B. UN OPÉRATEUR QUI DOIT POURSUIVRE SA MONTÉE EN PUISSANCE
1. L'organisation de l'ANCT et l'exercice de sa tutelle sont désormais clarifiés
En application de la loi du 22 juillet 2019 et du décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019, l'ANCT a été créée le 1 er janvier 2020 par la fusion du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et de l'Agence du numérique. L'agence a réuni son premier conseil d'administration le 19 décembre 2019, élu sa présidente, Mme Caroline Cayeux , maire de Beauvais et présidente de l'association Villes de France, adopté son budget 2020 (75 millions d'euros) et débattu de sa feuille de route pour les années à venir.
L'intégration de l'Agence du numérique au sein de l'ANCT évaluée par la Cour des comptes fait l'objet d'une insertion au rapport public annuel 2021 ( voir infra ).
Son directeur général, M. Yves Le Breton, a été nommé par décret du Président de la République le 23 décembre 2019 , après validation de sa nomination par les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales lui a adressé, le 28 août 2020 , une lettre de mission et d'objectifs, en concertation avec le contrôleur budgétaire et comptable ministériel.
Cour des comptes - Rapport public annuel 2021
L'héritage de l'ex-agence du
numérique :
de grandes ambitions, une mise en ordre
nécessaire
L' Agence du numérique (ADN), service à compétence nationale d'une quarantaine de personnes créé en février 2015 et rattaché à la direction générale des entreprise (DGE), a été supprimée lors de la mise en place au 1 er janvier 2020 de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Celle-ci a repris ses missions relatives aux infrastructures fixes et mobiles et à l'inclusion numérique, tandis que la DGE est désormais en charge de la « French Tech », le mouvement français des « start-up ».
Pour la Cour, après des résultats mitigés sur le déploiement des infrastructures fixes et mobiles, les actions menées par l'ADN doivent désormais faire l'objet d'une appropriation complète par l'ANCT . Sur l'inclusion numérique, l'ADN s'est dispersée dans des initiatives cosmétiques sans résultat et l'ANCT gagnerait à recourir à des dispositifs éprouvés. Enfin, la visibilité et le soutien donnés par l'agence aux « start-up » du numérique sont encourageants mais ont été obtenus dans des conditions parfois discutables .
Les magistrats appellent l'ANCT et la DGE à agir rapidement pour renforcer l'efficacité de leurs actions, qui plus est dans le contexte de la mise en oeuvre du plan de relance. À cette fin, ils formulent cinq recommandations :
- mieux informer le Parlement et les usagers sur l'état d'avancement du plan très haut débit et les ressources qu'il mobilise ;
- confier à l'ANCT la gestion administrative et budgétaire des crédits finançant les infrastructures fixes et mobiles de très haut débit effectuée par la Caisse des dépôts et consignations via le Fonds national pour la société numérique (FSN) depuis la création de ce fonds en 2010 dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir (PIA). Cette évolution pourrait être complétée par un transfert du ministère de l'économie au ministère chargé de la cohésion des territoires de la responsabilité du programme budgétaire n° 343 « Plan France Très Haut Débit » ;
- évaluer sans délai la pertinence des actions d'inclusion numérique ;
- recourir à des dispositifs de droit commun pour accélérer une meilleure appropriation des outils numériques ;
- dissoudre la SAS Station French Tech .
Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes, le directeur général de la Caisse des dépôts indique ne pas être opposé au transfert à l'ANCT de la gestion administrative et budgétaire des crédits finançant les infrastructures fixes et mobiles de très haut débit. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales indiquent pour leur part qu'ils étudieront la proposition de la cour mais que cette perspective doit s'inscrire dans un temps plus long . En revanche, les ministres n'entendent pas donner une suite favorable à la proposition de transférer le programme n° 343 de la mission « économie » vers la mission « cohésion des territoires » , considérant qu'il est plus cohérent de maintenir l'ensemble des dépenses de l'État relatives aux politiques de communications électroniques au sein de la même mission.
Source : Cour des comptes, rapport public annuel 2021,
tome II -
Les politiques et la gestion publiques.
Pour l'exercice de la tutelle de l'agence, l'organisation de la DGCL a été adaptée, avec la création d'une quatrième sous-direction de la cohésion de l'aménagement du territoire 406 ( * ) , chargée notamment d'élaborer « les orientations relatives à la politique nationale et européenne de cohésion des territoires et de la politique de la ville, dont elle assure le suivi ».
Au-delà des circulaires du Premier ministre du 26 mars 2010 et du 23 juin 2015 relatives au pilotage stratégique des opérateurs, la DGCL s'appuie sur la circulaire du 15 mai 2020 relative aux modalités d'intervention de l'ANCT 407 ( * ) et sur un vademecum qui précisent sa stratégie d'intervention, son offre de services, l'organisation des relations entre l'agence et ses délégués territoriaux, la procédure de nomination du délégué territorial adjoint, les modalités de création des comités locaux de cohésion territoriale, le lien avec les établissements publics conventionnés, le rôle du comité régional des financeurs, les modalités d'évaluation de l'impact de l'agence ainsi que l'organisation de la mission de veille et d'alerte.
Enfin, des travaux ont été engagés en septembre 2020 en vue de la signature d'un contrat d'objectifs et de performance avec l'agence en 2021. Par ailleurs, des rendez-vous mensuels entre la DGCL et le directeur général de l'ANCT ont lieu.
Désormais, l'ANCT dispose de l'ensemble des outils pour fonctionner efficacement et déployer son action.
2. Crédits d'ingénierie, conventions pluriannuelles, comités locaux de cohésion territoriale : des outils à mobiliser au service de l'efficacité de l'action de l'agence
L'ANCT est directement concernée, d'une part, par la mise en oeuvre de l'Agenda rural du Gouvernement présenté le 20 septembre 2019 après la remise du rapport de la mission Ruralités 408 ( * ) et dont les mesures sont suivies dans le cadre du comité interministériel aux ruralités 409 ( * ) , et, d'autre part, par le déploiement du plan de relance , dont elle assure la conduite de certaines actions (ouvrages d'art, soutien renforcé au déploiement des programmes territorialisés comme Petites Villes de demain, Fabriques des territoires et Territoires d'industrie, etc. ).
Le succès de l'ANCT reposera sur sa capacité à répondre aux besoins des collectivités territoriales de façon efficace. Dans cette perspective, le législateur a marqué plusieurs priorités pour l'action de l'agence, qu'il convient de rappeler :
- la nécessité pour l'ANCT d' apporter une offre d'ingénierie aux collectivités territoriales pour la définition et la mise en oeuvre de leurs projets locaux
Depuis la transformation de la délégation interministérielle à l'aménagement et à l'attractivité régionale (DATAR) et la disparition du dispositif d'assistance technique fourni par les services de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) actée en 2014, il existe un risque de décrochage accru pour les territoires les moins bien dotés en ressources techniques, humaines et financières.
L'ANCT a vocation à répondre à ce besoin, avec ses propres moyens - 20 millions d'euros sont prévus pour le soutien à l'ingénierie de projets dans le budget 2021 de l'agence - et en mobilisant ses opérateurs partenaires, notamment le Cerema. La commission demeurera attentive à la bonne utilisation (liquidation, attribution) de la première enveloppe dans le cadre de l'examen du budget pour 2022.
Lors du débat qui s'est tenu au Sénat le 18 novembre dernier, le secrétaire d'État chargé de la ruralité Joël Giraud a indiqué qu'il faut « s'assurer qu'une collectivité qui a un besoin auquel il peut aisément être répondu avec des moyens existants localement ne passe pas à côté faute d'en avoir eu connaissance ; en effet, cela arrive. Il s'agit aussi de permettre aux dispositifs existants d'être pleinement mis en oeuvre. [...] Ainsi, je le répète, l a complémentarité avec l'ingénierie locale est constamment recherchée : l'ANCT propose une offre de services d'ingénierie sur mesure, qui n'est activée que lorsque l'offre d'ingénierie disponible localement ne suffit pas ».
- l'importance de la coordination des actions de l'ANCT avec celles de ses opérateurs partenaires , formalisée dans le cadre des conventions pluriannuelles prévues par l'article 7 de la loi du 22 juillet 2019
Lors du débat qui s'est tenu au Sénat le 18 novembre dernier, le secrétaire d'État chargé de la ruralité Joël Giraud a rappelé que « si cette agence a été créée, c'est pour faire en sorte que des partenariats se nouent entre un certain nombre d'agences de l'État, qui mutualiseront ainsi leurs moyens au bénéfice des collectivités territoriales ».
Le rapporteur a eu accès aux conventions pluriannuelles conclues entre l'ANCT et ses opérateurs partenaires sans que cette transmission passe par la voie officielle du SGG . S'il se réjouit que ces conventions, valables pour une durée de 3 ans, soient enfin conclues, il relève qu'elles sont plus ou moins précises quant aux moyens qui seront effectivement mobilisés dans les territoires.
Si celles conclues avec le Cerema, l'Ademe et l'Anah permettent d'envisager concrètement les modalités d'actions communes avec l'ANCT, tel n'est pas le cas pour les conventions conclues avec l'Anru et la Banque des territoires. Cette dernière contient notamment la mention que « chaque partie reste seule décisionnaire des moyens qu'elle entend affecter à l'exécution de la convention et la Caisse des dépôts se réserve le droit de participer ou non à la mise en oeuvre de chaque projet lui étant proposé ». D'autres conventions contiennent des clauses de limitation de la participation de l'opérateur concerné aux actions de l'agence. Ainsi, les conventions conclues avec l'Anah et l'Ademe prévoient une limitation à 20 % des crédits dont disposent ces opérateurs pour les territoires sur lesquels l'ANCT intervient.
Le rapporteur souhaite que l'ensemble des opérateurs joue le jeu de la coordination pour se concentrer avant tout sur les besoins des territoires et à l'efficacité de la réponse publique . À cet égard, le comité régional des financeurs, créé par le décret statutaire du 18 novembre 2019 alors qu'il n'avait pas été expressément prévu par la loi, constitue un cadre opportun pour renforcer la coordination entre ces opérateurs.
- la nécessité de s'appuyer sur un dialogue constant avec les élus dans le cadre des comités locaux de cohésion territoriale prévus à l'article L. 1232-2 du CGCT.
Selon les informations recueillies par le rapporteur, le déploiement de ces comités est inégal sur le territoire mais plusieurs ont déjà été mis en place. Comme l'a rappelé le secrétaire d'État Joël Giraud au Sénat, chaque préfet de département arrête lui-même la composition des comités locaux de cohésion territoriale afin d'intégrer tout acteur susceptible d'y apporter des compétences, un savoir, une expérience.
Ces comités, dont la création avait été prévue par le Sénat , à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, doivent être mobilisés pour revivifier la relation entre l'État et les collectivités , en particulier les plus rurales et les moins dotées techniquement et financièrement.
D'après les informations communiquées par l'ANCT, 87 comités ont été installés à ce jour tandis que 8 n'ont pas été installés (Allier, Ariège, Bouches-du-Rhône, Haute-Corse, Corse du Sud, Loire, Haute-Loire, Haut-Rhin).
* 406 L'arrêté du 20 décembre 2019 relatif à l'organisation de la DGCL, modifiant l'arrêté éponyme du 13 décembre 2001, prévoit que pour l'ensemble de ses attributions, cette nouvelle sous-direction « s'appuie sur l'agence nationale de la cohésion des territoires, dont elle assure la tutelle ».
* 407 NOR TERB2012896J.
* 408 Consultable à cette adresse : https ://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-07/Rapport_Mission-ruralite_juillet-2019.pdf .
* 409 Le premier comité interministériel de suivi de l'Agenda rural s'est réuni à Girancourt dans les Vosges le 19 février 2020. Le deuxième s'est tenu le 14 novembre 2020.