D. LE LIEN MAIRES - PARQUET : UN SUJET MAJEUR

Les relations qu'entretiennent les maires avec le ministère public sont au coeur des enjeux d'ancrage territorial de la sécurité. Ces relations s'articulent autour de trois axes :

• la participation aux CLSPD-CISPD

Comme indiqué précédemment, les CLSPD-CISPD jouent un rôle déterminant dans la concertation locale en matière de sécurité . Le ministère de la Justice semble opportunément avoir pris conscience de cette nécessité. La circulaire du 6 novembre 2019 prévoit ainsi que « dans la perspective d'un dialogue institutionnel renforcé avec les élus locaux au sein des instances partenariales, les procureurs de la République continueront à prendre part activement aux conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance (CLSPD-CISPD). Les réunions peuvent être l'occasion de présenter la politique pénale menée [...] . Conformément aux dispositions de l'article 132-5 du code de la sécurité intérieure, des informations confidentielles et nominatives pourront être échangées au sein de ces instances, en tenant compte des thématiques assignées aux groupes de travail et dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'enquête et de l'instruction ».

• Une réunion d'information après les élections municipales

L'article L. 2122-34-1 du CGCT, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi du 27 décembre 2019, dite « engagement et proximité », institue, dans chaque département, après le renouvellement général des conseils municipaux, une réunion de présentation, par le procureur de la République, des attributions qu'ils exercent comme officiers de police judiciaire.

Interrogée par vos rapporteurs, la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) a indiqué que cette nouvelle obligation légale, complétée par la circulaire du 25 février 2020 du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, constituait « à l'évidence, une innovation pertinente ». La CNPR a précisé que si la mise en oeuvre de cette mesure avait été, dans certains ressorts, entravée par la crise sanitaire, elle a permis aux élus locaux de rencontrer les magistrats du parquet. Ces derniers ont regretté, lors de leur audition, d'être souvent perçus par les élus comme « inaccessibles ».

• Les échanges d'information en matière de lutte contre la délinquance

Enfin, l'article L. 132-3 du CSI, dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi « engagement et proximité » précitée, précise que le maire est informé par les services de police et de gendarmerie nationales des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune. L'article L. 132-3 prévoit également que le maire est informé, à sa demande 41 ( * ) , par le procureur de la République :

- des suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de sa commune par les agents de police municipale ;

- des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions signalées par lui en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

Une circulaire du garde des Sceaux en date du 15 décembre 2020 est venue opportunément réaffirmer la nécessité de renforcer les liens entre les procureurs et les élus locaux. Cette circulaire procède d'un constat lucide : « Nombre de territoires sont aujourd'hui marqués par la petite délinquance, qui [...] donne l'impression d'une impunité de leurs auteurs, faute d'une réponse judiciaire immédiatement visible. ». Le ministre déplore aussi « un sentiment de désespérance de nombreux Français face à l'action de la justice, parfois perçue comme inactive, voire impuissante » et, pour y remédier, appelle notamment les procureurs à renforcer les relations institutionnelles avec les élus locaux : « Devront être ainsi réaffirmés le développement et l'approfondissement des relations partenariales avec les collectivités locales ». Vos rapporteurs approuvent les objectifs qui président à cette circulaire et en escomptent un plus grand investissement des magistrats du parquet dans le dialogue institutionnel avec les élus locaux . Ils se réjouissent, à cet égard, du renforcement des moyens humains opéré à l'automne 2020 par la chancellerie. La CNPR a insisté, lors de son audition, sur l'importance de ces recrutements « historiques », en particulier ceux de juristes assistants placés auprès des magistrats.

Enfin, vos rapporteurs se félicitent de l'action engagée par le parquet de Valenciennes, cité en exemple dans la circulaire précitée du 15 décembre 2020 pour avoir « mis en place de façon opportune un groupe de travail ayant abouti à une institutionnalisation des échanges avec les élus ». C'est pourquoi ils ont souhaité entendre le procureur de la République de Valenciennes, M. Jean-Philippe Vicentini, pour en savoir plus sur cette bonne pratique et sur sa possible généralisation.

L'exemple du parquet de Valenciennes

Partant du constat d'une relative méconnaissance par les élus de la procédure judiciaire, et pour fluidifier les relations entre le ministère public et les 82 maires de son ressort, le procureur de Valenciennes, M. Jean-Philippe Vicentini, a initié un dispositif pragmatique fondé sur deux piliers :

- le premier pilier est celui de la formation . Les élus locaux peuvent suivre une matinée de formation, leur permettant de s'approprier les règles de fonctionnement du parquet et d'assister à des audiences de comparution immédiate. Cela permet au maillon judiciaire et aux élus locaux de « parler le même langage ».

- le second pilier est celui de la bonne information réciproque . Une boîte courriel dédiée - directement gérée par le procureur de la République et la vice-procureure - permet de recueillir les difficultés auxquelles sont confrontés les maires. La réactivité est garantie, se traduisant par des rendez-vous avec les élus locaux ou par la mise en place de groupes de travail pour apporter des réponses concrètes aux incidents qui perturbent la vie quotidienne des communes. Les élus locaux sont informés chaque mois - par une lettre d'information intitulée « Dépêche du parquet de Valenciennes » - des « affaires judiciaires marquantes, ayant porté un certain trouble à l'ordre public ».

En aval, a été mis en place un dispositif d'accompagnement individuel des mis en cause ayant une addiction . Ces initiatives, destinées à prévenir la récidive, ont été co-construites avec les deux communautés d'agglomération du ressort du parquet de Valenciennes.


* 41 En pratique, les procureurs sont très peu saisis par les maires sur le fondement de cet article.

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