C. FAIRE CONFIANCE AUX TERRITOIRES
Pour vos rapporteurs, il n'y a pas de doute, pour adapter le rythme de rattrapage aux réalités locales, il faut faire confiance aux territoires et au couple maire-préfet.
1. Quand « 4 D » prend tout son sens...
Le projet de loi « 4 D » veut mettre en avant la décomplexification, la décentralisation, la déconcentration et la différenciation... Il serait temps d'appliquer ces principes à la loi SRU.
a) Décomplexifier
La loi SRU est progressivement devenue très complexe. On pourrait être tenté en la réformant de vouloir par la loi préciser encore tel ou tel détail, telle ou telle circonstance d'exemption ou telle ou telle condition d'application pour mieux coller au terrain et prendre en compte toutes les circonstances locales.
Il n'est pourtant pas possible de tout définir par la loi ou le règlement, de tout décider à Paris... La souplesse ne peut être seulement dans la décision de carencer ou non une commune déficitaire ! Il faut aller plus loin et donner plus de latitude aux territoires pour définir la manière la plus appropriée de progresser et de parvenir à l'objectif fixé.
b) Déconcentrer
Pour cela, la première étape est d'accepter de déconcentrer vraiment les décisions aux préfets. Ce sont eux qui doivent avoir le dernier mot et non pas la Commission nationale SRU et le ministère en fonction d'objectifs abstraits. L'État territorial doit être renforcé .
Vos rapporteurs constatent qu'aujourd'hui les préfets doivent batailler pour faire valoir leur analyse locale parfois jusqu'à l'absurde de très longues notes détaillées pour quelques logements dans de petites communes.
D'autres sont complètement déjugés par Paris. Localement l'effet est désastreux, moins pour le crédit du préfet lui-même, bien qu'avec ses services il en soit légitimement marri, mais pour le crédit de l'État qui suscite l'incompréhension et le découragement.
En réalité, c'est le couple maire-préfet qui doit assurer le tempo de l'application de la loi parce qu'ils sont les seuls à même de disposer de tous les éléments d'appréciation.
C'est d'autant plus vrai que, dans le département, le préfet doit aussi appliquer les autres politiques publiques et des priorités des autres ministères que celui du logement . Le foncier étant limité, il est incohérent pour le préfet de carencer une commune et donc de lui demander de mettre une priorité très élevée, voire exclusive, sur le logement social et en même temps de la solliciter pour l'implantation de tel ou tel équipement public.
Des maires carencés ont donné l'exemple d'injonctions contradictoires qu'ils recevaient des préfets : accepter de mobiliser du foncier pour une prison et donc pas pour du logement social et continuer d'être carencé ou refuser et empêcher l'édification de cet établissement pénitentiaire important pour le département. Un autre maire carencé relevait lui la demande du préfet de réduire sa zone constructible et de rendre des hectares aux zones naturelles dans son PLU. Encore une fois, injonction contradictoire : faut-il privilégier la préservation de l'environnement ou construire des logements sociaux ?
N'est-ce pas au maire et au préfet , localement, compte tenu des circonstances de terrain de résoudre le dilemme et d'en tenir compte dans les objectifs à atteindre ?
Le projet de loi « 4 D » devrait donner une base légale au contrat de mixité sociale et en faire un outil de différenciation. C'est pour vos rapporteurs l'occasion de donner vraiment au préfet et au maire l'occasion de décider dans ce nouveau cadre contractuel .
Carine Couturier, maire de Dagneux, Ain, 14 % de LLS : « Faire le comptage sur la base des résidences principales, hors logements sociaux. Prendre en compte le foncier constructible de la commune, le prix du foncier et la densité urbaine qui peut être difficile à vivre pour la population de nos petites communes. Réduire les unités urbaines des aires métropolitaines qui pénalisent des petites communes Que le préfet puisse prendre en compte réellement les caractéristiques de la commune et fixer des objectifs qui pourraient varier. Il faut une souplesse sur les objectifs à atteindre, que les arguments avancés sur les difficultés à produire les logements sociaux soient prises en compte et que les décisions administratives soient plus souples. Il faut absolument que la loi s'adapte en fonction des territoires et que les préfets aient une part plus importante dans la décision. Les taux de majoration sont décidés au niveau national, trop loin de la réalité. Les élus locaux ont un contact réel avec le préfet qui connaît les territoires, ce qui n'est pas le cas de la Commission nationale solidarité et renouvellement urbain. »
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Bernard Dionnet, maire de Morigny-Champigny, Essonne : « 1- Avoir une aide plus soutenue des services de l'État et de l'EPF pour la mobilisation du foncier rare et cher ;
2- Mettre en place des procédures simplifiées pour la construction de logements sociaux avec avis ABF/DRIEE/Ministériel... limités. Mettre cette responsabilité au niveau des préfets. Il faut un seul "décideur responsable" pour arbitrer les orientations et intérêts contradictoires des différents services de l'État ;
3- Limiter le droit de recours de tiers pour la construction de logements sociaux ;
4 - Passer en ZONE 1 les communes en fort manque de logements sociaux pour faciliter les équilibres financiers des bailleurs qui refusent de venir en ZONE 2 ;
5 - Soutenir le développement économique pour que les territoires ne soient pas des zones dortoirs et en particulier comme les territoires ruraux de l'Île-de-France ;
6- Avoir une loi SRU "agile et adaptative" au contexte de chacune des communes. Une application mathématique et sans prendre en compte les problématiques des communes ne peut garantir son succès. Un travail réellement de concert avec les maires et en toute transparence est indispensable ;
7- Adapter le % de logements sociaux à atteindre en fonction de la faisabilité avérée de chacune des communes (foncier accessible disponible...) ;
8- Avoir un traitement équitable de toutes les communes en termes de logement sociaux. Aujourd'hui certaines communes de taille importante (>> seuil de 1 500 habitants en IdF par exemple) échappent au dispositif alors que d'autres plus petites y sont contraintes. »
c) Différencier
La ministre du logement estime qu'en supprimant la date butoir de la loi et en rendant possible, après la signature d'un contrat de mixité sociale sous contrôle de la Commission nationale SRU, un effort de rattrapage un peu moins rapide (25 % au lieu de 33 %), on serait allé au maximum de la différenciation possible et de la prise en compte des particularités territoriales.
Ce n'est pas l'avis de vos rapporteurs. Elles voudraient proposer trois évolutions quant à l'inventaire des logements, à l'automaticité de la sanction et aux parkings liés aux logements.
• Comme cela a déjà été souligné, il y a des débats sur les logements à prendre en compte ou non dans l'inventaire SRU et l'on constate des effets de bord négatifs sur certaines formes de logement ou d'hébergement, pourtant nécessaires, qui ne sont pas pris en compte et que donc les maires déficitaires ne peuvent prioriser.
Afin d'avoir une vision globale de l'effort des communes en matière d'hébergement et de logement abordable et compte tenu de la rareté du foncier qui implique de définir des priorités, il serait souhaitable que le préfet puisse prendre en compte dans son appréciation des logements ou hébergements qui ne sont pas comptabilisés dans l'appréciation du déficit.
Selon les besoins locaux, il pourrait ou non prendre en compte l'acceptation d'un maire d'accueillir un centre d'hébergement d'urgence, un centre d'hébergement d'urgence pour femmes victimes de violences conjugales, une aire d'accueil ou des établissements médico-sociaux si cela se justifie.
• Pour vos rapporteurs, il ne peut être ensuite question de mettre en place une automaticité des sanctions . Cette manière uniforme d'aborder l'application de la loi est antinomique avec toute idée de différenciation.
Non seulement il n'est pas certain qu'une telle disposition soit constitutionnelle, mais l'alourdissement des sanctions n'est pas une fin en soi d'autant qu'elle ne laisse plus place au dialogue.
Il est frappant, à la lecture du bilan triennal de la Commission nationale, de voir combien tout le succès de la politique menée semble se résumer à l'augmentation du nombre des villes carencées et du pourcentage des sanctions majorées, les préfets étant accusés de trop de mansuétude.
C'est dans cette perspective que s'inscrit l'automaticité des sanctions voulue par le projet de loi « 4 D » qui propose d'instaurer une peine plancher à l'encontre des maires, quelles que soient leur bonne volonté et les difficultés locales. Croire que l'on parviendra ainsi à mieux appliquer la loi est une lourde erreur .
• Enfin, de manière certes moins centrale, il est pourtant nécessaire de pouvoir gérer localement la question des parkings liés aux logements sociaux . Comme cela a été souligné, les logements sociaux sont désormais souvent construits dans des petites villes ou villages rattachés à des villes centres où se trouvent l'activité économique et l'emploi. La possession de plusieurs véhicules est une nécessité pour faire ses courses et aller travailler. La notion de raccordement aux transports en commun est dépassée.
Or, dans les communes qui l'imposent, les bailleurs sociaux doivent construire des parkings, mais ceux-ci ne sont pas automatiquement loués avec les logements de telle sorte que les maires et les riverains se plaignent du stationnement sauvage des habitants des logements sociaux sur les trottoirs, les parkings des supermarchés ou des cinémas. Cette pollution du quotidien est un irritant permanent et ne fait rien pour inciter les maires à construire du logement social avec l'assentiment de leurs habitants.
Dans d'autres endroits, les parkings vides deviennent des lieux de trafics ce qui suscite des problèmes plus graves encore et conduit à la stigmatisation des logements sociaux dans la commune.
Il est donc nécessaire de pouvoir définir le besoin localement en fonction de la réalité de la desserte en transports en commun et de contraindre à louer les parkings avec les logements .
Ketty Varin, maire de Juziers, Yvelines, 9 % de LLS : « Obligation de construire deux parkings/stationnement par logement, même pour les petits logements et même si le logement est à moins de 500 m de la gare, obligation de louer les stationnements avec l'appartement, et non en option comme c'est le cas actuellement. »
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Jean-Philippe Choné, maire de Communay, Rhône, 14 % de LLS : « Il est nécessaire de mettre en cohérence les grandes politiques publiques, logement, transports, urbanisme pour que les personnes accueillies dans les communes périurbaines soumises à l'article 55 puissent mettre en cohérence l'accueil de nouveaux habitants avec des emplois en nombre et des transports évitant l'obligation d'un véhicule personnel pour aller travailler. Il est nécessaire de modifier pour les communes rurales l'obligation faite au bailleur de louer le garage en sus. Cela conduit à des garages vides et des voitures garées à l'extérieur dans les communes périurbaines. Cela peut fonctionner à Paris et les grandes villes, mais pas en périphérie. C'est du gâchis de faire construire des parkings vides où siègent des trafics en tout genre. »
d) Contractualiser
La déconcentration des décisions, la possibilité de différenciation doivent aboutir à une véritable contractualisation.
Vos rapporteurs constatent que les maires sont prêts à s'engager sur la construction de logements sociaux et sur des objectifs triennaux, mais ils souhaitent le faire dans un cadre où chacun prend ses responsabilités et où il n'y a pas qu'un seul coupable, le maire.
Ils souhaitent également que leur engagement dans le cadre d'un contrat de mixité sociale et le respect de celui-ci, ainsi d'ailleurs que des documents d'urbanisme validés en préfecture, ait un véritable impact soit en empêchant leur carencement soit en leur permettant d'en sortir.
Le projet de loi « 4 D » prévoit que les préfets pourront tenir compte de l'existence d'un CMS dans leur décision de carencement. C'est un progrès, car la non-reconnaissance légale du CMS ne leur permettait pas avant.
Mais vos rapporteurs souhaitent aller plus loin : un maire qui atteint les objectifs du CMS ou qui n'y est pas parvenu pour des raisons objectives (recours, défaillance d'un bailleur social...) ne doit pas pouvoir être carencé.
Olivier Chaplet, Maire de Cesson, Seine et Marne, 17 % de LLS : « Plutôt que d'avoir des relations avec l'État qui ressemblent à du flicage dans l'exécution des contrats triennaux, mettre en place une contractualisation prenant en compte les contraintes spécifiques de la commune et éviter ainsi des opérations regrettables au niveau de l'urbanisme et de l'intégration, mais répondant à la pression de l'État pour le respect de ces contrats triennaux. Nous imposons 30 % de LLS dans les opérations immobilières ce qui est important, mais qui ne permet pas d'élever notre %, car en même temps 70 % de logements libres. Cette réglementation favorise la réalisation de secteur uniquement de LLS pour élever le % ce qui va à l'encontre de buts recherchés en matière d'harmonisation urbaine ».
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Clotilde Pouzergue, maire d'Oullins, Rhône, 19 % de LLS : « Tenir compte du foncier disponible impacté par des contraintes urbanistiques (PPRNI, PPRT...). Tenir compte du nombre de logements sociaux produits et leur part relative dans la production totale depuis le début de la loi SRU et non seulement sur une période triennale beaucoup trop courte. Maintenir un taux d'exemption à 20 % pour les communes comptant au moins un quartier en géographie prioritaire politique de la ville. Adopter par contractualisation entre l'État, l'EPCI, les bailleurs et les communes un échéancier de production réaliste et adapté à chaque situation. Apprécier à l'échelle de l'EPCI qui maîtrise le PLU-H, le taux moyen de logements sociaux (avec un taux par exemple relevé de 30 % et en obligeant les communes membres à se situer entre 20 et 40 %). »
e) Décentraliser
Enfin, vos rapporteurs souhaitent donner plus de latitude aux collectivités pour atteindre les objectifs, plus particulièrement dans le cadre des intercommunalités.
Comme cela a été expliqué, le transfert de la gestion de la loi SRU aux EPCI ne fait pas l'unanimité . Certains sont suffisamment matures pour le faire, car il existe une forte solidarité entre les communes membres, d'autres non. Dans certaines intercommunalités, gérer la question à ce niveau n'apporterait aucune solution. Ce n'est donc pas souhaitable.
De l'ensemble des consultations menées, il ressort que les maires ne veulent pas d'une obligation, mais souhaitent pouvoir le faire sur une base volontaire .
Le Sénat avait introduit, sous l'impulsion de notre collègue du Nord Marc-Philippe Daubresse, dans la loi ELAN un article 130 qui le permettait, mais les conditions qui y ont été finalement posées - quatre pages de conditions ! - et l'absence de décret d'application n'a permis à aucun EPCI de l'utiliser.
Dans son rapport, la Cour des comptes a mis en avant l'expérience du Grand Poitiers qui a été accepté par l'État en dehors de tout cadre légal . C'est un bon exemple de contractualisation et d'expérimentation . Dans ce cas, la communauté urbaine respecte globalement l'objectif de 20 % de logements sociaux, car Poitiers en compte 32 %. Mais dix communes ne respectent pas leur objectif et la communauté urbaine a démontré qu'il leur était impossible d'atteindre l'objectif fixé. Elle a demandé leur exemption en avril 2019 et l'État l'a acceptée fin 2019. Parallèlement, elle a présenté des objectifs quantitatifs et qualitatifs précis dans chaque commune en fonction de leur situation, y compris celles qui ne sont pas assujetties à la loi. Enfin, ce document d'engagement, qui a été ratifié par l'État, prévoit que l'objectif SRU ne sera pas atteint en 2025, mais en 2035 !
Vos rapporteurs pensent que ce qui a été possible à Poitiers devrait pouvoir l'être dans le reste de la France. Elles souhaitent donc que l'examen du projet de loi « 4 D » soit l'occasion d'inscrire dans la loi une vraie possibilité d'expérimenter la mutualisation des obligations SRU au niveau intercommunal. Elles notent d'ailleurs que le Premier ministre y a apporté son soutien de principe dans son discours de Grigny, le 29 janvier dernier.
Jean-Louis Calderoni, maire de Bizanos, Pyrénées-Atlantiques, 14 % de logements sociaux : « La mutualisation encadrée à l'échelle intercommunale des obligations communales de production pourrait répondre à plusieurs enjeux : la légitimation de l'EPCI en tant que chef de file de la politique locale de l'habitat ; une meilleure prise en compte des spécificités locales (tension plus ou moins forte de la demande en fonction des communes, contraintes de constructibilité...). Sans dédouaner les communes de leurs obligations à l'échelle de leur périmètre, l'agglomération se positionnerait en chef de file afin d'assurer le rééquilibrage territorial de l'offre sociale à l'échelle de l'EPCI. À ce titre le contrat intercommunal de mixité sociale paraît être l'outil idoine pour gérer une modulation des objectifs, des rythmes de rattrapage et les modalités de participation financière des communes ».
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Joseph Lefebvre, maire de Bousbecque, Nord, 17 % de logements sociaux : « Interactions entre les politiques métropolitaines et la loi SRU. Faut-il envisager une approche métropolitaine ? Dans son cadre actuel, l'un des objectifs de la loi SRU et de favoriser la mixité sociale sur un territoire donné qui s'arrête aux limites de la commune sans possibilité d'avoir une vision plus globale au niveau d'un territoire plus large, d'un bassin de vie cohérent dont la pertinence a conduit à une mise en place d'une structure intercommunale (E.P.C.I...). Au sein d'un E.P.C.I. qui a des compétences tant au niveau de la définition des grands principes de développement en termes d'urbanisme et de transport (P.A.D.D...), qui définit sa politique locale d'habitat (P.L.H.) et qui établit ses documents de planification urbaine, on peut se poser la question sur la rigueur qui conduit à raisonner de manière parcellaire.
Paradoxalement, pour l'élaboration les différents documents d'urbanisme on est amené à raisonner au niveau métropolitain pour limiter, à juste titre, les zones constructibles afin d'éviter l'extension urbaine, de préserver les espaces naturels, agricoles... Dans le même temps, l'article 55 de la loi oblige certaines communes à mener une politique locale de l'habitat dynamique et volontaire dans un cadre restreint qui se limite à leur territoire.
À lui seul le levier de densification ne peut être l'unique réponse, car cela se ferait au détriment du cadre de vie et de la qualité des espaces respirables et ruraux. Il est indispensable de trouver un bon équilibre pour voir se développer une urbanisation équilibrée à l'échelle d'une métropole entre les zones économiques, rurales et urbaines lorsqu'on interroge la politique de logement et la mixité sociale.
À l'heure où nous raisonnons de plus en plus en aire métropolitaine, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d'une mutualisation des contraintes et les modalités de solidarité à mettre en oeuvre à l'échelle pertinente d'une métropole ».
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Gil Averous, maire de Châteauroux, Indre, 34 % de LLS : « Il faut maintenir la souplesse (exemption) pour les territoires en suroffre de logements à l'échelle interco (avec taux important de logements vacants), considérer le taux de logements sociaux à l'échelle de l'intercommunalité (ou au moins des communes SRU de l'interco) pour dimensionner et répartir les besoins en offre nouvelle. Il faut encourager la production de logements sociaux en remobilisation du parc existant (mobiliser les logements vacants du parc privé). »
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Vincent Bergeret, maire de Châtenoy-le-Royal, Saône-et-Loire, 16 % de LLS : « - Étudier le peuplement social à l'échelle de l'intercommunalité et non à l'échelon communal - tenir compte du contexte local pour maintenir une mixité sociale et éviter une dégradation du "vivre ensemble" - tenir compte des actions d'insertion sociale menée par les communes ».
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Luc Bouard, maire de La Roche-sur-Yon, Vendée, 29 % de LLS : « Il faudrait que l'objectif soit mis en place au niveau de l'intercommunalité, avec un objectif minimal par commune, 10 ou 15 %. Les situations de chaque commune sont très différentes, certaines n'atteindront jamais les objectifs, il faut être pragmatique avec une obligation de créer des contrats de mixité sociale. »
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Marie Tonnerre-Desmet, maire de Neuville-en-Ferrain, Nord, 13 % de LLS : « Compte tenu des difficultés de certaines communes carencées à mobiliser du foncier, une approche intercommunale des objectifs au niveau des EPCI devrait pouvoir s'opérer, sans ôter la compétence des maires en matière de délivrance des autorisations du droit des sols. Les élus locaux doivent également pouvoir conserver un droit de participation aux commissions d'attribution, car ils disposent d'une bonne connaissance des conditions de peuplement et des contraintes de leur territoire (mobilité...). Certaines dispositions des lois ELAN, ALUR sont en outre très éloignées des préoccupations et les modalités de participations financières des communes. »
f) La territorialisation des attributions et la question des travailleurs clefs
La question des attributions des logements sociaux s'est imposée dans tous les échanges avec les maires. Un maire est élu pour sa commune et ses habitants. Il peut porter une politique nationale de solidarité, mais sa commune doit également y trouver des contreparties. Le logement social ne fait pas exception. Tous les maires en témoignent, attribuer les logements construits dans une proportion significative aux habitants de la commune ou à ceux qui y travaillent et qui ont un lien avec elle, est indispensable à l'acceptation des logements sociaux par la population et à l'intégration des nouveaux habitants. 70 % des maires qui ont répondu à la consultation considèrent qu'il serait pour eux plus facile de construire de nouveaux logements sociaux s'ils pouvaient les attribuer aux habitants ou aux travailleurs clefs.
Serait-il plus facile de créer des logements sociaux s'ils étaient réservés aux personnes habitant la commune ou aux travailleurs clefs de la commune (enseignants, soignants, aides à la personne, vendeurs dans les commerces, éboueurs...) ?
Bien entendu, la plupart sont parfaitement conscients que cela ne peut pas et ne doit pas être exclusif. La « préférence communale » ne peut être le critère unique d'attribution, mais les priver complètement de cette possibilité est un casus belli .
Là aussi le projet de loi « 4 D » va permettre de progresser en introduisant la catégorie des travailleurs clefs dans les publics prioritaires, mais il faudrait pouvoir aller plus loin.
Les travaux de sociologie ont montré que la crise de 2008 et les besoins en logement qu'elle avait fait ressortir ont été un tournant dans l'acceptation du logement social et dans l'application de loi. Beaucoup d'élus auraient, à partir de ce moment-là, reconsidéré leur position sur le logement social pour répondre à la demande de leurs habitants très largement éligibles d'autant que ces mêmes années ont été marquées par une forte hausse du prix de l'immobilier.
Alors que toute prime aux maires bâtisseurs de logements sociaux se heurte à des obstacles budgétaires, ne serait-il pas possible de concevoir une majoration des quotas d'attribution des maires ? Ce serait une puissante incitation.
Alain Viollet, maire de Corbas, Rhône, 15 %
de LLS
: « Il conviendrait de donner aux maires une
latitude bien plus importante quant aux choix des locataires.
Le maire, par
la connaissance qu'il a de son territoire et de ses habitants, travaillerait
à une meilleure gestion des équilibres et faciliterait en cela
une mixité sociale plus pertinente et beaucoup plus acceptable. D'autre
part, la relation mairie/bailleurs sociaux (en place sur la commune)
mérite d'être redéfinie et revisitée au regard des
engagements des bailleurs. Ainsi, "le cahier des charges" devrait explicitement
préciser un calendrier des réalisations à devoir respecter
par les bailleurs, pour maintenir les bâtiments et les logements dans un
état correct et pérenne garantissant le confort des habitants.
Afin d'en suivre la bonne exécution, une planification incontournable de
rencontres fixées au préalable avec les directions de chaque
bailleur devrait revêtir un caractère obligatoire. »
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Frédéric Chereau, maire de Douai, Nord, 39 % de LLS : « L'application du DALO/PDALHPD sans information des communes est un frein. Les familles qui arrivent ont souvent un fort besoin d'accompagnement qui n'est pas forcément mis en oeuvre assez tôt. Les outils de lutte contre le logement social de fait dégradé sont encore insuffisants. Le permis de louer et de diviser doit être financé à la charge du pétitionnaire ! La CAF doit renforcer ses contrôles. Il est encore extrêmement rentable et peu risqué de gagner sa vie en louant des logements indignes financés par l'APL. En secteur tendu (ce n'est pas le cas de Douai), la maîtrise du foncier reste cruciale et représente, en pratique, le principal frein à la construction dans les quartiers chers. L'obligation de logements sociaux doit concerner dans ces zones y compris des programmes de promotion de petite taille. La question des attributions enfin est le grand tabou. Toutes les dispositions mises en place dans les lois récentes n'ont pas changé le fait que les attributions ne se font jamais hors l'avis des maires, hors DALO et PDALHPD. Le contrôle des procédures de CAL a peu d'intérêt, dès lors que les listes présentées en CAL sont construites en amont, selon des procédures très "boîte noire". »
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Véronique Jacqueline, maire de Vaucresson, Hauts-de-Seine, 10 % de LLS : « Le principal sujet réside dans une part très majoritaire, voire totale, laissée aux attributions "ville" pour des personnes habitant ou travaillant sur la commune. Cela ferait stopper les recours. Cela permettrait une nouvelle dynamique de ville. De nombreux établissements (médicaux, paramédicaux, sociaux, éducatifs...) sont en manque de personnel par manque de logements sociaux sur la commune. À cela s'ajoute une mauvaise desserte par les transports en commun. Des logements sociaux réservés aux personnes travaillant sur la commune, complétés par une action des CCAS et autres services, cela crée une véritable politique d'intégration de certains publics, avec un véritable suivi et encadrement. »
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Véronique Zwick, maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, Rhône, 15 % de LLS : « Vous posez la question : Serait-il plus facile de créer des logements sociaux s'ils étaient réservés aux personnes habitant la commune ou aux travailleurs clefs de la commune (enseignants, soignants, aides à la personne, vendeurs dans les commerces, éboueurs...) ? Ce n'est pas la bonne question. Par contre, il est important que la commune ait un quota plus important de logements à attribuer aux travailleurs clefs de la commune, d'autant plus que le foncier coûte cher sur le territoire... La mutation est aussi un vrai problème à gérer dans une commune... (quand les habitants ont besoin de changer de taille de logements et souhaitent rester sur la commune). »
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Roland Hirigoyen, maire de Mouguerre, Pyrénées-Atlantiques, 10 % de LLS : « Compte tenu des difficultés de certaines communes carencées à mobiliser du foncier, une approche intercommunale des objectifs au niveau des EPCI devrait pouvoir s'opérer, sans ôter la compétence des maires en matière de délivrance des autorisations du droit des sols. Les élus locaux doivent également pouvoir conserver un droit de participation aux commissions d'attribution, car ils disposent d'une bonne connaissance des conditions de peuplement et des contraintes de leur territoire (mobilité...). Certaines dispositions des lois ELAN, ALUR sont en outre très éloignées des préoccupations. »
2. Transformer les pénalités en capacité d'action
Le prélèvement financier sur les communes déficitaires et les pénalités majorées sur les communes carencées sont mal acceptés par les maires. Globalement, appauvrir les communes ne favorise pas le logement et la mixité sociale...
Si le prélèvement est versé pour plus de la moitié à l'EPCI de rattachement (25,2 millions d'euros) ou à un EPF local (3,8 millions d'euros) et peut s'assimiler à un geste de solidarité avec des communes proches, les pénalités, qui sont versées au FNAP, « à Paris », posent problème.
Vos rapporteurs suggèrent deux évolutions pour transformer ce prélèvement en capacité d'action au profit du logement social : élargir les dépenses pouvant être déduites et conserver sur le territoire les pénalités.
a) Élargir les dépenses déductibles
Les maires regrettent de ne pas pouvoir déduire l'ensemble de leurs dépenses en faveur du logement social même si celles-ci sont déjà importantes.
La Cour des comptes relevait dans son rapport que pour un prélèvement brut plafonné de près de 191,7 millions d'euros, le prélèvement net était de 58,5 millions d'euros en 2019 en métropole. S'y ajoutait la majoration nette liée aux pénalités qui s'élevait à 27,7 millions d'euros, la majoration brute étant de 45,7 millions d'euros.
La consultation des maires organisée par le Sénat permet également d'avoir une meilleure connaissance des dépenses déductibles. La possibilité de reporter les dépenses des années antérieures est largement utilisée.
La maire de Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine), Aline de Marcillac, a par exemple pointé le fait qu'aujourd'hui ne sont pas déduites les dépenses assumées par l'établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest, alors que la commune y contribue . GPSO au titre de sa compétence participe au développement de l'offre de logements sociaux sur le territoire en accordant des subventions aux bailleurs sociaux pour la réalisation de nouveaux programmes.
D'autres maires voudraient voir prendre en compte les dépenses d'entretien des logements sociaux auxquels ils peuvent participer.
Enfin, alors que la construction de logements sociaux conduit à accueillir de nouvelles populations et donc à de nouvelles dépenses pour les écoles ou les équipements sportifs, ne serait-il pas légitime d'en permettre la déduction à due proportion comme le sont déjà les travaux de afin de permettre la construction des logements eux-mêmes ?
Robert Beneventi, Ollioules, Var, 12 % de LLS : « Aider les communes qui achètent et rénovent des logements anciens pour en faire des logements sociaux, et de ce fait refont vivre les centres anciens. Le coût étant exorbitant avec un prix de revient de 3 500 € à 4 000 € du m 2 , permettre de déduire tout ce qui dépasse 2 000 € de la pénalité. »
b) Conserver les majorations sur le territoire
On peut ensuite s'interroger sur le fait que les communes carencées et leurs EPCI soient privés de la possibilité d'employer les pénalités pour le logement social sur leur territoire.
Les montants en jeu sont souvent importants dans des communes où le foncier est cher et où les opérations de logements sont rares et difficiles à monter et à financer, car elles nécessitent d'importantes subventions.
Plutôt que de priver définitivement les communes de ces sommes, ne serait-il pas pertinent de les consigner dans les comptes des communes jusqu'à ce qu'elles puissent les débloquer pour une opération de logement social ? Les pénalités abonderaient une forme de compte d'épargne obligatoire ou de fonds communal pour le logement social. Ces avoirs seraient ainsi gelés jusqu'à leur emploi selon les objectifs de la loi. Cette proposition a notamment été formulée par un collectif de vingt-deux maires du Val-de-Marne.
Tout en restant très pénalisant pour les maires, ce dispositif leur permettrait de conserver la maîtrise de l'emploi futur des sommes. Le maire serait contraint, mais sa liberté d'action serait mieux préservée.
c) Prendre en compte les communes rurales recevant la dotation de solidarité rurale
Notre collègue d'Indre-et-Loire Serge Babary nous a fait part de la situation paradoxale des communes rurales soumises à la loi SRU du fait de leur rattachement à des ensembles plus larges et qui doivent s'acquitter d'un prélèvement sur leurs ressources alors qu'elles sont éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR), ce qui est le cas de la commune de La Ville-aux-Dames.
La dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte, d'une part, des charges qu'ils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, d'autre part, de l'insuffisance de leurs ressources fiscales.
Or, les communes urbaines qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) sont exemptées du prélèvement dès lors qu'elles disposent de plus de 15 % ou 20 % de logements locatifs sociaux selon l'obligation légale applicable.
Vos rapporteurs seraient favorables à ce que les communes rurales éligibles à la DSR et remplissant les mêmes conditions puissent être exemptées du prélèvement SRU .