B. BIEN QU'IL S'AGISSE D'UN DISPOSITIF NATIONAL FINANCÉ PAR L'ÉTAT, LA DÉCISION D'ATTRIBUTION DE L'AAH RELÈVE EN PRATIQUE DES MDPH
Les MDPH ont repris les attributions de trois structures préexistantes :
- les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), qui étaient chargées des questions d'emploi, de formation professionnelle et de placement en établissement des adultes handicapés ;
- les commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), qui s'occupaient de la scolarisation de jeunes handicapés de moins de 20 ans ;
- les sites pour la vie autonome (SVA) qui avaient pour mission d'assurer l'accès aux moyens de compensation que sont les aides techniques et les adaptations du cadre de vie.
Elles permettent ainsi d'offrir, selon les termes de
l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des
familles,
«
un accès unique aux droits et
prestations prévus en faveur des personnes en situation de
handicap »
, parmi lesquels l'allocation aux
adultes handicapés (AAH)
.
Cette dernière présente la spécificité d'être financée par l'État via les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission budgétaire « Solidarité, insertion et égalité des chances » . Représentant un coût de 11,2 milliards d'euros en exécution 2020, l'AAH constitue néanmoins, au plan budgétaire comme en termes de nombre de bénéficiaires, la principale prestation en faveur des personnes handicapées .
L'allocation aux adultes handicapés
Régie par les articles L. 821-1 à L. 821-8 du code de la sécurité sociale , l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans, ou de plus de 16 ans sous certaines conditions. Le montant maximum de la prestation, qui est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse, est fixé à 903,6 euros . L'AAH peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité dans les conditions prévues par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 modifiant les modalités d'évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l'allocation aux adultes handicapés et dans la limite d'un plafond annuel (fixé en 2021 à 10 843,2 euros pour une personne seule sans enfant, multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge).
Afin de bénéficier de l'AAH, la personne handicapée doit être atteinte :
- soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH 1 ») ;
- soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RDSAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH 2 »).
Évolution des dépenses exécutées d'AAH entre les exercices 2015 et 2020
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les autres prestations dont les demandes sont instruites par les MDPH sont financées par les départements (prestation de compensation du handicap - PCH, allocation d'éducation de l'enfant handicapé - AEEH...), au titre de leur compétence en matière d'action sociale 1 ( * ) .
Nombre de bénéficiaires des prestations dédiées au handicap (2018)
Source : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), L'aide et l'action sociales en France - Édition 2020
L'enquête annuelle de la CNSA menée sur un échantillon de 63 MDPH a établi que les demandes d'AAH représentaient 12,7 % des demandes instruites , soit une proportion stable par rapport à celle constatée les années précédentes.
Répartition des demandes déposées en 2019 (échantillon : 63 MDPH)
Source : CNSA, enquête annuelle 2019
Au sein des MDPH, les demandes d'AAH, comme pour les autres prestations, sont instruites par une équipe pluridisciplinaire dont la composition, qui peut varier en fonction des particularités de la situation de la personne handicapée, doit permettre l'évaluation globale des besoins de compensation du handicap quelle que soit la nature de la demande et le type du ou des handicaps. Elle doit ainsi en principe réunir notamment des compétences médicales ou paramédicales ainsi que des compétences dans les domaines de la psychologie, du travail social, de l'emploi et de la formation professionnelle 2 ( * ) .
Les MDPH organisent la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) , qui a pour mission, sur la base des propositions de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH, de se prononcer sur les demandes de droits des usagers notamment les demandes de l'allocation aux adultes handicapées (AAH).
Comme en matière de revenu de solidarité active (RSA), la prestation est enfin versée à ses bénéficiaires par les caisses d'allocation familiales (CAF) .
Composition de la commission des droits et de
l'autonomie
des personnes handicapées (CDAPH)
- 7 membres proposés par le directeur départemental chargé de la cohésion sociale parmi les personnes présentées par les associations de personnes handicapées et de leurs familles ;
- 4 représentants de l'État issus respectivement des directions départementales et régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités 3 ( * ) , du rectorat et de l'agence régionale de santé ;
- 4 représentants du département désignés par le conseil départemental ;
- 2 représentants de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou de la caisse d'allocations familiales (CAF)/mutualité sociale agricole (MSA) ;
- 2 représentants syndicaux ;
- 2 représentants d'organismes gestionnaires d'établissements ;
- 1 membre du Conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH) ;
- 1 représentant d'association de parents d'élèves.
Compte-tenu de la forte augmentation des demandes (voir infra ) entraînant, selon la formule de la Cour des comptes, l'avènement d'un « traitement de masse » 4 ( * ) , les CDAPH se bornent dans la pratique à se prononcer « sur liste », entérinant ainsi sans réelle délibération les propositions de l'équipe pluridisciplinaire .
Il en résulte ainsi une gouvernance très particulière de l'AAH, par ailleurs fortement critiquée par la Cour des comptes, conduisant à ce que :
- le décideur réel - la MDPH - ne soit pas le payeur - l'État ;
- la décision d'attribution d'un droit national - l'AAH - soit décentralisée et puisse ainsi donner lieu à des divergences de pratiques.
Ce hiatus structurel dans la gouvernance des MDPH éclaire les tendances à l'oeuvre quant à l'évolution du pilotage national des MDPH, qui seront décrites dans la troisième partie du présent rapport.
Répartition des rôles en matière d'AAH
Source : Cour des comptes
Pour y remédier, la Cour des comptes a proposé, dans son rapport précité, de donner la majorité des voix en CDAPH à l'État, en tant que financeur, pour toute décision relative à l'AAH. Force est néanmoins de constater qu'une telle décision aurait un effet essentiellement symbolique dans la mesure où seules 2 à 5 % des décisions (tous droits et prestations confondues) donnent véritablement lieu à un examen en séance par la CDAPH et difficile à mettre en pratique puisqu'une même demande peut ne pas porter exclusivement sur l'AAH.
* 1 Article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles.
* 2 Articles L. 146-8 et R. 146-27 du code de l'action sociale et des familles.
* 3 Respectivement des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avant avril 2021.
* 4 Cour des comptes, L'allocation aux adultes handicapés , rapport public thématique, novembre 2019.