DEUXIÈME PARTIE - ENSEIGNEMENTS MILITAIRES : UNE GUERRE DU XXIE SIÈCLE ?
I. LES DRONES, NOUVEAUX ACTEURS INCONTOURNABLES DE LA TROISIÈME DIMENSION
Le conflit a mis en évidence le rôle des drones et munitions télé-opérées dans l'acquisition de la supériorité opérationnelle.
A. LE RÔLE DÉTERMINANT DES DRONES
1. Drones ...
L'aviation a été peu utilisée dans le conflit du Haut-Karabagh, par crainte des défenses anti-aériennes, en raison d'un rapport coût-efficacité insatisfaisant, et peut-être par crainte d'une escalade avec la Turquie. Les hélicoptères n'ont pas non plus joué un rôle de premier plan (un hélicoptère a néanmoins été abattu de chaque côté).
L'Arménie a, par ailleurs, peu ou pas utilisé ses missiles russes Iskander (un tir semble néanmoins avéré) : ce point a soulevé, après le conflit, une polémique, le Premier ministre arménien ayant mis en doute la fiabilité de ces missiles, qui n'auraient, d'après lui, explosé que dans 10 % des cas, ce que les Russes ont démenti.
Tandis que l'Arménie disposait d'une flotte modeste de drones non armés, l'Azerbaïdjan a fait l'acquisition de systèmes armés innovants, ayant démontré leur effectivité sur d'autres théâtres. L'Azerbaïdjan a tiré des enseignements des conflits en cours, accompagnant ses acquisitions de matériel d'une évolution de ses méthodes.
Par rapport aux avions, les drones présentent l'intérêt d'avoir une faible signature radar et d'être donc moins décelables par les défenses anti-aériennes . Leur perte éventuelle a un coût bien moindre que la perte d'un avion de chasse, ce qui en fait, dans une certaine mesure, du moins pour les drones de taille petite à moyenne, un équipement « consommable », notamment dans le cadre d'une guerre de courte durée.
La flotte de drones de l'Azerbaïdjan était constituée d'une trentaine de drones (une vingtaine de drones israéliens et une dizaine de drones turcs) , dont notamment :
- des drones tactiques israéliens Hermes 900 ;
- des drones MALE israélien Heron ;
- des drones MALE armés turc Bayraktar TB2 dont l'Azerbaïdjan détenait une dizaine d'exemplaires au début du conflit. Ce drone turc a fait ses preuves en opérations. Il a été déployé en Libye et en Syrie. L'Ukraine et la Pologne en ont récemment fait l'acquisition. C'est un succès à la fois opérationnel et industriel pour la Turquie.
2. ... et munitions télé-opérées
L'Azerbaïdjan disposait par ailleurs, dans cette guerre, d'environ 250 « munitions maraudeuses » ( loitering munition ) israéliennes, notamment 50 systèmes Harop, acquis à partir de 2015, mais aussi des « drones » Skystriker et Orbiter .
Ces appareils sont parfois dits « drones suicides » ou « drones kamikazes ». Il s'agit en réalité de munitions télé-opérées. Le Harop a, par exemple, une autonomie de 6 heures et un rayon d'action pouvant aller jusqu'à 1 000 km. Ce type de « drone », envoyé dans une zone déterminée, reconnaît puis attaque directement sa cible. Il remplit une fonction à mi-chemin entre celle d'un missile et celle d'un drone. Équipé de fonctions ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance) et d'une charge explosive, il produit, par ailleurs, un bruit strident, ce qui en fait aussi une arme psychologique. Le marché de ces munitions maraudeuses est en pleine expansion. Il devrait tripler au cours de la prochaine décennie 23 ( * ) . Les progrès de l'intelligence artificielle amélioreront, à l'avenir, leur autonomie et leur efficacité.
Les munitions maraudeuses ont été utilisées au Haut-Karabagh pour des missions de renseignement et de frappe, contre des systèmes anti-aériens ou des véhicules peu blindés. Leur utilisation pour la suppression de défenses anti-aérienne est particulièrement notable.
* 23 Worldwide Military UAV Manufacturing Market, Ventura Associates, cité par Vincent Lamigeon, Challenges, 27 octobre 2020.