LES FORCES DE LA SÉCURITÉ CIVILE
La mission de suivi sur les mesures liées à l'épidémie de covid-19 mise en place par la commission a souhaité porter son attention sur la contribution de la sécurité civile à la gestion de la crise. Les travaux menés par les deux rapporteurs de la commission des lois, Patrick Kanner et Loïc Hervé, ont porté sur l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, acteurs de premier plan dans la gestion des crises de toute nature.
À ce titre, la méthodologie mise en oeuvre s'est inscrite dans la continuité de celle mise en place pour le récent rapport de la commission des lois portant sur la sécurité des sapeurs-pompiers 124 ( * ) . Les rapporteurs ont ainsi pris attache avec les acteurs institutionnels habituels tels que la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), l'Assemblée des départements de France (ADF) ainsi que les syndicats représentatifs de la sécurité civile. Mais ils ont également tenu à directement se rapprocher des acteurs de terrain au premier rang desquels la Fédération Nationale agréée de Sécurité Civile, le Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ainsi que l'ensemble des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), par l'intermédiaire du président de leur conseil d'administration.
Les rapporteurs se félicitent du nombre et de la qualité des retours de ces nombreux acteurs dont le concours a nourri le présent rapport. Ses conclusions convergent avec les constatations formulées par la plupart de ces acteurs, dont la FNSPF.
I. LES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE ONT SU TENIR UN RÔLE DÉCISIF DANS LA GESTION DE LA CRISE
A. LES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE ONT INITIALEMENT REÇU UNE PLACE MINEURE DANS LA RÉPONSE À LA CRISE ALORS QUE CETTE MISSION EST DANS LEUR ADN
1. La faible place initialement accordée aux acteurs de la sécurité civile dans la gestion de la crise sanitaire
L'architecture du mécanisme de lutte mis en place par l'État contre l'épidémie a été essentiellement centrée autour du ministère de la santé et ses services, la sécurité civile n'étant conçue que comme un renfort ponctuel . Ce choix a été perçu comme un signe d'exclusion pour le monde de la sécurité civile, comme le relève certains syndicats : « Dans leur immense majorité, les sapeurs-pompiers se sont sentis écartés de la gestion de cette crise , ignorés dans leurs actions, y compris par le Président de la République. Forcément quand le ministère de la santé est le ministère dit « menant », les services dits « concourants » sont exclus des points presse » 125 ( * ) .
De nombreux témoignages concordants sont remontés des SDIS interrogés par les rapporteurs de la commission des lois. L'un d'entre eux indiquait que, « sentiment peu commun pour les sapeurs-pompiers qui sont des acteurs rodés des situations d'exception, l'impression de ne pas avoir été véritablement partie prenante de la gestion de la crise est sensible dans les rangs. Localement, le lien était distant avec l'ARS, et ce ressenti de terrain trouve son illustration au plan national » .
Cette organisation a d'autant moins été comprise par les acteurs de la sécurité civile qu'une circulaire du premier ministre de 2012 place le ministère de l'intérieur en première ligne dans la gestion des crises majeures. Il est ainsi chargé de « s'assurer de la transposition et de l'application au niveau déconcentré des plans gouvernementaux » 126 ( * ) . Le dernier plan national de prévention et de lutte « pandémie grippale » de 2011 suivait la même logique. Il précise, par exemple, que « les règles de conduite territoriale de la crise sont précisées dans le guide de déclinaison territoriale du plan « Pandémie grippale », élaboré sous l'égide du ministère de l'intérieur » 127 ( * ) .
La prise en compte de l'action des acteurs de la sécurité civile par l'exécutif a donc été progressive, au fur et à mesure que leur action de terrain devenait évidente. D'abord absents du discours du Président de la République du 25 mars à Mulhouse, les sapeurs-pompiers ont été reconnus comme « acteurs de la seconde ligne » lors de la conférence de presse du Premier ministre du 28 mars, avant d'être enfin reconnus comme des acteurs de première ligne dans l'adresse du chef de l'État aux Français du 13 avril.
Si le ministère de l'intérieur n'a pas été au centre du dispositif gouvernemental, force est tout de même de constater que les moyens nationaux de la sécurité civile ont occupé une place significative dans la gestion de la crise.
Engagement des moyens nationaux de la
sécurité civile
Pour les moyens aériens, les équipages des hélicoptères de la sécurité civile ont contribué à 241 missions, au 29 avril, de prise en charge et de transferts interhospitaliers de patients COVID-19, alors que les avions ont permis le transport de personnels hospitaliers et le transfert de matériels sur le territoire national. Les services en charge de la maintenance en condition opérationnelle des aéronefs (centre de maintenance des hélicoptères et titulaire du marché de maintenance des avions), ont assuré l'appui des équipages depuis la base de la sécurité civile installée sur la plateforme aéroportuaire de Nîmes-Garons. De plus, deux équipages de la base de Quimper et des personnels techniques ont également été projetés aux Antilles avec un hélicoptère transporté sur le bâtiment de la Marine nationale Dixmude, envoyé aux Antilles mi-avril. Les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) ont été mobilisées, dès le début de la crise, fin janvier, pour participer aux rapatriements sanitaires depuis Wuhan et pour assurer la gestion et le fonctionnement des sites de confinement dans le sud de la France et en Normandie. Des militaires de la sécurité civile sont mobilisés pour renforcer le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), la cellule interministérielle de crise et les centres opérationnels zonaux. Ils sont notamment présents aux Antilles, à La Réunion et à Mayotte, sous la forme de missions d'appui en situation de crise (MASC) auprès des préfets des zones de défense et de sécurité des Antilles et de l'Océan indien. Ponctuellement, des sapeurs-sauveteurs des unités militaires de la sécurité civile renforcent également localement différentes infrastructures de santé (CH, EHPAD) ainsi que les ARS de proximité de leurs casernements, par des actions de désinfection, de mise en place de matériel, de tri symptomatique des patients et de transport de personnel médical. Les établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL Nord et Sud) sont sollicités notamment pour le déploiement de matériels et équipements de la réserve nationale, notamment de modules de stockage de corps déployés à l'institut médico-légal de Paris. Enfin, les démineurs ont été sollicités pour des interventions chez les particuliers qui, du fait du confinement, ont mis à jour la présence, à leur domicile (habitation ou jardin) de munitions anciennes à l'occasion de rangements ou travaux divers. Source : contribution de la DGSCGC |
2. La réponse aux crises est pourtant dans l'ADN des acteurs de la sécurité civile qui détiennent les compétences opérationnelles nécessaires
Qu'il s'agisse des services de l'État, des SDIS ou des associations agréées de sécurité civile, les acteurs de la sécurité civile ont pour identité commune de répondre aux crises , notamment sanitaires. Comme le rappelle la FNSPF, « les sapeurs-pompiers sont rompus, en conduite opérationnelle, à adapter leurs dispositifs et leurs idées de manoeuvre, fruits de l'anticipation produite, voire de la planification. Cela fait partie de l'ADN de notre corps » 128 ( * ) . Ce constat est partagé par le syndicat Avenir-Secours : « Nouveaux risques ? Absolument pas après l'expérience H1N1, fièvre aphteuse.... Tous les SDIS [...] disposent depuis les années 1990 d'une équipe spécialisée en risque Nucléaire, Radiologique, Bactériologique, et Chimique (NRBCE) que l'État ne finance plus depuis dix ans. Le traitement de ce type de risque particulier n'est pas une nouveauté en soi » 129 ( * ) .
La réponse aux crises est d'ailleurs implicitement reconnue dans la définition des compétences des SDIS . Ainsi, l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « Dans le cadre de leurs compétences, [les SDIS] exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation » .
Pour preuve, les acteurs étaient prêts. Ainsi la BSPP précise que, face à la covid-19, « pour l'heure, aucune procédure nouvelle n'a été mise en place pendant la crise (seule la gradation de la conduite à tenir face au risque a fait l'objet d'évolution) » 130 ( * ) . Bien qu'il reconnaisse l'ampleur inédite de la crise, le SDIS du Doubs corrobore ce constat : « Les sapeurs-pompiers interviennent assez régulièrement pour des missions d'assistance à des victimes atteintes de pathologies infectieuses : galle, méningite... Aussi sont-ils formés et aguerris à suivre des procédures strictes et à mettre en oeuvre les kits infectieux adaptés » 131 ( * ) .
* 124 Violences contre les sapeurs-pompiers : 18 propositions pour que cesse l'inacceptable, Rapport d'information de Mme Catherine Troendlé, MM. Patrick Kanner et Loïc Hervé, fait au nom de la commission des lois déposé le 11 décembre 2019.
* 125 Contribution du Syndicat Avenir-Secours.
* 126 2/ du I de la circulaire du premier ministre du 2 janvier 2012, n° 5567/SG.
* 127 B/ du 3.1. du document de présentation du plan national disponible à l'adresse suivante (page 14) : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/risques/pdf/plan_pandemie_grippale_2011.pdf
* 128 Contribution écrite de la FNSPF.
* 129 Contribution du syndicat Avenir-secours.
* 130 Lettre du commandant de la BSPP aux rapporteurs en date du 21 avril 2020.
* 131 Contribution du SDIS du Doubs.