sur fonds propres. Le LRMH est également partenaire de projets nationaux (ANR, programme national de recherche sur la conservation du patrimoine, DIM MAP). Le LRMH est par ailleurs membre de deux laboratoires d'excellence (LabE) : MATISSSE et PATRIMA. Il participe à la gestion de la plateforme d'équipements mobiles (EquipEx PATRIMEX) et au réseau OXYMORE.

Le LRMH est également associé aux grands organismes internationaux traitant de la conservation des biens culturels :

- Comité de conservation du Conseil international des musées (ICOM) ;

- Institut international de conservation (IIC) ;

- Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) ;

- Corpus Vitrearum, organisme international regroupant des historiens du vitrail pour le recensement et l'étude des vitraux anciens.

2. Le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

Mis en place le 1 er janvier 1999, le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF ), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966 2 ( * ) . Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).

Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.

Le programme 361 prévoit, en 2022, après mise en réserve, une dotation de 0,72 millions d'euros (AE=CP) pour le C2RMF :

- 438 000 euros (AE=CP) au titre des frais de fonctionnement hors dépenses de personnels ;

- 285 625 euros (AE=CP) dédiés à l'acquisition ou à l'entretien de matériels techniques et notamment à la maintenance de l'accélérateur de particules AGLAE.

Elle est complétée par une dotation du programme 175 de 3,97 millions d'euros en AE et 3,37 millions d'euros en CP après mise en réserve, dont 2,67 millions d'euros (AE=CP) au titre des frais de fonctionnement

La dotation versée par le ministère de la culture en 2022 s'élève au total à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP, après mise en réserve.

416 985 euros (AE=CP) de fonds de concours sont, en outre, prévus en 2022 en faveur du C2RMF dans le cadre du programme Domaine d'intérêt majeur - Matériaux anciens et patrimoniaux (DIM-MAP), mené conjointement par le CNRS, le muséum d'histoire naturelle, l'école des hautes études en sciences sociales et la région Ile-de-France.

Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale.

Service technique compétent en matière de restauration, il participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.

Le C2RMF est composé de quatre départements :

- le département recherche , qui réunit cinq groupes : objets (métal, verre, céramique, pierre), peinture (peinture de chevalet, polychromie, arts graphiques), datation (carbone 14, thermoluminescence), AGLAE 3 ( * ) + (microscope électronique à balayage / fluorescence X, diffraction) et imagerie (photographie, radiographie, apparence, imagerie informatique)

- le département restauration , qui regroupe six filières : archéologie et ethnographie, arts décoratifs, art contemporain, peinture, sculpture et arts graphiques ;

- le département conservation préventive , qui comprend deux filières : expertise en conservation préventive et régie des oeuvres ;

- le département archives et nouvelles technologies de l'information , qui comprend également deux filières : archives, documentation et bibliothèques et nouvelles technologies de l'information.

Le C2RMF ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre.

L'Institut national du patrimoine (Inp)

L'Institut national du patrimoine (Inp) est un établissement d'enseignement supérieur du ministère de la culture créé par le décret n°90-406 du 16 mai 1990. Il a pour mission le recrutement par concours et la formation initiale des conservateurs du patrimoine de l'État, de la fonction publique territoriale et de la Ville de Paris (50 conservateurs formés chaque année) ainsi que la sélection, également par concours, et la formation de restaurateurs du patrimoine habilités à travailler sur les collections publiques (20 restaurateurs diplômés chaque année).

L'Inp propose également des formations permanentes pour les professionnels du patrimoine, français et étrangers. 80 sessions de formation permanente rassemblent environ 1 200 participants chaque année. Il est aussi un lieu de diffusion culturelle à travers des conférences et des colloques qui sont autant d'occasions de travailler avec d'autres institutions patrimoniales et universitaires, françaises et étrangères.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 7,41 millions d'euros (AE=CP) au titre du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ».

Il dispose de 41 ETPT rémunérés par le ministère de la Culture et 47 ETPT rémunérés directement.

Source : commission des finances du Sénat

Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette mission a pu être élargie avec l'expertise, en avril 2018, de l'oeuvre attribuée à Léonard de Vinci, Salvatore Mundi , qui ne fait pas partie desdites collections. Le tableau a en effet été acquis par la famille régnante d'Arabie Saoudite lors d'une vente aux enchères pour un montant de 383 millions d'euros en novembre 2017. L'accélérateur de particules AGLAE a ainsi été utilisé afin de déterminer l'origine de l'oeuvre. Cette expertise n'a pas donné lieu à une rétribution du C2RMF. Elle a été réalisée aux termes d'un accord passé avec le Musée du Louvre, signé le 13 juin 2018. Elle s'inscrivait dans le cadre d'un éventuel prêt au musée de cette oeuvre en vue de sa présentation au sein de l'exposition temporaire dédiée au peintre italien montée au deuxième semestre 2019. Cette expertise qui servait tout à la fois le Musée du Louvre et le propriétaire n'a pas donné lieu à rétribution.

Sans contester le bien-fondé d'une opération qui souligne la qualité et la réputation de l'expertise du Centre à l'international, les rapporteurs spéciaux regrettent que cette opération n'ait pas permis de dégager des ressources supplémentaires pour le C2RMF alors même qu'il dérogeait à sa vocation première.


* 1 Archéologie subaquatique et sous-marine : un havre abrité de la rigueur ? Rapport d'information de M. Yann Gaillard fait au nom de la commission des finances n° 109 (2010-2011) - 16 novembre 2010.

* 2 Arrêté du 16 décembre 1998 érigeant divers services de la direction des musées de France en services à compétence nationale.

* 3 AGLAE est le nom de l'accélérateur de particules dont dispose le C2RMF.

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