B. UN TAUX D'APPLICATION DES LOIS PROMULGUÉES AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE EN HAUSSE
1. Bilan d'ensemble de l'application des lois promulguées
a) Une majorité des lois promulguées d'application directe ou entièrement applicables
Sur les 23 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 et examinées au fond par la commission des lois, 11 étaient d'application directe , 6 sont devenues pleinement applicables au cours de la période de référence, 4 l'étaient partiellement au 31 mars 2021 et 2 lois demeuraient entièrement inapplicables.
Au 31 mars 2021, 17 lois sur les 23 promulguées étaient donc entièrement applicables - c'est-à-dire d'application directe ou appliquées à 100 % -, et 6 (soit 26 %) appelaient encore des mesures d'application.
Le taux de lois promulguées qui ne sont pas encore
pleinement applicables à l'issue de la période de
référence des mesures réglementaires
- qui varie
entre un tiers et 40 %, selon les années, avec un point haut de
57,1 % pour les lois promulguées entre le 14 juillet 2011 et le 30
septembre 2012 et un point bas de 7,1 % pour les lois promulguées
en 2012-2013 - est donc dans une fourchette basse cette année, bien
que légèrement supérieur à l'an dernier.
Le tableau suivant récapitule la proportion des lois qui appelaient encore des mesures d'application, parmi les lois promulguées au cours de la période de référence :
Période de référence
|
Part des lois appelant encore des mesures d'application
à l'issue de la période
|
1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020 |
26 % (6 lois sur 23) |
1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019 |
21 % (4 lois sur 19) |
1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018 |
31,5 % (6 lois sur 19) |
1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017 |
33,3 % (8 lois sur 24) |
1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016 |
33,3 % (10 lois sur 30) |
1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015 |
38,9 % (7 lois sur 18) |
1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014 |
22,2 % (6 lois sur 27) |
1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013 |
7,1 % (1 loi sur 14) |
14 juillet 2011 au 30 septembre 2012 |
57,1 % (12 lois sur 21) |
1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011 |
39,1 % (9 lois sur 23) |
1 er octobre 2009 au 30 septembre 2010 |
34,8 % (8 lois sur 23) |
b) Un quart des mesures attendues toujours non prises
Au 31 mars 2021, 25 des 97 mesures 451 ( * ) d'application prévues par les 23 lois promulguées entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020 et envoyées au fond à la commission des lois n'avaient pas été prises .
Le taux de mise en application des lois sur la période de référence, c'est-à-dire le ratio entre le nombre de mesures d'application attendues et le nombre de mesures prises, s'établit donc cette année à 74 %, supérieur au taux particulièrement insatisfaisant constaté l'an dernier (49 %) correspondant davantage à celui des années précédentes, s'agissant des lois promulguées et envoyées au fond à la commission des lois (91 % en 2017-2018, 72 % en 2016-2017 comme en 2015-2016).
Comme chaque année, l'appréciation de ce taux doit être fortement nuancée : d'une part, il ne traduit pas l'aspect qualitatif des mesures prises ; d'autre part, a contrario , des mesures d'application « secondaires » peuvent ne pas avoir été prises et diminuer le taux de mise en application d'une loi alors même que celle-ci est applicable pour l'essentiel. C'est particulièrement vrai cette année où 31 mesures prévues par des lois promulguées en 2019-2020 examinées au fond par la commission des lois n'ont pas été directement comptabilisées dans les mesures attendues, soit en raison de leur caractère éventuel, soit parce que leur parution n'était pas jugée nécessaire pour permettre l'application de la disposition législative afférente.
Le tableau suivant recense ces taux d'application pour les lois promulguées au cours des dernières périodes de référence et envoyées au fond à la commission des lois :
Période de référence
|
Taux de mise en application
|
1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020 |
74 % |
1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019 |
49 % |
1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018 |
91 % |
1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017 |
72 % |
1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016 |
72 % |
1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015 |
76 % |
1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014 |
54 % |
1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013 |
92 % |
14 juillet 2011 au 30 septembre 2012 |
36 % |
1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011 |
46 % |
La volatilité de ces taux d'une année sur l'autre s'explique pour partie par les fortes variations du nombre de mesures attendues : celui-ci peut varier de 1 à 8 en fonction des années, le pourcentage de mise en application en résultant n'étant donc pas toujours significatif. Toutefois, lorsque le taux d'application montre que le quart des mesures prévues par les lois de la période examinée n'a pas été pris, on peut attendre du Gouvernement qu'il en tire profit pour combler le retard dans la publication des mesures des périodes de référence précédentes, ce qui n'a été que très partiellement le cas cette année, probablement en raison de la charge d'activité conséquente qu'a généré l'état d'urgence sanitaire.
L'objet du présent rapport est avant tout d'assurer le suivi des mesures réglementaires qui ont été prévues par une disposition législative mais un nombre considérable de mesures d'application relèvent de la compétence autonome du Gouvernement : à titre d'exemple, au 19 avril 2021, le site internet www.legifrance.gouv.fr fait apparaître qu'ont été publiés pas moins de 113 décrets et 279 arrêtés visant la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, ce qui conduit objectivement à nuancer le taux de 74 % constaté cette année, alors même que l'activité réglementaire a été très soutenue.
On soulignera tout de même qu'aucun des décrets prévus dans les lois n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent, d'une part, et n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, d'autre part, n'avait été pris. Sans qu'il faille surinterpréter les conséquences sur l'application effective de ces deux lois, du fait de circonstances particulières qui l'expliquent 452 ( * ) , cette situation demeure insatisfaisante.
Outre le taux d'application global, ce sont donc bien les délais de parution qui constituent un outil statistique pertinent.
c) Pour les mesures publiées, des délais de publication raisonnables
Les délais dans lesquels sont publiées les mesures d'application sont parfois plus longs que les délais d'adoption des lois elles-mêmes . C'est la raison pour laquelle la commission des lois souligne régulièrement le paradoxe qu'il y a à vouloir à tout prix accélérer la navette parlementaire, au détriment du droit d'amendement et de la qualité de la loi, si le Gouvernement n'est pas en mesure de prendre dans des délais raisonnables les textes réglementaires nécessaires .
Il faut toutefois reconnaître, depuis trois ans, une amélioration dans les délais de parution des mesures d'application lorsqu'elles sont prises. En effet, 44 % des mesures prises cette année ont été publiées moins de six mois après la promulgation de la loi, et 97 % des mesures prises l'ont été moins d'un an après la promulgation de la loi . En moyenne, les mesures réglementaires attendues en 2019-2020 et prises l'ont été dans un délai de 7 mois et 12 jours (ce qui est moins satisfaisant que l'an passé, où cette moyenne s'établissait à cinq mois et treize jours).
Bien que le rythme de parution des mesures ait été un peu plus lent sur la période considérée que lors des deux exercices précédents, les mesures prises le sont donc dans un délai plutôt raisonnable ; en revanche, la probabilité qu'une mesure soit finalement prise plus d'un après la promulgation de la loi décroît considérablement.
Le tableau ci-après retrace les délais de publication des mesures réglementaires d'application prises, hors rapports, prévues par les lois promulguées en 2019-2020 et envoyées au fond à la commission des lois :
Délais de parution des mesures de mise en
application
concernant les lois promulguées entre le 1
er
octobre 2019
et le 30 septembre 2020 (à l'exclusion des
rapports)
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
42 |
60 % |
De plus de six mois à un an |
26 |
37 % |
De plus d'un an à 2 ans |
2 |
3 % |
Total |
70 453 ( * ) |
100 % |
2. Bilan de l'application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée
Il demeurait surprenant lors des exercices précédents que les mesures réglementaires prévues par les textes adoptés après engagement de la procédure accélérée ne soient pas toutes prises rapidement après leur promulgation. Le taux d'application des lois examinées en procédure accélérée apparaît cette année supérieur de quelques points au taux global d'application sans que cela puisse néanmoins être considéré comme un progrès significatif : dès lors qu'une part importante des textes fait l'objet de la procédure accélérée, un rapprochement entre les deux taux d'application est cohérent. On ne peut donc pas en déduire une propension du Gouvernement à mieux appliquer les textes ayant fait l'objet de la procédure accélérée. C'est d'autant plus vrai que trois des six textes qui n'ont pas fait l'objet de cette procédure étaient d'application directe et que les trois textes restant ne prévoyaient que 15 mesures en tout.
En revanche, l'écart avec les autres commissions, comme l'an dernier, demeure prononcé puisque ce taux de mise en application est de 60 % pour l'ensemble des textes.
Taux de mise en application, pour la commission des lois, des dispositions législatives examinées après engagement de la procédure accélérée
Lois |
Total
|
|
Nombre de dispositions prévoyant un texte réglementaire dont : |
82 |
382 |
Mises en application |
66 |
228 |
À mettre en application |
16 |
154 |
Taux de mise en application |
80 % |
60 % |
Comme pour l'ensemble des mesures, le délai de parution des mesures prévues dans les lois ayant fait l'objet de la procédure accélérée apparaît cette année satisfaisant puisque 97 % des mesures concernées ont été publiées dans les 12 mois qui ont suivi la promulgation de la loi. Si cette situation peut sembler normale, il n'en a pas toujours été ainsi et elle traduit donc une amélioration cette année.
Délais de parution des mesures de mise en
application prévues
concernant les lois examinées par la
commission des lois,
adoptées après engagement de la
procédure accélérée
et promulguées entre
le 1
er
octobre 2019 et le 30 septembre 2020
(à l'exclusion
des rapports et des mesures réglementaires
prises
antérieurement à la promulgation de la loi )
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
44 |
67 % |
De plus de six mois à un an |
20 |
30 % |
De plus d'un an à 2 ans |
2 |
3 % |
Total |
66 |
100 % |
3. Bilan de l'application des lois d'origine parlementaire
Sur les 11 lois d'origine parlementaire promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois, 5 sont d'application directe, 3 sont devenues entièrement applicables à l'issue de la période de référence, 1 est partiellement mise en application , tandis que les 2 dernières ne sont pas applicables .
Le tableau ci-après présente les délais de mise en application des lois d'origine parlementaire promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 et envoyées au fond à la commission des lois. Ce tableau ne tient toutefois pas compte des mesures exclues des statistiques car facultatives : or, ce sont plusieurs centaines de mesures 454 ( * ) liées à l'état d'urgence sanitaire qui ont dû être publiées et qui ne sont donc pas recensées dans le calcul du taux d'application qui se fonde sur les seules mesures prévues. De même, ce tableau annuel n'inclut pas les mesures prises avant la promulgation de la loi : il arrive en effet qu'une mesure d'application soit préexistante à la disposition législative qui la prévoit. Ce cas de figure est très variable d'une année sur l'autre (il ne concerne aucun décret cette année, tandis que 9 décrets en 2018-2019 et 41 décrets en 2017-2018 avaient été ainsi considérés comme application des mesures législatives adoptées ultérieurement).
Délais de parution des mesures de mise en
application prévues
concernant les lois d'origine parlementaire
promulguées entre le 1
er
octobre 2018 et le 30 septembre
2019
(à l'exclusion des
rapports
)
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
2 |
17 % |
De plus de six mois à un an |
10 |
83 % |
De plus d'un an à 2 ans |
- |
0 % |
Total |
12 |
100 % |
Les lois d'origine parlementaire nécessitant moins de mesures d'application que les projets de loi, il faut donc observer une autre donnée pour vérifier si le Gouvernement est plus enclin à prendre les mesures qu'il a lui-même prévues : le taux d'application des mesures selon qu'elles figuraient dans le texte initial ou qu'elles ont été prévues en cours de navette est davantage parlant.
4. Bilan de l'application des dispositions législatives issues d'amendements adoptés au cours de la navette parlementaire
Le tableau ci-après ne distingue pas l'origine du texte initial (projet de loi, proposition de loi de l'Assemblée nationale et proposition de loi sénatoriale) mais permet de suivre le taux de mise en application des dispositions législatives introduites par voie d'amendement au cours de la navette parlementaire, en fonction de leur origine (Gouvernement, Assemblée nationale, Sénat).
S'agissant des 23 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 et envoyées au fond à la commission des lois, les dispositions législatives introduites par voie d'amendement ont connu un taux de mise en application très disparate en fonction de l'origine de la mesure : 100 % des mesures d'application introduites par un amendement du Gouvernement ont été prises (si l'on fait exception de l'« anomalie statistique » qu'avait constitué le taux de 21 % constaté l'an dernier, ce taux de 100 % est habituel), 79 % lorsqu'elles émanaient du Sénat (contre seulement 27 % l'an dernier) et 33 % lorsqu'elles émanaient de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement est donc toujours enclin à prendre davantage les mesures réglementaires d'application de dispositions dont il avait lui-même pris l'initiative par voie d'amendement. Cet état de fait n'est pas acceptable, les dispositions législatives ayant la même force juridique, quelle que puisse être leur origine, au cours de la navette parlementaire. Si la commission n'envisage pas qu'elle puisse démontrer la réticence du Gouvernement à la mise en application de la volonté clairement exprimée du Parlement, elle peut toutefois s'interroger sur un certain manque d'investissement des administrations centrales à mettre en oeuvre des dispositifs qu'elles n'avaient pas retenus dans le processus d'élaboration des projets de loi.
Origine des mesures réglementaires de mise en
application prévues
par les lois promulguées au cours de la
période de référence
examinées au fond par la
commission des lois
(à l'exclusion des rapports)
Texte initial |
Amendements du Gouvernement |
Amendements d'origine sénatoriale |
Amendements
|
Introduction en commission mixte paritaire |
Total |
|
Mesures prises |
20 |
10 |
37 |
4 |
1 |
72 |
Mesures restant à prendre |
5 |
- |
10 |
8 |
2 |
25 |
Total |
25 |
10 |
47 |
12 |
3 |
97 |
% du total général |
26 % |
10 % |
48 % |
12 % |
3 % |
100 % |
Taux de mise
|
80% |
100 % |
79 % |
33 % |
33 % |
74 % |
* 451 Un total de 205 mesures attendues a été pris en compte pour calculer le taux d'application, n'intégrant pas les mesures d'application antérieures à la promulgation des lois concernées, qui porteraient alors le taux d'application à 52 %.
* 452 À cet effet, on se reportera utilement au commentaire sur l'application de ces deux lois, respectivement pages 68 et 73.
* 453 Ce total peut différer du nombre total de mesures effectivement prises car il n'inclut pas les mesures d'application préalables à la promulgation de la loi ni celles exclues des statistiques car différées dans le temps.
* 454 L'évocation d'un chiffre précis ne semble pas opportune, la parution des mesures réglementaires liées à la lutte contre la pandémie de convid-19 se poursuivant.