B. LES ASSOCIATIONS PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME LE BRAS ARMÉ DE LA POLITIQUE

1. Un rôle essentiel dans les dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes

Souvent des petites structures, elles jouent un rôle essentiel dans la prévention et l'accompagnement des femmes victimes de violences , en offrant un service de conseil, d'accès à l'information et de mise à l'abri notamment.

Ainsi, les numéros d'écoute sont principalement gérés par des associations . La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) gère la ligne 39.19, le Collectif Féministe Contre le Viol (CVCF) a également une ligne directe (0800 05 95 95), comme l'association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA). De même, l'essentiel des accueils de jour sont portés par des structures associatives . De nombreuses associations (une femme un toit, l'amicale du Nid, le réseau « Solidarité femmes » etc.) constituent des lieux d'hébergement , sans parler des structures de prises en charge globale comme la Maison des femmes et Women Safe. Par ailleurs, elles jouent un rôle indispensable pour la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution, comme indiqué précédemment dans le rapport.

Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) mènent également des actions essentielles, pour les femmes victimes de violences ( cf. encadré infra ).

Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)
et des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS),
des structures indispensables, récemment réformées

Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)

Rôle en matière de lutte contre les violences

La mission des CIDFF consiste notamment à « lutter contre les violences et les préjugés sexistes » (article D. 217-1 CASF) en diffusant de l'information aux femmes et aux familles venant dans leurs permanences. Nombre de CIDFF procèdent en outre à un accompagnement en matière de lutte contre les violences soit en faisant de l'aide aux victimes , soit en étant structure « référent violences » au plan départemental, soit en disposant d'un a ccueil de jour ou en portant des lieux d'accueil, d'écoute et d'orientation (LAEO) . Quelques associations CIDFF ont même un service d'hébergement d'urgence .

Maillage territorial

Actuellement, 102 associations sont agréées CIDFF sur le territoire national, dont 2 dans les territoires ultra-marins (Guadeloupe et Polynésie française) pour un total de 1188 permanences d'informations juridique et de 290 juristes (sur 988 salariés des CIDFF) informant 23 000 individus par an (dont 73% sont des femmes). Les CIDFF ont essentiellement un ressort départemental (81 CIDFF), plus ou moins bien couvert.

Réorganisation territoriale : perspectives 2020

À la suite d'une mission relative au pilotage de la fédération nationale des CIDFF (FNCIDFF) confiée à l'Agence nouvelle des solidarités actives, un rapport a été publié en juillet 2018 qui préconisait notamment une mutualisation/externalisation des fonctions support des CIDFF en dynamisant les fédérations régionales de CIDFF , qui seraient ainsi chargées des fonctions dites de « back-office » des CIDFF (recherche de financements publics/privés, constitution des dossiers de subvention, suivi de l'activité proprement associative des CIDFF, etc.).

Dans le projet de convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens entre la DGCS-SDFE et la FNCIDFF, il a ainsi été tenu compte de ces préconisations, la FNCIDFF devant « apporter un soutien méthodologique aux FRCIDFF dans une perspective de mutualisation des fonctions support, de recherche de financements et d'assistance au montage des projets de CIDFF ».

Montant des financements publics

En application de la loi de finances pour 2020, 5,9 millions d'euros, soit 20 % de l'enveloppe du programme 137, servent à financer le réseau des CIDFF , respectivement à hauteur de 1,28 million d'euros pour la fédération nationale et de 4,62 millions d'euros pour l'ensemble des CIDFF. La DGCS-SDFE étant le principal financeur de la FNCIDFF, des CPOM ont été conclues avec l'État depuis 2001.

Les espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS)

Réforme des EICCF

Créés par la loi « Neuwirth » en 1967, les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial (EICCF) sont des services de premier accueil et d'orientation vers des acteurs spécialisés, portés par des associations . Leurs interventions sont individuelles et collectives et répondent à deux grandes missions : l'information sur les droits en matière de vie affective, relationnelle et sexuelle et l'éducation à leur appropriation, et l'accompagnement des personnes dans leur vie affective, relationnelle et sexuelle. En 2014, une étude commandée par la DGCS a fait apparaître des disparités très marquées dans la répartition territoriale des établissements soutenus financièrement, sans rapport avec la couverture des besoins avérés ou potentiels des territoires. Une réforme a ainsi été menée par la DGCS, en consultation avec les têtes de réseaux des établissements concernés et a abouti au décret du 7 mars 2018 et à l'instruction relative du 23 août 2018.

Cette réforme globale des EICCF a permis une meilleure visibilité des structures, une actualisation de leurs missions , une clarification du régime d'octroi des subventions via des conventions pluriannuelles contractées avec les EICCF agréés. Le but était également une meilleure péréquation territoriale en fonction des besoins et un renforcement de la gouvernance locale et nationale , notamment au travers de la délivrance par le préfet d'un agrément pour 10 ans, en remplacement de la simple déclaration à l'ARS qui existait jusqu'à présent.

Rôle en matière de lutte contre les violences faites aux femmes :

Les missions des EICCF-EVARS ont trait à différentes politiques publiques : santé sexuelle, droits des femmes et égalité entre les femmes et les hommes, parentalité. Ces missions, dans leur ensemble contribuent à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, à déconstruire les stéréotypes et ainsi à diminuer les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. Plus particulièrement, l'information sur les droits en matière de vie affective, relationnelle et sexuelle et l'éducation à leur appropriation , ainsi que la contribution au renforcement de l'estime de soi et au respect de l'autre dans la vie affective, relationnelle et sexuelle comprend dans sa mise en oeuvre « la prévention des violences, notamment celles faites aux femmes, et des violences sexuelles » ((g) du 1° du I de l'article R. 2311-1 du code de la santé publique).

Maillage territorial

En février 2019 il y avait 109 EICCF-EVARS agréés . La répartition territoriale des EICCF-EVARS découle d'implantations historiques . La réforme de 2017/2018, en réorganisant la répartition territoriale des crédits, oblige à une réflexion régionale stratégique. Selon les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, les crédits ne sont plus alloués à l'activité mais de manière proactive pour une action globale de l'établissement EVARS présentée dans une demande de subvention et cadrée par une convention pluriannuelle signée avec l'État. Cette situation nouvelle permet ainsi de repenser le maillage territorial en développant des EICCF-EVARS dans les régions/départements jusque-là sous-dotés financièrement au regard des besoins réels.

Ces besoins ont été estimés au regard de deux critères locaux : la part des jeunes de 12 à 24 ans dans la population locale (dimension éducation à la vie relationnelle des jeunes) et le nombre de nouvelles affaires soumises aux JAF des juridictions locales (dimension difficultés familiales). Cette péréquation financière est lissée sur dix ans afin que les régions puissent développer des stratégies territoriales ne mettant pas en difficulté les associations.

Montant des financements publics

En matière budgétaire, les crédits dédiés aux EICCF ont été transférés à compter de 2018 du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » au programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Les crédits sont désormais délégués, sous l'autorité du préfet de région, à la direction régionale aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes (DRDFE).

La plupart des EICCF-EVARS ont désormais signé une convention pluriannuelle de financements ; une analyse permettant un état des lieux actualisé est en cours par le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes.

En 2018, 2 544 875 euros ont été délégués au titre des EICCF ainsi qu'à titre exceptionnel une enveloppe supplémentaire de 100 000 euros afin de mieux accompagner le déploiement de la réforme. En 2019, le même montant a été délégués au titre des EICCF ainsi que des crédits complémentaires de fin de gestion à destination des EVARS gérés par le Planning familial qui ont pu être impactés négativement par la réforme. Les enveloppes régionales complémentaires ont été calculées à partir des informations issues de l'enquête menée auprès du réseau (données août-septembre 2019). Ont ainsi reçu des crédits les départements suivants : Aura (Ardèche, Cantal, Drôme, Haute-Loire, Loire et Puy-de-Dôme. L'EICCF du Rhône a déjà bénéficié d'un complément de financement), l'Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine et Seine-St-Denis), Nouvelle Aquitaine (Lot et Garonne et Gironde), Occitanie (Haute Pyrénées et Pyrénées orientales), PACA (Bouches du Rhône et Vaucluse), Pays-de-la-Loire (Loire-Atlantique et Maine-et-Loire).

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux (Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes)

2. Le bénévolat, une ressource précieuse et indispensable

Le bénévolat est la règle dans la majorité des structures associatives oeuvrant pour le droit des femmes et la lutte contre les violences, en raison notamment d'un manque de moyens financiers pour recruter . Seules les structures d'hébergement ou d'accompagnement juridiques comptent un fort taux de personnes salariées.

Si le bénévolat est une ressource précieuse, les structures rencontrent parfois des difficultés à recruter des personnes disponibles et capables de s'investir dans des actions, à la réalité parfois très difficile à vivre psychologiquement.

3. Une hausse des demandes à la suite du mouvement « me too »...

Les bilans d'activité montrent un accroissement de l'activité des associations depuis fin 2017, en lien avec le mouvement « me too ». Ce mouvement s'est amplifié pour certaines structures avec la tenue du Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Ainsi a -t-il été, en particulier :

- du 39.19 géré par la Fédération nationale solidarité femmes qui a reçu, en 2018, 66 824 appels traitables, soit une augmentation de 9,05 % des appels traitables par rapport à 2017 ; en 2019, 96 799 appels ont été reçus sur le 39.19, soit une augmentation de 44 % ;

- du numéro SOS Viols-Femmes-Informations, géré par le CFCV , qui a connu une augmentation du nombre d'appels entrants depuis 2015 (de 18 640 appels en 2015 à 52 484 en 2017, puis 40 553 appels en 2018).

Les équipes territoriales en charge des droits des femmes ont également signalé une augmentation de l'activité des dispositifs locaux d'accompagnement des femmes victimes de violences en 2018.

Le mouvement « me too » a permis une visibilité de ces associations et une libération de la parole des femmes victimes bienvenues, mais a également pu mettre en difficulté ces structures , en raison d'un manque de moyens pour satisfaire ces nouvelles demandes .

4. ...difficiles à satisfaire pour des associations déjà fragilisées

Ces associations ont ainsi été fragilisées, par cet afflux de demandes, à la suite du mouvement « me too », qui n'a pas été entièrement compensé par des ressources budgétaires correspondantes .

a) Une hausse des moyens à la suite du mouvement « me too » certes, mais inégale selon les structures
(1) Une hausse de certaines subventions...

Dans le contexte post-« me-too », une contribution complémentaire a été apportée, en 2018, aux associations, par le biais du programme 137, ce que ne peuvent que saluer les rapporteurs spéciaux. Ces hausses de subventions ont notamment bénéficié :

- à la FNSF : + 120 000 euros en 2018, intégrés de manière pérenne dans sa subvention en 2019 ; une contribution complémentaire (+270 000 euros) a été en outre accordée à la FNSF en 2019, en lien avec le Grenelle sur les violences conjugales, portant sa subvention à 1,835 million d'euros ;

- au CFCV : +100 000 euros en 2018 ;

- au Mouvement du Nid : +150 000 euros en 2018 ;

- au Planning Familial : +100 000 euros en 2018.

(2) ...qui ne suffit pas à répondre à la hausse des demandes

Seul un nombre restreint d'associations a bénéficié d'une hausse de leurs crédits, qui semble néanmoins insuffisante. Certaines associations reçues se sentent « précarisées » et débordées depuis le mouvement « me too » et le confinement qui ont donné une visibilité (bienvenue) au sujet des violences.

Interrogées par les rapporteurs spéciaux, quasiment toutes les structures leur ont fait part de besoins humains et financiers supplémentaires pour répondre à la hausse des demandes . Les besoins en personnel concernent les postes d'accueil, de téléconsultation, d'écoutantes, d'infirmières, de psychologues ou de travailleurs sociaux.

Elles doivent ainsi parfois limiter leur accueil ou activités, en dépit d'une demande croissante, puisque le manque de moyens humains ou de locaux les empêchent de développer leurs missions . Le Collectif féministe contre le Viol aurait ainsi besoin de nouveaux locaux pour recruter davantage, de l'ordre de 4 ETP d'écoutantes. Quant à l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AFVT), elle a dû fermer sa permanence téléphonique, l'année dernière, alors qu'elle était la seule association oeuvrant sur le champ des violences au travail.

b) Les associations font face à un certain nombre de difficultés
(1) Des associations qui ont souffert de la perte de la « réserve parlementaire » et de la baisse des contrats aidés...

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux (Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes)

Il ressort des auditions réalisées que les associations de lutte contre les violences faites aux femmes , à l'image du monde associatif , ont été fragilisées par la réforme des contrats aidés et la suppression de la dotation d'action parlementaire . Cette dernière correspondait certes parfois à des faibles montants, mais ils étaient non négligeables pour les associations oeuvrant dans ce domaine, dont la majorité sont de petites structures.

(2) ...mais également d'un manque de visibilité budgétaire...

Leur financement repose, pour beaucoup d'entre elles, sur des subventions annuelles, versées parfois tardivement dans l'année . Les subventions annuelles ne permettent pas de visibilité et leur versement tardif conduisent « au mieux » les associations à utiliser leur trésorerie et « au pire » mettent en péril leurs actions. Elles placent les structures dans l'incertitude qui rendent la gestion de projets et de personnels incertaine.

Des efforts sont réalisés pour généraliser la mise en oeuvre des conventions pluriannuelles (CPO), ils doivent être salués et encouragés. De nouvelles CPO sont en négociation pour 2020-2022, mais seules 9 associations sont concernées : Fédération Nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF) ; Mouvement Français du Planning familial (MFPF) ; Accompagnement - Lieux d'Accueil - Carrefour Éducatif & Social (ALC) ; Amicale du Nid ; Mouvement du Nid ; Femmes solidaires ; Groupe Femmes pour Abolition Mutilations Sexuelles et des Mariages Forcés (GAMS) ; Excisions parlons-en ; Comité contre l'esclavage moderne (CCEM). Par ailleurs, lors des auditions réalisées en mars 2020, des associations reçues n'avaient toujours pas signé de convention pour l'année en cours.

En outre, les rapporteurs spéciaux relèvent un certain flou sur les critères d'attribution des subventions et notamment des conventions pluriannuelles . La réponse de l'administration à ce sujet n'est pas pleinement satisfaisante « les CPO sont signées avec les réseaux associatifs avec lesquels le SDFE poursuit une collaboration resserrée. Le CFCV et la FNSF étant impactés par la réforme de la plateforme 39.19 qui sera mise en oeuvre en 2021, il a été décidé de procéder à une convention annuelle pour l'année en cours. Une CPO devrait leur être proposée à partir de 2021. La collaboration avec l'AVFT demandait à être éclaircie, préalablement à la signature d'une nouvelle CPO ».

(3) ...et d'une certaine « complexité administrative »

Les structures associatives sont également fragilisées par une complexité administrative , due à la multiplicité de financements, et notamment les réponses aux appels à projet.

Les associations doivent financer des salariés pour répondre aux appels à projet à défaut de consacrer cet argent à des actions de terrain, même si des tentatives de simplification bienvenues sont mises en oeuvre par l'administration. Les délégations régionales aux droits des femmes et à l'égalité sont ainsi invitées à utiliser l'outil « démarches simplifiées » 21 ( * ) pour le dépôt, l'instruction partagée et le suivi des demandes de subventions. Deux régions l'utilisent en 2020 (PACA et Bretagne). Le même outil fait actuellement l'objet d'une expérimentation en administration centrale, par le SDFE.

Ces appels à projet, par ailleurs, ne financent pas les dépenses de fonctionnement des structures , pourtant essentielles, les obligeant à puiser notamment dans leurs ressources propres ou faire appel aux dons.

c) Les associations sont incitées à développer des ressources propres, comme la formation, pour financer leurs actions

Plusieurs structures, comme une Femme un toit, ou le CFVF développent des activités de formations leur permettant de financer une partie de leurs actions.

Les formations conduites par le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) sont ainsi agréées par le ministère de l'emploi , du travail et de la cohésion sociale, ce qui lui permet de percevoir des revenus pour financer ses actions. Le CFCV a, depuis 1994, le statut d'organisme de formation au titre de la formation professionnelle pour :

- des formations dispensées chez les partenaires associatifs et institutionnels ou organisées gratuitement pour leur réseau partenaire ;

- la formation des étudiants en médecine de 4 ème année de l'Université Pierre et Marie Curie et du diplôme universitaire « violences faites aux femmes » ;

- la formation de professionnels qui sollicitent individuellement l'association pour de la formation à l'écoute dans leurs locaux.


* 21 https://www.demarches-simplifiees.fr/

Page mise à jour le

Partager cette page