N° 604
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2020 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1)
sur
l'
Office national
d'
études
et de
recherches aérospatiales
(ONERA)
,
Par M. Dominique de LEGGE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel . |
L'ESSENTIEL
Les principales observations 1. L'ONERA a, selon le code de la défense, pour mission « de développer et d'orienter les recherches dans le domaine aérospatial [et] d'assurer [...] la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches , d'en favoriser la valorisation par l'industrie aérospatiale [...] ». À cet effet, l'Office dispose notamment du plus grand parc de souffleries d'Europe, dont la valeur théorique est de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, qui constitue un outil industriel stratégique pour la défense et l'industrie aéronautique européenne . 2. L'ensemble des grands programmes aéronautiques civils et militaires français comprennent de nombreux apports de l'ONERA . Son rôle est également majeur dans le domaine des missiles tactiques et stratégiques, de la dissuasion nucléaire, des drones, des lanceurs ou encore des satellites. 3. L'ONERA est placé sous la tutelle du ministre des armées . En 2015, la Cour des comptes a relevé de multiples défaillances , qui concernaient tant cette tutelle que la gouvernance interne de l'Office. Ces dernières ont aujourd'hui disparu . 4. L'activité de l'ONERA repose pour moitié sur des contrats réalisés à titre onéreux pour des clients privés ou publics et pour l'autre moitié sur des recherches plus amont financées sur subvention . En 2019, ses ressources s'élevaient ainsi à 237 millions d'euros. Elles provenaient principalement de la subvention pour charges de service public (SCSP), à hauteur de 105 millions d'euros, et des ressources propres, essentiellement tirées de l'activité contractuelle (119 millions d'euros). 5. En neutralisant les dotations affectées à la modernisation des souffleries, la subvention de l'État reste à un niveau stable. Cette situation n'est soutenable que si l'ONERA réussit sa stratégie d'augmentation des ressources contractuelles, ce qui n'est aujourd'hui que partiellement le cas . L'Office a effectivement connu une hausse importante de la production contractuelle ces dernières années, mais elle reste en deçà des objectifs fixés par son contrat d'objectifs et de performance (COP). 6. Dans une logique de rationalisation, l'ONERA a décidé d' entreprendre un regroupement de ses sites franciliens d'ici 2024 . Tant les synergies permises par ce rapprochement que les économies qu'il entrainera le rendent nécessaire. Le contexte d'incertitude actuel ne doit toutefois pas entraîner son abandon ou son retardement. 7. L'ONERA compte, en 2019, 1 722 ETPT, soit un niveau en relative baisse par rapport à 2016 (1 771), mais supérieur au plafond d'emplois fixé par le COP. Ce dépassement du plafond, couplé à l'augmentation des effectifs hors plafond depuis 2015, témoigne du caractère inadapté des règles de comptabilisation des effectifs sous plafond à l'ONERA à sa vocation industrielle et commerciale . 8. La comparaison des rémunérations entre l'ONERA et les employeurs du même domaine, tant publics que privés, met en évidence un écart réel en défaveur de l'ONERA . Afin de permettre à l'ONERA de lancer la négociation salariale nécessaire, une hausse de la SCSP par rapport au COP a été décidée pour la porter à 110 millions d'euros dès 2020. Les effets de la crise économique actuelle sur le vivier d'emploi de l'ONERA et l'évolution de la concurrence avec les autres employeurs du secteur apparaissent aujourd'hui difficiles à anticiper. Il convient toutefois de maintenir les efforts de fidélisation prévus, afin de parvenir à un une consolidation des effectifs. 9. Si l'ONERA coopère très largement avec son homologue allemand, le DLR, sa montée en puissance est susceptible de constituer une menace pour l'indépendance et la pérennité des savoir-faire français . Ce dernier met en oeuvre depuis cinq ans une stratégie de développement particulièrement offensive, le budget qu'il dédie à l'aéronautique ayant augmenté de près de 30 % depuis 2015, alors que celui de l'ONERA est resté stable. 10. Contrairement à l'ONERA, et malgré les efforts budgétaires faits par les pouvoirs publics allemands, le DLR ne maîtrise pas aujourd'hui l'ensemble du spectre de compétences nécessaire à la conception du futur avion de chasse européen, le système de combat aérien du futur (SCAF). La logique du « juste retour », couplé à la puissance financière du DLR pourraient toutefois nuire à la place que l'ONERA occupera dans ce projet et au maintien des compétences françaises dans ce domaine stratégique. 11. L'ONERA constitue le « gardien » d'un ensemble de moyens et de savoir-faire stratégiques nationaux. Si sa participation au SCAF n'était pas suffisante, la perte définitive de savoir-faire pour l'ONERA constituerait un risque majeur. La durée d'aboutissement de ce projet, de plus 20 ans, conjugué à sa rareté, rendrait irréversible cette perte de compétence et d'autonomie de la France dans de nombreux domaines (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc.). 12. Les commandes de la DGA à l'ONERA ont augmenté de 30 % depuis 2018, ce qui constitue une dynamique positive. Il serait souhaitable que le contexte actuel d'augmentation des dépenses publiques, tournées notamment vers les investissements d'avenir, entraine une augmentation des commandes militaires d'innovation, se répercutant mécaniquement sur l'ONERA . 13. Après avoir traversé une crise structurelle au début des années 2010, l'ONERA a su engager une transformation profonde à partir de 2015 pour se repositionner sur les enjeux prioritaires de l'aviation civile (+107 % de commandes dans ce domaine entre 2014 et 2018). Les efforts qu'il consacre aux recherches relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du trafic aérien (5 % du montant des travaux effectués sur SCSP en 2019) apparaissent toutefois trop faibles par rapport aux enjeux économiques et industriels en cause. L'ONERA, qui maîtrise certaines technologiques comme la propulsion à l'hydrogène, au coeur de la stratégie de soutien au secteur aéronautique présentée par le Gouvernement, doit occuper une place croissante dans ce domaine dans les années à venir. 14. L'activité spatiale compte entre 10 et 15 % de l'activité de l'ONERA. Dans ce domaine, il coopère pleinement avec le CNES, mais les flux financiers entre les deux organismes restent toutefois limités (de l'ordre de 6 millions d'euros par an depuis 2015). Des incertitudes pèsent sur la participation de l'Office à de futurs projets structurants, comme Ariane 6, risquant d'endommager la place de l'ONERA dans ce secteur. Les recommandations du rapporteur spécial Recommandation n°1 : afin de consolider l'augmentation des ressources de l'ONERA, étudier les possibilités de recourir à une hausse ciblée des tarifs des prestations contractuelles et poursuivre la stratégie d'augmentation de la part de marché mondiale de ses souffleries. Recommandation n° 2 : pour garantir la tenue de l'opération de regroupement des sites franciliens de l'ONERA à Palaiseau, sécuriser la cession des sites de Châtillon et Meudon avec les communes concernées et assurer le coût non couvert de l'opération par ces cessions par l'État. Recommandation n° 3 : afin de dégager davantage de marges de manoeuvre en matière d'augmentation des effectifs dans un contexte d'augmentation de l'activité contractuelle, flexibiliser les règles de comptabilisation des effectifs hors plafond de l'ONERA. Recommandation n° 4 : afin de garantir le maintien des compétences au sein de l'ONERA et pour lui permettre de faire face à une augmentation des commandes, poursuivre, malgré le contexte actuel de crise économique touchant le secteur, la politique de fidélisation des effectifs. Recommandation n° 5 : donner à l'ONERA des garanties et des précisions rapides sur sa participation à la mise au point du démonstrateur du SCAF. Recommandation n° 6 : dans le cadre du plan de relance, accélérer l'augmentation des dépenses prévues par la LPM en matière d'innovation. Cette augmentation de dépenses aura mécaniquement un effet positif sur le montant des prises de commandes de la DGA à l'ONERA. Recommandation n° 7 : renforcer le positionnement de l'ONERA sur les questions relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien, en mobilisant les financements du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique. |