I. LES PLANS DE LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES (PLAV), OUTILS DE LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT À LA LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES, DONT LES RÉSULTATS SONT LIMITÉS PAR LA LENTE ÉVOLUTION DES PRATIQUES AGRICOLES

Si les évolutions entre le programme Prolittoral d'une part et les deux PLAV d'autre part ont permis, quoique trop lentement, de fixer un cadre permettant d'unir les acteurs locaux et l'État autour d'un même dispositif, le pilotage du PLAV 2 doit encore être amélioré.

A. UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES BASÉE SUR LE VOLONTARIAT : LA LENTE MISE EN oeUVRE DES PLAV ET SES DIFFICULTÉS

1. Les prémisses : la mise en place du plan Prolittoral

Jusqu'au début des années 2000, il n'existait pas de réelle politique publique de prise en compte des marées vertes. Le centre d'étude et de valorisation des algues (CEVA) avait pourtant mené dès sa création en 1982 un suivi systématique des bassins versants et des dynamiques des échouages, ainsi que des études visant à mieux appréhender le phénomène.

Un suivi homogène à l'échelle de la Bretagne permettant la comparaison entre bassins versants n'est pleinement mis en oeuvre qu'à partir du programme Prolittoral en 2002, suite à la signature d'une charte par la région Bretagne, les quatre départements bretons et l'agence de l'eau Loire Bretagne sur la période 2002-2006 . Ce programme peut être considéré comme une première étape vers les plans de lutte contre les algues vertes , dont il constitue une ébauche.

Plusieurs éléments du programme Prolittoral seront en effet repris dans les plans de lutte contre les algues vertes (PLAV), et notamment l'organisation en trois volets : volet préventif visant à limiter les apports en azote en amont, volet curatif de ramassage des algues sur les plages et volet transversal devant développer les connaissances sur les marées vertes .

Les principes du programme Prolittoral seront repris dans les PLAV, et notamment le recours au volontariat individuel, et non à la règlementation, comme principal levier afin d'inciter les agriculteurs à limiter les rejets azotés.

Les montants accordés au programme Prolittoral, 17 millions d'euros sur 2002-2006 dont 10 millions pour le seul volet préventif , étaient cependant bien en deçà de ceux qui seront par la suite accordés aux PLAV. En outre, du fait d'une insuffisante appropriation par les acteurs locaux et des difficultés de mise en oeuvre du volet préventif face notamment à la réticence du secteur agricole, les dépenses effectives en fin de programme étaient largement inférieures à celles prévues .

Le bilan du programme dressé par le CEVA 21 ( * ) fait état d'une importante sous-consommation des crédits. Environ 10 millions d'euros au total ont été consommés, soit 60 % du montant prévu dans la charte pour la période 2002-2006.

Exécution financière du programme Prolittoral en 2006

(en millions d'euros)

Source : CEVA, 2007

Le volet curatif est celui dont l'exécution financière a été la plus faible, seuls 65 % des montants prévus ayant été consommés. Le volet préventif a lui aussi été fortement sous-exécuté, à hauteur de 70 % des crédits prévus.

2. Depuis 2011, la lutte contre la pollution aux nitrates passe essentiellement par les plans de lutte contre les algues vertes (PLAV)

À la suite du programme Prolittoral, le premier plan de lutte contre la prolifération des algues vertes a été lancé en 2009 pour la période 2010-2015 . Ses objectifs ont été inscrits dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du Bassin Loire-Bretagne. Un deuxième PLAV a pris le relais en 2017 et, bien que devant se terminer initialement en 2021, devrait être prolongé dans le prochain contrat de plan État-région.

a) Le maintien de l'organisation en trois volets vise à renforcer l'engagement des agriculteurs

Tout comme le programme Prolittoral, les PLAV sont constitués de trois volets distincts, complémentaires les uns des autres. L'État, à la différence des autres financeurs, contribue à l'ensemble des volets.

Le premier axe est un volet préventif visant à réduire les flux d'azote vers les baies à horizon 2027. Cela passe par une accélération et une évolution des exploitations agricoles vers des systèmes et des pratiques favorables à la maîtrise des fuites azotées en direction des cours d'eau.

Le deuxième axe est curatif et se traduit par un financement des actions de ramassage systématique des algues vertes échouées sur les plages, qui doit intervenir entre 24 et 48 heures après leur dépôt pour éviter la fermentation et la formation de sulfure d'hydrogène. Le plan algues vertes prévoit également d'encourager la valorisation des algues ramassées, en épandage sur les champs ou par méthanisation.

Enfin, le PLAV comporte un volet scientifique afin d'encourager la recherche sur la prolifération et la valorisation des algues vertes .

Les plans de lutte fonctionnent sur la base du volontariat : les agriculteurs des baies concernées doivent signer un engagement portant sur des évolutions concernant leurs pratiques agricoles , afin de bénéficier des actions de conseil et des aides apportées dans le cadre des chantiers collectifs financées par le PLAV. Cet engagement conditionne aussi les aides directes de droit commun versées au titre du PLAV.

b) La construction des projets à l'échelle des baies par le biais de chartes de territoires

Le PLAV est centré sur les bassins versants. Il est décliné sur huit projets de territoire , correspondant à huit baies prioritaires bretonnes , regroupant 10 % des exploitations de la région et 240 000 habitants . Ces baies sont celles de la Fresnaye, de Saint-Brieuc, de la Lieue de Grève, du Douron, de l'Horn-Guillec, de Quillimadec, de Douarnenez et enfin la baie de la Forêt.

Territoires engagés dans les plans de lutte contre les algues vertes

Source : observatoire de l'environnement en Bretagne

Ces « baies algues vertes » désignent également la structure qui assure la coordination et le pilotage du projet de territoire, décliné dans une charte de territoire , et des actions menées par l'ensemble des acteurs locaux.

c) La mise en oeuvre échelonnée du PLAV 1 suivie d'une rupture avant la mise en place du deuxième plan de lutte a limité l'efficacité des actions menées

Le premier plan de lutte contre les algues vertes a été signé en 2010. Toutefois, sa mise en oeuvre concrète sur les territoires s'est étalée jusqu'en 2013. Le montant total prévu initialement s'établit à 117 millions d'euros dont 77,7 apportés par les financeurs du PLAV et 39,4 millions d'euros par les porteurs de projet et les maîtres d'ouvrage .

L'établissement d'une charte de territoire propre à chaque « baie algues vertes » s'appuie sur la réalisation préalable d'un diagnostic de territoire puis l'élaboration d'un projet de territoire. Les baies de Saint Brieuc et de la Lieue de Grève avaient déjà lancé des actions de réduction des fuites de nitrates depuis le début des années 2000, et ont pu signer une charte de territoire dès 2011. Les autres chartes de territoires n'ont été mises en oeuvre qu'après 2013.

Si le PLAV 1 couvre officiellement la période de 2010 à 2015, la réalité de mise en oeuvre des actions sur le terrain a été beaucoup plus tardive.

Le rapport rendu en 2015 par la mission commune CGAEER-CGEDD 22 ( * ) constate que, sur ces trois ans, une dynamique a déjà été mise en place sans être toutefois totalement aboutie. Elle souligne « la volonté des élus locaux [des différentes baies] de faire aboutir le plan et la réalité de leur engagement ». La mission avait recommandé de prolonger le plan jusqu'au 31 décembre 2016 afin de l'achever dans les meilleures conditions possibles, et de commencer dès 2015 la préparation du prochain PLAV.

Ces recommandations n'ont malheureusement pas été suivies. Si une lettre-instruction à l'attention du préfet de région et de la gouvernance régionale du plan algues vertes pour fixer les principales orientations politiques du futur plan 2017-2021 a été signée par les ministres concernés dès la fin 2015, le projet de cadre général n'a été validé qu'un an plus tard, et ce sans que le PLAV 1 n'ait été prolongé . La signature des projets de territoires est intervenue au cours du premier semestre 2018.

De l'avis de l'ensemble des acteurs consultés par le rapporteur spécial, l'absence de continuité entre les deux PLAV a été très préjudiciable aux actions mises en oeuvre depuis 2013 . La mission régionale souligne ainsi que le « stop-and-go » entraîné par cette rupture, en lieu et place de la transition qui aurait dû être davantage anticipée, a été particulièrement contreproductif du point de vue de la dynamique du plan . Le rapporteur spécial souligne la nécessité de tirer les leçons de cette transition manquée, alors que le PLAV 2 devait se terminer en 2021 et que la question de l'officialisation de sa reconduction reste pendante.

Recommandation n° 1 : S'assurer de la continuité des financements et des actions afin d'éviter les effets de rupture entre PLAV 2 et PLAV 3.


* 21 CEVA, bilan du programme Prolittoral, septembre 2007.

* 22 Évaluation du volet préventif du plan 2010-2015 de lutte contre les algues vertes en Bretagne. Bilan et propositions. CGEDD-CGAEER, mai 2015.

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