C. L'ADAPTATION DU CADRE LÉGAL ET RÉGLEMENTAIRE AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER
La loi d'urgence du 23 mars 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire, pour une durée de deux mois, sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie.
Pour l'application de l'état d'urgence sanitaire sur le territoire de ces dernières, l'article 3 de la loi habilitait le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance « les mesures d'adaptation destinées à adapter le dispositif de l'état d'urgence sanitaire dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, dans le respect des compétences de ces collectivités ».
C'est l'objet de l'ordonnance n° 2020-463 du 22 avril 2020 adaptant l'état d'urgence sanitaire à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna , qui est composée de trois articles.
Son article 1 er prévoit les conditions d'application du régime de l'état d'urgence sanitaire dans les îles Wallis-et-Futuna . Il procède, outre à un ajustement lexical pour tenir compte des spécificités organisationnelles de la collectivité, à deux adaptations de fond.
Il élargit, en premier lieu, la compétence de l'administrateur supérieur par rapport à celle du préfet de département, en l'autorisant à prendre des mesures réglementant les commerces de plein-air, après avis du directeur général de l'agence de santé. Si elle ne soulève pas de difficulté sur le fond, cette disposition ne paraît pas relever du domaine de la loi et aurait pu, de l'avis de la commission, être prévue par voie réglementaire, à l'instar du pouvoir donné aux préfets de département de réglementer les marchés.
En second lieu, l'article 1 er rend inapplicables, dans les îles Wallis-et-Futuna, les dispositions de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique habilitant les agents de police municipale et les gardes-champêtres à constater les infractions aux mesures prescrites dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
L' article 2 de l'ordonnance adapte le cadre légal de l'état d'urgence sanitaire à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie .
Il précise notamment les conditions dans lesquelles le Premier ministre et le ministre de la santé peuvent habiliter le haut-commissaire à adapter les mesures prescrites au niveau national en fonction des circonstances locales, à prendre les mesures générales ou individuelles d'application des mesures nationales ou à décider lui-même de certaines mesures lorsque leur champ d'application est circonscrit au territoire de la collectivité.
L'intervention du haut-commissaire est conditionnée au respect du partage de compétences entre l'État et la collectivité concernée et à la consultation préalable du gouvernement de cette dernière . Cette rédaction donne satisfaction aux réserves formulées par l'assemblée de Polynésie française 18 ( * ) qui, dans son avis sur l'ordonnance, appelait à « veiller à la stricte répartition des compétences concernant les dispositions que pourrait prendre le haut-commissaire », les mesures relatives à la santé publique relevant des compétences du Pays.
Il n'a, en revanche, pas été donné suite au souhait de cette même assemblée de prévoir, préalablement à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, une consultation des autorités sanitaires locales en complément de la consultation du comité de scientifiques instauré par la loi.
Compte tenu de l'urgence, le Gouvernement n'a pas attendu l'adoption de cette ordonnance, intervenue tardivement en raison des délais liés à la consultation des assemblées locales, pour anticiper les adaptations nécessaires à l'application des mesures prescrites dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dans les trois collectivités concernées.
Ainsi, le décret du 23 mars 2020, dans sa version en date du 18 avril 2020, détermine non seulement les mesures applicables dans ces collectivités, mais également les prérogatives spécifiques attribuées aux représentants de l'État sur leur territoire, dont le cadre légal de mise en oeuvre est, de fait, précisé a posteriori par l'ordonnance.
Au regard de la situation sanitaire, la commission comprend la nécessité qu'il y avait, pour le Gouvernement, à prescrire en urgence les mesures nécessaires pour lutter contre la propagation de l'épidémie du covid-19, sans attendre l'issue des consultations préalables à l'adoption de l'ordonnance. Elle l'invite toutefois à s'assurer de la bonne transposition, au plan réglementaire, des règles de partage de compétence et de consultations introduites par l'ordonnance.
Mesures de l'état d'urgence sanitaire applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna
Article du décret du 23 mars 2020 |
Objet de la mesure |
Application à Wallis et Futuna |
Application en Nouvelle-Calédonie |
Application en Polynésie française |
Article 3 |
Interdiction de sortie du domicile, sous réserve de dérogations |
Applicable |
Applicable |
|
Compétence du représentant
|
Applicable |
Applicable |
||
Article 4 |
Restrictions à la circulation
|
Applicable |
Applicable |
|
Restrictions à la circulation
|
Applicable |
Applicable, en tant qu'elles concernent les compétences exercées par l'État |
Applicable, en tant qu'elles concernent les compétences exercées par l'État |
|
Article 5 |
Interdiction, sauf dérogation,
|
Applicable |
Applicable |
Applicable |
Article 5-1 |
Compétence du représentant
|
Applicable |
Applicable |
Applicable |
Article 7 |
Limitation des rassemblements |
Applicable |
Applicable |
Applicable |
Article 8 |
Fermeture des ERP |
Applicable |
Applicable |
Applicable |
Compétence du représentant
|
Applicable |
Applicable |
||
Article 10 |
Compétence du représentant
|
Applicable |
Applicable |
Applicable |
Article 11 |
Réglementation du prix du gel hydro-alcoolique |
Applicable |
||
Article 12 |
Réquisition des masques de protection |
Applicable |
Applicable |
Applicable |
* 18 Rapport n° 20-2020 du 15 avril 2020 relatif à l'avis de l'Assemblée de la Polynésie française sur le projet d'ordonnance portant adaptation de l'état d'urgence sanitaire aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.