B. AMÉLIORER LE STATUT DE L'ÉLU LOCAL, AVEC DES MOYENS RENFORCÉS

L'amélioration du statut de l'élu, dont les insuffisances ont été largement pointées lors de la table ronde organisée par la délégation le 4 mars 2021, est un levier essentiel pour inciter davantage de femmes à s'investir et assurer une meilleure conciliation de l'engagement politique des femmes avec leur vie professionnelle et personnelle.

Comme le relevait Nadine Kersaudy, maire de Cléden-Cap-Sizun, représentant l'Association des maires ruraux de France (AMRF), devant la délégation « les élus de terrain pourront faire tout leur possible pour inciter les femmes, [mais] si le statut de l'élu n'est pas amélioré, nous n'y arriverons pas ».

Édith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), co-présidente du groupe Égalité femmes-hommes de l'AMF, a confirmé cette analyse : « je connais plusieurs jeunes femmes qui souhaiteraient s'engager et qui sont extrêmement frustrées car le statut de l'élu ne leur permet pas de se libérer comme elles le voudraient [...] Nous voyons que dans les petites communes, il n'y a aucun souci pour trouver des femmes souhaitant s'engager ; j'ai moi-même trouvé plus de femmes que d'hommes. Penser que les femmes ne souhaitent pas s'engager est donc un faux problème. Mais quand elles le font, elles veulent tout donner et c'est leur disponibilité qui les pénalise. »

Dans cette logique, l'association Elles aussi appelait devant la délégation, au cours de la table ronde du 4 mars 2021, à « verser des indemnités à la hauteur du travail, de favoriser les formations d'élus quelle que soit leur fonction, de soutenir les bilans et les validations d'acquis, d'informer les candidats et les candidates qui ne sont ni élus ni adhérents d'un parti pour favoriser l'engagement des femmes ».

1. Indemnités et prise en charge des frais de garde

Tout en ayant conscience de la difficulté de la question dans un contexte budgétaire contraint, la délégation est favorable à une revalorisation des indemnités des élus des petites communes , dans la lignée de recommandations formulées notamment par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales dans son rapport Faciliter l'exercice des mandats locaux : le régime indemnitaire 41 ( * ) .

La délégation estime également nécessaire de résoudre le sujet de la prise en charge des frais de garde d'enfants. La loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a ouvert des possibilités de prise en charge financière des frais de garde d'enfants en cas de réunions municipales , mais ces possibilités semblent aujourd'hui peu connues. Il convient donc de les faire connaître et d'encourager les conseils municipaux à voter des aides à la garde d'enfants.

Certains témoignages d'élues locales ont mis en avance l'existence de conventions signées par la commune avec un service de garde d'enfants à domicile, auquel les élus peuvent faire appel à un tarif avantageux, ou de partenariats avec des associations sportives et culturelles qui prennent en charge les enfants lors de réunions municipales organisées en priorité le samedi.

Recommandation n° 66 : Revaloriser et mieux faire connaître les indemnités à la disposition des élus des petites communes, en particulier en matière de prise en charge des frais de garde d'enfants, et encourager des solutions de garde pendant les conseils municipaux et communautaires.

Le développement de réunions en visioconférence est également un levier intéressant pour résoudre le sujet de la garde d'enfants, comme celui de l'articulation des temps de vie.

2. Aménagement du temps de travail

L'aménagement du temps de travail professionnel est un sujet récurrent pour les 75 % d'élues locales qui exercent parallèlement à leur mandat une activité professionnelle.

Les élus municipaux bénéficient de deux types de facilités :

- des autorisations d'absence pour participer à des réunions municipales. Le nombre de jours ouvrables d'absence autorisés est fixé à 10 ;

- un crédit d'heures qui peut être utilisé pour la gestion administrative de la commune ou de l'organisme auprès duquel il la représente et pour la préparation des réunions des instances où il siège. Dans les communes de moins de 10 000 habitants, ce crédit d'heures est de 10h30 par trimestre pour les conseillers municipaux, 70 heures pour les adjoints au maire et 122h30 pour les maires.

La durée cumulée des absences autorisées et du crédit d'heures ne doit pas dépasser 803h30 par an.

Au-delà de la question de l'augmentation de ce quota, qui devrait faire l'objet d'une négociation entre partenaires sociaux et qui ne résoudrait pas la question de la réticence que peuvent avoir les employeurs à accorder ces absences, la délégation estime nécessaire de mieux informer les employeurs des contraintes pesant sur les élus locaux, afin que leurs absences soient plus facilement acceptées.

Recommandation n° 67 : Mieux informer les employeurs des contraintes pesant sur les élus locaux.

3. Formations

Encourager l'implication des femmes dans la vie politique locale suppose également de leur permettre de se former et ainsi de disposer des compétences nécessaires pour exercer au mieux leurs responsabilités et s'imposer davantage.

Au-delà de présentations généralistes, donnant aux élus des outils pour l'exercice de leur mandat et les informant de leurs droits, et de modules liés aux commissions choisies (finances, urbanisme...), ces formations devraient inclure un stage de prise de parole en public, afin de renforcer la confiance en elles dont manquent parfois les élues.

Une élue des Landes propose également, dans le cadre de la consultation de la délégation, de « former l'ensemble des élus, hommes et femmes, dès le début de n'importe quel mandat, à la collaboration, à la communication interpersonnelle, au partage des responsabilités... Ce qui permettrait de débuter le mandat sur des bases de fonctionnement les plus partagées possible, en effaçant le genre au profit des compétences et en créant un “esprit d'équipe” qui permettrait sans doute de dépasser les clichés de genre. »

Dans le même objectif de promouvoir des relations respectueuses de chacun et chacune au sein des conseils municipaux, une élue de la Drôme propose d' « utiliser des outils de prise de parole et de prise de décision permettant de construire collectivement et ne pas laisser “les grandes gueules” monopoliser l'attention et décider sans prendre en compte la pluralité, et de mettre en place une gouvernance, permettant de donner une place à chacun.e. Cela passe aussi par la formation des élu.e.s et l'obligation de rédiger un règlement intérieur du conseil municipal, quelle que soit la taille de la commune, et visé par la Préfecture, avec des exigences de méthodologie . »

Recommandation n° 68 : Encourager les formations pour tous les membres des conseils municipaux de façon plus systématique.

L'association Elles aussi recommande également de soutenir le bilan des acquis et la validation des acquis de l'élue locale pour que la fin de mandat ne soit pas un problème sur le plan psychologique, humain et matériel.


* 41 http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-642-2-notice.html : Faciliter l'exercice des mandats locaux : le régime indemnitaire - Rapport d'information de Josiane Costes, Bernard Delcros et Charles Guené, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, n° 642, tome II (2017-2018).

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