Réponse de Marie-Jo Zimmermann
Merci beaucoup. Je suis très émue.
Présider cette délégation à l'Assemblée nationale pendant dix ans a été une chance extraordinaire pour moi. Je vous souhaite d'en être la présidente aussi longtemps. J'ai ainsi eu le temps, avec la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, de toucher toutes les sphères de la société, la politique également, les lois sur la parité, les exécutifs régionaux, municipaux... Nous avons également participé à la réforme constitutionnelle du Président Sarkozy en 2008. Ça n'a pas été facile. Nous l'avons fait. Je répondais à un souhait de Simone Veil en le faisant.
En janvier 2011, nous avons légiféré sur les conseils d'administration des grandes entreprises françaises. Pourquoi n'avons-nous pas touché aux comités de direction et aux comités exécutifs à l'époque ? J'avais encore foi dans les patrons d'entreprises, qui devaient simplement respecter les lois. Si nous avions respecté les lois, et notamment la loi Génisson de 2001, nous ne serions pas obligés aujourd'hui de légiférer sur les Codirs et les Comex. Si je suis contente que Marie-Pierre Rixain ait déposé cette proposition de loi, c'est quelque part un échec pour moi. Pour un législateur, comme vous l'êtes toutes les trois, ne pas respecter les lois est très frustrant. Je me suis battue, entre 2002 et 2012, pour simplement faire respecter les lois sur l'égalité professionnelle. J'ose espérer qu'après la loi Rixain, les chefs d'entreprises seront un peu plus obéissants, et surtout qu'ils respecteront les femmes qui ont des compétences.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Merci beaucoup, Madame la députée. Félicitations à vous. Merci à nos deux rapporteures qui avaient fait un important travail sur ce sujet.
Le respect des lois est une question cruciale. De nombreux sénateurs et sénatrices sont parmi nous ce soir. Nous avons mené plusieurs travaux de bilan d'application des lois, parmi lesquelles la vôtre, mais aussi celle sur la lutte contre le système prostitutionnel. En la matière, il reste du chemin à parcourir.
Remise du prix de la délégation à Maud Olivier
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - J'invite Maud Olivier à me rejoindre.
Madame la députée, chère Maud Olivier,
Pour la troisième édition de son prix, la délégation a choisi de mettre à l'honneur une ancienne collègue parlementaire, Maud Olivier, pour son engagement depuis de nombreuses années dans la lutte contre le système prostitutionnel.
Maud Olivier fut co-auteure et rapporteure à l'Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, promulguée le 13 avril 2016.
Au total, cinq ans de travail parlementaire ont été nécessaires à la promulgation de cette loi comme vous l'aviez rappelé devant notre délégation le 8 avril dernier lors d'une table ronde consacrée au bilan d'application de cette loi cinq ans après son adoption.
Au cours de cette table ronde, vous nous aviez fait part du combat difficile que vous aviez dû mener pour faire aboutir ce texte, à la fois en interne au sein des assemblées et en externe avec une presse et des lobbies proxénètes vent debout sur un aspect particulier du texte : la responsabilisation des clients.
Aujourd'hui, si les dispositions du texte sont effectives et les politiques publiques ont évolué, si l'esprit de la loi votée en 2016 doit être salué comme un tournant décisif dans la lutte contre « la plus vieille violence du monde », force est de constater que son application sur l'ensemble du territoire est loin d'être à la hauteur des espérances exprimées il y a cinq ans par tous les défenseurs de la lutte contre le système prostitutionnel.
On dénombre encore aujourd'hui 30 000 à 40 000 personnes prostituées en France ; l'âge moyen d'entrée dans la prostitution est de 14 ans ; on comptabilise environ 10 000 mineurs prostitués ; 85 % des personnes prostituées sont des femmes, à 90 % des étrangères victimes de la traite et 99 % des clients sont des hommes.
Si l'application de l'ensemble des dispositions de la loi sur le territoire national doit encore être améliorée, nous retenons toutefois ce constat positif dont vous nous aviez fait part le 8 avril dernier : il apparaît aujourd'hui inconcevable de revenir en arrière tant cette loi est en adéquation avec notre temps. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs réaffirmé le bien-fondé de cette loi en 2018 pour lutter contre le profit des proxénètes, la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle et leur asservissement. Plus encore, l'opinion publique est désormais acquise à cette cause et partage la démarche abolitionniste de notre pays : près de 80 % de nos concitoyens considèrent que la loi de 2016 est une bonne loi !
La prostitution est d'abord une violence et un système qui exploite les plus fragiles. Cette thématique reste une forte préoccupation de notre délégation puisque nous avons décidé de traiter de ce sujet dans le cadre de nos futurs travaux, notamment à travers le prisme de la prostitution des plus jeunes. L'aggravation de la prostitution des mineurs ou encore le développement exponentiel de la prostitution sur Internet demeurent en effet des points de vigilance incontournables pour nous.
Chère Maud Olivier, je suis très honorée de vous remettre, au nom de la délégation tout entière, cette médaille consacrant votre engagement en faveur de la lutte contre le système prostitutionnel et la protection des personnes prostituées.
Je vais demander à Laurence Cohen, qui a participé à ce combat, de me rejoindre.
Laurence Cohen . - Maud, je suis très heureuse de te remettre ce prix, car tu as porté ce combat très fortement dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale. Nous l'avons aussi mené au Sénat. Il nous a permis de relayer la mobilisation très forte des associations. Cette loi ne serait pas passée sans elles. C'est par le mouvement conjoint de ce qui se passe dans la rue et dans l'hémicycle que nous arrivons à gagner des droits pour les femmes.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Bravo.