L'ESSENTIEL
Face au double constat d'une chute du niveau en mathématiques et de difficultés croissantes de recrutement des enseignants en mathématiques, il est indispensable de renforcer l'attractivité de la profession. Le levier de la rémunération, s'il doit être utilisé afin de revaloriser les salaires des professeurs, ne peut être la seule solution , en particulier au vu des lacunes qui caractérisent la formation des enseignants, notamment en mathématiques. La priorité doit aller à la mise en place d'une formation initiale plus adaptée pour les enseignants du premier degré, et à celle d'une formation continue à la hauteur des enjeux dans le second degré.
I. LES PERFORMANCES DES ÉLÈVES FRANÇAIS EN MATHÉMATIQUES SONT EN CONSTANTE DÉGRADATION, PERDANT L'ÉQUIVALENT D'UNE ANNÉE DE SCOLARITÉ EN TRENTE ANS
Si le niveau des élèves français est en diminution dans l'ensemble des disciplines, la France se situant généralement en bas des classements internationaux, la chute est particulièrement sensible en mathématiques .
Selon les enquêtes menées annuellement par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), les difficultés des élèves français commencent dès le CP. S'agissant de la résolution de problèmes, 46 % seulement des élèves en 2019 ont un niveau satisfaisant . Concernant les élèves de CM2, près de six élèves sur dix ont un niveau en mathématiques jugé insuffisant. En sixième, en 2019, un élève sur quatre avait des difficultés en mathématiques. En 2017, plus de neuf élèves sur dix ont un niveau inférieur ou égal au niveau médian en 1987. Seuls 1 % des élèves atteignent le seuil des 10 % des élèves les plus performants en 1987. Cette baisse est comparable à la perte d'une année scolaire en trente ans.
Selon l'étude internationale Trends in Mathematics and Science Study (TIMSS) , avec un score de 483 points en mathématiques en 2018, la France se situe largement en deçà de la moyenne de l'OCDE (528 points) et de la moyenne européenne (527 points), à l'avant-dernière place du classement, devant le Chili et derrière l'Espagne (502 points). La France n'amène que 2 % de ses élèves au niveau avancé en mathématiques, alors qu'ils sont en moyenne 11 % dans l'OCDE , et jusqu'à 50 % à Singapour, à Taïwan ou en Corée du Sud. En France, un élève sur huit ne maîtrise pas les compétences élémentaires, contre 5 % en moyenne en Europe. Près de la moitié des élèves français sont considérés comme faibles dans l'OCDE .
II. UN DÉFICIT D'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT DANS LES FILIÈRES SCIENTIFIQUES QUI PÈSE SUR LES RECRUTEMENTS PAR CONCOURS ET SE TRADUIT PAR UNE BAISSE DU NIVEAU DES ENSEIGNANTS
L'enseignement des mathématiques pâtit d'un manque d'attractivité, conduisant à ce que recrutement des enseignants soit de plus en plus complexe.
A. FAUTE DE CANDIDATS, UN NOMBRE CROISSANT DE POSTES NON POURVUS AUX CONCOURS D'ENSEIGNANT EN MATHÉMATIQUES
Cette perte d'attractivité se traduit directement par un taux de couverture (soit le rapport du nombre d'admis au nombre de postes, en pourcentage) aux concours d'enseignants en mathématiques en net tassement sur la dernière décennie. Après 2011, les taux de couverture chutent brutalement, pour atteindre 58,6 % au Capes externe de mathématiques en 2014 et 65,1 % en 2016 à l'agrégation externe de mathématiques. Ils se sont lentement redressés au cours des cinq dernières années, sans revenir au niveau de 2010, où ils étaient proches de 100 %. En 2020, le taux de couverture atteint 87,8 % en 2020 pour le Capes externe et 81,9 % en 2020 pour l'agrégation externe .
En conséquence, de plus en plus de postes demeurent non pourvus à l'issue des concours, faute d'un nombre suffisant de candidats. En 2020, 1 165 postes ont été ouverts au Capes externe, contre 1 440 en 2015, dont 12 % n'ont pas été pourvus, contre 19 % de postes non pourvus en 2019. Entre 2010 et 2020, le nombre de postes non pourvus a augmenté de 153 postes pour le Capes, et de 73 pour l'agrégation sur la période . Le rapporteur spécial considère cette situation comme extrêmement préoccupante .
B. UN VIVIER DE CANDIDATS INSUFFISANT QUI NE DOIT PAS SE TRADUIRE PAR UNE DIMINUTION DE NIVEAU DES ENSEIGNANTS
Le taux de réussite au Capes de mathématiques en 2017 était de 43,8 %, contre 25 % en sciences de la vie et de la Terre, 29,5 % dans les disciplines littéraires et en sciences humaines et 27,4 % en langues . En 2020, plus de la moitié des candidats s'étant présentés à l'ensemble des épreuves du Capes externe de mathématiques ont été admis.
Les difficultés de recrutement découlent d'un vivier de candidats trop étroit du fait du manque d'étudiants en mathématiques. Parmi les élèves en classe de terminale scientifique, seuls 30 % des élèves se sont par la suite dirigés vers des carrières scientifiques dans l'enseignement supérieur. De plus, les élèves qui se destinent à un métier d'enseignant ont selon l'enquête PISA 2012 un niveau plus bas que les élèves se destinant à d'autres études supérieures. Afin de répondre à l'insuffisance des recrutements par concours, entre 2011 et 2016, la part des contractuels en mathématiques a cru de 2,8 % à 6,7 % . Toutefois, les enseignants contractuels ne peuvent être une solution pérenne, dans la mesure où leur recrutement ne permet pas de garantir un niveau disciplinaire et pédagogique homogène.
III. LE REGAIN D'ATTRACTIVITÉ DE LA PROFESSION DOIT PASSER PAR LA POURSUITE DES MESURES DE REVALORISATION BUDGÉTAIRE
Le salaire des enseignants français est très en deçà de la moyenne européenne en parité de pouvoir d'achat. Un professeur de moins de 30 ans ne gagne en moyenne que 1 806 euros nets par mois, soit 1,2 fois le salaire minimum de croissance (Smic), et près de 1 000 euros supplémentaires en fin de carrière . Au même niveau d'enseignement en Allemagne, les professeurs perçoivent 63 257 dollars en parité de pouvoir d'achat (PPA) en début de carrière, soit deux fois plus qu'un enseignant français, et 83 178 dollars en PPA en fin de carrière. De même, les enseignants espagnols sont payés près d'un tiers de plus en PPA que les enseignants français.
Les mesures de revalorisation budgétaires mises en place en 2021, et en particulier la prime d'attractivité de 260 millions d'euros concernant 35 % des enseignants , devraient être poursuivies en 2022. Le rapporteur spécial s'en félicite, mais ces augmentations doivent être en priorité ciblées sur les enseignants en début et milieu de carrière, et sur les professeurs des écoles, afin d'amorcer une convergence avec les autres pays européens.
IV. LE RENFORCEMENT DE LA FORMATION CONTINUE CONSTITUE UNE PRIORITÉ AFIN D'AMÉLIORER L'IMAGE DU MÉTIER D'ENSEIGNANT
A. LE PLAN « MATHÉMATIQUES », MIS EN oeUVRE DEPUIS 2019, PALLIE EN PARTIE LES LACUNES DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS, MAIS SON DÉPLOIEMENT DOIT ÊTRE DAVANTAGE ACCOMPAGNÉ
Le plan « Mathématiques » mis en place à partir de 2019 et jusqu'en 2023 vise à transformer les méthodes d'enseignement des mathématiques, mais surtout à répondre aux béances de la formation continue. Si la plupart des mesures sont des succès, en particulier les « constellations », c'est-à-dire des groupes de formation entre pairs concernant le premier degré, il est indispensable de veiller à ce que des moyens financiers à la hauteur des ambitions affichées soient attribués au plan tout au long de son déploiement .
B. DES MOYENS DÉDIÉS À LA FORMATION CONTINUE QUI RESTENT INSUFFISANTS
Les crédits budgétaires relatifs à la formation continue des enseignants sont de faible ampleur, compte tenu des besoins importants et du poids accordé à la formation initiale. Ainsi, si le budget dans le premier degré a augmenté de plus de 30 % du fait des plans mathématiques et français entre 2020 et 2021, il reste largement en deçà des enjeux. Rapporté aux 350 000 professeurs des écoles, le budget de formation continue moyen par enseignant est de 87 euros annuels , ce qui ne permettra pas de rattraper le déficit accumulé par la France dans ce domaine par rapport aux autres pays européens. En outre, il importe avant tout de mettre fin à la sous-consommation des crédits dédiés à la formation continue , face à l'ampleur des besoins.