B. DONNER UN SENS À LA PROTECTION DES MNA

Dans son ensemble, la prise en charge des MNA représente un investissement public important qui s'avère vain si les jeunes se retrouvent sans solution et en situation irrégulière à leur majorité. Il s'agit alors, pour reprendre les termes de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur les ruptures de parcours en protection de l'enfance 116 ( * ) , d'un « gâchis économique et social et d'un non-sens éducatif ».

1. Favoriser une scolarisation rapide des MNA
a) Donner les moyens d'une scolarisation rapide

Les délais tardifs de scolarisation sont le résultat d'une succession d'étapes repoussant l'affectation finale des MNA en classe (voir supra ).

Afin d'accélérer les procédures, les rapporteurs plaident en faveur d'un renforcement de moyens humains et financiers alloués aux services de l'Éducation nationale intervenant dans les étapes préalables à la scolarisation des MNA : Casnav et CIO.

En outre, plusieurs associations auditionnées mettent en cause la durée des vérifications des actes d'état civil étrangers menées, lors de la phase d'évaluation de la minorité, par la police aux frontières (PAF) . Le concours de la PAF, à la demande des services de l'ASE et par l'intermédiaire des services préfectoraux, est prévu par la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 117 ( * ) . Le délai de 5 jours assigné aux services de l'État par la circulaire pour répondre à la sollicitation des départements n'est pas toujours respecté ce qui entrave la scolarisation du jeune.

En effet, certains départements font le choix de ne pas engager les démarches en vue de scolariser un jeune tant que la saisine de la PAF est en cours. Ce choix s'explique par le risque de devoir déscolariser un jeune après que les examens plus poussés démontrent que ce dernier disposait en réalité d'actes d'état civil non conformes.

Si cet argument peut s'entendre, les rapporteurs restent convaincus que les bénéfices d'une scolarisation précoce pour tous les MNA dépassent les inconvénients engendrés par la déscolarisation précipitée des fraudeurs. En conséquence, il convient de rendre possible la réalisation des enquêtes portant sur l'authenticité des documents des actes d'état civil en parallèle de la scolarisation du jeune, dès lors que les autres éléments de l'évaluation convergent en faveur d'une minorité.

L'objectif de réduction des délais de ces enquêtes doit toutefois demeurer et les rapporteurs souscrivent à la proposition, formulée dans un précédent rapport 118 ( * ) , d'accroître également les moyens humains et financiers de la PAF.

Recommandation n° 31 : Réduire les délais de scolarisation des MNA en augmentant les moyens humains et financiers des services de l'Éducation nationale et de la PAF.

Recommandation n° 32 : Ouvrir la possibilité de conduire les enquêtes d'authentification des actes d'état civil en parallèle de la scolarisation.

b) Développer la préscolarisation des MNA

Que la phase d'évaluation se prolonge, retardant le début des démarches auprès de l'Éducation nationale, ou que l'affectation effective en unité pédagogique n'aboutisse pas, les MNA voient leur droit à une scolarisation transgressé.

Devant ce constat, le collectif RESF, entendu en audition, a mis en lumière « le développement d'initiatives solidaires d'alphabétisation (...) et de scolarisation » des MNA par des associations 119 ( * ) .

La solution de préscolarisation des jeunes , qui ne semblent manifestement pas majeurs, par des associations apparait comme vertueuse pour pallier la défaillance du service public dès lors que les enseignements dispensés font l'objet d'un encadrement minimal.

Les rapporteurs recommandent aux départements de soutenir ces initiatives de scolarisation précoce pour l'apprentissage du français et la mise à niveau dans d'autres matières fondamentales comme les mathématiques. Il conviendrait dès lors de contractualiser avec des associations oeuvrant en faveur de cette démarche ou de favoriser le recrutement d'enseignants par les structures en charge de la mise à l'abri des jeunes.

Recommandation n° 33 : Favoriser la préscolarisation des jeunes par des associations, contractantes avec le département, dès la phase de mise à l'abri.

c) Améliorer la coordination entre les départements et l'Éducation nationale pour une affectation en classe sans délai

La coordination entre les conseils départementaux et la direction des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN) doit être améliorée afin d'anticiper en amont le besoin de places à venir en UPE2A selon le nombre prévisible de MNA pris en charge.

La circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 identifie l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale (IA-DASEN) ou son représentant comme « l'interlocuteur privilégié des conseils départementaux et des services et établissements qui accueillent des mineurs pour toutes les questions relatives à la scolarité des mineurs isolés étrangers ».

Il apparait nécessaire d'organiser des rencontres régulières entre le président du conseil départemental et l'IA-DASEN afin d'évaluer les besoins de l'année dans les dispositifs de scolarisation des MNA.

Recommandation n° 34 : Organiser des rencontres semestrielles entre le président du conseil départemental et l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'Éducation nationale afin d'évaluer pour le semestre à venir le besoin de places en UPE2A et dans les autres dispositifs scolaires à destination des MNA.

L'absence de scolarisation des MNA avant la rentrée scolaire de septembre a été rapportée, lors des auditions, comme un évènement fréquent. On ne peut se résoudre à se satisfaire de cette situation. Les désagréments occasionnés par l'intégration en cours d'année de nouveaux élèves, fussent-ils allophones, ne sauraient le justifier.

Dès lors que les besoins de places en unités spécialisées seront mieux anticipés, la gestion du flux des MNA à scolariser pourra être plus facile. Il apparaît donc réaliste aux rapporteurs de permettre aux jeunes d'être scolarisés en cours d'année scolaire, au gré de l'aboutissement de leur démarches de scolarisation.

Recommandation n° 35 : Permettre aux jeunes MNA d'être scolarisés en cours d'année sans attendre la rentrée scolaire de septembre.

2. Sécuriser la situation administrative des jeunes ayant vocation à rester sur le territoire
a) La nécessité de faciliter et d'anticiper l'acquisition d'un titre de séjour à la majorité

Les nombreuses difficultés entourant la régularisation des MNA devenus majeurs tiennent à la situation documentaire non-stabilisée des jeunes, à la complexité ou la longueur des démarches administratives et enfin à l'état de la législation 120 ( * ) .

Malgré ces écueils, le nombre de demandes de titres de séjour déposées est en hausse sur tout le territoire national et le taux d'approbation s'avère élevé, ce qui tend à démontrer la bonne insertion des MNA au sein de la société. Toutes procédures confondues, les données transmises par la direction générale des étrangers en France (DGEF) font état de 6 026 demandes de titres de séjour déposées pour l'année 2019, avec un taux d'approbation d'environ 93 % . Les chiffres communiqués par la préfecture de police de Paris, la préfecture des Bouches-du-Rhône et celle de la Gironde permettent de dégager des tendances similaires, à l'exception de la capitale où les taux d'approbation sont légèrement inférieurs 121 ( * ) .

Demandes de titres de séjour déposées par des MNA

2017

2018

2019

2020

2021

National

3 062

4 098

6 026

-

-

Paris

-

-

-

320

243 122 ( * )

Bouches-du-Rhône

80

124

162

353

-

Gironde

71

132

326

301

-

Source : DGEF ; Préfecture de police de Paris ; Préfecture des Bouches-du-Rhône ; Préfecture de la Gironde

Si les rapporteurs n'ont pas retenu l'idée de l'octroi de plein droit d'un titre de séjour aux jeunes majeurs intégrés dans un parcours d'insertion professionnelle , ils estiment nécessaire de faciliter leur accès au séjour par d'autres biais.

De manière générale, les pistes d'amélioration semblent moins résider dans la modification du droit au séjour que dans la facilitation de la mise en oeuvre des procédures en vigueur . Lorsqu'elles sont mises en oeuvre, celles-ci sont tout à fait efficaces et la solution semble plutôt résider dans le renforcement de leur accessibilité, par exemple par l'intermédiaire des demandes par anticipation, et dans l'accompagnement des personnes concernées.

Certaines avancées intéressantes ont déjà été réalisées s'agissant des procédures d'examen des demandes de titres de séjour. Dans certains départements, la préfecture et le conseil départemental ont signé un protocole en vue d'organiser les modalités de dépôt et de traitement des demandes de titres de séjour des MNA 123 ( * ) . Ces protocoles locaux prévoient souvent que les mineurs non accompagnés peuvent déposer leur dossier de régularisation en amont de leur majorité, à des degrés variables d'anticipation.

Ainsi, un protocole d'accord avait été signé dès juin 2017 entre le préfet de police et la maire de Paris visant à organiser le dépôt des demandes de titres de séjour des MNA pris en charge six mois avant leur majorité, cela de manière à ce que les services de l'État puissent statuer dès son acquisition. En Gironde, l'accord prévoit que le dépôt des dossiers peut se faire quatre mois avant la majorité.

Une telle formalisation de la coordination entre les services déconcentrés de l'État et les services de l'ASE n'est pas encore mise en oeuvre dans tous les départements, comme le constatait la Défenseure des droits dans une décision de mars 2021 124 ( * ) . Pourtant, elle constitue une piste intéressante à explorer pour éviter les ruptures de droits à la majorité.

Par ailleurs, la Ville de Paris a répondu à la complexité des procédures d'admission au séjour par le financement d'une structure d'accompagnement dédiée. Elle a ainsi soutenu la création d'une plateforme gérée par la fondation « Les Apprentis d'Auteuil » et qui vise à fournir un appui juridique aux professionnels de la protection de l'enfance en les éclairant notamment sur les démarches à mettre en oeuvre pour l'obtention d'un titre de séjour avec les jeunes qu'ils encadrent. Il convient également de sensibiliser les équipes socioéducatives à la nécessité de constituer et de déposer par anticipation les dossiers des jeunes 125 ( * ) .

Afin de répondre aux enjeux d'examen documentaire, une instruction ministérielle du 21 juin 2020 126 ( * ) prévoit notamment la généralisation de l'examen anticipé des demandes de titres de séjour des MNA confiés à l'ASE (voir l'encadré infra ) et orientés vers des formations qualifiantes requérant une autorisation de travail.

La vérification anticipée de l'état civil du MNA

L'instruction du ministre de l'intérieur du 21 septembre 2020 indique aux préfets de proposer au MNA pris en charge par l'ASE sollicitant une autorisation de travail en préfecture de mener une vérification anticipée de son droit au séjour . Cet examen facultatif ne peut se faire qu'avec l'accord du mineur, étant donné que le jeune MNA n'est pas tenu de détenir une carte de séjour.

Après avoir recueilli le document d'état civil du MNA, les services préfectoraux mènent une expertise documentaire , si besoin en saisissant la PAF, et consultent le fichier Visabio répertoriant les demandes de visa. Les conclusions de l'examen sont ensuite transmises au conseil départemental qui en tire les conséquences.

Les rapporteurs ont, enfin, pris acte de la généralisation progressive du dépôt de dossier par voie dématérialisée grâce à l'application « démarche simplifiée » . Cette procédure en ligne déjà mise en place depuis le 1 er août 2020 à Paris, et en voie de déploiement en Gironde, est une opportunité de raccourcir les délais d'instruction des demandes .

Recommandation n° 36 : Faciliter la mise en oeuvre des procédures d'accès au séjour pour les jeunes engagés dans un parcours d'insertion professionnelle

b) La voie de la demande d'asile est insuffisamment empruntée par les MNA éligibles

Alors qu'elles bénéficient de taux d'approbation élevés, le nombre de demandes d'asile déposées par des MNA est singulièrement faible. Sur l'année 2019, 755 demandes d'asile avaient été déposées par des MNA auprès des services de l'Ofpra. Déjà peu élevé en valeur absolue, ce chiffre apparaît d'autant plus surprenant lorsque l'on considère le fait que 12 237 127 ( * ) jeunes ont été évalués mineurs cette même année et que 31 009 mineurs étaient pris en charge par les services de l'ASE au 31 décembre 2019.

Auditionné par les rapporteurs , le directeur de l'Ofpra a souligné que le nombre de demandes d'asile déposées ne reflétait probablement que très marginalement la réalité du public éligibl e. Alors que le taux d'approbation des demandes d'asile formulées par des MNA (environ deux tiers) est nettement supérieur au taux général (24 %), on ne peut que déplorer ce « non-recours ».

Demandes d'asile présentées par des MNA

2019

2020 128 ( * )

2021 (1 er trimestre)

755

650

192

Source : Ofpra

Si certaines des difficultés évoquées précédemment pour l'accès à un titre de séjour trouvent à s'appliquer en matière d'asile, ce taux élevé de « non-recours » s'explique également par la complexité de la procédure de demande d'asile pour les mineurs .

En premier lieu, la très grande majorité des demandes d'asile sont présentées tardivement , par des jeunes âgés de 16 à 17 ans. Sur l'année 2020, seuls 10 % des demandeurs avaient moins de 16 ans et ce chiffre descend à 6 % pour les moins de 14 ans. Si cette donnée correspond au profil des MNA, dont 94,3 % étaient âgés de 15 à 17 ans en 2020, elle n'en demeure pas moins une source de difficulté dans les travaux de l'Ofpra. L'acquisition du droit d'asile est, en effet, une procédure au long cours qui nécessite un accompagnement poussé de la personne concernée. Le délai de traitement des demandes par l'Ofpra est de 260 jours, tant pour les mineurs que pour les majeurs, ce qui plaide pour une entrée dans le dispositif la plus précoce possible des mineurs étrangers éligibles .

L'importance de ce non-recours trouve également sa source dans les complexités inhérentes à la procédure de demande d'asile pour les mineurs. En particulier, la désignation d'un administrateur ad hoc prévue par l'article L. 521-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour assister le mineur et assurer sa représentation dans ses démarches génère de fortes difficultés. La nomination dudit administrateur par le procureur de la République est un prérequis indispensable pour l'instruction de la demande d'asile, qui est placée en attente en l'absence de cette nomination. Or, les auditions menées par les rapporteurs 129 ( * ) ont mis en relief de multiples dysfonctionnements, soit que la liste des administrateurs ad hoc prévue par l'article L. 521-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit insuffisamment fournie pour faire face à la demande, soit que certains parquets refusent la nomination d'un tel administrateur lorsque la minorité de l'individu est contestée. Alors que la procédure d'asile est déjà particulièrement complexe, cette obligation vient encore entraver l'accès au statut de réfugié de jeunes pourtant particulièrement vulnérables.

Enfin, la question de l'asile doit être examinée en lien avec la question de la prise en charge par l'ASE. Au cours de son audition, le directeur de l'Ofpra a indiqué que les demandes d'asile déposées par des mineurs émanaient très majoritairement de MNA pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. Pour autant, l'importance du non-recours laisse à penser qu'une part importante des MNA pris en charge n'est pas orientée vers le dépôt d'une demande d'asile.

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment indispensable de faciliter l'accès à la demande d'asile pour les MNA susceptibles de prétendre au statut de réfugié. Pour ce faire, la formation des agents de l'ASE concernés aux procédures de demande d'asile pourrait être une piste intéressante à explorer .

Recommandation n° 37 : Orienter plus systématiquement vers l'Ofpra les mineurs susceptibles de prétendre au statut de réfugié.

3. Mieux accompagner les MNA vers la majorité et l'autonomie
a) Préparer avec le jeune sa sortie de la minorité

La loi du 14 mars 2016 a institué un entretien obligatoire organisé par le président du conseil départemental un an avant la majorité du jeune confié à l'ASE afin de discuter avec le futur majeur de son projet d'accès à l'autonomie. L'article L. 222-5-1 du code de l'action sociale et des familles, qui codifie ces dispositions, prévoit également la faculté de mettre en place des entretiens supplémentaires si nécessaire.

Toutefois, l'application de cette mesure est très en-deçà des attentes à l'échelle du territoire. La Cour des comptes relève que cet entretien n'est mis en oeuvre que de façon limitée dans certains départements voire ne l'est pas du tout dans d'autres 130 ( * ) . Une enquête sur l'application de la loi du 14 mars 2016 mettait au jour que, début 2019, 20 % des départements ayant répondu à l'enquête - 16 sur les 82 répondants - ne mettaient pas systématiquement en place l'entretien devant se tenir aux 17 ans de l'enfant 131 ( * ) .

La réalisation d'un projet d'accès à l'autonomie apparait pourtant comme essentiel pour les mineurs de la protection de l'enfance et, en particulier, pour les MNA. Il doit être l'occasion d'un véritable échange sur les conditions d'un accompagnement futur et, en cela, réduire les incertitudes et les angoisses entourant le passage à la majorité du jeune.

Les rapporteurs estiment donc que l'application sur tout le territoire de la lettre comme de l'esprit de la loi du 14 mars 2016, créant un entretien devant se tenir aux 17 ans du jeune, est une priorité.

Recommandation n° 38 : Assurer effectivement l'entretien qui doit être réalisé par les départements avec les MNA qu'ils prennent en charge, un an avant leur majorité, pour faire un bilan de leur parcours et envisager les conditions de leur accompagnement vers l'autonomie.

b) Accompagner le jeune jusqu'au diplôme ou la qualification

Le dernier aliéna de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit qu'un accompagnement est proposé par le département aux majeurs ayant bénéficié d'une prise en charge à l'ASE à titre temporaire par un contrat jeune majeur, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée.

Ces dispositions n'apparaissent pas suffisantes. D'une part, tous les MNA engagés dans un cursus universitaire ou dans une formation qualifiante professionnellement ne bénéficient pas d'un contrat jeune majeur, comme il a été dit précédemment. Les jeunes privés d'un tel contrat ne peuvent prétendre à l'application de cette mesure. D'autre part, la simple poursuite d'un accompagnement jusqu'à la fin de l'année scolaire ou universitaire n'est pas à la mesure des enjeux.

Les rapporteurs estiment que les MNA engagés dans une formation professionnelle ou dans un cursus universitaire doivent être soutenus par le département jusqu'à la fin de leurs études. Sous réserve de l'assiduité aux enseignements et de la sincérité de la démarche de formation , un ancien MNA pris en charge à l'ASE doit bénéficier d'un contrat jeune majeur jusqu'à l'obtention de la qualification ou du diplôme visé.

Recommandation n° 39 : Garantir dans la loi la poursuite de la prise en charge par l'ASE jusqu'à la fin de la formation professionnelle ou du cycle universitaire engagé par un MNA.

c) Garantir au jeune un accompagnement

Comme l'a précisé le département de la Gironde, qui propose un contrat jeune majeur à quasiment tous les MNA atteignant l'âge de 18 ans, « la majorité des jeunes pourrait être orienté vers les services de droit commun bien avant 21 ans » si la difficulté de la régularisation du séjour ne se posait pas. En effet, un jeune étranger doit détenir un titre de séjour pour intégrer un dispositif de l'État comme la Garantie jeunes.

Les rapporteurs partagent l'opinion que le contrat jeune majeur ne constitue pas la seule solution d'accompagnement à envisager pour les jeunes MNA en amont ou en aval de leur dix-huitième anniversaire. Des dispositifs de droit commun peuvent être mobilisés pour préparer l'autonomie des jeunes selon les projets de chaque MNA . Il serait, par ailleurs, anormal que les départements supportent seuls la charge financière d'accompagner le jeune majeur.

Le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA ), dans lequel s'inscrit la Garantie jeunes (voir l'encadré ci-dessous) , peut être complémentaire aux contrats jeunes majeurs ou bien prendre sa relève selon les besoins du jeune 132 ( * ) . Auditionnée, l'Union nationale des missions locales (UNML), lesquelles sont chargées de mettre en place le parcours pour le compte de l'Etat, a dressé le constat d'une hétérogénéité de situations. Toutefois, lorsque la coordination est optimale dans un département, l'accompagnement du jeune est poursuivi grâce à un « travail de relais » entre l'ASE et la mission locale.

D'autres solutions d'accompagnement existent localement. La préfecture d'Île-de-France a mentionné l'accompagnement de MNA par le dispositif parisien ALLERO visant à guider vers l'emploi des réfugiés et demandeurs d'asile de plus de 6 mois, âgés de plus de 18 ans. Financé par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC), le dispositif ALLERO est mis en place par partenariat entre la mission locale de Paris et l'association Ensemble Paris emploi compétences (EPEC).

Le PACEA et la Garantie jeunes

Le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA ) est un dispositif national, créé par la loi du 8 août 2016 133 ( * ) , visant à simplifier le cadre contractuel de l'accompagnement que les missions locales apportent aux jeunes de 16 à 25 ans. Après un diagnostic initial par le conseiller de la mission locale, un contrat d'engagement est signé et formalise l'accompagnement (formations, mises en situation professionnelle, actions spécifiques en partenariat avec d'autres organismes etc.) pour une durée totale ne pouvant excéder 24 mois consécutifs. Le PACEA est néanmoins renouvelable.

Si besoin et lorsque le jeune ne perçoit pas plus de 300 euros de ressources, une allocation financière ponctuelle peut être octroyée. Cette allocation est individualisée et ne peut excéder le montant mensuel du revenu de solidarité active (RSA) hors forfait logement - au 1 er avril 2021, le montant était de 497,50 euros - sous un plafond annuel de six fois ce montant par an 134 ( * ) .

Dans le cadre de ce PACEA dont elle est une modalité spécifique, une Garantie jeunes constituant un accompagnement intensif, sous conditions de ressources, peut être accordée pour une durée maximale de 18 mois consécutifs du parcours. Prévue à l'article L. 5131-6 du code du travail, elle s'adresse aux jeunes en situation précaire qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude ( Neither in Education, Employment or Training ou NEET ). La Garantie jeunes donne droit à l'attribution d'une allocation d'un montant maximal égal à celui du RSA hors forfait logement. Elle est intégralement cumulable avec les ressources d'activité du jeune, en dessous du seuil de 300 euros, puis dégressive pour s'annuler à 80 % du Smic mensuel.

Dans chaque département, une commission d'attribution et de suivi de la garantie jeunes, présidée par le préfet, a notamment pour fonction de prolonger la Garantie jeunes au-delà de 12 mois, de suspendre ou de mettre fin au dispositif lorsque le jeune ne respecte pas ses engagements.

L'UNML a indiqué aux rapporteurs que « les publics MNA sont de plus en plus nombreux à solliciter les missions locales ». Toutefois, le nombre de MNA intégrés à un PACEA en 2018, qui s'élevait à 1 190 selon l'UNML, apparait encore comme trop faible au regard du seul nombre de MNA ayant eu 17 ans en 2017 (2 247 jeunes). Parmi les MNA intégrés à un PACEA, seulement 168 bénéficiaient d'une Garantie jeunes.

Les objectifs fixés dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », lancé en juillet 2020, visant à accroitre le nombre de places de 80 000 en PACEA et de 50 000 en Garantie jeunes, ne doivent pas mettre de côté le public MNA. L'annonce récente par le président de la République et le Gouvernement de la création, par la loi de finances pour 2022, d'un revenu d'engagement pour les jeunes (REJ), ayant vocation à remplacer la Garantie jeunes, doit être l'opportunité de faire des dispositifs de droit commun des leviers à part entière de l'accompagnement des MNA insérés socialement et ayant vocation à rester sur le territoire national.

Recommandation n° 40 : Mieux mobiliser les dispositifs de droit commun pour les MNA insérés socialement et ayant vocation à rester sur le territoire national (PACEA, Garantie jeunes ou REJ, etc .).


* 116 Conseil économique, social et environnemental, Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l'enfance , avis sur le rapport présenté par M. Antoine Dulin, juin 2018.

* 117 Circulaire du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l'État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels.

* 118 Rapport d'information précité du Sénat de Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-Pierre Godefroy.

* 119 Le collectif a mis en avant les associations parisiennes Paris d'exil et Droit à l'école.

* 120 Ces difficultés sont décrites en amont ( cf. III. A. 2.).

* 121 Pour les années 2020 et 2021, 68 % et 39 % des dossiers déposés respectivement fait l'objet d'un accord, tandis que 17 % et 43 % sont toujours en cours d'instruction.

* 122 Au 15 juin 2021.

* 123 Comme la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 précitée les y invitait.

* 124 Décision du Défenseur des droits n° 2021-070 du 17 mars 2021.

* 125 À ce titre, le protocole signé entre le conseil départemental et la préfecture en Loire-Atlantique présente le dépôt de la demande de titre de séjour six mois en amont de la majorité comme une obligation incombant aux services de l'ASE et non pas comme une faculté.

* 126 Instruction relative à l'examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l'aide sociale à l'enfance du 21 septembre 2020 (NOR : INTV2012657J).

* 127 Cf. Partie I.

* 128 La diminution de 15 % des demandes pour l'année 2020 n'est pas représentative en raison de la crise liée à la covid-19. Cette diminution est néanmoins inférieure à celle constatée pour l'ensemble des demandes d'asile.

* 129 En particulier l'audition du directeur de l'Ofpra et celle de la Défenseure des droits.

* 130 Dans son rapport précité sur la protection de l'enfance de novembre 2020.

* 131 DGCS/CNPE/Andass, État des lieux 2018 de la mise en oeuvre des dispositions créées ou renforcées par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant , septembre 2019.

* 132 L'allocation du contrat jeune majeur et celle de la Garantie jeunes sont cumulables.

* 133 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 134 Le décret n°2020-1783 du 30 décembre 2020 a augmenté le plafond annuel de trois à six fois le montant du RSA hors forfait logement.

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