III. LES POINTS DE VIGILANCE
A. L'ADAPTATION DES MESURES DE CONFINEMENT À CHAQUE TERRITOIRE : UNE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES À PRÉCISER, UNE INFORMATION DU PARLEMENT À RENFORCER
Conformément aux dispositions de la loi d'urgence, il a été donné habilitation aux préfets de prendre, sur leurs territoires, au vu des circonstances locales, des mesures plus restrictives en matière de trajets et de déplacements des personnes.
Dans plusieurs départements, des arrêtés préfectoraux ont été pris, en application de ces dispositions réglementaires, notamment en vue d'imposer des couvre-feux.
La mission de suivi a également été informée de la mise en oeuvre, par certains maires, d'arrêtés municipaux restreignant la liberté de mouvement de la population par l'imposition de couvre-feux, bien que ni la loi, ni le décret, ne leur attribue cette compétence . C'est pourquoi elle juge nécessaire que le Gouvernement adresse à l'ensemble des préfets des instructions claires pour que la répartition des compétences entre les autorités détentrices du pouvoir de police dans l'adaptation locale des mesures restrictives de liberté soit clarifiée auprès de l'ensemble des maires, conformément à l'articulation des pouvoirs de police spéciale et des pouvoirs de police générale.
Par ailleurs, la mission observe qu'en dépit des prérogatives renforcées qu'il détient pour assurer le contrôle des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire, le Sénat n'a, pour l'heure, pu obtenir une information exhaustive sur ces réglementations locales. Il importe donc que le Parlement soit destinataire, sans délai, de l'ensemble des mesures d'application prises par les préfets et, le cas échéant par les maires, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, notamment lorsqu'elles imposent des restrictions plus importantes à la liberté d'aller et de venir des personnes et soit informé des contentieux ouverts devant la juridiction administrative sur l'application des mesures de restrictions aux libertés.
La mission de suivi a d'ores et déjà sollicité, par courrier en date du 30 mars, le ministre de la santé, afin que soient déterminées, dans les plus brefs délais, les modalités pratiques de cette communication.
B. UNE ATTENTION À PORTER SUR LES MODALITÉS DE CONTRÔLE DU CONFINEMENT ET L'APPLICATION DES SANCTIONS ENCOURUES
Selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur, entre le 16 mars 2020, date de mise en oeuvre des premières mesures de confinement, et le 27 mars, 4,3 millions de contrôles auraient été effectués par les forces de l'ordre et 260 000 infractions verbalisées pour violation des règles de confinement, dont 35 % avant l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire.
Bien qu'elle ne dispose, à ce jour, que de données parcellaires et manque d'informations officielles, la mission de suivi estime nécessaire, au regard des premières remontées de terrain dont elle a pu avoir connaissance, qu'une attention particulière soit portée sur les conditions d'exercice de ces contrôles .
Le renforcement conséquent, par la loi d'urgence du 23 mars, des sanctions pénales 21 ( * ) et l'élargissement de la liste des agents verbalisateurs, notamment aux agents de police municipale, appellent, de la part du Gouvernement , la diffusion d'instructions claires afin d'assurer une application juste et homogène du cadre légal . Cet effort de pédagogie doit être réalisé non seulement à destination des forces de sécurité intérieure, qui sont aujourd'hui en première ligne, mais également des maires, qui nourrissent encore de nombreuses interrogations sur les modalités de constatation des nouvelles infractions.
Il apparaît d'autant plus nécessaire de porter une vigilance accrue à l'égard des conditions d'exercice des contrôles que le Gouvernement a fait preuve d'une innovation juridique dans les modalités d'application des sanctions encourues . Par un décret du 28 mars, la procédure de l'amende forfaitaire a en effet été ouverte, pour les seules infractions commises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, aux contraventions de la 5 ème classe , qui ne pouvaient jusqu'à présent être prononcées que par le tribunal de police. Les montants de l'amende forfaitaire simple et de l'amende forfaitaire majorée ont été fixés respectivement à 200 et 450 euros.
Cette dérogation importante au droit commun de la procédure pénale est, sans aucun doute, de nature à fluidifier le prononcé des sanctions à l'encontre des personnes violant le confinement et à éviter un engorgement des tribunaux , par ailleurs soumis à un ralentissement contraint de leur activité. Elle nécessite toutefois que des consignes précises soient transmises tant par la garde des sceaux que par le ministre de l'intérieur sur les modalités de constatation de cette nouvelle catégorie d'amende forfaitaire.
Enfin, la mission de suivi estime nécessaire qu'une attention particulière soit apportée aux conditions d'emploi de nouveaux moyens technologiques, en particulier des drones, pour la réalisation des contrôles . Il s'agira, également, d'un point de vigilance pour la mission de suivi.
* 21 L'article L. 3131-36 du code de la santé publique prévoit une gradation des sanctions applicables en cas de violation des obligations prescrites par les autorités publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui s'établit de la manière suivante :
- contravention de la quatrième classe pour la première violation ;
- contravention de la cinquième classe à compter de la deuxième violation ;
- délit puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende à compter de la quatrième violation.