D. PLUSIEURS DÉBATS DICTÉS PAR LE CONTEXTE INTERNATIONAL
1. Une inquiétude manifestée à l'égard des conséquences humanitaires du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh
Sur le rapport de M. Paul Gavan (Irlande - GUE), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, l'APCE a adopté, le 27 septembre, une résolution et une recommandation sur les conséquences humanitaires du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, conclu par l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020.
En ouverture du débat, le rapporteur a insisté sur le fait qu'il avait essayé d'éviter, dans son travail, les questions géopolitiques sous-jacentes pour s'en tenir aux préoccupations humanitaires et aux droits de l'Homme. Il a plus particulièrement identifié huit points saillants.
Tout d'abord, plus de 3 900 Arméniens et 2 900 militaires azerbaïdjanais ont été tués ou sont portés disparus et il y a eu 163 victimes civiles arméniennes et 548 azerbaïdjanaises. En ce qui concerne les personnes disparues, il reste environ 243 Arméniens et 7 Azerbaïdjanais, qu'il faut continuer à rechercher.
Ensuite, s'agissant des prisonniers de guerre et des captifs présumés, la Cour européenne des droits de l'Homme a informé le Comité des Ministres de la capture de 188 Arméniens par l'Azerbaïdjan, dont le sort suscite l'inquiétude. De même, l'Azerbaïdjan a reconnu détenir une cinquantaine de personnes mises en captivité après la signature de la déclaration trilatérale. Les procès qui les concernent pourraient soulever des problèmes d'équité. Tous ces captifs devraient être libérés dès que possible, ainsi que l'a souhaité la commission de suivi de l'APCE, et le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe devrait pouvoir suivre de près leur situation.
L'une des questions les plus difficiles à traiter concerne les allégations de crimes, de crimes de guerre, de torture et mauvais traitements infligés aux prisonniers ou encore d'utilisation aveugle d'armes contre des civils. Ces accusations impliquent des enquêtes de la part des parties. De nombreux actes atroces, allant d'exécutions extrajudiciaires à des décapitations ou à la spoliation des morts, ont été filmés et partagés sur les réseaux sociaux. Il existe également des preuves du recours par l'Azerbaïdjan, avec l'aide de la Turquie, à des mercenaires syriens. Tout cela suppose une forme de responsabilité, de vérité et de réconciliation pour ce qui s'est passé pendant cette guerre de six semaines comme pour la guerre précédente, entre 1991 et 1994.
L'élimination des mines terrestres est aussi un enjeu énorme, la région étant probablement la zone la plus minée au monde : 159 Azerbaïdjanais et cinq Arméniens sont morts ou ont été blessés depuis les déclarations trilatérales. La remise récente de cartes de mines par l'Arménie est bienvenue, mais elle doit se poursuivre.
Les personnes déplacées, pour leur part, ont beaucoup souffert du conflit. Côté arménien, 36 000 personnes n'ont pas pu rentrer chez elles dans la région du Haut-Karabakh et vivent dans des situations difficiles. La communauté internationale a apporté son soutien mais elle n'a pas accès à la région, mis à part le comité international de la Croix rouge (CICR) et la Russie, qui ont joué un rôle humanitaire et sécuritaire extrêmement important. À l'intérieur de l'Azerbaïdjan, la plupart des personnes déplacées ont pu rentrer chez elles. Le plus grand défi est le retour des populations déplacées lors de la guerre de 1991-1994, jusqu'à 650 000 individus, dans des zones entièrement détruites. Ce sera un processus long et coûteux pour l'Azerbaïdjan, qui devrait obtenir le soutien de la communauté internationale à cet égard.
Les tensions frontalières, permanentes et profondément inquiétantes, ne pourront être surmontées que par un travail de délimitation et de démarcation, voire la création d'une zone tampon, avec une surveillance exercée par un organisme ou une organisation indépendante.
Les dommages et destructions du patrimoine culturel, pour leur part, se poursuivent dans un contexte de développement d'un récit caucasien-albanais visant à remplacer le patrimoine arménien. À cet égard, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) devrait être autorisée à jouer son rôle et à visiter toute la région.
Le rapporteur a clos son exposé en évoquant les discours de haine, à l'oeuvre dans les deux pays depuis des décennies, surtout en Azerbaïdjan, et qui ont atteint de nouvelles proportions pendant les six semaines du dernier conflit. Il s'est montré préoccupé par les mannequins stéréotypés du « Parc des trophées militaires » de Bakou et souhaité que le Conseil de l'Europe aide les protagonistes à prendre des mesures pour s'attaquer à ce problème dans l'intérêt des générations futures.
Orateur au nom du groupe ADLE, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) a salué la qualité, la précision et l'équilibre du travail du rapporteur.
Le conflit concernant Haut-Karabagh implique deux pays du Conseil de l'Europe et il a induit 7 000 morts, ainsi que plus de 91 000 Arméniens et 84 000 Azerbaïdjanais déplacés. Ses conséquences s'inscrivent dans le long terme, avec des allégations de crimes, de crimes de guerre et d'autres actes répréhensibles. Si ces crimes devaient rester impunis et la coopération avec la Cour européenne des droits de l'Homme insuffisante, la relation entre les deux pays en serait durablement empoisonnée.
Le sujet des prisonniers de guerre est un élément central qui pourrait être résolu avec un peu de bonne volonté. Bien que l'APCE a tenu un débat d'urgence en avril 2021, le problème reste entier car plusieurs dizaines de soldats arméniens sont aujourd'hui prisonniers en Azerbaïdjan et les recours devant la Cour européenne s'accumulent sans trouver d'issue.
Le groupe ADLE appelle le Comité des Ministres à réagir pour protéger en priorité les populations arméniennes et azerbaïdjanaises et s'assurer que les droits humains, des civils comme des militaires, soient respectés. Une collaboration étroite doit aussi s'engager avec la Cour européenne des droits de l'Homme, afin de ne pas laisser la situation se dégrader davantage.
L'action de la force russe de maintien de la paix dans le Haut-Karabakh et le travail des ONG auprès des populations civiles, en particulier du CICR, méritent d'être salués. Sans leur implication, la situation humanitaire pourrait être encore plus dramatique.
En tout état de cause, le groupe ADLE soutient les projets de résolution et de recommandation préparés sur le sujet, tout cela pour que les droits de l'Homme et les libertés individuelles soient sauvegardés dans cette zone de conflit dramatique.
M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a regretté le déclenchement d'un conflit armé entre deux États membres du Conseil de l'Europe, qui s'étaient pourtant engagés à ne pas faire usage de la force pour régler leurs différends lors de leur adhésion. Après un conflit qui a coûté la vie à plus de 3 900 soldats arméniens et 2 900 soldats azerbaïdjanais, la déclaration tripartite du 10 novembre 2020 a mis fin aux hostilités. Pour autant, ce conflit laissera des traces et il appartiendra d'aider les deux belligérants à dialoguer. À cet égard, le Comité des Ministres doit s'impliquer davantage dans ce dossier pour éviter une nouvelle guerre.
Pour le moment, il est nécessaire de faire face aux conséquences humanitaires du conflit. La question des prisonniers de guerre est particulièrement importante. En effet, l'article 8 de la déclaration tripartite prévoit expressément un échange de prisonniers. Si des échanges ont bien eu lieu, l'Arménie conteste le fait que l'Azerbaïdjan ait libéré tous les prisonniers de guerre capturés et affirme que 48 Arméniens capturés après la déclaration sont détenus dans des conditions particulièrement inquiétantes. Sur cette question, il est nécessaire que l'Azerbaïdjan respecte ses engagements et libère les prisonniers de guerre qui doivent être traités conformément à la convention de Genève.
Autre point préoccupant : la question des mines terrestres et des munitions non explosées, qui représentent un grave danger pour les civils. Les deux parties doivent coopérer pour permettre rapidement le retour des populations civiles qui ont fui les zones minées. Une aide internationale, financière et technique, sera nécessaire pour mener à bien les opérations de déminage. La situation des personnes déplacées demeure elle-aussi préoccupante : les Arméniens qui ont fui des régions repassées sous le contrôle de l'Azerbaïdjan ne rentreront pas chez eux, leur sécurité n'étant pas assurée. Il apparaît nécessaire d'aider l'Arménie à trouver une solution pérenne pour ces personnes.
Dans ce conflit, nul ne peut nier le rôle joué par la Turquie et la Russie. Le concours de ces deux États sera nécessaire pour développer une véritable coopération entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, en vue de venir en aide aux populations sinistrées, mais il ne faut pas oublier le rôle du groupe de Minsk, qui conserve toute sa pertinence.
Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a observé que les affrontements qui se sont déroulés au Haut-Karabakh en 2020 avaient rappelé, si besoin en était, que les conflits dits « gelés » restent des conflits. Se référant aux chiffres tristement éloquents de 7 000 soldats tués ou disparus au total, de centaines de victimes civiles et de plus de 130 000 personnes déplacées de part et d'autre, au cours des six semaines de combats, sans oublier les exécutions extrajudiciaires et les cas de torture, la soixantaine d'écoles et les centaines de monuments religieux ou culturels détruits, elle s'est félicitée des progrès timides obtenus récemment grâce à la mobilisation de la communauté internationale. Cela reste néanmoins insuffisant et nul ne peut s'en satisfaire.
Les projets de résolution et de recommandation débattus posent un certain nombre de principes et proposent des mesures susceptibles d'initier un retour à une solution négociée, donc durable. D'abord, les belligérants doivent coopérer en vue de déminer ces territoires, déjà suffisamment meurtris. Ensuite, ils doivent s'abstenir de toute incursion au-delà des positions figées par le cessez-le-feu de novembre 2020. Enfin, il apparaît indispensable qu'un processus de négociations s'ouvre véritablement sur la délimitation et la démarcation des frontières, avec si besoin une zone démilitarisée et la présence d'une force de maintien de la paix.
Des compromis difficiles seront certainement nécessaires, de part et d'autre, pour parvenir à une solution pacifique définitive au Haut-Karabakh. Malgré tout, le dialogue reste incontournable et, pour commencer à avancer, l'Arménie et l'Azerbaïdjan pourraient accepter de donner à l'UNESCO un accès aux sites culturels de la région qui ont été exposés aux combats et aux destructions car l'histoire enseigne que la culture et le patrimoine constituent de solides bases pour bâtir des réconciliations qui durent.
2. La situation en Afghanistan et ses implications pour l'Europe ainsi que l'ensemble de la région
Sur le rapport de Sir Tony Lloyd (Royaume-Uni - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, l'APCE a discuté et adopté une résolution sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour l'Europe ainsi que la région, à l'occasion d'un débat d'urgence inscrit à la demande des cinq groupes politiques, le jeudi 30 septembre. Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , a présidé cette séance en sa qualité de vice-présidente de l'Assemblée parlementaire.
En ouverture du débat, le rapporteur a évoqué les images de personnes fuyant Kaboul pour leur vie, tentant de s'accrocher aux avions décollant de l'aéroport pour finalement tomber et mourir. Ces images resteront gravées dans les mémoires, à jamais. Désormais, la crise a cours sur place en matière de droits de l'Homme : les choses vont déjà mal en Afghanistan. Un effondrement économique et financier est également possible, avec pour probable conséquence une catastrophe humanitaire. Des millions d'enfants souffrent actuellement d'une malnutrition si sévère que les médecins craignent qu'ils en meurent. Seule une installation médicale sur cinq est pleinement fonctionnelle.
Les pays européens se trouvent confrontés, en conséquence de tout cela, à la possibilité que plus de 3 millions de personnes déjà déplacées à l'intérieur de l'Afghanistan rejoignent les 2 millions d'autres Afghans déjà réfugiés à l'extérieur du pays, dans une vague massive de migrants. L'Afghanistan est quant à lui confronté à la possibilité d'un conflit, d'une guerre civile.
Des pays qui ont été impliqués pendant vingt ans en Afghanistan ont un impératif moral de faire quelque chose à ce sujet : le Royaume-Uni, par exemple, s'est engagé à accueillir 20 000 réfugiés mais cela est bien peu. Les Nations Unies et leurs agences sont déjà sur place. Leur présence sur le terrain contribue au travail humanitaire. Cette aide doit être inconditionnelle sous réserve que leur accès puisse se faire sans entrave.
Il importe de signifier au gouvernement taliban qu'il doit respecter les droits de l'Homme, rejeter le terrorisme et s'engager dans un processus politique inclusif. Il convient tout autant de garder en tête la situation des autres pays de l'Asie centrale, notamment le Pakistan. Ces pays vont subir des pressions et il est indispensable de les aider. L'objectif est largement partagé : il faut que l'Afghanistan et la région soient stables, afin de prévenir le terrorisme et les flux de réfugiés.
S'exprimant comme orateur du groupe ADLE, M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) a rappelé les circonstances du retrait précipité et non concerté des troupes américaines du pays et les scènes de panique et d'horreur qu'il a provoqué. Après ces semaines de chaos, la réalité est désolante : les talibans sont à nouveau maîtres de l'Afghanistan. Cette situation nouvelle, bien que prévisible, doit faire réfléchir l'Europe et la conduire à agir.
Pour commencer, la non-reconnaissance de ce régime taliban apparaît comme une évidence. La communauté internationale - et, a fortiori , l'Europe - ne doit pas accorder de légitimité à un régime qui a pris le pouvoir par la force et qui se maintient par la violence. Le choix de la violence se fait alors que le pays traverse une crise économique et alimentaire très grave. Le Programme alimentaire mondial évoque des risques de famine pour plus d'un tiers de la population, qui manque cruellement d'eau potable.
À défaut de pouvoir dialoguer avec un gouvernement démocratique, l'Europe doit donc maintenir des liens avec la société civile afghane. Elle doit la soutenir dans sa lutte pour les droits fondamentaux, où les femmes sont particulièrement actives mais aussi les journalistes, les artistes et les intellectuels. L'Europe doit aussi, via ses ONG, soutenir la population afghane en matière d'alimentation, de santé, d'accès à l'eau, d'approvisionnement ou encore d'éducation.
L'Europe possède un savoir-faire en matière d'aide humanitaire : elle doit le mettre au service de l'Afghanistan. Compte-tenu des méthodes talibanes et de l'opposition du nouveau régime à la science et à l'Occident, le soutien humanitaire pourrait ne pas suffire pour créer des conditions de vie décentes pour tous les Afghans. Certains arriveront donc en Europe et il faut, à cet égard, harmoniser nos politiques d'accueil et faire preuve de solidarité.
Le groupe ADLE estime que la stratégie européenne pour l'Afghanistan doit s'articuler autour de l'absence de reconnaissance du régime taliban, d'une aide humanitaire renforcée et d'un accueil décent des Afghans qui arriveraient en Europe. Une stratégie européenne est plus que jamais nécessaire pour ne pas laisser l'Afghanistan, menacé par la famine, aux seules mains de l'obscurantisme et entretenir l'espoir d'un pays libre et démocrate.
3. L'intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie : un levier de pression inacceptable du régime biélorusse illégitime
Sur le rapport de Mme Anne-Mari Virolainen (Finlande - PPE/DC), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, l'APCE a approuvé une résolution sur l'intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie, lors d'un débat d'urgence qui s'est tenu, à la demande de M. Arkadiusz Mularczyk et vingt-trois autres parlementaires, lui-aussi le 30 septembre.
En ouverture du débat, la rapporteure a indiqué que ses conclusions condamnaient l'attaque hybride de la Biélorussie contre l'Europe et introduisaient des mesures visant à tenir les autorités du pays responsables de leurs actes car instrumentaliser des personnes vulnérables ne peut être accepté.
La déclaration du 26 août 2021 de la Commissaire européenne aux affaires intérieures, Mme Ylva Johansson, selon laquelle la situation à la frontière n'est pas un problème de migrations mais fait partie d'une agression de M. Loukachenko à l'encontre de la Pologne, la Lituanie et la Lettonie dans le but de déstabiliser l'Union européenne est totalement exacte. De mai à août 2021, un afflux soudain de migrants et demandeurs d'asile en provenance du territoire biélorusse a été constaté : le nombre d'arrivées irrégulières en Lituanie est ainsi passé de 80 en 2020 à plus de 4 100 en 2021, jusqu'à présent.
La plupart de ces personnes sont des ressortissants irakiens, les autres provenant d'Afghanistan, de Cuba, de la Fédération de Russie, du Sri Lanka et de l'Inde. Or, les forces de sécurité biélorusses ont été directement impliquées dans ces mouvements migratoires, assurant leur acheminement vers les frontières. Ces arrivées de demandeurs d'asile et de migrants mettent à rude épreuve les capacités d'accueil des pays baltes et de la Pologne, qui ne disposent pas d'installations d'hébergement appropriées, ni de personnel formé face à un afflux si soudain.
Cette situation appelle un renforcement de la résilience et la préparation de l'Europe face à ce type de pressions à des fins politiques. L'Union européenne, notamment, doit donc reconsidérer ses procédures d'accueil et ses mécanismes de solidarité. À cet égard, la déclaration du 18 août des ministres de l'intérieur de l'Union, du Haut représentant pour les affaires étrangères et du commissaire européen aux affaires intérieures, des représentants de FRONTEX, du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) et d'Europol, constitue une initiative prometteuse pour améliorer la préparation face aux attaques hybrides, en ce qu'elle ouvre la voie à la mobilisation de fonds pour accroître les capacités d'accueil et à la mise au point de cadres juridiques adéquats.
La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées appelle les États membres du Conseil de l'Europe à soutenir la Lettonie, la Lituanie et la Pologne en leur fournissant d'urgence une assistance financière et technique pour assurer la protection nécessaire des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés. De même, les pays d'accueil doivent s'abstenir de tout refoulement vers la Biélorussie, apporter les garanties nécessaires pour respecter les droits de l'Homme et offrir un hébergement adéquat aux personnes dans le besoin.
Il est aussi et surtout adressé un message aux autorités de Biélorussie pour qu'elles mettent fin à l'instrumentalisation des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile, qui sont des êtres humains vulnérables.
Lors de la discussion générale, M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a estimé que cette question devait peut-être être abordée sous un angle différent de celui des traités et du droit.
Les pays qui ne se trouvent pas aux confins de l'Union européenne ne sont pas forcément les mieux placés pour parler des flux migratoires. Il est parfois difficile de comprendre, en France ou en Allemagne, ce qui s'est produit en Italie ou dans d'autres pays confrontés à des arrivées de flux massifs. Certes, les pays d'entrée ne sont pas les pays de destination finale de ces migrants et l'Union européenne dispose de FRONTEX. Il n'en demeure pas moins que FRONTEX est un élément très secondaire d'action et de contrôle des frontières européennes.
Il est nécessaire d'exprimer notre solidarité avec les pays de l'Union européenne qui se trouvent sur le front des frontières, et notamment la Lituanie, l'Estonie et la Pologne. Bien sûr, il faut assurer des conditions décentes aux gens qui arrivent mais il ne faut pas pour autant s'en tenir à la condamnation du régime de M. Loukachenko.
Les Européens se trouvent, une fois de plus, désarmés parce qu'ils sont trop naïfs. Il importe d'être clairs vis-à-vis de la Biélorussie, en prenant des sanctions. Les dispositifs « Magnitski » s'appliquent à quelques dizaines de personnes alors que ce sont 20 000 individus qui font fonctionner le régime biélorusse. Les noms sont connus : ce sont des gens qui fraudent et tiennent ce pays dans la dictature.
Il manque à l'Union européenne, face à ces nouvelles menaces hybrides, un instrument précis sanctionnant ce qui s'apparente à une forme de « crime de traite humaine d'État ». D'autres pays que la Biélorussie y ont eu également recours, à l'instar de la Turquie. Cela ne signifierait aucunement que les migrants ne puissent pas venir en Europe mais il est proprement scandaleux de les instrumentaliser afin d'en faire une arme de déstabilisation, voire de dé-démocratisation de pays.
Il y a quelques années, 800 migrants étaient passés en quelques jours à vélo par le Nord-Ouest de la Russie pour rejoindre la Norvège, tout simplement parce qu'un règlement norvégien disposait qu'on ne pouvait arrêter des cyclistes franchissant la frontière. Cela illustre bien que, dès qu'existe une faille ou même une ouverture dans notre système, les pays autoritaires ou autocratiques en profitent. Il faut y voir une arme massive de destruction de la souveraineté des États et des démocraties. Pour cette raison, il semble nécessaire d'aller beaucoup plus loin dans les condamnations et dans l'action.