II. DES CAUSES MULTIFACTORIELLES, AMPLIFIÉES CES DERNIÈRES ANNÉES PAR LES DIFFICULTÉS AGRICOLES

Loin des analyses scientifiques et universitaires, les rapporteurs ont souhaité donner la parole aux agriculteurs ayant accepté de leur confier leurs récits. Sans prétendre au respect des méthodologies les plus fines, aux mains des sociologues et experts de la question, pour garantir la représentativité de leur échantillonnage ou l'absence de biais dans leur questionnement, ils ont simplement voulu échanger et écouter la vérité des récits de proches de victimes. Ils estiment en avoir retiré une somme précieuse dont ils entendent rendre compte dans cette partie du rapport.

Puisse ce recensement non hiérarchisé et non exhaustif des causes de la détresse de nombreux agriculteurs, évoquées directement par ces derniers, servir à éveiller une prise de conscience des pouvoirs publics sur ces difficultés. S'il permettait de contribuer à rompre, pour paraphraser Louis Aragon, un silence bien trop assourdissant, le travail des rapporteurs aura fait preuve de son utilité publique.

A. UNE ORIGINE MULTIFACTORIELLE

Prétendre expliquer le phénomène suicidaire en agriculture par le biais de causes isolées est une chimère. Tous les acteurs rencontrés l'ont évoqué : chaque suicide s'explique par une combinaison de raisons professionnelles et non professionnelles, dont l'articulation est spécifique à chaque cas individuel. Pour le dire autrement : il y a autant d'explications au suicide d'un agriculteur que de suicides en agriculture.

De nombreux témoignages font état de cette pluralité causale.

Un exploitant viticole résume, par exemple, assez bien le schéma souvent entendu par les rapporteurs : « les difficultés sont apparues [...] auparavant : l'isolement sur nos exploitations, les difficultés financières de tout agriculteur, la fermeture de mes comptes [sur les réseaux sociaux] pour ne plus voir des extrémistes qui crachent sur nous à longueur de temps alors que je suis agriculteur bio en circuit court ! [...] Un temps fou en plus des journées bien pleines pour gagner si peu et puis plus de vie de famille, l'incompréhension des enfants et du/de la conjoint(e) face à notre niveau de vie. La crise [...] où on se demande pourquoi on a choisi ce métier ».

Pour un autre agriculteur, il s'agit de parler « isolement, manque de perspective d'avenir, surcharge de travail, ne pas voir le bout du tunnel, dénigrement du métier, difficultés à se faire remplacer. [Sans oublier qu'il faut] revaloriser le métier par des prix rémunérateurs et assurer des retraites à la hauteur du travail ».

Un des parents d'un agriculteur en grandes cultures s'étant donné la mort à l'âge de 48 ans abonde, en listant le « sentiment d'isolement, d'impuissance, de solitude extrême, [les] problèmes de santé ne permettant plus d'assurer son métier, [les] problèmes financiers ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page