B. INFORMER

Acquérir leur autonomie implique, pour les jeunes, qu'ils disposent de tous les éléments d'information pouvant leur être utiles. Leurs besoins portent prioritairement sur l'orientation et sur la connaissance des formations et des métiers. Ils concernent également l'accès aux droits, à la culture et aux loisirs, le logement, la mobilité internationale, la santé.

L'information disponible en direction des jeunes est considérable et réputée désormais facilement accessible à tous, grâce aux supports numériques.

En pratique pourtant, la multiplicité des institutions, organismes et dispositifs s'adressant aux jeunes, et souvent leur cloisonnement, génèrent une grande complexité dans la recherche d'information . La familiarité avec le numérique tout comme l'usage qui en est fait sont par ailleurs extrêmement variables parmi les jeunes. Le Défenseur des droits indiquait ainsi en 2017 que 37 % des 18-24 ans et 29 % des 25-34 ans rencontraient des difficultés dans leurs démarches administratives courantes, contre 21 % dans l'ensemble de la population 157 ( * ) .

L'entourage familial ou amical demeure une source essentielle d'information. De ce point de vue, l' impact des inégalités sociales et territoriales est particulièrement fort : la méconnaissance, l'insuffisance ou la mauvaise qualité de l'information entraînent le renoncement à des opportunités, des pertes de chances, le non-recours à des droits. Les phases de transition , lorsque s'effectuent les choix d'orientation ou de filière professionnelle ou le départ du foyer familial, sont particulièrement exposées à ce risque.

Mieux informer constitue donc un enjeu essentiel, bien identifié par tous les acteurs des politiques intéressant les jeunes. Dans cette optique, l'articulation des nombreux intervenants paraît perfectible alors que des approches renouvelées sont nécessaires, en particulier pour toucher les jeunes les moins portés à s'engager dans une démarche d'information.

1. Un foisonnement d'acteurs

Pour accéder à l'information qui leur est nécessaire, les jeunes peuvent directement solliciter les administrations ou services dont relève leur demande, à condition d'être préalablement parvenus à bien les identifier. Cette information peut aussi leur être fournie par des structures plus particulièrement dédiées à leur accompagnement et en mesure de les renseigner, comme par exemple les missions locales. Enfin, ils peuvent s'adresser à des organismes ayant spécifiquement mission de les informer, comme les centres d'information et d'orientation ou les bureaux information jeunesse.

Il en résulte une cartographie extrêmement complexe, peu lisible et peu compréhensible pour les jeunes.

Ainsi, dans le seul domaine de l'orientation, on compte pas moins de onze réseaux d'opérateurs exerçant une fonction directe d'accueil, d'information, de conseil ou d'accompagnement, dont la mission inclut, à des degrés divers, les services en orientation et qui s'adressent aux mêmes publics, sans pour autant assurer une couverture homogène du territoire 158 ( * ) .

Dans la mesure où chaque organisme, dans son domaine de compétence, met en oeuvre sa propre communication pour les publics concernés, les objectifs de rationalisation ou de coordination de l'information en direction des jeunes, régulièrement mis en avant, peinent à se concrétiser.

Dans ce paysage foisonnant, il paraît légitime qu'existe un réseau à vocation généraliste , s'adressant spécifiquement aux jeunes et capable de les informer sur l'ensemble de leurs préoccupations, quitte à les réorienter vers des interlocuteurs plus spécialisés.

C'est le rôle des structures d'information jeunesse regroupées au sein du réseau Info Jeunes. À statut public ou privé, elles bénéficient d'un label attribué par les services de l'État dès lors qu'elles « garantissent à tous les jeunes un accès à une information généraliste, objective, fiable et de qualité touchant tous les domaines de leur vie quotidienne » 159 ( * ) .

Plus de 1 300 bureaux information jeunesse (BIJ) ou points information jeunesse (PIJ) sont ainsi répartis sur le territoire, avec la mission de délivrer une information à la fois généraliste et personnalisée. Des centres régionaux information jeunesse (CRIJ) sont chargés d'animer ce réseau et de coordonner les formations des professionnels. Au niveau national, le centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ) élabore l'information de niveau national diffusée dans le réseau et assure un rôle régional pour l'Île-de-France.

Sans doute l'organisation en matière d'information des jeunes n'est-elle pas optimale. Pour la Cour des comptes 160 ( * ) , « la multiplication des acteurs publics qui dispensent de l'information aux jeunes, comme la confusion des responsabilités entre l'État et les régions, appellent une recomposition de ce secteur en concertation avec ces dernières ».

Il est vrai qu'à la suite des modifications législatives intervenues en 2017 et 2018 161 ( * ) , le rôle respectif de l'État et des régions demeure particulièrement complexe à appréhender . L'État et les régions assurent le service public de l'orientation, auxquelles participent, entre autres, les structures du réseau Info Jeunes. La région organise des actions d'information sur les métiers et les formations, dans un cadre de référence national établi conjointement avec l'État. Elle coordonne les actions des autres organismes participant au service public régional de l'orientation et « coordonne également, de manière complémentaire avec le service public régional de l'orientation et sous réserve des missions de l'État, les initiatives des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des personnes morales, dont une ou plusieurs structures d'information des jeunes sont labellisées par l'État » 162 ( * ) .

Selon les éléments transmis par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, les relations entre les régions et le réseau information jeunesse sont extrêmement variables. Certaines régions (Hauts-de-France, Bourgogne Franche-Comté, Nouvelle Aquitaine) contribuent pour plus de 20 % aux budgets des CRIJ alors que d'autres (Auvergne Rhône-Alpes) ont pratiquement cessé de les subventionner.

Quant au soutien financier de l'État au réseau information jeunesse , il a fortement diminué , passant de 8,1 millions d'euros en 2013 à 6,3 millions d'euros prévus en 2021.

La coexistence de multiples structures dispensant l'information en direction des jeunes est inévitable et leurs actions paraissent davantage complémentaires que concurrentes, pour autant qu'un certain partage des rôles soit défini et que des partenariats soient mis en place.

En tout état de cause, le bien fondé d'un réseau généraliste fortement implanté sur le territoire est établi. Il serait nécessaire de lui conférer une plus grande visibilité , notamment auprès des collectivités locales, afin qu'il fasse partie intégrante de projets de territoire.

Après l'érosion constatée ces dernières années, les moyens alloués au réseau Info Jeunes doivent être confortés et le rôle respectif de l'État et des régions clarifié.

Recommandation : donner une meilleure visibilité au réseau information jeunesse et conforter ses moyens en clarifiant le rôle respectif de l'État et des régions.

2. Une approche à renouveler et rationaliser

Il est essentiel que les structures d'information jeunesse s'adaptent aux besoins et aux pratiques des jeunes.

À ce titre, la « boussole des jeunes » constitue un outil numérique particulièrement intéressant, mais encore insuffisamment déployé et identifié.

Cette plate-forme numérique développée par les services de l'État à destination des 15-30 ans présente à chaque utilisateur les offres de service disponibles sur son territoire. Elle l'oriente vers le professionnel correspondant, le jeune pouvant laisser ses coordonnées pour être contacté par celui-ci sous bref délai.

Outre son fonctionnement simple et intuitif, cet outil repose sur une démarche partenariale à l'échelle des territoires, puisqu'elle associe un ensemble varié d'organismes dispensant des services ou menant des actions en direction des jeunes. Il permet aussi de toucher les jeunes géographiquement éloignés des services publics, particulièrement en zone rurale.

La boussole des jeunes est aujourd'hui opérationnelle dans 14 territoires recouvrant près d'un millier de communes où résident environ 900 000 jeunes. Une vingtaine de territoires supplémentaires sont engagés dans la démarche.

Il est souhaitable de mieux faire connaître cet outil et d'accélérer son déploiement sur l'ensemble du territoire national.

Recommandation : accélérer le déploiement de la « boussole des jeunes » sur le territoire national.

Inspiré d'une démarche différente, le déploiement de « promeneurs du Net » par les caisses d'allocations familiales permet de renouveler, grâce à l'outil numérique, le mode de contact entre les jeunes et toutes les structures susceptibles de les informer et de les accompagner.

Un « promeneur du Net » est un professionnel qui assure une présence éducative sur Internet ou sur les réseaux sociaux, en complément de ses missions exercées en présentiel dans un centre social, un accueil de jeunes, un foyer de jeunes travailleurs, une mission locale, un bureau d'information jeunesse, etc. Il s'agit d'élargir les possibilités, pour les jeunes, de trouver une écoute ou des solutions à leurs questionnements, en leur permettant également de mieux identifier les professionnels auxquels ils peuvent s'adresser sur leur territoire.

Expérimenté à partir de 2016, ce dispositif est désormais mis en oeuvre par près d'une centaine de caisses d'allocations familiales qui contribuent à son financement et conventionnent les professionnels concernés. On comptait 1 850 « promeneurs du Net » en 2019, le soutien financier de la branche famille s'élevant à 3,3 millions d'euros en 2021.

Tout en offrant aux jeunes un nouveau type de service, la démarche a des effets positifs sur la mise en réseau locale des acteurs de la jeunesse. Toutefois, les deux-tiers des « promeneurs du Net » travaillent dans des territoires urbains, alors que ce dispositif présente une évidente plus-value pour les territoires ruraux en facilitant les contacts entre professionnels et jeunes là où ceux-ci rencontrent de fortes contraintes de mobilité.

Il est nécessaire de renforcer le déploiement du dispositif en priorisant les territoires ruraux.

Recommandation : renforcer les possibilités de présence numérique auprès des jeunes offertes par le dispositif « promeneurs du Net » en améliorant la couverture des territoires ruraux.

Pour autant, le développement de services numériques destinés aux jeunes ne saurait s'effectuer au détriment de la présence physique et du contact humain , qui demeurent indispensables. Les jeunes n'ont pas tous la même aptitude à se servir des outils numériques et ceux-ci ne peuvent satisfaire les besoins d'accompagnement.

L'ouverture de bureaux ou points information jeunesse supplémentaires serait nécessaire pour obtenir un meilleur maillage territorial. Elle suppose un intérêt et un engagement des collectivités locales.

La couverture de ces « zones blanches » peut également être recherchée par des formules plus souples, qu'il faudrait développer, telles que les partenariats avec d'autres structures présentes sur le territoire (maisons France service, centres sociaux, maisons familiales rurales, bibliothèques, tiers lieux dédiés aux jeunes) faisant office de relais en mettant à disposition des jeunes l'information proposée par le réseau information jeunesse puis en les orientant vers celui-ci en cas de besoin.

Enfin, au cours des auditions de la mission d'information, la nécessité d'une démarche d' « aller vers » les jeunes les plus isolés, notamment en zone rurale, a été soulignée. Des initiatives ont été prises en ce sens dans certaines régions, avec des véhicules « info truck » se déplaçant sur les territoires pour établir un contact direct avec les jeunes.

Recommandation : veiller à ce que le déploiement de plateformes numériques ne s'effectue pas au détriment du maillage territorial de l'information jeunesse.

Qu'elle passe par des outils numériques ou par une présence physique accrue, l'amélioration de l'information en direction des jeunes suppose une meilleure articulation des acteurs à l'échelon local, afin d'améliorer la lisibilité des offres d'information, de toucher les zones ou les publics non couverts et d'apporter les réponses les plus adaptées aux attentes des jeunes.


* 157 Défenseur des droits, Enquête sur l'accès aux droits. Relations des usagères et usagers avec les services publics : le risque de non-recours , 2017.

* 158 Refonder l'orientation, un enjeu État-régions , MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGEN-IGAENR), juin 2019.

* 159 Décret n° 2017-574 du 19 avril 2017 relatif à la labellisation des structures « Information Jeunesse », pris pour l'application de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté n° 2017-86 du 27 janvier 2017, et arrêté du 19 avril 2017 pris pour l'application de ce décret.

* 160 Cour des comptes, Référé sur l'action en faveur de la jeunesse conduite par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative , 24 janvier 2020.

* 161 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 162 Article L. 6111-3 du code du travail.

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