C. LA PROTECTION DES PERSONNES VULNÉRABLES, SOUCI CONSTANT DE L'APCE

1. Une volonté sans équivoque de renforcer la lutte contre les crimes dits d'« honneur »

Lors de la deuxième séance du mardi 28 septembre, l'Assemblée parlementaire a approuvé, sur le rapport de Mme Béatrice Fresko-Rolfo (Monaco - ADLE), au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution visant à renforcer la lutte contre les crimes dits d'« honneur ».

En ouverture du débat, la rapporteure a réfuté l'utilisation du terme « honneur » pour qualifier ces crimes, en ce qu'il n'y a rien d'honorable à les commettre, et expliqué avoir travaillé sur ce sujet afin de convaincre d'agir pour éviter que des vies ne soient encore et encore brisées. De la femme brisée car elle n'acceptait pas l'époux qui lui était désigné, à l'homme homosexuel harcelé car il n'est pas conforme aux « valeurs particulières », sans oublier la personne transgenre qui a dû fuir son pays pour, in fine , protéger sa famille : comment rester insensible aux appels de détresse de ces hommes et femmes qui devraient pouvoir vivre leur vie telle qu'ils l'auraient choisie ?

L'horreur de vivre sous la menace de représailles, cette forme de « prison », est avant tout une atteinte à la construction personnelle de tout individu. Elle altère son bien-être durant toute son enfance et sa liberté de pouvoir choisir une identité de genre, une orientation sexuelle, un style ou un choix de vie.

Il reste, hélas, encore beaucoup à faire : 5 000 victimes de crimes dit d'« honneur » sont à déplorer dans le monde chaque année. Les victimes sont majoritairement des femmes, vivant sous le joug d'attitudes patriarcales, subissant la domination des hommes en vue de restreindre leur autonomie.

Dans certains pays, les auteurs de tels crimes ne sont tout simplement pas poursuivis. Alors que la convention d'Istanbul affirme clairement que la coutume, la tradition, la culture, la religion ou le prétendu « honneur » ne sauraient être présentés comme des justifications de la violence, il faut absolument abroger dans les codes pénaux toute circonstance atténuante ou toute justification de crime qui pourrait être liée à la défense du prétendu « honneur ». Elle devrait même constituer une circonstance aggravante car ces actes violents sont froidement prémédités.

Il faut aussi effectuer de la prévention par des actions de sensibilisation de grande ampleur et des formations des personnels de police ou des services sociaux. Le recueil de données fiables est à cet égard essentiel car ces crimes sont bien trop souvent assimilés à de la violence domestique. En définitive, les plans d'action visant à prévenir et à lutter contre la violence à l'égard des femmes, la violence domestique et la violence à l'égard des personnes LGBTI, doivent inclure une partie dédiée aux violences fondées sur le prétendu « honneur », avec un financement adéquat.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a salué un rapport traitant d'un sujet douloureux et mal évalué du fait de l'absence de statistiques officielles. Ces crimes, la plupart du temps perpétrés dans le cadre familial, se caractérisent par la volonté de faire respecter un soi-disant code d'honneur. Il s'agit de meurtres, séquestrations, enlèvements, tortures, mutilations, suicides forcés, mariages forcés ou de thérapies de conversion. Les estimations font état de plusieurs centaines de victimes par an en Europe.

La gravité et l'ampleur de ce phénomène ne sont pas acceptables. Avec la convention d'Istanbul, le Conseil de l'Europe s'est doté d'un instrument important pour la lutte contre les violences faites aux femmes, qui sont effectivement les principales victimes des crimes dits d'« honneur », que l'on pourrait tout autant qualifier de crimes d'« horreur ». Les rédacteurs de cette convention ont aussi plus particulièrement souhaité mettre fin aux réductions de peines pour ces crimes.

À ce sujet, l'article 42 de la convention indique très clairement que dans les procédures pénales, « la culture la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne [doivent] pas [être] considérés comme justifiant » ces crimes. Ainsi que l'explique le rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, « l'arsenal juridique existe au niveau international mais sa retranscription en droit national n'est pas encore assurée partout ».

L'examen des décisions de justice par le GREVIO fait apparaître que des circonstances atténuantes continuent à être invoquées dans les tribunaux de certains États membres du Conseil de l'Europe. Il est donc important de continuer à exercer une grande vigilance sur les cadres juridiques nationaux.

Mais il est surtout urgent d'assurer la protection des victimes, effectives ou potentielles, et de leur apporter un soutien, d'une part, en créant un nombre suffisant d'hébergements, répartis en fonction des besoins sur tout le territoire pour leur permettre de se cacher ou d'être protégées de leurs agresseurs et, d'autre part, en mettant en place des programmes de soutien de longue durée leur permettant de se reconstruire physiquement et psychologiquement.

Il convient aussi de développer la formation des policiers et des magistrats à la complexité des crimes dits d'« honneur ».

Enfin, après avoir fait procéder à une évaluation des risques, les Parlements nationaux devraient instaurer des mesures de protection judiciaire à l'égard des victimes, effectives ou potentielles, ayant dénoncé de tels crimes, ainsi qu'à l'égard des témoins.

Observant qu'aux yeux de ceux qui les commettent, les crimes dits d'« honneur » visent à réhabiliter une communauté - familiale, culturelle ou ethnique - qui aurait été « salie » par le comportement de la victime, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a tenu à marteler solennellement qu'aucun crime sous la contrainte de l'environnement social ou familial n'est en soi acceptable dans un pays où les droits de l'homme et la justice sont censés prévaloir. Kofi Annan, lorsqu'il était Secrétaire général de l'ONU, parlait de crimes « honteux » plutôt que de crimes d'« honneur ». L'expression de crimes « d'horreur » est tout aussi appropriée.

Derrière les raisonnements les justifiant, se cache une hiérarchisation elle aussi condamnable de la valeur donnée à la vie des personnes selon le genre, l'orientation sexuelle ou même le comportement en public. Ce n'est qu'une forme de soumission, d'esclavage, n'ayant rien à voir avec la culture, les traditions ou les dogmes des grandes religions. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, dite « convention d'Istanbul », consacre certaines de ses dispositions à cette question. Voilà un exemple supplémentaire, si besoin en était, du caractère avant-gardiste de ce texte, injustement critiqué par les intolérants de tous bords qui n'ont d'autre but que d'empêcher toute forme d'émancipation des femmes, des homosexuels ou de la jeunesse, notamment.

Malheureusement, des milliers de victimes sont à déplorer dans le monde chaque année. Tous les pays sont frappés par ce fléau, certes à des degrés divers mais sans exception. Il est donc d'autant moins compréhensible que certains États membres du Conseil de l'Europe aient autant de difficultés à reconnaître les faits et à agir en conséquence.

En France, les crimes d'honneur sont réprimés par l'article 221-4 du code pénal et passibles, en cas de meurtre, d'un emprisonnement à perpétuité. Les caractéristiques de ces crimes en font des circonstances aggravantes et non atténuantes. Il est regrettable qu'il n'en aille pas de même partout.

La résolution proposée insiste sur plusieurs points essentiels. Outre son appel à la ratification de la convention d'Istanbul et à la suppression d'éventuelles pseudo-justifications des crimes d'« honneur » dans les législations pénales des États, elle promeut la protection et l'assistance aux victimes. Il s'agit là d'un aspect essentiel pour montrer à ces dernières qu'elles sont prises en considération, soutenues et aidées.

Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain - Les Républicains) a déploré que les crimes dits d'« honneur » ou d'« horreur » touchent désormais toute l'Europe. Aucun pays n'est épargné. En France, les féminicides sont comptabilisés de manière globale et, souvent, on ne distingue pas les crimes d'« honneur » des crimes passionnels : depuis le début de l'année, on dénombre ainsi 80 féminicides, ce qui est tout à fait inacceptable.

La convention d'Istanbul donne des lignes directrices pour tenter d'enrayer la violence contre les femmes mais, malheureusement, beaucoup d'États membres ne l'ont pas encore ratifiée, quand ils ne s'en sont pas retirés, comme la Turquie. Les membres de l'Assemblée parlementaire ont, à cet égard, le devoir de soutenir l'adhésion de leurs pays respectifs à cette convention.

Pour éviter les drames, nos États et nos sociétés doivent aider en amont les personnes qui subiraient une forme de harcèlement ou de violence. Tout d'abord, une politique visant à les informer de leurs droits peut permettre de sauver des vies. La création d'une ligne téléphonique ou d'un site Internet d'information avec un relais sur les réseaux sociaux peut également s'avérer pertinente. Dans les cas identifiés, la remise d'un téléphone dit « grave danger », d'ores et déjà en place en France, est un élément supplémentaire de protection.

Trop souvent, les crimes d'« honneur » sont également commis sur des personnes migrantes. Il est donc nécessaire que cette information puisse être relayée dans différentes langues. De plus, les institutions et les acteurs de terrain doivent être sensibilisés à cette question pour que les potentielles victimes ne craignent pas, si besoin, de contacter la police, un médecin ou une association compétente. Enfin, il faut donner aux personnes se sentant en danger la possibilité matérielle de fuir leur famille sans se retrouver sans ressources. Des foyers permettant de les héberger doivent être créés et, bien sûr, les criminels doivent être lourdement condamnés.

Si de telles mesures ont pu être adoptées dans certains pays, ce n'est pas le cas dans tous les États membres du Conseil de l'Europe. Pour cette raison, la politique d'asile doit être réorientée pour venir en aide aux victimes. En 2013, 105 personnes qui craignaient de devenir victimes de crimes dits d'«honneur» se sont ainsi vues garantir le statut de réfugié en Belgique, ce qui représente un bel exemple à suivre.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'il ait été présent dans l'hémicycle, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Dans cette intervention, il souligne que les crimes dits d'« honneur » sont contraires à toutes les valeurs du Conseil de l'Europe et appelle à lutter contre ces crimes. En effet, personne ne devrait être inquiété pour avoir choisi un partenaire plutôt qu'un autre, pour avoir voulu s'émanciper de sa famille ou en raison de son orientation sexuelle. De même, aucune religion, culture, tradition ou prétendu honneur ne peut justifier le harcèlement moral, la torture ou le meurtre. Un crime est un crime et il n'y a aucun honneur à trouver dans un crime.

Pourtant, certains parlent de crimes d'honneur quand une soeur est tuée pur avoir voulu épouser la personne de son choix ou qu'un frère est assassiné en raison de son orientation sexuelle. Ces crimes du déshonneur, généralement commis par des membres de la famille, visent plus particulièrement les femmes et les membres de la communauté LGBTI.

Aujourd'hui, ces crimes prennent une forme plus insidieuse. La victime est parfois harcelée jusqu'à ce qu'elle se suicide. De même, pour les personnes LGBTI, les thérapies de conversion constituent souvent un véritable traumatisme. Le rapport présenté à l'Assemblée mentionne même des opérations du cerveau visant à rendre des homosexuels hétérosexuels. Ce harcèlement est inacceptable et doit être condamné !

Face aux violences des crimes dits d'« honneur », il appartient aux États membres de se mobiliser. Des moyens humains et financiers doivent être mobilisés, notamment pour accompagner les victimes qui se retrouvent alors séparées de leur famille. Un renforcement des dispositions pénales permettant de punir sévèrement les auteurs de crimes dits d'« honneur » est indispensable.

Cette évolution des dispositions législatives devra s'accompagner d'une sensibilisation des forces de police et des juges à cette question. Justifier son crime par la défense d'un prétendu honneur doit devenir une circonstance aggravante. Enfin, l'éducation à l'égalité de genre dès le plus jeune âge joue un rôle essentiel, de même que les actions de sensibilisation et de prévention pour tenter d'endiguer ces comportements sur le long terme.

2. L'ambition de rétablir la confiance par le renforcement des droits sociaux, afin de mieux lutter contre les inégalités socio-économiques en Europe

Lors de sa deuxième séance du 29 septembre, l'APCE a approuvé, sur le rapport de Mme Selin Sayek Böke (Turquie - SOC), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution destinée à rétablir la confiance par le renforcement des droits sociaux dans le but de mieux lutter contre les inégalités socio-économiques en Europe.

Lors de la discussion générale, la rapporteure a fait valoir que les inégalités socio-économiques sont profondes, dans toutes les dimensions et de façon intersectionnelle. À l'appui de son propos, elle a évoqué deux rapports établis par l'OCDE en 2018 et 2019, respectivement intitulés « L'ascenseur social en panne » et « Sous pression : les classes moyennes souffrantes », ainsi que des enquêtes d'opinion dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe.

Le ralentissement de la mobilité sociale et l'importante transmission intergénérationnelle entravent les inégalités tout en nuisant au bien-être des enfants et à leurs perspectives d'avenir, ce qui appelle des actions en faveur de la petite enfance. L'accès aux soins de santé de base, à une éducation de qualité, à des emplois mieux rémunérés est difficile pour les ménages pauvres. De même, les inégalités en matière de logement sont à la fois un symptôme et une cause des inégalités de revenus.

Les gens réclament l'égalité des chances. Ils exigent que les gouvernements prennent des mesures. Les experts, quant à eux, soulignent que le statu quo ne suffira pas à résoudre les inégalités : les droits sociaux doivent être protégés mais surtout renforcés, étant donné qu'ils ne se renforcent pas d'eux-mêmes. La croissance et l'égalité sont les deux faces d'une même pièce ; il est donc nécessaire de compléter les politiques de redistribution par la création d'emplois productifs.

L'urgence de la question est très claire depuis la crise financière de 2008-2009 et la pandémie de Covid-19. Les mesures d'austérité ont entraîné un ralentissement de la justice sociale. Dans certains cas, des reculs ont été constatés sur les droits sociaux.

Il est indispensable de surmonter la déconnexion entre les cadres de politique économique et financière et les droits de l'Homme, en mettant l'accent sur les droits sociaux. L'argument fréquemment avancé de l'absence de ressources pour ce faire est, en réalité, un choix politique. Il ne tient qu'aux États membres de respecter les droits sociaux qu'ils ont souscrits aux plans national et international. Par ailleurs, à moins d'inflexions politiques fortes, les modèles économiques dominants continueront à créer des inégalités socio-économiques ; il est donc urgent de s'attaquer aux causes structurelles des inégalités.

Au cours des échanges qui ont suivi, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a souligné que la montée des inégalités socio-économiques en Europe est une menace pour la démocratie et la cohésion des États, dans la mesure où elles donnent le sentiment que les institutions négligent une partie de leur population - la plus vulnérable - qui dispose de moins en moins de moyens pour vivre. Il est donc important que chaque État membre se saisisse de cette question, dans un contexte où ces inégalités ont été aggravées par la pandémie.

On ne peut qu'être préoccupé par le ralentissement de la mobilité sociale et par la transmission de la pauvreté d'une génération à l'autre. Cela fragilise le bien-être et les perspectives de développement des enfants ; et cela risque fort, à moyen et long terme, d'entamer une forme de sécession risquée pour nos sociétés.

Les grandes disparités qui existent entre les systèmes de protection sociale en Europe impliquent que les États s'emparent réellement de la Charte sociale européenne. Ces disparités se retrouvent au sein même de l'Union européenne. Ainsi, en 2017, la part des dépenses de protection sociale dans le produit intérieur brut était de 30 % au Danemark contre seulement 15 % en Roumanie. Une politique sociale plus intégrée à l'échelle de l'Union européenne serait nécessaire pour définir un ensemble minimal de droits du travail avec une protection sociale effective en cas de chômage ou d'accident du travail notamment.

Les inégalités socio-économiques ont en effet des répercussions sur la santé des individus. Il ne faudrait pas qu'à l'avenir, les États tentent de limiter leur endettement, qui a été accru par la crise sanitaire, en mettant à contribution de manière excessive les budgets accordés au secteur de la santé. Les parlementaires doivent y veiller.

À cet égard, l'appel à recourir à la Banque de développement du Conseil de l'Europe pour cofinancer des projets sociaux prioritaires, notamment pour répartir plus équitablement l'offre de services de santé sur l'ensemble du territoire national et réduire la fracture dans les zones urbaines et rurales, ne peut que recueillir l'intérêt. L'Assemblée parlementaire gagnerait à approfondir cette question et à sensibiliser les institutions nationales sur l'intérêt de cette démarche.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a salué cette ambition de voir les inégalités socio-économiques mieux évaluées et mieux prises en compte par une politique volontariste des États car il existe des liens entre les droits de l'Homme et le développement économique durable. Il s'agit bien là d'un défi.

L'intervention des Nations Unies, en charge de ces questions, est à la fois normative et statistique. Son objectif est de faire partager les bonnes pratiques et de conseiller les États, y compris en ce qui concerne la dimension sociale et solidaire de l'économie, en faisant justement valoir que le capital social est aussi nécessaire, pour ne pas dire plus déterminant, que le capital financier. La question de ceux qui n'ont pas de moyens pour vivre ou qui sont sans emploi ou en situation de chômage se pose avec acuité. Se pose aussi la question de la qualité de la croissance et des inégalités affectant le monde. Le rapport le souligne : la force du Conseil de l'Europe réside justement dans son système conventionnel.

Nombre de travaux de l'Assemblée parlementaire ont mis en évidence l'importance d'un impôt progressif, d'un suivi des titres financiers, d'un droit effectif à l'éducation et à l'emploi et, enfin, de la nécessité d'investissements publics de qualité pour concilier croissance pour tous, croissance respectueuse de l'environnement et réduction des inégalités. Il serait sans doute souhaitable, à cet égard, d'établir la liste des propositions formulées en la matière et d'en évaluer les effets socio-économiques.

Il convient aussi de défendre et promouvoir une vision européenne commune, qui garantisse un niveau juste de taxation et enraye la compétition du moins-disant en matière d'impôts des entreprises. Cette concurrence a profité majoritairement aux acteurs économiques les plus forts et les plus mobiles. Les classes populaires et moyennes, quant à elles, subissent encore aujourd'hui un manque de pouvoir d'achat, du fait des hausses de la cotisation sociale généralisée (CSG), de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des autres taxes indirectes, qui montrent bien les limites de l'efficacité de l'impôt.

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) s'est montrée satisfaite de la tenue d'un tel débat car, si l'Europe est une région du monde développée, technologiquement avancée, avec un indice de développement élevé, d'importantes disparités socioéconomiques demeurent entre ses citoyens. Une telle réalité mérite donc l'attention de l'APCE.

L'enjeu de notre époque est celui de la prospérité : il convient de penser notre mode de vie, notre système, nos emplois avec des droits sociaux respectueux à l'égard de chacune des personnes vivant au sein des États membres. Or, la pandémie de Covid-19 a démontré l'importance des droits sociaux. La pauvreté, fléau qui touche des millions de personnes, n'est pas acceptable, a fortiori sur un continent qui a tant d'atouts pour l'éradiquer.

L'attention doit plus particulièrement être portée sur les plus vulnérables, c'est-à-dire les séniors et les personnes porteuses de handicap. Or, de ce point de vue, l'une des forces de l'APCE est de regarder, avec lucidité, sans pessimisme et sans angélisme, la réalité en face.

Certaines disparités socio-économiques desservent des millions de personnes dans leur santé mentale et physique mais également dans leur espérance de vie. Pour lutter contre ces injustices, le rapport formule deux propositions fondamentales : la première vise à compiler les données afin de pouvoir les analyser et d'en faire un inventaire, pour que les États en tirent des conséquences ; la seconde, dans le respect des systèmes sociaux et des pratiques de chaque État, consiste à faciliter l'accès des populations à des services publics de qualité. De la sorte, les États lutteront plus efficacement contre la pauvreté. Cependant, le rétablissement de la confiance sociale ne sera possible qu'en associant largement les citoyens et les autorités publiques locales : en effet, ces actions doivent être enracinées pour réussir et être comprises, avec un souci d'exigence et d'équité.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'il ait été présent dans l'hémicycle, M. Didier Marie (Seine-Maritime - Socialiste, Écologiste et Républicain) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Dans cette intervention, il indique que la montée des inégalités socio-économiques en Europe présente un risque majeur pour l'avenir de nos démocraties, tous les États membres y étant confrontés.

Pour fédérer, la démocratie doit pouvoir être synonyme de progrès social et assurer des conditions de vie meilleures aux générations futures. Le populisme se nourrit, aujourd'hui comme hier, des difficultés économiques et sociales. Le sentiment de déclassement et d'abandon que ressentent les plus vulnérables doit être entendu.

Les politiques publiques doivent proposer des solutions pour renforcer la cohésion économique et sociale. Pour cela, il est essentiel d'avoir un système éducatif performant et inclusif. L'éducation est en effet la clé d'entrée du développement et de la construction de la citoyenneté. L'éducation a un impact certain sur l'économie en développant le capital humain, qui est facteur de croissance. Au niveau de l'individu, elle favorise l'épanouissement et l'insertion professionnelle tout au long de la vie. Et plus le niveau d'éducation est élevé, plus la probabilité de l'engagement politique pour voter et même protester est forte.

La lutte contre les inégalités doit aussi passer par un ajustement des politiques économiques et fiscales des États. S'agissant des politiques publiques, il convient de veiller à ce que les dépenses publiques prennent en compte la situation des plus modestes et fragiles.

Une politique efficace de redistribution des revenus est donc nécessaire pour éviter un accroissement des inégalités. Cela suppose une volonté politique forte, que les parlementaires peuvent relayer lors du vote du budget. Dans la résolution intitulée « Surmonter la crise socio-économique déclenchée par la pandémie de Covid-19 », adoptée en juin 2021, l'APCE appelait déjà les États membres à ne pas mettre en place des politiques d'austérité qui pourraient accroître et enraciner les inégalités sur le long terme, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Ce projet de résolution, en faveur d'une économie plus inclusive, va dans le même sens.

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