AVANT-PROPOS

L'année 2021 marque le cinquantième anniversaire du contrôle de l'application des lois organisé par le Sénat. Dans cet exercice, notre institution s'attache à vérifier que les mesures d'application des lois que vote le Parlement sont prises en temps et en heure. Au fil du temps, ce contrôle est devenu un dispositif incontournable de l'arsenal dont dispose le Sénat pour assurer sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action du Gouvernement.

Comme pour les précédents bilans annuels réalisés par notre collègue Valérie Létard, celui-ci a été établi en lien étroit avec les commissions permanentes. L'article 19 bis A du Règlement du Sénat rappelle leur rôle de suivi de l'application des lois et consacre, depuis la réforme du Règlement du Sénat du 18 juin 2019, leur contribution au présent bilan. En outre, cette réforme a explicitement confié à ceux de leurs membres rapporteurs d'un texte législatif la mission d'en assurer le suivi. Sur le fondement du nouvel article 19 bis B du Règlement du Sénat, plusieurs ont procédé au suivi de l'application de lois dont ils avaient été rapporteurs , contribuant ainsi à l'enrichissement de ce bilan annuel.

Comme les années précédentes, ce bilan intègre le suivi des positions européennes effectué par la commission des affaires européennes. Le transfert de compétences que la France a consenti pour construire l'Union européenne ne signifie pas, pour le Sénat, un délaissement et un abandon, bien au contraire. Notre collègue Jean-François Rapin souligne à cet égard la « réelle influence du Sénat à Bruxelles ». La contribution de la commission qu'il préside est également essentielle pour l'identification des éventuelles surtranspositions contenues dans les projets de loi examinés par le Parlement.

Conformément à une procédure bien établie, l'établissement de ce bilan a été précédé, le 12 mai, de l'audition de la Secrétaire générale du Gouvernement. Son écoute et sa réactivité ont permis aux représentants des commissions d'obtenir de premières réponses à leurs interrogations sur les textes d'application non publiés par le Gouvernement et sur les ordonnances prises dans les conditions prévues par les textes adoptés au cours de la session écoulée. Ce rendez-vous annuel a permis de rappeler l'importance que pouvait revêtir l'application des lois tant pour le Sénat que pour nos concitoyens, souvent en attente de l'application de dispositions qui les concernent très directement et régulièrement présentées comme entrées en vigueur dès leur adoption en conseil des ministres. Malgré leur précision, ces premières réponses juridiques devront naturellement être complétées par le Gouvernement à l'occasion du débat en séance publique.

Le taux global d'application des lois mesuré par le Sénat cette année est de 62 % - en retrait de dix points par rapport à l'année dernière - et de 69 % si l'on exclut les mesures dont le législateur a prévu une entrée en vigueur différée . Par ailleurs, le délai moyen de prise des textes d'application a subi un rebond significatif, puisqu'il est passé à sept mois et un jour , soit un mois de plus que la limite de six mois que s'est fixée le Gouvernement depuis plusieurs années.

Cette dégradation des chiffres est principalement imputable à l'impact des mesures de confinement décidées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19. La crise sanitaire a en effet entraîné une forte perturbation de la chaîne normative due à une surcharge de travail dans certains ministères, à l'augmentation du nombre de textes adoptés en urgence, mais aussi à l'incidence directe de la pandémie sur l'organisation du travail des services des ministères.

Elle résulte également d'un manque d'anticipation de la part du Gouvernement : certains services ministériels sont mis à contribution sur des chantiers législatifs nouveaux avant même d'avoir pu procéder à l'élaboration des textes - souvent nombreux - qui restent à prendre pour l'application des lois adoptées antérieurement.

La remise des rapports demandés au Gouvernement demeure insuffisante , avec un taux de 28 %, et trop tardive. Si les commissions doivent pouvoir recourir à tous les instruments nécessaires à la bonne information du Parlement et veiller à leur publication, cette faiblesse illustre une nouvelle fois le bien-fondé de la vigilante « chasse aux rapports » exercée par le Sénat.

La crise sanitaire a également renforcé une tendance à l'oeuvre depuis une décennie : le recours excessif aux ordonnances par le Gouvernement pour légiférer . Au cours de la session 2019-2020, les ordonnances ont représenté 70 % des textes intervenant dans le domaine de la loi. Pour 43 lois promulguées, 100 ordonnances ont en effet été publiées. Même si plusieurs d'entre elles constituent la reconduction de mesures décidées en urgence au fil de la lutte contre la pandémie, ce qui contribue à gonfler ce chiffre, ce bilan procède donc, encore plus que les années précédentes, au suivi des ordonnances, dont la publication est nécessaire à la pleine application de la loi.

Seule une infime minorité des projets de loi de ratification sont inscrits à l'ordre du jour, ce qui prive le Sénat du débat nécessaire au contrôle des ordonnances et de la possibilité d'en modifier éventuellement le contenu. Pour éviter ce double dessaisissement du Parlement , en amont et en aval, il reviendra aux sénateurs notamment de déposer des propositions de loi de ratification des ordonnances et de les inscrire à l'ordre du jour lors des semaines de contrôle, ainsi que l'a proposé le groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, et éventuellement de semaines sénatoriales. Un débat en séance publique distinct de celui portant sur le contrôle de l'application des lois devrait également être organisé l'année prochaine.

Enfin, la proposition de résolution déposée par le président du Sénat, examinée en séance plénière le 1 er juin 2021 et qui doit entrer en vigueur le 1 er octobre prochain, contient des dispositions du Règlement du Sénat visant à améliorer le suivi des ordonnances par le Sénat. L'analyse de leurs conséquences sera un des enjeux du bilan au 31 mars 2022.

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