SECONDE PARTIE :
ÉTUDE DE L'APPLICATION DES LOIS PAR SECTEUR

I. ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

A. LOI N° 2016-1087 DU 8 AOÛT 2016 POUR LA RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ, DE LA NATURE ET DES PAYSAGES

Au 31 mars 2021, sur les 45 mesures d'application prévues par cette loi, 4 restent encore à prendre , soit un taux global d'application de 89 % . Deux décrets sont encore attendus, relatifs à l'application du protocole de Nagoya 303 ( * ) et au régime d'autorisation des opérations de défrichement, ainsi que deux arrêtés.

La commission déplore qu'aucune mesure nouvelle n'ait été publiée au cours de l'année écoulée. Même si la mise en oeuvre de la loi touche à sa fin, la commission regrette néanmoins l' inapplicabilité de certaines dispositions du protocole de Nagoya , pourtant applicable en France depuis le 1 er juillet 2017. De même, le décret modifiant le régime d'autorisation des opérations de défrichement, dont les conséquences sont pourtant importantes pour les porteurs de projets, est toujours en attente de publication.

1. Les conditions de conservation et d'accès aux ressources biologiques collectées ne sont toujours pas fixées

L' article 42 a modifié l'article L. 1413-8 du code de la santé publique en prévoyant que les ressources biologiques collectées par les laboratoires chargés de la surveillance microbiologique sont conservées dans une collection nationale de ressources biologiques d'intérêt pour la santé publique. Un décret en Conseil d'État doit déterminer les conditions de leur conservation, de leur mise à disposition et de partage des avantages liés à l'utilisation des ressources génétiques qui en sont issues. Un arrêté du ministre chargé de la santé doit par ailleurs définir la liste des établissements chargés de la conservation de ces ressources.

Également créé par l'article 42, l'article L. 3115-6 304 ( * ) prévoit un arrêté du ministre chargé de la santé qui reste à prendre pour déterminer les modalités d'accès rapide aux ressources biologiques utiles pour lutter contre la propagation internationale des maladies , afin de transmettre ces ressources à des laboratoires de référence de pays tiers ou désignés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les services du ministère de la transition écologique ont indiqué à la commission que le ministère des solidarités et de la santé leur avait transmis un projet de décret en Conseil d'État en juillet 2019 , ayant nécessité des échanges avec les ministères de la recherche et de l'agriculture et soulevant des questions juridiques -- non précisées -- toujours à l'étude .

Concernant les arrêtés, le ministère des solidarités et de la santé n'a toujours pas communiqué de projet de texte à ce stade.

La commission déplore ce énième retard , dans la mesure où les projets de décret et d'arrêtés avaient été élaborés dans un premier temps dès avril 2017 et présentés au Conseil d'État, procédure interrompue par le changement de gouvernement. La relance de ces travaux devait donner lieu, d'après les informations transmises l'année dernière à une publication de ces trois textes fin 2020, ce qui n'est toujours pas le cas .

2. Plus de quatre ans et demi après la promulgation de la loi, le décret nécessaire à la simplification du régime d'autorisation des opérations de défrichement n'a toujours pas été pris

Depuis 2014, le code forestier prévoit qu'en cas de défrichement, le porteur de projet doit s'acquitter de diverses obligations comme le reboisement d'autres parcelles en compensation , ou, à défaut, d'une compensation financière au profit du fonds stratégique de la forêt et du bois. Ce fonds permet notamment le financement de projets d'investissements et d'actions de recherche, de développement et d'innovation s'inscrivant dans le cadre de la politique forestière.

L' article 167 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit un décret en Conseil d'État permettant la simplification du régime d'autorisation des opérations de défrichement , en introduisant des dérogations à la compensation pour certaines opérations de défrichement qui sont effectuées « pour un motif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel ou paysager », en application d'un document de programmation ou de gestion de certains espaces protégés (réserves naturelles, sites Natura 2000, sites classés, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves biologiques et espaces gérés par des conservatoires d'espaces naturels).

Ce décret n'a toujours pas été pris, et la commission regrette le véritable « serpent de mer » auquel donne lieu la prise des mesures réglementaires nécessaires à l'applicabilité de cet article attendu par un grand nombre de porteurs de projets. Le projet de décret avait déjà fait l'objet d'une première concertation il y a près de quatre ans, en 2017, avec les gestionnaires d'espaces protégés et les forestiers, sans aboutir à un consensus. Une nouvelle consultation des gestionnaires d'aires protégées a été menée à la fin de l'année 2020 par les services du ministère de la transition écologique afin d'apprécier l'impact de cette mesure et rendre le dispositif opérant.

Le ministère de la transition écologique a indiqué à la commission que la publication de ce décret est prévue d'ici le début du second semestre 2021 : la commission sera vigilante à ce que la publication de ce décret ne subisse plus de nouveau retard, estimant qu'un délai de près de cinq années est manifestement excessif et nuit à la crédibilité des mesures adoptées par le législateur.

3. Le rapport sur la mise en oeuvre du mécanisme d'obligations réelles environnementales a été publié

Pendant la période considérée, un nouveau rapport a été transmis au Parlement, le 29 mars 2021 : il s'agit du rapport sur la mise en oeuvre du mécanisme d'obligations réelles environnementales 305 ( * ) et sur les moyens d'en renforcer l'attractivité, notamment par des dispositifs fiscaux incitatifs, prévus par l'article 73.

Le ministère avait indiqué à la commission l'année dernière que le manque de visibilité sur le nombre et la nature des contrats d'obligations réelles environnementales (ORE) existants avait retardé la présentation de ce bilan, aucun mécanisme de suivi ne permettant de recenser avec fiabilité le nombre et la nature de ces contrats.

La commission déplore à ce titre que le bilan présenté par ce rapport , réalisé à partir d'une enquête, ne soit pas exhaustif : le rapport ne dénombre, au 31 décembre 2019, que 12 contrats d'ORE « patrimoniales » pour une durée moyenne de 65 ans et 5 contrats d'ORE « compensation » pour une durée moyenne de 40 ans. Le rapport indique que « l'essor limité des ORE à visée patrimoniale semble en partie dû à un temps d'appropriation nécessaire, mais également à des craintes au sujet de la possible perte de valeur immobilière ».

Les incitations fiscales en faveur des obligations réelles environnementales

La loi de finances pour 2021 a instauré deux dispositifs fiscaux incitatifs complémentaires à ceux instaurés par la loi biodiversité (*) afin d' accroître l'attractivité des obligations réelles environnementales :

- l'exonération de contribution de sécurité immobilière ;

- la possibilité pour les EPCI, pour la part qui leur revient, d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) les propriétaires ayant signé une ORE.

(*) Exemption de droits d'enregistrement et non-perception de la taxe de publicité foncière

4. Les importants retards pris par le Gouvernement pour la remise des rapports au Parlement

La commission déplore que la transmission de certains des rapports prévus par la loi ne soit même pas envisagée . C'est notamment le cas du rapport sur l'opportunité de classer le frelon asiatique dans la catégorie des organismes nuisibles, prévu par l'article 89.

Les services du ministère de la transition écologique ont indiqué à la commission que le frelon asiatique ne peut être classé en tant qu'organisme nuisible au titre du code rural et de la pêche maritime (article L. 201-1), cette espèce n'étant pas réputée porter atteinte à la santé des végétaux. Dans la mesure où cette espèce est classée comme danger sanitaire de 2 e catégorie vis-à-vis de l'abeille domestique depuis 2012 306 ( * ) , les services du ministère ont estimé que ce rapport n'a plus de raison d'être, le classement de l'espèce en nuisible n'étant pas un levier adapté pour favoriser sa lutte.

Cette réponse ne satisfait pas la commission . Le Parlement avait demandé la remise d'un rapport sur « l'opportunité de classer le frelon asiatique dans la catégorie des organismes nuisibles » : il aurait été préférable que l'analyse portée par le ministère soit développée sous la forme d'un rapport, afin de respecter l'intention du législateur et assurer une meilleure diffusion de l'information aux parlementaires.

La commission regrette également les importants retards constatés pour la remise des rapports. Le rapport sur les recettes de la part départementale de la taxe d'aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles (ENS) et sur les dépenses auxquelles celle-ci a été affectée depuis sa création, prévu par l'article 18, n'a toujours pas été remis au Parlement, alors que les services du ministère avaient indiqué à la commission l'année dernière que sa transmission devait intervenir prochainement.

L'article 127 de cette loi a également prévu la remise d'un rapport sur l' impact du développement des espèces invasives sur la biodiversité au regard des objectifs que la France se fixe dans ce domaine. Ce rapport doit notamment porter sur les interdictions de vente de certaines espèces et traiter des modalités d'extension de la définition des espèces interdites d'introduction dans chaque collectivité d'outre-mer.

D'après les indications transmises à la commission par les services du ministère de la transition écologique, les listes ministérielles recensant les espèces exotiques envahissantes en métropole et en outre-mer ont été publiées trop récemment (entre 2018 et 2020) pour disposer du recul suffisant sur l'efficacité de la réglementation. La remise de ce rapport est prévue d'ici la fin de l'année 2021 , afin d'établir un premier bilan de la Stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes mise en place en 2017.


* 303 Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation à la Convention sur la diversité biologique, adopté le 29 octobre 2010, entré en vigueur le 12 octobre 2014.

* 304 Cet article a depuis lors été codifié au L. 3115-13 du code de la santé publique par l'ordonnance n° 2017-44 du 19 janvier 2017 relative à la mise en oeuvre du Règlement sanitaire international de 2005.

* 305 Défini à l'article L. 132-3 du code de l'environnement.

* 306 Le frelon asiatique ne sera cependant prochainement plus pris en compte dans la réglementation relative aux dangers sanitaires, le règlement 2016/429 du 9 mars 2016 dit « législation sur la santé animale » entré en vigueur le 21 avril 2021 ne listant pas cette espèce.

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