B. ...LA SITUATION DES DOCTORANTS
1. Une nette diminution du nombre de soutenances de thèse en 2020 en raison de la crise
Selon le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation 304 ( * ) , la crise sanitaire a eu un fort impact sur le nombre de docteurs diplômés en 2020 : on compte ainsi au cours de cette année 15 % de soutenances de thèse en moins (11 800 doctorants ont obtenu leur diplôme en 2020 ; pour mémoire, ils étaient plus de 14 000 chaque année à soutenir leur thèse depuis 2010). Entendue le 31 mai 2021, la présidente du Réseau national des collèges doctoraux (RNCD) a pour sa part estimé à un tiers la baisse du nombre de soutenances en 2020.
La fermeture des universités et des centres de recherche a en effet suspendu de nombreux protocoles de recherche, contraignant des doctorants à interrompre enquêtes de terrain et expériences de laboratoire et à annuler des projets de déplacement à l'étranger.
Cette année creuse s'inscrit dans le contexte d'un déclin continu des études doctorales : la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) a rappelé le 31 mai 2021 l'ampleur de la diminution des nouvelles inscriptions en doctorat depuis plus de dix ans (- 35 % pour les sciences humaines et sociales ; - 13 % pour les sciences exactes et applications).
Cette évolution pose la question de l'avenir de la recherche française, enjeu dont il n'est pas besoin de souligner l'importance stratégique : ainsi, pour la seule université de Paris-Saclay, plus de 70 % des publications sont associées à un travail doctoral, selon la présidente du RNCD.
2. L'attractivité des études doctorales en question
Ce constat impose de s'interroger sur les causes de la baisse d'attractivité des études doctorales , qui tient selon les associations auditionnées le 31 mai 2021 à différents facteurs :
- les difficultés de financement des thèses (une thèse sur trois seulement, selon la CJC, s'effectue dans le cadre d'un contrat doctoral ; le terme de celui-ci, limité à trois ans, constitue une contrainte pour la conduite des recherches, a fortiori dans le domaine des sciences humaines et sociales où les thèses sont caractérisées par des durées de préparation plus longues) ;
- des débouchés incertains (selon la présidente du RNCD, on compte 2 000 postes par an dans l'enseignement supérieur pour plus de 10 000 docteurs diplômés chaque année. Il en résulte une très vive concurrence pour l'accès aux postes de maître de conférences ; l'Association nationale des docteurs (ANDès) a appelé à une valorisation du doctorat dans le monde de l'entreprise et dans la fonction publique, la mise en place du nouvel Institut du service public (ISP) devant permettre dans cette logique de proposer des perspectives de carrière aux titulaires d'un doctorat) ;
- un statut relativement précaire , qui tient selon la CJC, d'une part à un accès tardif - à l'âge de 34 ans en moyenne - aux postes de maître de conférences, ce qui maintient les docteurs « en situation de précarité professionnelle pendant de longues années après leur soutenance ; d'autre part aux insuffisances du statut de vacataire (rémunération inférieure au SMIC horaire, paiement non mensualisé et droits sociaux réduits - l'absence de congé-maladie a d'après la CJC « montré ses limites pendant la crise »).
De surcroît, selon l'ANDès, la double identité des doctorants, à la fois étudiants et chercheurs, a pour conséquence une certaine « invisibilité » qui se manifeste notamment par leur association aléatoire aux instances représentant les chercheurs et aux commissions chargées de la vie étudiante au sein des universités.
Enfin, les interlocuteurs de la mission d'information ont plaidé pour une évolution des critères d'habilitation à diriger des recherches dans le sens d'une meilleure prise en compte des compétences managériales qu'ils sont estimées requises pour le suivi et l'accompagnement des études doctorales.
* 304 « Fort impact de la crise sanitaire sur le nombre de docteurs diplômés en 2020 (- 15 %) », Note flash du SIES, n° 9, mai 2021.