B. L'ANCRAGE TERRITORIAL DE LA SÉCURITÉ INTERIEURE NÉCESSITE DE NOUER DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA POPULATION ET LES ÉLUS LOCAUX

Le général Rodriguez, DGGN, affirme : « lorsque le Gouvernement nous a demandé de travailler dans le sens de la sécurité du quotidien, nous avons décliné celle-ci dans un travail de proximité et de contact avec les élus et la population » . Il ajoute : « Les notions d'ancrage et d'enracinement constituent pour nous la déclinaison naturelle de la police de sécurité du quotidien (PSQ) et doivent permettre de renouer avec l'essence de la gendarmerie. Cet impératif a présidé à la création des brigades de contact. Il nous pousse également à favoriser les expérimentations menées sur le terrain ».

Cette affirmation démontre que nos forces de sécurité tentent d'être au plus près des besoins de la population et font désormais de « l'ancrage territorial » une composante essentielle du logiciel de la sécurité intérieure. Cet ancrage territorial implique des relations de proximité et de confiance entre les acteurs de la sécurité et la population d'une part, et entre ces acteurs et les élus locaux, d'autre part.

La crise sanitaire que nous venons de traverser a démontré l'importance du dialogue entre les représentants de l'État et les collectivités territoriales dans le domaine de la sécurité, notamment s'agissant du couple préfet/maire. Comme le souligne Christophe Castaner : « Pendant la crise sanitaire, le préfet a été identifié, dans ce rapport de proximité, comme une figure d'autorité, capable de délivrer une parole plutôt rassurante et d'organiser le dialogue avec chacun ». Il ajoute : « Durant la période de confinement, de nombreux maires ont légitimement souhaité prendre des mesures d'interdiction d'accès à certaines zones ou décréter des couvre-feux. J'ai donné systématiquement la même consigne, demandant aux préfets d'accompagner les municipalités et, plus largement, les collectivités territoriales dans leurs démarches, dans le respect du droit et avec efficacité, pragmatisme et souci du dialogue ».

C'est bien au niveau local en effet que l'on connaît le mieux le risque et les capacités de réaction face à ce risque. La délégation relève d'ailleurs que rares sont les arrêtés de couvre-feux qui ont été contestés par les préfets. Le couple État/collectivités territoriales, sous le prisme de la relation entre le corps préfectoral et les élus locaux, a donc plutôt bien fonctionné. Y compris d'ailleurs sur certains arrêtés qui ont été médiatisés. Le ministre de l'Intérieur précise : « il ne faut pas voir dans la décision du Conseil d'État, et non du ministre de l'Intérieur, annulant l'arrêté du maire de Sceaux, la volonté d'une reprise en main. Nous avons travaillé en concertation avec les communes sur des arrêtés de couvre-feu. À Sceaux, la Ligue des droits de l'Homme a fait un recours. Interrogé sur le sujet, j'avais évoqué le caractère irrégulier de l'arrêté, mais ce n'est pas l'État qui a intenté le recours. Le préfet avait plutôt demandé une discussion sur le sujet ». Il ajoute « je regrette que cela ait fait l'objet d'une polémique et que le maire de Sceaux ait contesté la `'décision du ministère de l'Intérieur'', alors qu'il s'agissait d'une décision de justice ».

1. Nouer des relations empreintes de confiance avec les citoyens car la sécurité intérieure est « l'affaire de tous »

L'idée d'améliorer le service à l'usager et de développer des relations plus apaisées avec le public peut motiver le déploiement d'outils de coproduction de la sécurité. Les « contributions citoyennes » à l`ordre public s'inscrivent en ce sens. Sous contrainte sécuritaire et budgétaire, l'État peut évidemment tirer profit de ces contributions dont l'impact pour les finances publiques est neutre, alors que l'effet sur le lien social est important.

a) Mobiliser les citoyens à devenir des acteurs à part entière de la sécurité

La délégation en est convaincue : les citoyens peuvent avoir une responsabilité dans la production de la sécurité sur le territoire. En « co-production », ils peuvent aider les forces de police au quotidien grâce à un dialogue fructueux. Surtout, dans le contexte de lutte contre le terrorisme, ou celui de crise sanitaire, la « participation citoyenne » peut constituer une aide précieuse pour nos forces de sécurité. Plusieurs dispositifs existent aujourd'hui, témoignant d'un appel à la vigilance collective et à l'esprit de responsabilité de chacun. Ainsi en est-il du dispositif « Attentifs ensemble » de la RATP. C'est aussi le cas du dispositif « Voisins vigilants », directement inspiré du concept anglo-saxon « Neighbourhood watch » ou « Surveillance de quartier », qui existe en France depuis 2007 et permet de lutter notamment contre les cambriolages.

Ce dispositif 43 ( * ) permet au public de s'engager concrètement en s'associant aux services de police et de gendarmerie. En emportant l'adhésion de la population, ces initiatives améliorent concrètement la réactivité des forces de sécurité contre les phénomènes multiformes de délinquance (incivilités et dégradations, cambriolages, démarchages conduisant à des escroqueries) et accroît l'efficacité de la prévention de proximité. Que ce soit dans des quartiers, des lotissements ou bien des zones pavillonnaires, ou que ce soit dans des villages ou des zones plus rurales, elles permettent de lutter contre le sentiment d'insécurité. Le ministère de l'Intérieur souligne d'ailleurs son efficacité : « Certaines communes de la Drôme ont enregistré une baisse de 20 % à 40 % des cambriolages constatés » et, dans l'Essonne comme dans les Alpes-Maritimes, « ce dispositif novateur a conduit localement à une hausse des interpellations en flagrant délit ».

Dans le Loir-et-Cher, par exemple, le projet baptisé « Télémus 41 », précurseur de cette coproduction de sécurité avec les acteurs locaux, est testé depuis 2019. Il s'agit d'un Groupe d'intérêt public (GIP) regroupant la préfecture, la gendarmerie, la police nationale, le conseil départemental et le syndicat intercommunal de vidéo protection, qui permet un cofinancement pour : la mise en place d'un renvoi d'images de caméras de vidéo protection vers le centre d'opérations et de renseignements de la gendarmerie ; la constitution d'un réseau de lecteur automatique de plaques d'immatriculation (LAPI) ; et le développement d'une application de remontées de signaux faibles. Selon ses promoteurs « ce dispositif consacre une approche intégrée inter-administration de coproduction de la sécurité et constitue une nouvelle approche du partage de données entre entités publiques ». Il peut s'agir d'une approche prometteuse dans la mesure où un dispositif met en interface des forces étatiques traditionnelles et des acteurs de confiance (les habitants, les élus locaux, les membres de la participation citoyenne) par le partage d'informations, le renseignement et la communication.

La participation citoyenne, ô combien réclamée dans tant de domaines aujourd'hui (démocratie, environnement, entreprises etc.), peut donc se décliner de façon opérationnelle au service de la sécurité du quotidien. Ces initiatives peuvent nous prémunir contre le risque de voir la population s'organiser elle-même pour assurer sa sécurité. On peut penser aux collectifs de citoyens qui s'organisent pour lutter contre le trafic de drogue dans les immeubles de leur quartier d'habitation. Plus généralement de nombreux pays connaissent des phénomènes où les plus riches s'offrent les services d'officines de sécurité privées et les plus pauvres se constituent en véritables milices ou groupes d'autodéfense. En témoignent les récents évènements qui se sont déroulés à Dijon, où des communautés regroupées sur une base ethnique ou religieuse ont organisé de quasi expéditions punitives, se substituant à la police et à la justice.

Notre délégation a bien conscience des critiques selon lesquelles ce type de dispositif créerait un climat de suspicion, voire inciterait à la délation. Mais, loin de l'image de citoyens « délateurs », ces dispositifs contribuent plutôt à faire des citoyens des « acteurs » de leur propre sécurité, sans se substituer à l'action de l'État. Elle poursuivra donc, à la suite de ce rapport d'étape, sa recherche de toutes les actions partenariales 44 ( * ) susceptibles d'amplifier l'efficacité de la prévention de la délinquance, en lien avec la population et les élus locaux, à l'image du « Protocole de participation citoyenne » signé dans plusieurs communes du Calvados 45 ( * ) , visant à transmettre aux autorités toutes informations relatives à la sécurité et l'ordre public.

Deux autres dispositifs peuvent conduire à un engagement louable de la part de nos concitoyens : les réserves de la gendarmerie et de la police nationale. Il s'agit « d'assurer des vacations rémunérées, en tenue et en arme, en renfort des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions de sécurisation » comme l'expliquent Virginie Malochet et Fréderic Ocqueteau qui précisent que, d'après les chiffres publiés fin 2018, ces réserves comptent alors « 37 000 réservistes opérationnels dans les trois armées, 30 000 dans la gendarmerie, et 6 500 dans la réserve civile de la police nationale, ce qui représente 75 000 volontaires au total, un vivier sur lequel l'État s'appuie pour optimiser le déploiement des forces de sécurité au quotidien ». La délégation ne peut que se féliciter de l'engagement de femmes et d'hommes au service de notre sécurité et juge primordial que cet esprit républicain continue d'inspirer les jeunes générations qui prendront le relais dans les prochaines années.

b) Les quartiers de reconquête républicaine

Lors de son audition, Éric Morvan notait que la police nationale devait faire face « au défi de la délinquance de proximité » qui l'oblige à « réinvestir les quartiers et la proximité, afin de regagner la confiance de la population ». Dans ce domaine, nos politiques publiques ont depuis longtemps fait le choix de la concertation et du dialogue. Les échanges avec le terrain et la proximité avec la population ont permis d'attirer l'attention sur une réalité : dans certains quartiers, qui concentrent des difficultés économiques et sociales fortes, un faible nombre de délinquants mine la vie de l'ensemble des habitants.

Incivilités, trafics de stupéfiants ou d'armes, radicalisation, raids motorisés forment un climat général d'insécurité dans ces territoires. Or les habitants sont en demande de dialogue et d'échange. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les « quartiers de reconquête républicaine ». Comme l'a expliqué l'ancien DGPN, pour chaque zone identifiée, 10 à 35 effectifs de police ou de gendarmerie supplémentaires sont affectés et rendus immédiatement opérationnels sur le terrain. Chaque quartier est doté d'une cellule de lutte contre les trafics (CLT) adaptée au territoire et à la situation locale.

Les quartiers de reconquête républicaine bénéficient ainsi de renforts policiers. Le ministère déploie actuellement un plan de recrutement de 10 000 policiers supplémentaires sur l'ensemble du territoire, tandis que les effectifs de gendarmerie devront être renforcés dans certains départements. Des groupes de partenariat opérationnel (GPO), au nombre de 900, doivent également être installés. Selon le ministère de l'Intérieur : « la lutte contre le trafic de stupéfiants constitue une priorité d'action : le nouvel office anti-stupéfiant (Ofast) veillera au maillage territorial en la matière ».

D'ici la fin du quinquennat, le ministère de l'Intérieur souhaite parvenir à la mise en place de 60 quartiers de reconquête républicaine 46 ( * ) . L'objectif affiché est « d'offrir une sécurité adaptée à chaque territoire et à chaque type de délinquance ». Les quartiers de reconquête républicaine font partie intégrante de la police de sécurité du quotidien. Sur ce point, le fait que les politiques publiques délaissent désormais l'idée d'une stratégie de sécurité unique décidée depuis Paris pour l'ensemble des territoires va dans le bon sens. Il faut effectivement valoriser les stratégies locales de sécurité, le dialogue avec les populations, ou encore la multiplication des partenariats avec les acteurs locaux. Notre délégation se félicite qu'il soit notamment demandé à la police et à la gendarmerie d'aller davantage vers les tissus associatifs souvent très riches dans les territoires, et de recréer des relations de confiance avec les associations, mais aussi avec les bailleurs sociaux et les élus locaux. Sauf qu'à la lumière des évènements qui se sont déroulés à Dijon en juin dernier, elle ne peut que s'interroger sur l'efficacité réelle du dispositif des quartiers de reconquête républicaine. En effet, les incivilités, les violences, les trafics et la radicalisation qui empêchent le déroulement d'une vie normale pour les habitants de ces quartiers n'ont pas cessé. Pire, leur propagation a conduit à une dynamique générale de défiance envers les figures de l'État (police, gendarmerie, sapeurs-pompiers), parfois prises pour cible et victimes d'agressions intolérables.

c) La police de sécurité du quotidien : l'objectif d'une police au plus près des citoyens

L'ancrage territorial de la sécurité intérieure constitue, pour reprendre les mots d'Éric Morvan : « un changement de pied revendiqué par la police nationale en ce qui concerne la sécurité du quotidien ». Il explique que la diminution des effectifs a contraint la police à se transformer « en une sorte de ``police de l'urgence'', intervenant en grande partie sur les points chauds. Nous avons dans le même temps vu se dégrader le lien entre la police et la population, étant donné que nous intervenions majoritairement sur des situations conflictuelles et complexes, peu propices à un échange serein et apaisé ».

La sécurité du quotidien (PSQ) a donc été développée comme une « philosophie d'action des services de sécurité », souligne Jean-Marie Salanova, Directeur central de la sécurité publique 47 ( * ) . Cette nouvelle doctrine d'emploi de la police française, dévoilée le 16 août 2017 par le ministre de l'Intérieur de l'époque, devait en effet répondre au souhait du Président de la République de satisfaire une de ses promesses électorales. Le 8 février 2018, à l'École militaire de Paris, Gérard Collomb annonce et lance le dispositif d'expérimentation, prélude au développement de la PSQ. Le 22 mai 2018, le Président de la République revient sur son déploiement à l'occasion de son discours sur les banlieues, insistant de nouveau sur le partenariat avec les maires et son intention de développer une « société de vigilance » 48 ( * ) et son souhait qu'un plan contre le trafic de drogue soit mis en oeuvre dans les cités d'ici juillet 2018.

Avec l'objectif de ramener plus de policiers dans les quartiers, les similitudes avec la « police de proximité » disparue en 2003 est évidente. Mais l'exécutif, sans nier une forme d'inspiration, met en lumière certaines différences entre les deux doctrines. Annonçant une police sur mesure « respectée, connectée et partenariale qui ne soit plus pilotée par les chiffres », Gérard Collomb affirmait qu'« il ne s'agit pas de ressusciter, vingt ans plus tard, la police de proximité créée par Jean-Pierre Chevènement car le contexte a changé et que la délinquance s'est transformée ». Il s'agit en particulier de prendre en compte des évolutions majeures intervenues au cours des dernières années, notamment le développement des polices municipales.

La PSQ est donc pensée comme une police qui renforce les liens avec l'ensemble de ses partenaires et avec la population et, en même temps, comme une police qui lutte contre les trafics, la délinquance et les incivilités. Elle est en tous cas présentée comme une « police sur mesure », adaptée aux territoires, bénéficiant d'une déconcentration opérationnelle et plus étroitement associée aux maires. Selon Éric Morvan, « la PSQ implique des éléments de doctrine définis de manière souple au niveau central et une part d'initiative au niveau local ». Elle devrait en sus « se doubler d'une réforme procédurale et structurelle, libérant les policiers de tâches et de missions entravantes ». Jean-Marie Salanova la définit comme « un parallèle entre la police de proximité qui existait voilà une dizaine d'années et la police du quotidien d'aujourd'hui » .

À ce stade, les objectifs et la méthode vont bien sûr dans le bon sens. Votre délégation sera attentive à l'impact réel de cette PSQ sur les solutions de sécurité et interrogera pour cela les élus de terrain ainsi que les acteurs locaux, notamment à l'occasion de ses déplacements. Une police qui connaît la population est théoriquement plus à même de résoudre les problèmes locaux en faisant comprendre son action et reconnaître son autorité. Il paraît aujourd'hui indispensable sur le terrain de trouver des réponses différenciées contre la montée de la violence et permettre de renouer le dialogue avec les jeunes des quartiers en difficulté et, plus largement, retisser le lien police-population.

De façon opérationnelle, le déploiement de la PSQ s'est traduit par un découpage du territoire national en 977 secteurs de proximité. À la tête de chacun d'entre eux, la police a désigné un policier (lieutenant, capitaine, brigadier-chef ou brigadier major) chargé d'animer le partenariat et la transversalité dans le secteur, en lien avec les élus, les partenaires privés et publics. En plus de ce partenariat informel, la police nationale et ses partenaires se réunissent au moins une fois par mois pour un point pratique sur l'identification des problèmes et sur la définition transversale d'une réponse à apporter. Proches d'un CLSPD ou d'un groupement local de traitement de la délinquance (GLTD, une structure judiciaire sous l'autorité du Procureur de la République soumis au secret de l'enquête), ces réunions, intitulées « groupes de partenariat opérationnel (GPO) », ont été mises en place début 2019 et favorisent un « travail en confiance, avec des personnes de bonne volonté qui acceptent d'échanger sur des questions techniques et pratiques » pour reprendre les termes de Jean-Marie Salanova. Il conviendra, dans le cadre du rapport définitif, de dresser un premier bien de ces GPO.

Les efforts déployés par la police nationale se sont néanmoins heurtés à quelques difficultés structurelles. Éric Morvan indique en effet que lorsqu'a été envisagée la création d'effectifs dans la police nationale, « c'est d'abord aux services de renseignement (DGSI, SCRT, Direction centrale de la PAF) qu'ont été destinés ces personnels supplémentaires ». L'ancien DGPN souligne que ce choix était « parfaitement légitime, au vu du contexte », mais que la direction centrale de la sécurité publique, assurant la police du quotidien a consécutivement connu « un véritable trou d'air et a éprouvé de grosses difficultés ». Cette police exprime encore aujourd'hui un certain malaise en raison d'une activité extrêmement soutenue, avec une explosion du nombre d'heures supplémentaires - notamment au niveau de la direction centrale de la sécurité publique. Un certain nombre de services ont été, et sont encore parfois, « sursollicités » selon Éric Morvan. L'équilibre demeure donc encore à trouver.

La gendarmerie nationale a su également évoluer dans le cadre du déploiement de la PSQ. Comme l'a rappelé le général Rodriguez, celle-ci entendait « avancer sur deux sujets dans le cadre de PSQ ». Lors de la visite de la délégation au siège de la gendarmerie nationale, le colonel de gendarmerie commandant le groupement de gendarmerie nationale de Chaumont a eu l'occasion de présenter une innovation. Docteur en intelligence artificielle, il a créé un algorithme de prédictibilité des cambriolages, que la gendarmerie nationale teste actuellement dans 11 départements. Selon lui, « L'outil prend en compte celles des données du territoire dont nous pouvons considérer qu'elles constituent un facteur d'insécurité, telles que la présence d'une gare, d'un bistrot ainsi que nos données sur les cambriolages effectués et la fréquentation des axes routiers. Une fois ces variables accompagnées d'un coefficient, l'algorithme produit une carte de chaleur de la circonscription dont le niveau de précision descend jusqu'à la rue. Les gendarmes peuvent la consulter sur leur tablette ou leur téléphone. La prédiction des cambriolages dans les 11 départements tests est plus précise d'environ 1 point. Ce résultat relativement faible s'explique par le délai qui peut exister entre le cambriolage et son signalement, ce qui limite la fiabilité des données ».

Dès lors, la gendarmerie cherche à faire évoluer l'algorithme pour prendre en compte non seulement les cambriolages mais aussi toutes les situations de crise qui nécessitent son intervention. L'imprécision liée aux cambriolages sera donc compensée par la précision obtenue sur les autres données, notamment les accidents de la route, horodatés à la minute près. Il s'agit ainsi de donner aux gendarmes la possibilité de placer un militaire dans les zones où une situation est susceptible d'éclater, soit pour éviter sa survenance, soit pour intervenir le plus vite possible. La seconde version de l'algorithme sera testée dans le courant de l'année prochaine. « Ce dispositif, en réduisant la délinquance, permettra de libérer du temps pour aller au contact de la population » estime Christian Rodriguez.

Un autre colonel a créé, de son côté, une « Brigade de Gestion des Évènements » dans le Lot-et-Garonne. L'algorithme a pour fonction d'optimiser la présence de la gendarmerie la nuit. Ce dispositif novateur a été testé dans l'Isère. En plaçant 5 patrouilles à certaines heures stratégiques de la nuit, la gendarmerie nationale a ainsi pu couvrir 98 % des interventions liées à la délinquance des cinq dernières années. L'algorithme prend en compte le temps de trajet et permet de respecter le principe de juste suffisance du nombre de gendarmes engagés la nuit. En Isère, l'outil a permis d'améliorer le traitement de la délinquance par la gendarmerie mais aussi de libérer l'équivalent de 40 postes de gendarmes (un par brigade) pour effectuer du travail de proximité avec les élus et la population, sans coût supplémentaire. Les élus confirment d'ailleurs que les gendarmes sont plus présents que par le passé. Selon Christian Rodriguez, DGGN, cet algorithme présente un autre avantage : « En optimisant les interventions de nuit, nous améliorons donc également notre présence sur le terrain durant la journée et, de fait, notre efficacité. En effet, le premier travail de la gendarmerie n'est pas d'arrêter les voleurs mais d'empêcher que les vols soient commis ».

Devant la délégation, le DGGN a réitéré son intention d'étendre ce dispositif à la moitié des départements au cours de cette année 49 ( * ) . À Agen, les cambriolages auraient ainsi baissé de 14 % et le taux de résolution des dossiers aurait augmenté de 4 % grâce aux effectifs libérés le jour.

Répondant à une forte demande des élus locaux, qui y sont pleinement associés, la PSQ a, en définitive, conduit les forces de sécurité intérieure à améliorer leur ancrage territorial et à renforcer leur contact avec la population. Elle les a en outre amenées à innover. L'avenir réside donc dans les dispositifs pensés par les forces de sécurité intérieure elles-mêmes et, singulièrement, par la gendarmerie. Ceux que le général Rodriguez a présentés à la délégation ont le mérite de ne pas porter atteinte au maillage territorial de la gendarmerie. Ce maillage doit être le plus équilibré possible afin que nos forces de sécurité soit physiquement présentes. Pour reprendre les mots du DGGN : « Nous ne pouvons pas nous contenter d'une vision technologique de la place de la gendarmerie dans les territoires, sans quoi nous créerons des vides de présence qui ne concordent pas avec l'ADN de la gendarmerie, telle que je souhaite la retrouver ». D'autres projets innovants de la gendarmerie nationale témoignent d'ailleurs de cette volonté traduite en actes.

d) Les dispositifs pensés par la gendarmerie pour renforcer la proximité avec la population

Deux dispositifs phares de la gendarmerie nationale méritent d'être évoqués à ce stade : les brigades territoriales de contact (BTC) et la brigade du numérique.

(1) Les brigades territoriales de contact (BTC)

Devant la délégation, le général Rodriguez a rappelé qu'il avait souvent été question de la « France périphérique » au cours de l'année précédente, notion qui couvre des territoires sur lesquels la gendarmerie exerce ses missions. Il a assuré que le sentiment d'oubli, d'éloignement ou d'isolement vis-à-vis des services publics interrogeait aussi la gendarmerie avant d'indiquer que, dans certains territoires, les brigades de contact constituaient « l'unique représentation de l'État auprès des populations ».

L'expérimentation des BTC a été lancée en mars 2017, précisément pour tenir compte de ce sentiment d'abandon qui s'exprime dans certains territoires. Ces unités 50 ( * ) , déchargées de la plupart des sujétions des unités opérationnelles traditionnelles (enquêtes judiciaires, investigations, etc.), sont orientées vers le contact avec les citoyens et les élus, la prévention de la délinquance et de la radicalisation, le recueil de renseignements et la réalisation de tâches administratives et judiciaires au plus près du public 51 ( * ) . Renforcer le sentiment de sécurité et démultiplier l'effort de prévention de la délinquance sont également au coeur de leurs missions. Les militaires qui les composent sont réversibles en cas d'évènement majeur.

Selon la DGGN, « trois projets de créations de BTC sont encore en cours ». Elles font partie intégrante du grand projet de police de sécurité du quotidien et de la Stratégie nationale détaillée précédemment. D'autres expérimentations ont été initiées dans le cadre des BTC, pour agir au plus près des besoins de la population. Par exemple, des « groupes et postes avancés de contact » (unités dédiées uniquement à la fonction contact, au nombre de 250), des « patrouilles de contact » disposant de moyens de déplacement innovants (scooter, vélo électrique, etc.), des « relais territoriaux de prévention et de contact » ou encore des « cellules de suivi et d'animation de sécurité du quotidien ».

Initialement déployées dans les zones les plus isolées, les BTC s'étendent désormais aux zones urbaines 52 ( * ) et ont su s'adapter aux rythmes et mode de vie des habitants. Mais leur mise en oeuvre a aussi fait émerger des besoins nouveaux, notamment à proximité des métropoles. À titre d'exemple, la BTC de l'Euro-métropole de Strasbourg sécurise les transports en commun (350 bus notamment), les gares et les centres commerciaux tout en assurant une présence préventive et dissuasive dans les résidences, les commerces (3 900), les entreprises (200), les associations et les marchés en période d'affluence. Elle effectue en outre des missions de pédagogie en milieu scolaire. Ses tâches de prévention sur site ont d'abord généré un effet de surprise auprès des personnes rencontrées avant de favoriser les échanges. Ces tâches de prévention permettent aux militaires de capter les signaux faibles. La BTC réalise aussi des services transfrontaliers. Les retours de la population, des acteurs publics et privés et des collectivités sont jugés « très positifs » par la DGGN. La BTC Sud Yvelines, déployée dans la commune de Bois-d'Arcy depuis novembre 2018 développe les mêmes missions en s'adaptant aux particularités, enjeux et besoins locaux. Elle a par exemple expérimenté les permanences en mairie pour renforcer son contact avec la population.

Carte de la répartition des BTC sur le territoire national

Là encore, il conviendra, dans le cadre du rapport définitif, de s'assurer auprès des élus locaux interrogés de l'efficacité réelle des BTC. Sur ce point, on constate que le contact avec les citoyens passe de plus en plus par les outils numériques. Le général Rodriguez explique d'ailleurs que « l'accompagnement numérique est aujourd'hui [...] une nécessité pour une population, certes en minorité, mais qui ne doit pas être négligée. Il permet également d'inciter les gendarmes à rester en proximité de toute la population, où qu'elle réside ».

(2) La brigade du numérique (la « BNUM ») : une montée en puissance spectaculaire, notamment face à la pandémie de Covid-19

L'accompagnement numérique est un autre projet phare développé par la gendarmerie nationale. Inaugurée en février 2018, cette brigade constitue une nouvelle offre de services en réponse aux besoins et aux attentes de nos concitoyens, dont les comportements ont changé. Tenant compte des mutations de notre société où l'hyper-connectivité a bouleversé les usages et les réflexes (relations entre individus, démarches administratives, achats en ligne, etc.), la gendarmerie nationale a amorcé un nouveau type de contact avec les usagers en déployant NEOGEND pour ses unités. Un dispositif enrichi par la création d'une brigade numérique 53 ( * ) s'inscrivant elle aussi dans la police de sécurité du quotidien. Partant du constat que de plus en plus d'usagers n'ont plus le temps de se rendre dans les unités territoriales, l'ambition de la brigade numérique est de fluidifier la relation entre les usagers et les gendarmes, à partir d'objets connectés (smartphones, tablettes et ordinateurs).

Créée à Rennes afin de répondre à toutes les demandes non urgentes de la population, la brigade numérique traite en temps normal environ 250 demandes par jour. C'est aussi le point d'entrée du portail des violences sexuelles pour la gendarmerie. Cette transformation numérique de la gendarmerie correspond à son souhait de « moderniser sa relation avec les usagers, leur rendre un meilleur service et leur permettre d'accéder à une sécurité en ligne, en tout lieu et en tout temps ». Les gendarmes de la brigade numérique 54 ( * ) complètent et démultiplient ainsi les capacités d'accueil des unités territoriales. Cette brigade est composée de 20 gendarmes. Les personnels ont été sélectionnés pour leur expérience et leurs qualifications professionnelles (correspondant sûreté, correspondant NTECH, référent recrutement...), ainsi que pour leurs compétences linguistiques. La brigade numérique pourra également être renforcée par des réservistes. Tous ont été formés à l'accueil à distance par écrans interposés. L'accent a été mis sur l'accueil des femmes victimes de violences, pour lequel les militaires de la brigade numérique ont notamment suivi une formation à laquelle ont participé l'association France Victimes et 3919-Violences femmes info. À ce titre, ils accueillent, depuis le 27 novembre 2018, les témoins ou victimes de violences conjugales, sexuelles ou sexistes qui se manifestent sur le portail des violences sexuelles ou sexistes.

Outre ces catégories d'usagers, la BNUM reçoit toutes les sollicitations des internautes en les orientant prioritairement vers les télé-services 55 ( * ) ou les sites étatiques, comme service public.fr, sur lesquels ils pourront obtenir des réponses précises à leurs questions. En complément, les gendarmes de cette brigade d'un nouveau genre sont en mesure, selon les situations, d'orienter les publics vers une prise de rendez-vous en ligne avec une brigade de gendarmerie. La DGGN insiste sur ce qu'elle considère être « une fonctionnalité novatrice destinée à moderniser la fonction d'accueil du public ». Selon elle, « la plate-forme de prise de rendez-vous en ligne permet d'améliorer la qualité du contact pour mieux orienter l'usager ». Déjà opérationnelle dans 12 groupements de gendarmerie départementale, la DGGN indique que la prise de rendez-vous en ligne devrait être étendue au niveau national au cours du mois de juillet 2020.

La BNUM a connu un pic d'activité tout particulier pendant la période de confinement, mis en place lors de la crise sanitaire de la Covid-19 du 17 mars au 11 mai 2020. La hausse exponentielle des demandes des usagers s'est traduite par une multiplication par dix des sollicitations, avec en moyenne 1 900 sollicitations quotidiennes (avec des pics journaliers à 3 700 questions posées), dont 90 % en lien avec le coronavirus. Pour faire face à la hausse de ce flux de questions, la brigade est passée de 20 militaires à une centaine 56 ( * ) . Si les questions les plus fréquemment posées ont concerné les autorisations de déplacement, et la façon de remplir les attestations de déplacement dérogatoire, la brigade a également été fortement sollicitée pour des querelles de voisinage, des signalements de non-respect des règles de confinement ou encore des messages de détresses (violences intrafamiliales, violences sexistes et sexuelles).

Si la brigade numérique n'a pas vocation à recevoir des plaintes, ses personnels, officiers de police judiciaire, sont détenteurs d'une habilitation nationale et peuvent donc, d'initiative, se saisir des faits dont ils auraient connaissance et qui constitueraient des infractions pénales pour les transmettre à l'unité de gendarmerie ou de police compétente dans le cadre du « guichet unique ». À la fin de chaque échange, l'usager peut indiquer s'il a été satisfait de l'aide qui lui a été apportée. On notera que depuis le mois de mai 2020, la brigade du numérique s'est enrichie d'un nouveau service en lien avec la plateforme « Cybermalveillance.gouv.fr » en direction des usagers professionnels. Il s'agit d'une offre de conseils interactifs dans leurs démarches, en particulier de dépôt de plainte. Ce nouveau service n'est toutefois accessible qu'aux professionnels inscrits sur la plateforme.

La délégation voit dans cette intégration réussie des nouvelles technologies une illustration de la capacité de nos forces de sécurité de repenser leur façon d'interagir avec la population. C'est l'ancrage territorial de la gendarmerie qui s'en retrouve, sur le terrain, amélioré, car les outils numériques permettent de démultiplier les capacités de réponses aux demandes de nos concitoyens. Un autre lien suscite l'intérêt des forces de sécurité intérieure, celui, incontournable qui les unit aux élus locaux.

2. Nouer des relations privilégiées avec les élus locaux en développant des dispositifs adaptés à chaque territoire

La question des relations des forces de sécurité avec les élus locaux est essentielle. De l'information passive, à l'échange d'informations, en passant par la concertation, l'association, ou encore la participation à la décision, les modalités du dialogue entre élus et forces de sécurité peuvent être très variables d'un territoire à un autre.

Éric Morvan rappelle un objectif : « Nous devons nous inscrire dans un partenariat opérationnel, voire même contractualisé entre les différents acteurs : les collectivités locales (et la commune, au premier rang), les acteurs du transport et les bailleurs. Définissons des objectifs, avec des modes opératoires clairs, des calendriers précis, des réunions récurrentes très opérationnelles en petit comité, sans oublier une procédure d'évaluation de l'efficacité des actions menées. Le succès de ce partenariat opérationnel est essentiel et nous ne pouvons nous contenter du seul partenariat institutionnel ». Un tel objectif nécessite évidemment un lien de confiance pérenne entre les forces de sécurité intérieure et les élus locaux.

Pour cela, il est possible de s'appuyer sur des outils pratiques et innovants comme le « kit » à destination des maires par exemple, ou encore les dispositifs pour associer les élus locaux à la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Il s'agit, dans les deux cas, de parfaire l'information des élus locaux qui pourront, ensuite, répondre de façon plus adaptée aux enjeux sécuritaires de leur territoire. Si la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a mis à l'épreuve le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales sur les enjeux de sécurité, les relations entre les maires et les préfets ont été particulièrement intenses durant la période de confinement, certes, mais aussi et surtout lors de la phase de déconfinement où des stratégies d'adaptation locale ont pu être mises en place 57 ( * ) .

a) L'exemple du « kit » pour les maires : une information plus précise et plus complète sur les enjeux de sécurité de leur commune

Devant la délégation, le général Rodriguez avait esquissé les grands traits de ce dispositif en cours d'élaboration. Partant du constat qu'il fallait que « le maire soit informé » lorsqu'un gendarme suspecte un individu d'être radicalisé et que le gendarme avait « tout intérêt à partager cette information », dans la mesure où « l'élu est susceptible de lui apporter de nouveaux éléments », le DGGN soulignait les avantages d'un travail partenarial avec les élus. Les règles relatives au secret professionnel n'empêchent pas les militaires de gendarmerie de nouer des relations de confiance suffisamment fortes avec les maires pour échanger et préserver la vie de nos concitoyens.

Un nouveau « kit », similaire à celui qui a été conçu pour les chefs d'entreprise pour les accompagner dans la lutte contre les menaces auxquelles ils font face, est actuellement en préparation au sein de la gendarmerie nationale. Il doit permettre de renforcer la prise de conscience sur les risques auxquels les maires sont exposés en termes d'atteintes à la sécurité, de les accompagner dans la lutte contre ces atteintes et de faciliter la communication et l'action quotidienne des gendarmes en lien avec les mairies.

Au-delà de l'aide qu'apportera ce kit, d'autres enjeux pourraient conduire à une réflexion concertée entre les maires et les gendarmes. La vidéo-protection, par exemple, pourrait être généralisée. La gendarmerie dispose sur ce point de statistiques au niveau national. Dans environ 21 % des cas, elle permet d'élucider le délit. Elle permet aussi de résoudre de nombreuses affaires supplémentaires et de repérer des suspects ou des personnes impliquées. Dans les années à venir, l'intelligence artificielle pourra également compléter ces dispositifs. L'opportunité que représente la vidéo-protection, en lien avec les forces de sécurité de l'État, devra bien sûr être évaluée en fonction des contraintes des territoires.

Dans les relations avec la gendarmerie, la délégation estime indispensable que les commandants de compagnie puissent rendre compte des chiffres de la délinquance aux élus, en s'appuyant sur des comparaisons précises d'année en d'année. De la même façon, la possibilité pour le maire d'avoir le numéro de téléphone d'un gendarme et la généralisation du passage des patrouilles de gendarmerie au domicile des maires pourraient être encouragées.

En revanche, la délégation, suivant l'avis du général Rodriguez, n'est à ce stade pas favorable à la création d'une brigade par intercommunalité, notamment en raison des « écarts importants d'une intercommunalité à une autre ». À juste titre, il indique qu'il « ne souhaite pas dissoudre des unités supplémentaires », mais préfère « effacer, de façon très relative les frontières administratives pour faciliter les interventions d'un endroit à un autre ». Au-delà de leur information, c'est la clarté des rôles de l'État et des collectivités en matière de lutte contre la délinquance et la radicalisation qui pourrait être améliorée.

b) La nécessaire coopération entre les élus et l'État en matière de lutte contre la délinquance et la radicalisation

En matière de prévention de la délinquance, les Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD 58 ( * ) ) témoignent de l'investissement des collectivités territoriales aux politiques de sécurité dans le cadre de partenariats avec l'État. Si les CLSPD ont pour objectif un partage d'information avec les élus locaux, ils ne fonctionnent qu'à la condition qu'il y règne un climat de confiance et que les réunions soient organisées régulièrement. Or des élus font encore état d'une certaine insatisfaction s'agissant en particulier du volet « prévention de la radicalisation ». L'accès aux fichés S fait l'objet de débats, car les individus concernés sont répertoriés pour des raisons variées si bien que l'inscription au fichier n'est pas suffisante pour connaître la situation de chacun. Il serait contradictoire d'exiger des élus locaux qu'ils soient des acteurs à part entière de la stratégie de prévention de la radicalisation sans partager avec eux l'information.

Comme le reconnaît lui-même Frédéric Rose, Secrétaire général du CIPDR « les élus ont certes été associés à l'élaboration de la nouvelle Stratégie nationale de prévention de la délinquance mais les CLSPD ne peuvent bien fonctionner que si ces élus et les référents y sont engagés ». Un suivi annuel de leur activité est d'ailleurs assuré. De fait, si les Conseils départementaux de prévention de la délinquance et de lutte contre la radicalisation (CDPDR) organisés par le préfet sont en perte de vitesse 59 ( * ) car trop éloignés du local, le nombre de CLSPD a augmenté, lui, de 20 %. Le CIPDR indique par ailleurs que les missions locales sont, elles aussi, « identifiées comme des partenaires majeurs de la stratégie de prévention à l'égard des jeunes grâce à l'insertion professionnelle ». Le fonds interministériel de prévention de la délinquance contribue d'ailleurs à leur financement, notamment à travers la prise en charge des 70 « conseillers référents justice ».

Sur le terrain, la nécessité de repenser de façon claire la répartition des rôles de chacun des acteurs dans la lutte contre la délinquance et la radicalisation et de mettre en place un partenariat renforcé entre l'État et les collectivités s'exprime régulièrement. À ce stade, la délégation relève que la « Stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 » va dans le bon sens en distinguant bien trois niveaux dans l'architecture du dispositif :

- un niveau national chargé justement d'impulser cette réflexion sur la future relation entre l'État et les collectivités. L'impulsion nationale relèverait plus précisément du ministère de l'Intérieur, qui gère, notamment au sein de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), la plateforme nationale de signalement, ainsi que du Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) ;

- une déclinaison déconcentrée au niveau des départements : le préfet serait le pivot de la prévention au niveau départemental et serait assisté de cellules de détection et de prise en charge. Sur ce point, la délégation estime que les collectivités territoriales doivent impérativement être associées à ces cellules, notamment en ce qui concerne la prise en charge et le suivi social et psychologique des individus les moins radicalisés ;

- enfin, une déclinaison au niveau local : le maire est un acteur de terrain qui doit prendre toutes ses responsabilités dans l'animation de la politique de prévention de la délinquance. Il est, à ce titre, chargé de la prévention locale de la radicalisation. La mobilisation sur le sujet des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance pourrait ainsi être l'occasion de les revigorer et de les adapter.

La Stratégie nationale met également l'accent sur la prévention de la radicalisation en l'identifiant comme un domaine privilégié pour l'intercommunalité, laquelle peut, si les moyens nécessaires lui sont donnés, y jouer un rôle efficace. Cela favoriserait notamment une certaine « prise de distance » du maire et des équipes municipales à l'égard de problèmes qui peuvent être localement très sensibles. Confier un rôle plus important aux EPCI permettrait par exemple de mutualiser les moyens disponibles, de prendre en compte le fait que la radicalisation déborde souvent le cadre communal et, surtout, de répondre à la difficulté à laquelle se heurtent les préfets pour associer un nombre parfois excessif de communes à la cellule de suivi.

Une coopération plus efficace implique également un meilleur partage de l'information. À cet égard, l'effort d'information en direction des élus et, parmi eux, des maires, mérite d'être renforcé. Le SG-CIPDR a, sur ce point, reconnu « un effort d'information réalisé auprès des élus », mais beaucoup reste encore à faire, comme le font remarquer bon nombre d'élus locaux. L'État doit en particulier assurer la réciprocité des informations nécessaires à l'accomplissement des missions des collectivités car les élus regrettent fréquemment que le flux d'informations soit à sens unique, en direction de l'État. Il convient de répondre en particulier à trois besoins des élus locaux :

- d'abord, ils souhaitent que l'appréciation de la situation globale de la radicalisation sur leur territoire soit facilitée ;

- ensuite, ils demandent que la prévention des situations à risque dans leurs domaines de responsabilité soit favorisée, ce qui implique en particulier de sécuriser les recrutements locaux, mais ce qui n'exige pas nécessairement la communication des « fiches S ». Sur ce point, le SG-CIPDR indique que « le maire peut être prévenu des cas les plus sensibles, dès lors qu'il a signé, avec le préfet et le procureur, une charte de confidentialité ». Il précise qu'à ce jour, « 154 chartes ont été signées impliquant 258 communes dont, récemment, la ville de Paris ». Selon lui « la relation de confiance entre le préfet et les élus constitue également un élément nécessaire du partage d'informations ». Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), encore mal connu, est accessible aux maires par l'intermédiaire des préfectures. Il ne répond cependant pas totalement aux besoins, car il ne contient que les noms d'individus ayant fait l'objet d'une condamnation ou d'une décision judiciaires et ne concerne pas toutes les infractions en lien avec le terrorisme. De surcroît, la délégation estime qu'il est possible de capitaliser sur les acquis en étendant, à la prévention de la radicalisation, les méthodes de partage d'informations nominatives qui existent dans le champ de la prévention de la délinquance. Par exemple s'agissant du criblage des profils au profit des collectivités, pour leur permettre, lors d'un recrutement, de demander un avis à l'administration préfectorale.

- enfin, la transmission, en temps utile, par les services de l'État, des informations nécessaires pour gérer l'émotion locale après un évènement en lien avec le terrorisme ou la radicalisation, permettrait de répondre à une attente légitime des maires. Ils sont, en effet, en première ligne, et mieux les informer permettrait de leur donner les moyens de communiquer rapidement auprès de leurs administrés.

Dans le même esprit, les services de l'État pourraient soutenir concrètement les collectivités sur le terrain en les accompagnant face aux pressions communautaristes, par exemple s'agissant des demandes de construction de lieux de culte et des revendications d'associations loi 1901.

Les montants alloués à la lutte contre la radicalisation ont certes augmenté, atteignant 47,5 millions d'euros en 2017, mais l'augmentation des crédits consacrés au volet prévention proprement dit n'est pas proportionnelle à celle des crédits consacrés à la lutte contre le terrorisme et la radicalisation en général. Le CIPDR indique qu'il souhaite « désormais concentrer les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sur les actions qui se situent à la croisée de la prévention de la délinquance et de la prévention de la radicalisation ». La délégation juge que la pérennisation du cofinancement des actions anti-radicalisation par le FIPD, au moins à moyen terme, est indispensable pour permettre aux collectivités de mener à bien leurs actions, dans un contexte marqué par de fortes contraintes budgétaires.

La délégation prend bonne note de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 13 novembre 2018 60 ( * ) qui structure mieux le cadre des échanges entre les préfets et les élus locaux en matière de lutte contre la menace terroriste et l'islamisme sur leur territoire.

Les élus locaux sont ainsi associés aux Cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles 61 ( * ) (CPRAF). Le rôle des groupes d'évaluation départementaux (GED) qui, eux, se concentrent sur les personnes déjà radicalisées est également réaffirmé.

Elle se félicite également qu'en novembre 2019, le ministère de l'Intérieur ait étendu à l'ensemble du territoire national, le dispositif de lutte contre la radicalisation expérimenté dans 15 quartiers, reposant sur le déploiement d'une Cellule de lutte contre l'islam radical et le repli communautaire (CLIR). Selon les informations recueillies auprès du ministère, « à ce jour, 83 départements ont installé une CLIR ». Le panel des instances participatives aux CLIR est très élargi 62 ( * ) , ce qui permet de disposer, selon le CIPDR « face aux situations rencontrées, des différentes ressources territoriales et compétences mobilisables ». Cette représentativité permet « d'avoir une approche globale à 360 degrés, cohérente et coordonnée. Cette démarche permet également d'articuler intelligemment les volets "entrave" et "retour républicain" (mesures d'accompagnement) ». Le ministère de l'Intérieur souligne : « La participation des élus et des collectivités territoriales est systématiquement recherchée, lorsque les thématiques abordées et la communication des dossiers d'objectifs identifiés le permettent ».

Le champ scolaire est un domaine qui mérite particulièrement l'attention des pouvoirs publics et ne doit pas être négligé. À cet égard, la loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, que nous devons à notre collègue Françoise Gatel, a permis des avancées très concrètes sur le terrain. Unanimement saluée, elle permet de s'opposer plus facilement à l'ouverture d'une école. Elle a également permis la création des CPRAF scolaires restreintes qui réunissent en leur sein le préfet, le procureur de la République, le directeur académique des services de l'Éducation nationale et les élus pour travailler sur les établissements hors contrat et les cas de déscolarisation. Cette instance récente permet ainsi de croiser les informations de chacun pour mettre en lumière certaines situations.

Enfin, la délégation estime nécessaire à ce stade d'envisager de consolider les dispositifs de formation à destination des élus locaux. De nombreuses actions de formation sont d'ores et déjà, et depuis plusieurs années, proposées par les associations d'élus, les préfets et le ministère de l'Intérieur. En 2019, 34 sessions ont ainsi été organisées à destination de 3 000 élus. Évidemment, compte tenu de la menace terroriste, désormais diffuse dans les territoires, l'accent doit être mis sur les formations aux enjeux de la radicalisation. À cet égard, la délégation prend bonne note de la mesure n° 22 du « Plan national de prévention de la radicalisation », qui prévoit de structurer un dispositif de formation spécifique à destination des élus locaux.

La mise en oeuvre de cet objectif s'est déjà traduite par l'ouverture aux élus des formations organisées par le SG-CIPDR au niveau national ou par les préfectures au niveau déconcentré :

- au niveau national, des formations de 2 jours (4 à 5 sessions par an) qui s'articulent autour de 8 interventions sur les thématiques suivantes : « concepts clés de l'Islam, géopolitique de la mouvance djihadiste, processus de radicalisation, état de la menace et enjeux en matière de radicalisation et de terrorisme, réponse publique en matière de prévention de la radicalisation, prise en charge des personnes radicalisées et des familles, prévention de la radicalisation en milieu pénitentiaire, prise en charge des mineurs de retour de zones de conflits ». Depuis 2014, 35 sessions de formation ont été organisées au plan national avec 3 360 personnes formées. Parmi elles, de nombreux agents territoriaux et élus ont été formés dans les conseils départementaux (238) et dans les communes (219).

- au niveau local, des actions de formation et de sensibilisation sur la prévention de la radicalisation ont également été menées par les préfets en direction des élus et agents territoriaux. Le ministère de l'Intérieur indique que « depuis 2014, plusieurs milliers d'élus et d'agents ont pu bénéficier d'une centaine d'actions de sensibilisation et de formation ».

La mise en oeuvre de cet objectif a également conduit à la mise en place d'un « groupe de travail » avec les associations d'élus (AMF, France Urbaine, association des maires des communes rurales...) créé justement pour renforcer la concertation avec les élus locaux, ce dont se félicite la délégation.

Enfin, la délégation prend bonne note du kit pédagogique, en cours de finalisation, sur la formation « prévention de la radicalisation » à destination des acteurs des Cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF).

Il convient de mentionner l'association, à ces initiatives, d'organismes publics et privés de formation. Le CIPDR associe, par exemple, le Centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT) qui a mis en place des modules de formation à la prévention de la radicalisation 63 ( * ) à destination des agents de la fonction publique territoriale. Le CIPDR a également noué un partenariat avec l'Institut pour la formation des élus territoriaux (IFET), la Gendarmerie nationale et la société APAVE pour la mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et de formation sur la prévention de la radicalisation à destination d'acteurs publics et territoriaux.

La délégation tentera, à la fin de l'année 2020, d'obtenir des services de l'État un premier bilan de ces actions afin de savoir si, dans le cadre de la nouvelle mandature municipale qui vient de s'ouvrir, des correctifs devraient être apportés à l'ensemble de ces dispositifs.


* 43 Géré par une entreprise privée, il fédérerait, selon Virginie Malochet et Fréderic Ocqueteau, environ 200 000 foyers en France.

* 44 À l'image de celle déployée par la gendarmerie nationale baptisée « Participation citoyenne », qui reprend de façon plus institutionnelle l'esprit du dispositif « Voisins vigilants ».

* 45 Par exemple, dans les communes de Blainville-sur-Orne, de Démouville, de Saint-Contest, et d'Hubert-Folie où les citoyens sont engagés dans des actions partenariales avec la police et la gendarmerie afin de lutter contre les phénomènes de délinquance multiformes : atteintes aux biens (vols, cambriolages), incivilités, escroqueries, etc.

* 46 En 2018, 15 quartiers ont été installés et 326 effectifs y ont été affectés. La mise en place de 32 quartiers de reconquête républicaine avait été annoncée pour 2019, le double de ce qui était prévu initialement. Les quartiers de reconquête républicaine de Nantes et Nîmes ont par exemple déjà reçu leurs effectifs supplémentaires (Nantes : 20 ; Nîmes : 25). Le quartier de reconquête républicaine de Maubeuge a reçu une partie des effectifs qui lui sont dédiés dès mars 2019. Entre juin et septembre 2019, une première vague massive de renforts a eu lieu et 12 quartiers de reconquête républicaine ont vu l'arrivée de 238 nouveaux effectifs. Les 18 quartiers non encore pourvus ont commencé à recevoir leurs effectifs à partir de septembre dernier.

* 47 Jean-Marie Salanova, directeur central de la sécurité publique, lors de l'audition d'Éric Morvan, le 14 novembre 2019.

* 48 Définie par le président de la République lors de la campagne présidentielle, à l'occasion de son discours du Mans du 11 octobre 2016, comme une « société qui assume que l'État n'est plus l'unique acteur de la sécurité » et où chacune et chacun devient « acteur de notre sécurité ».

* 49 8 commandants de groupement avaient adopté ce dispositif au 28 novembre 2019 (jour de l'audition) et les autres commandants de groupement ont été incités par la DGGN à le tester.

* 50 Le projet concernait initialement 30 unités réparties sur tout le territoire. En juin 2019, le dispositif a été porté à 42 BTC, armées de 149 militaires.

* 51 Notamment grâce au développement des outils numériques, à l'instar des terminaux NEOGEND.

* 52 Il en va ainsi de celle de l'Euro-métropole de Strasbourg, qui couvre un territoire péri urbanisé de 90 000 habitants et 26 des 33 communes de la métropole strasbourgeoise.

* 53 En deux ans, depuis sa création, la BNUM a réalisé près de 250 000 interactions avec la population.

* 54 Celle-ci fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Sans traiter les urgences qui restent de la compétence des plateformes des services idoines (17, 18, 15 et 112), elle est pleinement disponible pour le citoyen, qui peut ainsi contacter la gendarmerie avec l'interface de son choix (réseaux sociaux, dialogue en ligne ou formulaire de contact à remplir). Concrètement, un opérateur de la gendarmerie évalue la demande et propose soit une assistance en ligne, soit un rendez-vous avec un gendarme dans le lieu de son choix. En complément, l'usager peut accéder à un centre d'aide (une « foire aux questions ») qui lui permet de trouver en autonomie des réponses à des questions d'ordre général.

* 55 OTV, télé-points, pré-plainte en ligne, PHAROS, PERCEVAL, THESEE, etc.

* 56 Ainsi, des cadres des écoles de gendarmerie de Châteaulin (Finistère) et de Chaumont (Haute-Marne), dont les établissements ont été fermés, ont intégré la brigade en travaillant à distance, tout comme des gendarmes de l'état-major et des réservistes.

* 57 Dans une circulaire du 6 mai, le Premier ministre a ainsi demandé aux préfets et aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), de s'appuyer systématiquement sur les élus locaux. Le ministère de l'Intérieur a créé des comités locaux de levée du confinement pouvant réunir État, collectivités territoriales, acteurs économiques et sociaux.

* 58 Obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants ou comportant un quartier prioritaire de la politique de la ville, ils sont présidés par les maires ou les présidents d'intercommunalité et donnent lieu à l'élaboration de contrats locaux de sécurité (CLS).

* 59 Avec seulement 39 départements impliqués en 2019.

* 60 Source : Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

* 61 Chargées de prendre en charge, d'accompagner et de suivre les individus présentant un risque de bascule, les CPRAF engagent un accompagnement de droit commun, en particulier des mineurs. Y siègent notamment des représentants du ministère de l'Intérieur, de l'Éducation nationale, du conseil départemental, de la préfecture et des élus du territoire concerné. Ces derniers sont ainsi informés des situations relevant des CPRAF.

* 62 Les services mobilisés dans les CLIR sont : la police et la gendarmerie nationales ; les services de renseignement (SDRT + SI) ; la Direction des services départementaux de l'Éducation nationale (DSEN) ; la Direction départementale des territoires (DDT) ; la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ; la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) ; la Direction départementale des finances publiques (DDFP) ; la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; les services des Douanes ; l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ; Pôle emploi ; ainsi que les procureurs de la République. D'autres ressources extérieures, hors champ étatiques sont également mobilisées, comme les associations de prévention de la délinquance, les associations de la prévention spécialisée, les acteurs du travail socio-éducatif auprès des jeunes et des familles, les centres sociaux et socio-culturels, les bailleurs sociaux, ou encore les opérateurs de transport.

* 63 Parmi ces formations, on peut relever : l'agent de police municipale confronté aux phénomènes de radicalisation (1 jour) ; la prévention de la radicalisation dans le sport (2,5 jours) ; la prévention de la radicalisation : principes et outils dans le cadre des CLSPD (2 jours) ; prévenir la radicalisation violente : compréhension, analyse et intervention (2 jours) ; prévenir la radicalisation violente : rôle et positionnement des acteurs sociaux (6 jours) ; prévenir les risques de radicalisation (3 jours).

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