II. EXAMEN DU RAPPORT
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Réunie le mercredi 29 septembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport d'information de Mmes Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier sur les soins palliatifs.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Mes chers collègues, nous poursuivons avec l'examen du rapport d'information sur les soins palliatifs, de Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier.
C'est cette fois, c'est Corinne Imbert qui est à l'origine de ce travail à la suite du débat sur la proposition de loi relative au suicide assisté.
On ne peut se satisfaire de l'insuffisance de l'accès aux soins palliatifs qui justifie, aux yeux de certains de ses tenants, la promotion de l'aide active à mourir. Il s'agit bien de deux sujets distincts et c'est sur celui des soins palliatifs que nous nous penchons aujourd'hui.
Mme Corinne Imbert , rapporteure . - La crise sanitaire a ramené au centre du débat public la question de la mort et de l'accompagnement de la fin de vie, dont notre société s'est dessaisie peu à peu pour la confier à la seule médecine.
Par ailleurs, lors de l'examen en mars dernier de la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie sur le droit à mourir dans la dignité, l'insuffisance des prises en charge palliatives a été largement soulignée, de même qu'une appropriation encore très lacunaire des dispositifs existants, comme les directives anticipées ou la sédation, issus des lois de 2005 et 2016 portant sur la fin de vie.
Sans chercher à relancer le débat sur le sujet de l'aide active à mourir, nous avons souhaité approfondir l'état des lieux des soins palliatifs en France et je remercie la présidente Catherine Deroche d'avoir accédé à cette demande.
Nous avons ainsi procédé au cours des derniers mois à l'audition de professionnels de santé, hospitaliers comme libéraux, de sociétés savantes, d'associations de bénévoles, d'administrations ou encore de spécialistes de l'éthique. Nous avons effectué deux déplacements, l'un dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région parisienne, l'autre à la maison médicale Jeanne Garnier à Paris qui est un établissement pionnier en matière de soins palliatifs et la plus grande unité d'Europe.
De ces travaux ressort un constat largement partagé : des progrès ont été faits depuis qu'en 1999, le législateur a consacré le droit de toute personne dont l'état le requiert d'avoir accès aux soins palliatifs et à un accompagnement.
Toutefois, pour rendre ce droit effectif, un changement de culture reste à opérer : dans le personnel soignant, dont une partie considère la mort comme un échec, comme dans l'ensemble de la société, qui voit la mort comme un sujet tabou alors qu'elle fait partie de la vie.
Ces enjeux sont au coeur des attentes du 5 e plan national pour les soins palliatifs présenté par le Gouvernement le 22 septembre dernier. Nos travaux entendent contribuer à nourrir ce débat.
Avant d'entrer dans le détail, de quoi parlons-nous ?
La loi du 9 juin 1999 a défini les soins palliatifs comme « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »
Si les soins palliatifs doivent en théorie être assurés dans tout service hospitalier, y compris en hospitalisation à domicile, ou par tout soignant, les prises en charge reposent sur trois principaux dispositifs : les unités de soins palliatifs (USP), qui concentrent l'expertise et prennent en charge les cas les plus complexes, des lits identifiés de soins palliatifs (LISP), situés dans des services hospitaliers confrontés à des décès fréquents, qui assurent un niveau intermédiaire de prise en charge, et des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), qui interviennent à la demande des professionnels, hospitaliers ou non.
Mme Christine Bonfanti-Dossat , rapporteure . - Les quatre précédents plans nationaux ont accompagné une montée en charge progressive de cette offre de soins : le nombre d'USP a été multiplié par 3 en 20 ans et celui d'équipes mobiles par 5. On compte aujourd'hui près de 7 500 lits d'USP ou LISP.
Pour autant, ces progrès ont leurs limites.
D'une part, des disparités demeurent dans la répartition de l'offre de soins : 26 départements ou territoires ultra-marins, tels La Guyane et Mayotte, ne comptent pas d'USP.
Le nombre d'équipes mobiles a stagné sur la période du précédent plan qui prévoyait la poursuite de leur déploiement. Quant aux LISP, leur présence compense dans certaines régions le déficit d'USP, mais le manque de lisibilité dans leur organisation ou la formation inégale des personnels rendent les prises en charge hétérogènes. Nous proposons de parachever le maillage territorial en USP, qui restent un élément moteur pour l'accès aux soins palliatifs.
D'autre part, au-delà du nombre de structures, l'état des moyens humains nécessaires à leur fonctionnement est préoccupant : la plupart des USP et EMSP ne tournent pas à plein effectif, à défaut de ressource médicale ou paramédicale formée. On évalue à 30 % le décalage entre les effectifs réels des USP ou EMSP et les effectifs théoriques recommandés par les textes réglementaires. Cette situation entrave leurs capacités et les contraint à un mode dégradé qui se répercute sur les accompagnements, notamment, en dehors du milieu hospitalier. Le Pr Régis Aubry estime ainsi qu'il faudrait entre 300 et 500 nouveaux médecins formés d'ici 5 ans ne serait-ce que pour maintenir un niveau constant de prise en charge.
Ces considérations font que l'accès de tous aux soins palliatifs est encore loin d'être garanti : lors de son audition, la présidente de la SFAP, la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, a estimé, rappelez-vous, que 30 % seulement des patients qui en auraient besoin ont effectivement accès à des soins palliatifs.
Ces données posent un chiffre sur un ressenti, même si le manque de traçabilité des prises en charge palliatives, à l'hôpital et surtout hors de l'hôpital, rendent délicate tout estimation.
Surtout, à défaut d'une bonne connaissance des soins palliatifs, y compris par les médecins, ceux-ci interviennent souvent trop tard. L'offre est d'ailleurs ciblée sur quelques pathologies comme les cancers, marquées par un déclin brutal, qui représentent plus de 70 % des patients accueillis en USP et LISP. Or certains besoins, notamment liés au vieillissement et aux polypathologies, induisent un changement dans les trajectoires de fin de vie encore mal pris en compte.
Dans ce cadre, un premier enjeu est de lever des freins au déploiement de l'offre et de fluidifier des parcours de fin de vie encore perçus comme chaotiques et complexes.
Il nous faut d'abord mieux reconnaître les spécificités des soins palliatifs : cette prise en charge lourde s'inscrit dans la durée, repose sur des temps d'écoute, de concertation et de collégialité. Autant de caractéristiques mal valorisées dans les modes de tarification à l'activité des hôpitaux. Une évolution du mode de financement permettrait de mieux prendre en compte la complexité de certaines prises en charge et la qualité des soins dispensés.
Une diversification de l'offre est également attendue : des unités de longue durée, des accueils de jour ou autres projets innovants de « maisons de soins palliatifs », hors du cadre hospitalier, sont vus comme d'intéressantes évolutions pour répondre à la diversité des besoins.
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Ensuite, le maintien à domicile le plus longtemps possible des patients qui le souhaitent - et que les proches consentent à accompagner dans cette configuration - exige l'inscription des prises en charge dans une coordination locale.
Pour assurer la continuité des soins, les professionnels de ville doivent être soutenus et les allers-retours avec l'hôpital mieux anticipés, afin d'éviter le recours in extremis aux urgences.
Tout le monde nous l'a répété : les soins palliatifs ne se pratiquent pas isolément. Patients, proches et soignants doivent pouvoir appeler à tout moment, pour un conseil ou une urgence. Or les équipes mobiles, avec leurs moyens insuffisants, ne peuvent s'impliquer en dehors de l'hôpital autant que les besoins l'exigeraient : cette activité ne représente que 9 % de leurs interventions. Il faut donc réaffirmer leur rôle territorial et renforcer leurs moyens en conséquence.
La mise en réseau des acteurs hospitaliers comme des acteurs libéraux à l'échelle d'un territoire est par ailleurs utile pour identifier « qui fait quoi » et apporter des réponses au plus près des réalités locales. Certaines régions, comme la Bretagne ou l'Île-de-France, ont mis en place des cellules régionales d'animation des soins palliatifs qui sont une initiative intéressante - pour autant qu'elle ne se transforme pas en usine à gaz. Des approches locales peuvent être privilégiées, en articulation avec les réseaux de soins palliatifs, en cours de recomposition, dont les compétences doivent être consolidées.
Pour achever l'état des lieux de l'offre palliative, il faut enfin regretter que les Ehpad, dont les résidents sont de plus en plus âgés et polypathologiques, soient si pauvrement équipés pour accompagner la fin de vie. Le taux d'encadrement ne permet en effet pas de consacrer à chaque personne plus de temps que celui nécessaire aux toilettes et aux repas. Cela rend totalement impossible l'individualisation des autres actes de soin, et à plus forte raison l'accompagnement dans les derniers instants.
Les compétences plus précisément utiles pour prévenir la dégradation de l'état de santé, éviter l'hospitalisation et prendre en charge les situations difficiles, sont trop rarement disponibles : les médecins coordonnateurs n'interviennent qu'à temps partiel - lorsqu'ils interviennent, les établissements sont dépourvus de permanence infirmière de nuit, ils manquent de matériel, et la culture palliative y est embryonnaire.
Nous faisons en la matière un certain nombre de propositions qui s'ajoutent certes à la longue liste des améliorations indispensables à un secteur dont la crise sanitaire a bien montré la misère. D'abord, il faut doter les établissements des compétences sanitaires qui leur manquent, en pérennisant et généralisant l'expérimentation des infirmières de nuit - ayant si possible le statut d'infirmier en pratique avancée spécialisé en soins palliatifs. Il faut achever le conventionnement des établissements médico-sociaux avec des EMSP et pérenniser les astreintes gériatriques et palliatives bien mobilisées pendant la crise sanitaire pour assurer la qualité et la continuité de la prise en charge palliative dans les Ehpad.
Nous proposons également d'encourager l'adaptation des Ehpad eux-mêmes, afin d'améliorer l'accompagnement palliatif qu'ils sont susceptibles de fournir à leurs résidents : en y diffusant mieux les outils d'identification des situations palliatives, en revalorisant le rôle du médecin coordonnateur dans l'organisation de la prise en charge, et en nommant un référent soins palliatifs par établissement pour le suppléer. La diffusion d'une culture palliative en Ehpad passe enfin par l'appui des EMSP, déjà évoqué, et par la réflexion sur la tarification des soins en établissement.
Nous pensons encore qu'il faut faire une place plus importante au travail des bénévoles, qui sont la colonne vertébrale des prises en charge extra-hospitalières, et contribuent également à la dimension philosophique ou spirituelle de l'accompagnement de la fin de vie. Nous proposons donc de renforcer le soutien financier apporté aux formations au bénévolat d'accompagnement, et de faciliter leur intervention dans la prise en charge palliative à domicile.
L'offre de soins palliatifs doit enfin inclure un volet plus ambitieux de soutien aux proches aidants, lesquels seront amenés à jouer un rôle d'accompagnement de plus en plus grand à mesure que la population française vieillira tout en souhaitant rester à domicile le plus longtemps possible. Nous préconisons d'élargir les dispositifs de congés indemnisés pour les aidants accompagnant un proche en soins palliatifs et à développer les structures de répit qui leur sont destinées. Il nous semble pour finir nécessaire de faire beaucoup plus en matière de soutien aux familles endeuillées, sur le modèle du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, ou en joignant plus largement aux EMSP des psychologues et des assistantes sociales.
Mme Corinne Imbert , rapporteure . - À côté de ce panorama de l'offre de soins, un autre volet de nos travaux appelle plus largement à un changement de culture à l'égard des soins palliatifs et de l'accompagnement de fin de vie.
Nous constatons déjà, un peu plus de cinq ans après l'adoption de la loi « Claeys-Leonetti », que le bilan de son appropriation est mitigé. Ses deux principales innovations, à savoir le droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès et l'opposabilité des directives anticipées, ont encore en pratique une portée limitée.
Faute de traçabilité, nous ne disposons d'aucune vision consolidée des pratiques de sédation terminale. Ces données médicales sont pourtant essentielles pour mieux objectiver les trajectoires de fin de vie et alimenter la recherche.
Nous plaidons, par conséquent, pour l'introduction d'un codage spécifique des sédations réalisées tant à l'hôpital qu'en ville et une procédure de déclaration obligatoire à l'assurance maladie des décisions d'arrêt de traitement qui doivent être entourées des garanties liées à la mise en oeuvre d'une procédure collégiale.
Les restrictions d'accès au midazolam , qui n'est accessible en ville que par rétrocession hospitalière, rendent très rare la mise en oeuvre de sédations profondes et continues hors de l'hôpital et sont sans doute un frein aux prises en charge palliatives à domicile. Le manque de ressources des EMSP pénalise également l'accompagnement des professionnels libéraux dans des prises en charge qui requièrent l'administration de produits peu usuels dans leur pratique courante. Outre la dispensation du midazolam en ville, à laquelle s'est engagé le ministre des solidarités et de la santé pour la fin 2021, nous recommandons la mise à la disposition des médecins de ville et des infirmiers d'outils d'aide à la décision, de modèles de protocoles d'administration, et de modules de formation ad hoc .
Plus de seize ans après leur création par la loi « Leonetti » du 22 avril 2005, le bilan du déploiement des directives anticipées peut paraître décevant mais révèle surtout la difficulté intime à les rédiger et à se projeter dans des circonstances de fin de vie souvent complexes voire impossibles, précisément, à anticiper. 18 % des Français de plus de 50 ans indiquent avoir rédigé des directives anticipées. Cet outil représente néanmoins une avancée en faveur du renforcement de l'autonomie du patient et de son implication dans les décisions qui concernent sa santé. Le principal intérêt est d'engager des discussions entre la personne et les membres de son équipe soignante ou avec ses proches.
Afin de valoriser les discussions anticipées entre le patient et les professionnels de santé qui l'accompagnent, nous proposons de créer une consultation ad hoc consacrée à la réflexion en matière de soins palliatifs et de fin de vie, pouvant être réalisée notamment par un médecin ou un infirmier libéral.
Les personnes que nous avons auditionnées se sont très largement prononcées en faveur de la démarche du projet de soins anticipé, déjà répandue dans d'autre pays sous le vocable anglais d'« advance care planning ». Plus respectueuse de la temporalité du patient et mieux adaptée au profil évolutif de sa maladie, la planification des choix et besoins en soins palliatifs est perçue comme un exercice moins brutal ou complexe que les directives anticipées, en privilégiant le cheminement dans le temps et le maintien d'une part d'incertitude. Elle doit permettre un repérage précoce du patient et de ses besoins, en s'appuyant sur des réunions de concertation pluridisciplinaire. Elle associe l'ensemble des acteurs susceptibles d'intervenir pour organiser le continuum de la prise en charge, à domicile, à l'hôpital et, le cas échéant, en Ehpad.
Dans le cas des personnes atteintes d'une maladie grave, les discussions ainsi engagées sont l'occasion pour l'équipe médicale et le patient d'identifier ensemble les contours d'éventuelles situations d'acharnement thérapeutique.
Elles permettront également d'intégrer les soins palliatifs plus tôt dans la prise en charge. En effet, tant l'Institut national du cancer (INCa) que le Pr Régis Aubry ont regretté que les soins palliatifs soient trop souvent sollicités en toute fin de vie, après l'échec des thérapeutiques, alors que plusieurs études ont démontré le bénéfice de soins palliatifs précoces et intégrés dans la prise en charge thérapeutique, en termes de qualité de vie, voire en termes de survie.
Dans les établissements médico-sociaux, l'institutionnalisation d'un tel temps d'échange entre la personne en fin de vie, sa personne de confiance et le médecin coordonnateur serait utile pour mieux anticiper les conditions de prise en charge palliative. Cela nécessite, à nouveau, un meilleur encadrement. Cela nécessitera aussi de dissiper la confusion introduite en 2015 par la duplication de la notion de personne de confiance.
Mme Christine Bonfanti-Dossat , rapporteure . - Outre l'insuffisance des moyens globalement consacrés au secteur, il apparaît que le principal frein au développement des soins palliatifs dans notre pays est l'inadaptation de la formation des professionnels.
Une observation faite incidemment par le Pr Régis Aubry suffit à illustrer le problème : au cours des études de médecine, le mot de « mort » n'est jamais, ou quasiment jamais employé ! En conséquence, les soins palliatifs sont considérés « comme de l'humanitaire et pas comme de l'universitaire », pour reprendre une expression du Pr Didier Sicard. Nous croyons par conséquent qu'il faut repenser les études médicales et la formation des professionnels en relevant le défi de considérer les soins palliatifs à la fois comme une spécialité et comme une démarche transversale pouvant irriguer la pensée médicale dans son ensemble.
Nous plaidons d'abord pour mettre les étudiants en contact avec les soins palliatifs de manière précoce et régulière dans leur cursus. En l'état actuel des choses, les enseignements sur la fin de vie sont répartis de manière très hétérogène selon les programmes des facultés, ils sont très insuffisants, largement théoriques, et trop techno-scientifiques. Sans vouloir tracer des maquettes pédagogiques très détaillées, il nous semblerait bon de systématiser l'enseignement de l'éthique médicale en médecine et dans les filières paramédicales par des unités d'enseignement interfilières en sciences humaines et sociales s'appuyant sur les retours des associations de patients et les patients experts.
Il est par ailleurs indispensable que les jeunes praticiens se forment aussi sur le terrain. Or l'étroitesse du secteur empêche pour l'heure les jeunes internes de réaliser une partie au moins de leur période de stage obligatoire dans les services de soins palliatifs, faute de professionnels disponibles pour les encadrer. Songez que même la maison Jeanne Garnier, plus grand établissement européen de soins palliatifs, ne peut accueillir les internes en médecine générale désireux de venir s'y former car la maquette de cette spécialité ne le permet pas... il nous paraît indispensable d'introduire un stage obligatoire dans une USP ou une EMSP pour les internes de certaines spécialités telles que la cardiologie, la néphrologie, l'oncologie ou encore la neurologie, mais également la médecine générale.
Pour renforcer la spécialisation, nous proposons de créer un parcours de formation spécialisée transversale (FST) ouvert aux médecins après l'internat ainsi qu'aux autres professionnels, permettant à tous d'acquérir une qualification complémentaire en soins palliatifs, notamment pour faciliter les changements d'orientation en cours de carrière. Pour l'heure, il n'existe qu'une formation spécialisée, moins substantielle que le diplôme d'études spécialisées complémentaires de « médecine de la douleur » qu'elle a remplacé en 2016.
Il faudra également s'atteler à la structuration d'une véritable filière universitaire de soins palliatifs. La création, en 2016, d'une sous-section du Conseil national des universitaires (CNU) pour la médecine palliative a été une bonne chose, mais le nombre de professeurs a ensuite diminué, faute de candidats remplissant les critères de qualification requis. Il conviendra d'accroître le nombre de postes de professeurs d'université-praticiens hospitaliers (PU-PH) ou de chefs de service pour asseoir une spécialité universitaire qui ne compte aujourd'hui qu'une douzaine de professeurs associés.
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Recentrer les soins médicaux sur leur dimension humaine davantage que technique emporte enfin une autre conséquence : la nécessité de mieux valoriser le travail des autres professionnels du soin. Cela passe d'abord par l'implication plus grande des infirmiers spécialisés. Le diplôme d'infirmier en pratique avancée n'est aujourd'hui délivré que dans quatre domaines : l'oncologie et l'onco-hématologie, les pathologies chroniques stabilisées et les maladies rénales depuis 2018, ainsi que la psychiatrie et la santé mentale depuis 2019.
Créer une nouvelle mention « soins palliatifs » au diplôme d'infirmier en pratique avancée nous semble indispensable pour mieux repérer les patients pouvant bénéficier d'un accompagnement palliatif, prévenir l'obstination déraisonnable, assister les médecins dans la prescription de soins, ou encore diffuser plus largement la culture palliative dans leurs différents lieux d'exercice. Ces professionnels seraient en outre, je l'ai dit, des piliers de l'accompagnement palliatif en Ehpad.
Outre les infirmiers, nous sommes convaincues qu'il faut faire plus largement appel au travail des psychologues pour accompagner les personnes en fin de vie et les familles endeuillées, et par conséquent en doter plus largement les EMSP.
Selon le Pr Régis Aubry, « la fin de vie est l'angle mort de la recherche en France ». La recherche sur les soins palliatifs et la fin de vie en France reste en effet insuffisamment coordonnée et transversale et manque de visibilité à l'international. Cette situation tranche avec la structuration des efforts de recherche dans d'autres pays, comme la Suisse, la Belgique ou le Royaume-Uni.
Face à la fragmentation de l'effort de recherche dans notre pays, la création de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie représente un réel progrès. Nous soutenons ainsi l'objectif que la plateforme s'est fixé d'organiser à court terme un appel à projets relatif à la recherche sur la fin de vie au travers d'un programme prioritaire qu'elle porterait dans le cadre des investissements d'avenir.
Il est par ailleurs capital de renforcer la qualité de la collecte de données en matière de fin de vie. Afin que le centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) puisse déployer une véritable plateforme statistique et épidémiologique dans ce domaine, nous proposons que lui soit attribué un accès permanent aux données du Health Data Hub , au titre de sa mission de centre de ressources et d'expertise.
En matière de gouvernance, nous ne proposons pas d'évolution statutaire pour le CNSPFV mais plutôt une clarification de ses missions et de son fonctionnement ainsi qu'un renforcement de ses moyens. Il devrait notamment être doté de deux grandes missions : d'abord, s'imposer comme un centre de ressources et d'expertise sur les soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie ; ensuite, être l'opérateur de l'acculturation du grand public et des professionnels de santé à ces problématiques. Enfin, il est indispensable que les moyens budgétaires et humains du centre soient significativement renforcés en conséquence, alors que son budget n'a pas augmenté depuis dix ans.
Au final, pour rendre enfin effectif l'accès aux soins palliatifs affirmé par le législateur et améliorer l'accompagnement de fin de vie dans notre pays, nous identifions trois priorités : tout d'abord, former très largement tous les acteurs de la prise en charge, notamment ceux qui interviennent au domicile et dans les Ehpad ; ensuite, anticiper l'intervention des soins palliatifs trop souvent cantonnés à la toute fin de vie ; enfin, renforcer les moyens d'accompagnement des malades, de leurs proches et des soignants qui les entourent dans ces moments de grande vulnérabilité.
Nous serons vigilants à ce que les engagements annoncés par le Gouvernement dans le 5 e plan national pour le développement des soins palliatifs trouvent une traduction concrète dès le prochain PLFSS.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci.
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Nous disions avec Corinne Imbert que nous avons conscience que nous proposons un peu un monde idéal, mais nous marchons avec cette utopie qui nous anime.
Mme Jocelyne Guidez . - Je souligne la qualité de ce rapport. Je veux évoquer les inégalités de territoire. 26 départements n'ont aucune USP, ce qui est étonnant à notre époque. Vous parlez énormément des Ehpad, mais je rappelle qu'il existe des USP pour les jeunes adolescents et les enfants. Je trouve que vous en parlez très peu - on a l'impression qu'on ne meurt qu'en Ehpad ou parce qu'on est vieux. Je parle bien sûr des cancers pédiatriques. J'ai reçu de nombreux parents qui se trouvaient dans cette situation dramatique. Je me pose la question de la formation : peut-elle être identique lorsqu'on perd une personne âgée ou un enfant ? Je ne pense pas.
Mme Florence Lassarade . - J'allais intervenir sur le sujet évoqué par Mme Guidez, sachant qu'on parle des soins palliatifs même en salle de naissance. Plutôt qu'une formation transversale, je pense plutôt qu'il en faudrait une dans chaque spécialité. À titre personnel, j'ai été sollicitée pour faire partie d'une équipe de territoire de soins palliatifs, comme pédiatre libérale. J'étais bien embarrassée à répondre favorablement. Je n'ai pas eu à intervenir dans ce cadre, mais je n'avais pas la formation adéquate.
Deuxièmement, il me semble qu'une courroie de transmission est nécessaire entre les services de cancérologie, et les soins pallliatifs à domicile. Elle n'existe pas : c'est souvent au patient de se débrouiller. Il faut faire un choix entre l'hospitalisation et le soin à domicile. Je peux dire qu'il existe un manque réel de coordination à ce sujet. On ne donne pas aux familles d'échéances précises.
J'ai une question de détail : pourquoi souhaiteriez-vous qu'on déclare à la CPAM la décision d'arrêter les thérapeutiques ? Pour quelle raison technique le faut-il ? On sait que la CPAM est une grosse structure, et que l'information va probablement arriver de façon décalée par rapport au décès du patient.
Mme Laurence Garnier . - Comment l'État, les collectivités, les agences régionales de santé (ARS) peuvent-elles, le cas échéant, accompagner la mise en place de projets privés sur les territoires que vous évoquez dans le rapport ?
Vous avez décrit l'absence de ce sujet dans les études de médecine, et donc dans la formation et l'activité professionnelle de nombreux médecins. Vous avez aussi décrit l'importance des bénévoles - je pense notamment à l'association Jalmalv, qui fait un travail remarquable avec des bénévoles très formés. Votre rapport préconise d'accentuer leur place dans ce travail humain, et d'accélérer et renforcer la formation des professionnels. Je crois que c'est le lieu d'une articulation entre ces deux missions. Quel constat faites-vous sur ce lien entre les professionnels médicaux et les bénévoles ? Serait-il intéressant de l'approfondir ?
M. Daniel Chasseing . - Je voudrais remercier Mmes les rapporteures, qui sont intervenues dans le détail de ce qu'il faut faire pour que les soins palliatifs soient efficients.
Il faudrait, dans les Ehpad, comme cela a été très bien décrit par Michelle Meunier, avoir davantage de personnels. Le plan Grand Âge arrive dans ce cadre. Avec les gens très dépendants, on a un déficit de personnel, or cela est nécessaire pour organiser l'accompagnement.
Les soins infirmiers en pratique avancée seraient, dans ce cadre là, essentiels. Les personnels en Ehpad ne sont pas habitués à administrer les soins qui doivent être portés par l'hôpital. L'infirmière peut aider le médecin coordonnateur ou le médecin traitant, qui n'a pas forcément l'habitude de mettre en place les thérapeutiques. Le rôle des bénévoles, du congé aidant, du psychologue doit bien sûr être salué, mais c'est actuellement l'encadrement dans les Ehpad qui est insuffisant. Dans les départements où il existe des services de soins palliatifs, cela fonctionne bien.
La loi Claeys-Leonetti est une très bonne loi. La sédation profonde et continue suffit. En ce qui concerne le manque de ressource des soins palliatifs, oui, il en faut dans tous les départements, mais je précise que dans les départements où il y en a, certains postes ne sont pas pourvus.
Intégrer les soins palliatifs plus tôt est aussi très important.
Enfin, ce qu'a dit Christine Bonfanti-Dossat était très bien : il faudrait une formation sur le terrain et une adaptation dans la formation des professionnels et un formations en cours d'études, avec des stages étudiants en contact avec les soins palliatifs.
M. Bernard Jomier . - Merci pour ce travail très riche.
Tout d'abord, faut-il en rester à ce type de travail ? Vous reprenez un nombre important de problématiques autour de la fin de vie et les soins palliatifs, et qui sont dans le débat depuis longtemps. Pour autant, on avance extrêmement lentement. Il me semble pourtant que, vu l'importance de cette question dans notre pays actuellement - qu'on voit avec la proposition de loi débattue au printemps - il faudrait plus de temps pour la traiter et approfondir toutes les pistes que vous soulevez, qui sont très intéressantes. Vous citez le Pr Aubry, qui dit qu'on ne parle pas de la mort dans les études de médecine. Mais on n'en parle pas dans la société, et c'est une question qui concerne toute la société. Nous avons organisé, en 2018, au Sénat, les premières assises du deuil. J'étais stupéfait par ce qui se racontait à ce moment-là, sur ce qui se passait après la mort pour le conjoint survivant : + 70 % d'infarctus, + 80 % de cancer... Les chiffres sont hallucinants. Tout ce qui a trait à la mort est masqué dans notre pays. Il ne faut pas s'étonner ensuite que les dispositifs qui entourent la mort soient sous-financés et passent « sous le tapis ».
Je souligne que ces questions n'appartiennent pas seulement aux médecins. S'ils sont certes présents, ce n'est pas qu'une question relative aux médecins. Si on dit que trop de gens meurent mal, ce n'est pas la responsabilité des médecins.
La question des Ehpad est essentielle. Mais il est illusoire de compter sur la mise en place d'une infirmière de nuit dans tous les Ehpad pour faire des soins palliatifs. Le dispositif est d'une telle ampleur - vous avez rappelé tout ce que cela nécessitait en termes de temps communs, le fossé est tellement important entre les dotations actuelles des Ehpad et ce qui serait nécessaire, que ce serait une révolution. Cela repose la question de ce qu'on attend des Ehpad.
Je trouve aussi que vous faites très peu de place à l'hospitalisation à domicile qui, depuis une quinzaine d'années, intervient en Ehpad pour faire du soin palliatif.
Dernière question : avez-vous eu le temps d'expertiser et d'avoir un avis sur le 5 e plan national, qui est enfin sorti, et à propos duquel il est annoncé qui sera doté de 170 millions d'euros pour une période de trois ans ?
M. Alain Milon . - Je vais être un peu moins gentil que mes collègues. Je trouve que le rapport est excellent, et que votre travail est assez remarquable, mais je suis très inquiet par la liste considérable des propositions que vous faites. Je ne pense pas que, quand on fait autant de propositions, on soit sûr qu'elles soient prises en compte et mises en application dans le temps. Je me demande si en avoir fait autant n'entraînera pas un rapport qui ne sera pas suivi d'effet.
Vous avez vu le Ségur de la santé, où on fait des dépenses considérables non financées. Vous constatez des promesses surgissant de maints endroits, qui ne semblent pas financées. Depuis au moins 2008, on nous propose des objectifs nationaux de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) toujours très inférieurs à ce qui serait nécessaire pour permettre à nos concitoyens d'avoir la meilleure santé possible.
Ces propositions, nombreuses et excellentes, comment les financez-vous ?
Mme Annick Jacquemet . - Je voudrais vous féliciter, car ce rapport m'a beaucoup intéressé. Vous nous avez donné des chiffres qui m'interpellent et m'effraient. Ils nous font prendre conscience de l'ampleur du travail à accomplir et du temps nécessaire pour avoir une prise en charge de la fin de vie - question à laquelle je suis très sensible. Vous dites que seulement 30 % sont pris en charge, que seulement 18 % des Français de plus de 50 ans ont fait des directives anticipées, qu'il manque énormément de personnel. On avait beaucoup parlé du droit aux soins palliatifs dans la proposition de loi sur le droit à mourir dans la dignité. Je me demande comment nous parviendrons à réduire ce temps pour que tous nos concitoyens aient droit à une fin de vie digne.
Autre point : vous parlez, page 19, de la recherche sur les soins palliatifs et la fin de vie en France, qui est insuffisamment coordonnée. Cette situation « tranche avec la structuration des efforts de recherche dans les pays comme la Suisse et la Belgique ». Cela m'interpelle, parce que, dans ces pays, on aide les patients à mourir. Y a-t-il une corrélation ? Ces pays mènent ces études et, pour autant, ils accompagnent activement la fin de vie.
Mme Véronique Guillotin . - Je voudrais aussi vous féliciter pour ce rapport, qui contient une liste quasi exhaustive des sujets à développer et améliorer pour la prise en charge palliative des patients.
Je trouve que des choses existent aujourd'hui. Il existe des EMSP, des HAD - qui peuvent théoriquement prendre des patients en soins palliatifs, des lits identifiés palliatifs. Ce qui manque, à mon sens, c'est le financement et les places qui doivent être augmentées. L'augmentation des places d'HAD repose sur des autorisations d'ARS, et il doit y être procédé, comme pour les lits identifiés et les USP. Il faut peut-être acculturer les professions sans pour autant révolutionner et rajouter des semestres d'études médicales. Je ne suis pas convaincu que celui qui n'est pas tenté de faire du soin palliatif en fasse. En revanche, pour celui qui est un peu attiré par cette spécialité, il existe des diplômes universitaires, inter-universitaires, des centres où on peut se former en interne... J'ai fait du soin palliatif. J'étais généraliste, sans spécialité particulière, mais j'ai appris et me suis formée car cela m'intéressait.
Je vous soumets un exemple concret. J'ai été médecin en Ehpad et médecin en soins palliatifs en même temps, en HAD. Sur ces mêmes structures, j'avais du mal à faire rentrer mon équipe d'HAD pour du soin palliatif dans l'Ehpad que je coordonnais, car il y avait des levées de bouclier de soignants qui avaient leur pré carré, et prétendaient qu'ils étaient capables de gérer les soins palliatifs dans leur Ehpad. Ce n'est qu'il manquait de soins palliatifs : il y avait des infirmières, des médecins coordonnateurs, mais cette acculturation et ce travail en commun étaient aussi difficiles.
Il faut amplifier ce qui existe, revoir une acculturation de toutes les professions, et il y a un problème de ressources : il faut les moyens financiers et former plus de gens.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Merci pour ce rapport, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Il est riche et intéressant. Je ne pense pas qu'il y ait trop de propositions. Il faut en faire, au contraire. Je souscris complètement à certaines d'entre elles, notamment sur la formation. Je suis aussi interpelée par de nombreuses familles au sujet de leurs enfants et adolescents en fin de vie, auxquels aucune structure n'est réservée, et qui se retrouvent à 14-15 ans en soins palliatifs, entourés de patients beaucoup plus âgés. C'est assez difficile. Mais c'est peut-être une proposition de loi spécifique qui doit être faite, car cela suppose un travail très fourni. Je pense aussi à l'HAD, qu'on n'a pas beaucoup abordée. Vous ne le pouviez pas, car votre rapport était spécifique aux soins palliatifs, mais je pense qu'il manque un volet dessus. Il vaudrait le coup d'en parler dans une autre proposition de loi.
La question des salaires et de l'attractivité du métier n'est pas évoquée - qui passe aussi par la reconnaissance de ce métier, assez spécifique. Je parle de salaire pour les médecins, mais aussi pour les infirmières et les aides-soignantes. Les personnes dévouées qui travaillent dans des USP sont généralement formidables, mais elles sont confrontées sans cesse à la mort. C'est compliqué. Je discutais avec des infirmières, et quand des aides soignantes et infirmières qui ont travaillé plus de 15 ans en soins palliatifs demandent à changer de service, elles n'obtiennent pas facilement une rotation dans leur hôpital. On devrait pouvoir permettre à ces métiers difficiles d'envisager une rotation plus aisée.
Je me permets de souligner en conclusion la nécessité d'une revalorisation salariale.
M. Daniel Chasseing . - Je souhaitais rajouter un point. Dans les territoires, il n'y a pas d'autre service : c'est l'HAD qui vient faire des soins palliatifs. Donc c'est sous-entendu !
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Merci, chers collègues, pour toutes vos observations. Trouver la bonne focale pour un rapport d'information, celle qui permet d'en dire ni trop ni trop peu, est toujours difficile. Nous nous sommes arrêtées à 44 propositions, mais nous aurions pu en rédiger davantage ! Plus sérieusement, toutes donnent en tout cas matière à réfléchir et appellent à une traduction concrète.
Nous nous sommes rendu compte qu'aux soins palliatifs restaient attachées certains clichés ; sans doute en avons-nous été nous-mêmes victimes. Vous avez raison de dire que les soins palliatifs concernent aussi la pédiatrie, et sans doute la prise en compte de l'âge des patients en fin de vie appelle-t-elle des formations spécifiques. Mais, plus globalement, nous croyons qu'il faut former transversalement les professionnels de santé à ces enjeux. La mort reste un tabou qui, nous disent les historiens des sensibilités, a remplacé le sexe. La crise sanitaire aura au moins eu ce mérite de nous reposer cette question. Et si la manière de mourir fait débat, c'est aussi plus largement le cas du vieillissement. Quoi qu'il en soit, il est vrai qu'il faut éviter de cloisonner la réflexion ; il faut croiser les regards sur le soin en général, et sur la fin de vie en particulier.
Nous avons conscience de demander un effort important. Le premier rendez-vous à ne pas manquer, de ce point de vue, sera celui du PLFSS...
Il faut bien sûr encourager le développement du secteur, quel que soit le statut de l'établissement. Nous ne saurions nous passer de l'apport du secteur privé, qu'il soit question de dons, de mécénat ou de fondations, mais le public doit garder la main : à l'ARS de suivre les efforts, quitte à inscrire des lignes spécifiques dans les missions d'intérêt général.
Je m'étais intéressée à l'HAD avant de commencer les travaux de cette mission car la présidente de la Fondation nationale des établissements d'hospitalisation à domicile, l'ancienne ministre Élisabeth Hubert, est nantaise. Mais ces équipes ne font pas que des soins palliatifs, loin de là. Rassurez-vous : le rapport est plus complet que ce que nous avons dit sur le rôle de ces équipes.
Le cinquième plan n'a été présenté que le 22 septembre : nous ne saurions donc nous avancer sur son contenu. Ce que l'on peut dire pour commencer, c'est que nous attendons toujours le décret autorisant la mise à disposition du Midazolam en ville.
Mme Corinne Imbert , rapporteure . - La mission visait à faire un état des lieux des soins palliatifs en France. D'où le nombre de propositions. Nous esquissons un monde idéal, en quelque sorte ! Observez toutefois qu'il n'y a pas eu de plan entre 2018 et 2021, et que le plan précédent était doté de 20 millions d'euros de plus que le plan annoncé la semaine dernière, qui n'affiche que 170 millions d'euros.
Les moyens de financer nos propositions ne sont donc pas au rendez-vous, même si certaines, sur la formation notamment, se retrouvent aussi dans les annonces du Gouvernement. Toutes n'ont certes pas la même importance : vous retrouverez d'ailleurs en ligne une liste de nos douze propositions principales, qui vous éclaireront sur ce que l'on considère comme des priorités.
Madame Lassarade, la décision d'arrêt de traitement doit être mieux tracée car cela assurera une meilleure sécurité juridique, et alimentera opportunément la recherche.
Madame Jacquemet, il est vrai que la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas ont autorisé l'aide active à mourir, mais ce n'est pas cela qui les empêche de mieux accompagner la fin de vie, au contraire. Si cela peut rendre le sujet moins tabou, pourquoi pas. Il est exact que la mort, qui pourtant fait partie de la vie, n'est plus visible dans notre société. Les générations n'étant plus abritées sous le même toit, les plus jeunes ne voient plus mourir les plus âgés, qui décèdent majoritairement à l'hôpital ou en Ehpad.
Évidemment, madame Guillotin, que l'on ne part pas de rien, mais il reste des progrès à faire. Les soins palliatifs sont souvent trop tardifs, ce qui suffit à les assimiler à la mort dans l'esprit de beaucoup. C'est une souffrance psychique pour les patients et les familles. Or les soins palliatifs, c'est aussi le soulagement des patients et de leurs proches.
Mme Christine Bonfanti-Dossat , rapporteure . - Je voudrais y revenir, car nos interlocuteurs eux-mêmes ont insisté sur ce point : les soins palliatifs ne sont pas nécessairement associés à la mort ; ce sont des soins de confort dispensés à un moment donné, par exemple pour les malades suivant de lourdes chimiothérapies.
Cher Alain Milon, nos propositions sont nombreuses car beaucoup reste à faire dans ce domaine ! Puisse la prochaine liste de propositions que fera la commission sur ce sujet être la plus courte possible...
Madame Guillotin, la coordination des ressources médicales en Ehpad est en effet essentielle. Cela passe par le renforcement des attributions du médecin coordonnateur, qui est le véritable chef d'orchestre des prises en charge, entre les équipes de l'établissement, les ressources externes, les médecins traitants et la famille. Ce faisant, peut-être remédierons-nous au déficit d'attractivité du métier.
Madame Garnier, nous avons rencontré des associations de bénévoles, qui font un travail admirable. Seulement, les moyens manquent pour former suffisamment de bénévoles. Le fonds national d'action sanitaire et sociale de la CNAM soutient un nombre d'associations qui croît doucement, mais ses crédits stagnent, autour d'1 million d'euros... Il faudrait en outre associer plus étroitement les bénévoles aux EMSP.
Oui, monsieur Chasseing, les infirmiers en pratique avancée sont déterminants pour les Ehpad, car 30 % des établissements n'ont pas de permanence médicale, et toute la littérature scientifique démontre l'intérêt de la permanence des soins nocturnes. Nous l'avons aussi constaté dans l'Ehpad que nous avons visité, qui regrette de ne pas en avoir. Le déploiement d'infirmiers de nuit en Ehpad est expérimenté depuis 2018 dans le cadre du parcours de santé pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie ; à ses 36 millions d'euros, le Ségur a jouté environ 8 millions d'euros, mais il faut aller plus loin et généraliser le dispositif.
L'HAD est bien sûr utile, mais elle ne fait pas que des soins palliatifs. Et à domicile aussi, tout reste à faire.
Un mot sur la statistique selon laquelle la majorité des décès ont lieu à l'hôpital : la plupart des mourants et leur famille souhaitent certes rester à domicile jusqu'à la fin, mais une aggravation brutale de l'état du patient suffit souvent à les faire changer d'avis ; c'est alors que le décès survient, une fois franchies les portes de l'hôpital.
Mme Corinne Imbert , rapporteure . - J'ajoute un mot sur la question du financement : si le Gouvernement ne faisait pas payer à la sécurité sociale des choses qui ne relèvent pas de son budget, peut-être arriverions-nous à financer quelques-unes de nos propositions...
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Je voudrais attirer votre attention sur une chose : beaucoup de nos propositions visent à relever le fait que l'accompagnement palliatif demande du temps, ce dont tous les professionnels soignants disent manquer.
Enfin, la durée moyenne d'activité dans les soins palliatifs est en France de 7 à 8 années, plutôt que 15 ailleurs - ce qui doit être très éprouvant.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous vous remercions. Il nous reste à autoriser la publication de ce rapport.
La commission autorise la publication du rapport d'information.