N° 585

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la mise en oeuvre de la réforme du premier cycle des études de santé ,

Par Mme Sonia de LA PROVÔTÉ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

AVANT-PROPOS

Alors que les étudiants sont particulièrement affectés par les conséquences pédagogiques, financières et sociales de la crise sanitaire, ceux d'entre eux inscrits en première année d'études de santé doivent aussi subir les nombreux dysfonctionnements de la réforme de l'accès aux études de santé , prévue par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dont l'année universitaire 2020-2021 est la première année de mise en oeuvre.

Compte tenu de l'urgence à répondre au désarroi et à la colère des étudiants et de leurs parents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a confié, début avril, une mission d'information « flash » à Sonia de La Provôté (UC, Calvados) afin de dresser un état des lieux de la situation et de formuler des recommandations en vue de l'améliorer.

Après avoir entendu de nombreux représentants de l'ensemble des parties prenantes à cette réforme (étudiants, parents, universitaires, professionnels, ministères...), le constat de la rapporteure est sans appel : malgré de bons fondamentaux, la réforme a été trop vite appliquée, insuffisamment préparée et pas assez pilotée . L'irruption de la crise sanitaire a certes été un facteur aggravant, mais elle n'explique pas toutes les difficultés, ni toutes les disparités relevées sur le terrain. Pour rectifier le tir, il convient, selon elle, de prendre rapidement des mesures exceptionnelles en faveur des étudiants de l'actuelle promotion et de mettre en oeuvre les correctifs nécessaires , en termes de communication et d'organisation, en vue de la prochaine rentrée universitaire .

I. UNE RÉFORME À LA MISE EN OEUVRE TRÈS CHAOTIQUE

A. UNE RÉFORME AUX OBJECTIFS PARTAGÉS MAIS À L'ARCHITECTURE TRÈS COMPLEXE

1. La PACES : un système dont les inconvénients l'emportaient sur les avantages

Mise en place à la rentrée universitaire 2010-2011, la première année commune à l'entrée dans les études de santé (PACES) réunissait les étudiants se destinant aux professions de médecin, pharmacien, sage-femme ou dentiste. Ces derniers passaient, en fin d'année, un concours pour pouvoir accéder en deuxième année des filières dites « MMOP » (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et, dans certaines universités, kinésithérapie), le nombre de places offertes dans chaque filière étant appelé numerus clausus .

Comme le notait le rapporteur de la commission lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé 1 ( * ) , Laurent Lafon, la PACES présentait certains avantages : une grande lisibilité, un enseignement de tronc commun, une équité de traitement, une exigence d'excellence, un faible coût.

Ceux-ci étaient cependant contrebalancés par de lourds et nombreux inconvénients : un taux d'échec très important (plus de deux étudiants sur trois), expliquant la comparaison fréquente de la PACES à une « boucherie pédagogique », une absence de valorisation des connaissances acquises après une ou deux années d'échec au concours, représentant un immense gâchis et obligeant à des réorientations, des modalités d'évaluation axées uniquement sur des questionnaires à choix multiples (QCM) incitant au « bachotage », un profil stéréotypé d'étudiant titulaire d'un bac « S » mention « très bien », originaire d'une grande ville et issu d'un milieu social favorisé (lui permettant de suivre en parallèle de la PACES des cours privés pour préparer le concours).

2. Un nouveau paradigme pour l'accès aux études de santé

S'inscrivant dans la continuité du « Plan étudiants » lancé en octobre 2017, la réforme de l'accès aux études de santé poursuit trois grands objectifs :

• la réussite des étudiants et la progression dans les études : afin que les étudiants ayant échoué au concours d'entrée en filières MMOP ne « repartent pas de zéro » à l'issue de la première année ou après avoir redoublé celle-ci, le nouveau système offre la possibilité d'acquérir une licence première année et, en cas d'échec au concours, de poursuivre en licence deuxième année. Il ne prévoit plus de possibilité de redoublement à proprement parler, conformément à la logique de progression dans le parcours universitaire. En revanche, l'accès aux études de santé se veut toujours exigeant et sélectif ;

• la diversification des profils des étudiants en santé : partant du constat que les métiers de la santé évoluent et qu'ils requièrent des professionnels venant d'horizons différents, la réforme entend diversifier les profils des étudiants s'engageant dans des études de santé. Elle permet, en première année, de suivre une formation en santé, à titre principal ou complémentaire, et, en parallèle, de suivre un cursus dans un autre domaine (physique, droit, philosophie, économie...), chacune des voies rendant possible l'accès en deuxième année des filières MMOP ;

• une meilleure répartition territoriale de l'offre de formation en santé : alors que le système de la PACES reposait sur une concentration de l'offre de formation dans les villes dotées d'une faculté de santé, le nouveau dispositif permet à des étudiants de suivre une formation en santé dans une université proche de chez eux, sans que celle-ci comprenne nécessairement une unité de formation spécifique en santé. Ce maillage territorial de l'offre de formation participe de la diversification des profils étudiants et d'une meilleure adaptation aux besoins en santé des territoires.

Ces objectifs, qui traduisent un véritable changement de paradigme dans la conception des études de santé, étaient très largement partagés par l'ensemble des parties prenantes (étudiants, parents, universitaires, professionnels de santé) au moment de l'élaboration de la réforme et le sont toujours aujourd'hui. Pour reprendre la formulation de l'une des personnes auditionnées par la rapporteure, « les fondamentaux de la réforme sont foncièrement bons » .

3. Une réforme à l'architecture complexe

S'appuyant sur différentes expérimentations menées dans plusieurs universités depuis quelques années 2 ( * ) , la réforme remplace la PACES par deux nouvelles voies d'accès aux études de santé :

• le parcours spécifique « accès santé » dit « PASS » , qui peut uniquement être suivi dans les universités disposant d'une faculté de santé, est une année de licence spécifique comprenant majoritairement des enseignements en santé, complétée par une « mineure » d'un autre domaine que celui de la santé (droit, biologie, mathématiques, lettres...) ;

• la licence « accès santé » dite « L.AS » , qui peut être suivie dans les universités ne disposant pas d'une faculté de santé, est une année de licence comprenant majoritairement des enseignements correspondant à la discipline choisie (économie, philosophie, sciences et techniques des activités physiques et sportives - STAPS -, ...), complétés d'une « mineure santé » apportant les compétences nécessaires à la poursuite d'études en santé.

À l'issue de la première année, un étudiant de PASS ou de L.AS qui a validé son année universitaire peut candidater aux études de santé qui l'intéressent (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie). S'il n'est pas reçu au concours, il accède en deuxième année de licence ou « L.AS 2 » correspondant, pour l'étudiant de PASS, à la mineure qu'il avait suivie en première année, pour l'étudiant de L.AS 1, à la discipline de sa licence première année. L'étudiant peut tenter une seconde fois l'intégration en deuxième année d'études de santé à la fin de sa L.AS 2 ou à la fin de sa L.AS 3. Il n'existe donc pas de redoublement à proprement parler, mais une « seconde chance » d'accéder à la deuxième année d'études de santé , que l'étudiant peut choisir d'utiliser en fin de deuxième ou de troisième année de licence.

À la fin de la première année, l'étudiant de PASS ou de L.AS qui n'a pas validé son année universitaire, ne peut candidater à la deuxième année d'études de santé. L'étudiant de PASS n'a pas la possibilité de redoubler son année et doit, pour poursuivre vers d'autres études supérieures, se réorienter via Parcoursup. L'étudiant de L.AS , lui, peut redoubler sa première année ou se réorienter via Parcoursup.

La réforme substitue au numerus clausus qui déterminait jusqu'alors, au niveau national et de manière stricte, le nombre d'étudiants admis en deuxième année de chaque filière de santé, un numerus apertus , établi par chaque université en lien avec l'Agence régionale de santé (ARS) et possiblement modulable , qui fixe le nombre d'étudiants admis en deuxième année de chaque filière de santé en fonction des capacités d'accueil de l'université et des besoins en offres de santé sur le territoire .

Pour chaque filière MMOP, le nombre de places ouvertes en deuxième année du premier cycle est réparti entre les nouvelles voies d'accès de telle façon qu' aucune d'elles ne puisse représenter plus de 50 % du nombre de places proposées . Pour répondre à l'objectif de diversification des profils, cette répartition doit en outre assurer qu'au moins 30 % des places sont réservées à des étudiants ayant validé au plus 60 crédits ECTS (soit à la fin de leur première année de PASS ou de L.AS) et qu'au moins 30 % des places sont réservées à des étudiants ayant validé au moins 120 crédits ECTS (soit à la fin de leur deuxième ou de leur troisième année de licence). Au moins 5 % du total des places ouvertes est également réservé aux diplômés de professions paramédicales. Par dérogation à ces dispositions réglementaires 3 ( * ) , aux rentrées universitaires 2021 et 2022, les universités sont autorisées à réserver 70 % des places ouvertes en deuxième année d'études de santé à un même parcours .

À la rentrée universitaire 2020 , il est prévu que le nombre de places ouvertes en deuxième année du premier cycle pour l'année universitaire 2021-2022 , réparti entre les différents parcours de formation, soit arrêté par chaque université au plus tard le 31 mars 2020 , et porté à la connaissance des étudiants sur le site internet des universités. En outre, pour cette rentrée uniquement, l'ancien système de la PACES est maintenu pour les doublants .

La réforme modifie également les modalités de sélection pour le passage en deuxième année d'études de santé. Il est mis fin aux QCM tant redoutés et décriés de la PACES au profit d'un premier groupe d'épreuves, prenant la forme d'un dossier constitué des notes obtenues aux évaluations de l'année de PASS ou de L.AS, et d'un second groupe, comportant une ou plusieurs épreuves orales et, le cas échéant, une ou plusieurs épreuves écrites majoritairement rédactionnelles.


* 1 Rapport pour avis n° 516 (2018-2019).

* 2 L'AlterPACES, expérimentée dans 16 universités, permet à des étudiants ayant entre une et trois années de licence dans un autre domaine d'être admis directement en 2 ème ou 3 ème année des études de santé, selon un quota défini par l'université. Le PluriPASS, mis en place dès 2015 à l'Université d'Angers, permet aux étudiants d'accéder aux études de santé mais aussi à une quinzaine de licences ou à des écoles d'ingénieurs ; d'autres universités ont par la suite repris ce dispositif. La PACES adaptée, expérimentée à partir de 2018 par trois universités parisiennes et l'Université de Brest, offre deux chances d'admission dans les études de santé sans redoublement et une poursuite d'études dans une diversité de parcours de licence.

* 3 Définies par le décret n° 2019-1125 et l'arrêté du 4 novembre 2019 relatifs à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page