B. UNE RÉFORME À LA COMMUNICATION ET À LA TRANSPARENCE DÉFAILLANTES
1. D'importantes carences dans la communication
De l'avis unanime de tous les interlocuteurs auditionnés, la mise en oeuvre de la réforme se caractérise par des manquements en termes de communication sur ses enjeux et ses modalités , observables à plusieurs niveaux :
- D'abord, à l'égard des étudiants . Toute réforme est, par nature, difficile à accepter par crainte de perdre les acquis de l'ancien système et par appréhension des inconnues que représente le nouveau. La réforme de l'accès aux études de santé l'est encore plus par son ampleur et sa complexité qui auraient exigé une communication anticipée et exigeante à destination des étudiants . Or ses objectifs ont été mal présentés, en particulier le passage à une logique de progression dans les études, et ses modalités insuffisamment expliquées, notamment la seconde chance d'accès à la deuxième année via la L.AS 2 ou la L.AS 3.
Ces défaillances sont à l'origine :
• de mauvaises interprétations de la part de certains étudiants et/ou de certains parents - comme celle selon laquelle la PASS est la nouvelle PACES - ;
• d'idées fausses - par exemple, les étudiants de L.AS usurpent leur place en deuxième année d'études de santé - ;
• d'incompréhensions, surtout par rapport à la non-concomitance des dates de publication du numerus clausus pour les doublants PACES et du numerus apertus pour les étudiants de PASS et de L.AS ;
• de choix de filière par défaut, certains étudiants préférant aller en PASS avec une mineure non souhaitée plutôt qu'en L.AS.
La conjugaison de toutes ces manifestations a contribué à une mauvaise acceptabilité de la réforme par les premiers concernés .
- Ensuite, entre acteurs universitaires . Alors que la réforme concerne l'ensemble des composantes universitaires - puisqu'elle ouvre une nouvelle voie d'accès aux études de santé par des licences relevant d'autres disciplines -, elle a très peu voire pas été présentée ni expliquée aux facultés « hors santé » . Preuve en est les réticences de certains de leurs doyens à ouvrir la deuxième année de licence à des étudiants venant de PASS et n'ayant suivi la discipline qu'en « mineure », par crainte d'un niveau insuffisant. Ce manque d'information s'est également heurté au fonctionnement généralement en silo des unités de formation et de recherche (UFR), excepté dans les universités où une tradition de dialogue interdisciplinaire existe.
- Enfin, à destination des professionnels de santé . Bien que ceux-ci soient aussi concernés par la réforme, notamment en tant qu'encadrants des futurs étudiants stagiaires, il n'y a pas eu de processus formalisé de consultation et d'information sur le contenu de la réforme et ses modalités de mise en oeuvre, par exemple à l'égard des unions régionales des médecins libéraux (URML).
2. Un grave manque de transparence sur le nombre de places ouvertes et sur les modalités d'évaluation
À cette communication défaillante est venu se greffer un manque inacceptable de transparence sur le nombre de places ouvertes en filières MMOP , qui a suscité beaucoup d'inquiétude chez les étudiants et leurs parents, et cristallisé leur mécontentement, lequel n'a cessé de grandir au fil des mois.
Les textes réglementaires de la réforme prévoient que le nombre de places ouvertes en deuxième année d'études de santé à la rentrée 2021devait être publié par les universités au plus tard le 31 mars 2020. Un an et un mois plus tard , alors que la deuxième session d'examen de première année était déjà en cours, toutes les universités n'avaient pas encore rendu public leur numerus apertus . Autrement dit, des étudiants passent leurs examens sans connaître leur chance de succès pour accéder à la deuxième année des études de santé.
Le report, répété et non expliqué, de la publication des numerus apertus a des effets d'autant plus délétères que les doublants PACES ont, eux, connaissance depuis janvier dernier du numerus clausus qui leur est appliqué. Plusieurs recours contentieux ont ainsi été déposés par des collectifs de parents à l'encontre d'universités n'ayant pas respecté la date butoir prévue réglementairement.
Ce déficit de transparence concerne aussi les modalités d'évaluation qui, dans certaines universités, n'ont pas été communiquées à temps ou de manière suffisamment étayée, s'agissant des compétences précisément évaluées ou de la manière dont elles le seront. Ce constat porte particulièrement sur les épreuves orales, dont la mise en oeuvre reste encore très floue.
Conséquence du cumul de ces manquements, les étudiants ont le sentiment d'être maintenus dans une incertitude permanente, de découvrir les règles au fil de l'eau , ce qui génère de l'incompréhension, du stress, de la colère.
Autre lacune en matière de transparence qui concerne cette fois-ci les futurs bacheliers 2021 : ceux-ci ont terminé de formuler leurs voeux sur la plateforme Parcoursup, le 8 avril dernier, sans avoir nécessairement eu connaissance du nombre minimal de places proposées par les universités dans chacun des parcours de formation pour l'accès à chacune des filières MMOP, comme le prévoit pourtant les textes réglementaires.
3. Une nouvelle méthode de détermination des capacités d'accueil contestable et retoquée par le Conseil d'État
La polémique suscitée par les retards de publication du nombre de places ouvertes en deuxième année d'études de santé s'explique aussi par la fragilité juridique de la nouvelle méthode de détermination des capacités d'accueil .
Comme le montre le schéma ci-après, celle-ci a d'abord consisté à isoler le cas des doublants PACES pour lesquels le nombre de places a été sanctuarisé afin de leur assurer une équité de traitement par rapport aux doublants des années précédentes. L'arrêté du 25 janvier 2021 a ainsi fixé le nombre d'étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études en deuxième année.
Elle a ensuite reposé sur deux procédures menées en parallèle :
• d'une part, la détermination , dans le cadre d'un dialogue entre chaque université et la direction générale de l'enseignement supérieur du ministère, du nombre de places ouvertes aux étudiants de PASS et de L.AS , à la fois dans un objectif d'augmentation du taux de réussite par rapport aux années précédentes et de création de places supplémentaires ;
• d'autre part, la définition , à l'issue de concertations régionales et d'une Conférence nationale tenue en mars dernier, d' un objectif national pluriannuel d'augmentation de professionnels de santé à former , décliné par groupe de professions (médecine, pharmacie, maïeutique, odontologie), par territoire et par université. Cette procédure territorialisée aurait dû intervenir avant la précédente, mais le contexte sanitaire a contraint à la décaler.
Le 28 avril dernier, le Conseil d'État, saisi par cinq étudiants en PASS, a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 janvier 2021 au motif, d'une part, que le texte laissait « un nombre de places résiduel » aux étudiants actuellement en PASS, d'autre part, qu' « un doute sérieux » apparaissait quant à la légalité de cet arrêté qui se fonde uniquement sur des taux de réussite constatés par le passé pour fixer le nombre des étudiants en PACES autorisés à poursuivre dans l'une des filières MMOP. Selon la plus haute juridiction administrative, les ministères n'ont pas pris en considération les places disponibles en deuxième année dans chacune de ces filières pour l'année universitaire 2021-2022, ni le sort des étudiants ayant suivi en 2020-2021 un PASS ou une L.AS.