II. APPROFONDIR LE PARTENARIAT FRANCO-INDIEN PAR UNE APPROCHE PRAGMATIQUE
A. DÉVELOPPER LA RELATION ÉCONOMIQUE : PRIVILÉGIER LES SECTEURS FORCE
1. Les améliorations lentes de l'accès au marché indien
a) Un accès au marché indien qui doit être facilité
Le marché indien demeure encore difficile d'accès pour le commerce comme pour les investissements. Après quarante années d'une politique économique d'obédience socialiste privilégiant le secteur public et nationalisé 90 ( * ) , le pays a libéralisé son économie à partir de 1991. La règlementation relative aux investissements (investissements directs à l'étranger (IDE) et investissements de portefeuille) a été réformée 91 ( * ) et devrait encourager la montée en puissance des investissements français, qui ont déjà quadruplé lors des dix dernières années. Néanmoins, certaines restrictions d'accès perdurent, notamment dans le secteur de la distribution 92 ( * ) et, dans une moindre mesure, dans celui des services financiers.
Au-delà des aspects réglementaires, le climat des affaires doit être amélioré, selon les informations recueillies par vos rapporteurs lors de leurs auditions. La complexité de la fiscalité et son niveau élevé 93 ( * ) , la difficulté d'accès à la propriété foncière et la difficulté de rapatrier les bénéfices ont été cités comme facteur décourageant l'investissement en Inde. Depuis 1994, une convention signée entre la France et l'Inde permet toutefois d'éviter la double imposition.
Concernant le commerce, plusieurs facteurs limitent les échanges ou l'implantation sur le marché indien : des droits de douane très élevés, mais aussi une large gamme de dispositifs réglementaires restrictifs qui s'appliquent à tout type de secteurs. On note ainsi des délais jugés excessifs pour l'obtention de licences d'importation, des normes sanitaires et phytosanitaires distinctes du cadre international, des normes techniques particulières, des délais de dédouanement des produits agricoles et alimentaires, des obligations documentaires lourdes ou encore des exigences locales spécifiques. Deux secteurs d'intérêt pour la France sont concernés par ces procédures et standards techniques dissuasifs : les produits agricoles et agro-alimentaires et les produits cosmétiques et médicaux. Ces nombreuses procédures contraignantes mériteraient un allègement afin de faciliter la relation commerciale franco-indienne. À cela s'ajoute l'évolution rapide, certains parlent d'instabilité, de la réglementation qui complique la lecture de l'environnement juridique pour les entreprises françaises.
b) Des améliorations notables
La corruption est traditionnellement présentée comme sujet de difficulté, l'Inde est d'ailleurs passée de la 78 ème à la 80 ème place dans le classement annuel de Transparency International . Les investisseurs français en Inde, conscients des obligations définies par les Lois Sapin et Sapin 2, font preuve à cet égard d'une très grande vigilance.
On note de réelles améliorations. L'Inde progresse ainsi dans le classement « Doing Business » de la Banque Mondiale 94 ( * ) et atteint la 63 ème place en 2019, soit son meilleur classement. Certaines réformes ont été mises en oeuvre, telles que la mise en place d'un guichet unique en 2016, la standardisation des procédures de dédouanement anticipé, la mise en place d'un Centre national pour la facilitation des échanges commerciaux (NTFC) en 2017 ou l'unification de la fiscalité indirecte grâce à la Taxe sur les biens et services (GST) de 2017 95 ( * ) .
Des améliorations supplémentaires sont souhaitées par les milieux d'affaires internationaux et concernent un meilleur alignement de l'environnement réglementaire indien sur les standards internationaux, notamment en matière de propriété intellectuelle, de certification, d'obligations documentaires et de certificats de conformité.
2. Des points forts français
a) Les relations économiques entre l'Union européenne et l'Inde en cours de définition
La politique commerciale des pays membres de l'Union européenne est en grande partie définie au niveau communautaire, cependant le renforcement des relations UE - Inde n'est que très progressif. Les relations diplomatiques entre l'UE et l'Inde ont pris corps à partir de 1994 par un accord de coopération, ouvrant la voie au dialogue politique et aux échanges économiques et sectoriels. Un partenariat stratégique UE-Inde a été signé en 2004. Lors du sommet de 2005, les dirigeants ont adopté le plan d'action conjoint UE-Inde aboutissant, lors du sommet de 2006, à l'adoption d'une proposition de négociation d'un accord de libre-échange (ALE). Démarrées en 2007 96 ( * ) , elles sont toujours en cours, les deux partenaires ayant en la matière des ambitions divergentes 97 ( * ) .
Depuis 2018, les discussions ont repris de façon plus constructive, sans néanmoins aboutir à la définition de positions communes. L'Inde continue d'exclure des négociations les marchés publics 98 ( * ) et les critères relatifs au développement durable 99 ( * ) . Des divergences existent également entre les deux partenaires sur la nécessité de lier ou non les négociations sur les investissements et l'accord de libre-échange, l'Inde semblant favorable à une négociation globale 100 ( * ) , tandis que la Commission européenne semble souhaiter négocier sur les investissements en premier lieu, puis sur l'accord de libre-échange en second lieu.
Malgré la reprise des contacts et la décision conjointe de mettre en place un dialogue formel sur les marchés publics, la perspective d'un accord de libre-échange ambitieux semble peu probable dans un avenir proche, le sommet UE-Inde de mars 2020 ayant été reporté en raison de la pandémie de Covid-19. Le partenariat qui lie l'Union européenne avec l'Inde relève d'autres domaines que les questions économiques et connaît là de réelles avancées 101 ( * ) .
b) Le dialogue économique franco-indien innovant
Des progrès dans le développement de la relation économique entre la France et l'Inde peuvent être observés, malgré la dénonciation par l'Inde en 2017 du traité bilatéral sur les investissements 102 ( * ) .
Les visites d'États ont permis de relancer les coopérations bilatérales dans des secteurs particuliers tels que :
- le nucléaire civil sur les plans industriel et commercial, mais aussi en matière de recherche et développement (R&D), de sûreté nucléaire et de formation ;
- l'environnement avec la signature en mars 2018, d'un accord mémorandum de coopération afin d'intensifier les échanges dans le domaine de l'environnement et du changement climatique, notamment par le biais de groupes de travail ;
- le numérique avec l'actualisation d'un mémorandum de coopération entre le ministère de l'économie et des finances en France et le ministère de l'électronique et des technologies de l'information en Inde portant sur la coopération numérique.
L'Inde a également proposé, en août 2019, la mise en place d'un mécanisme bilatéral de règlement rapide des différends, dit« fast track », afin d'accélérer et de simplifier la résolution des difficultés rencontrées par les entreprises françaises en Inde et réciproquement par les entreprises indiennes sur le marché français. Le mécanisme « fast track » doit porter sur les problèmes commerciaux et d'investissements et permettre des échanges de vues sur des sujets d'intérêt pour les opérateurs économiques. Ce mécanisme pourrait permettre de régler un certain nombre de difficultés rencontrées par les entreprises françaises en Inde.
Par ailleurs, le rôle de la commission mixte administrative, économique et commerciale franco-indienne a été réaffirmé. Elle constitue le cadre approprié pour évaluer et élaborer des moyens de promouvoir les échanges et les investissements bilatéraux, et pour accélérer la résolution des problèmes d'accès au marché, au bénéfice des opérateurs économiques. Lors de leur rencontre en juin 2019, en marge du G7 à Biarritz, les deux chefs d'État ont exprimé leur volonté de réactiver le dialogue économique et financier de haut niveau entre la France et l'Inde.
c) Une action économique renforcée par l'intervention de l'AFD
L'AFD a été autorisée en 2006 par ses tutelles à intervenir en Inde avec un mandat de préservation des biens publics mondiaux (changement climatique, sécurité énergétique,...) et un protocole d'accord opérationnel (MoU) a été signé avec le Ministère indien des Finances (DEA) le 29 septembre 2008, permettant de définir les modalités d'intervention de l'AFD à long terme dans ce pays. En 2011, le Comité d'Orientation Stratégique de l'AFD a étendu son mandat d'intervention en Inde à la promotion d'une croissance verte et solidaire.
L'AFD intervenait initialement en Inde sous forme de prêts souverains légèrement bonifiés, accompagnés ponctuellement de dons pour des actions d'assistance technique. Très rapidement néanmoins, fin 2010, l'AFD a entamé un processus de renégociation avec le DEA, visant à intervenir aux conditions de marché. Ainsi, dès 2012, l'AFD a signé un MOU révisé permettant à l'AFD d'intervenir sous formes de prêts souverains et non souverains, non bonifiés mais restant déclarables en aide publique au développement selon la définition du Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE. Depuis lors, l'AFD intervient en Inde uniquement en prêts non bonifiés.
Depuis l'ouverture de l'agence en Inde, l'AFD a engagé près de 1,9 milliard d'euros au bénéfice de plus d'une trentaine de projets et initiatives 103 ( * ) . Le total des conventions de financements signées par l'AFD atteint près de 1,6 milliard d'euros et le montant décaissé est de près de 1,1 milliard d'euros, avec une nette accélération des montants décaissés ces quatre dernières années (environ 190 millions d'euros par an en moyenne). Historiquement, les activités sont concentrées sur cinq secteurs d'intervention : le transport urbain (57 %), l'énergie verte (24 %), l'eau et l'assainissement (6 %), les Smart Cities (ou villes intelligentes 9 %) et la biodiversité (4 %).
En adéquation avec les objectifs de l'Accord de Paris, tous les projets financés par l'AFD en Inde sont porteurs de co-bénéfices climat, à travers des mesures d'atténuation et/ou d'adaptation. Pour la période 2017-2021, la stratégie de l'AFD en Inde se concentre autour de trois axes structurants définis en fonction des priorités du gouvernement indien et de ses attentes vis-à-vis de l'expérience française :
- la promotion d'un développement urbain durable avec des solutions intelligentes pour accompagner la réalisation d'infrastructures urbaines sobres en carbone (transports urbains, services publics urbains tels que l'eau et l`assainissement) et promouvoir l'innovation urbaine, notamment dans le cadre du programme Smart City ;
- une contribution à un secteur énergétique plus propre et plus efficace par le développement des énergies renouvelables et la promotion de l'efficacité énergétique, permettant de contribuer à la lutte contre le changement climatique, en cohérence avec la contribution prévue déterminée au niveau national par l'Inde lors de la COP21;
- la gestion durable des forêts, de la biodiversité et des bassins versants.
Dans ces secteurs, la France a un avantage comparatif qui favorise le développement de sa relation économique avec l'Inde dont la capacité à maintenir une croissance élevée a semblé se confirmer avant la pandémie de covid-19. C'est un pays à fort potentiel pour la France et ses entreprises, qui soumissionnent sur de nombreux projets.
Par ailleurs, les activités de l'AFD en Inde sont étroitement liées à la mobilisation de l'expertise française. Ainsi, dans le respect du principe de l'aide déliée, les activités de l'AFD en Inde permettent d'offrir une grande visibilité à l'expertise et l'offre française auprès des opérateurs et décideurs indiens, et en ciblant plus particulièrement les domaines d'excellence en matière d'innovation, au travers de la démarche suivante :
- présence sur des secteurs dans lesquels les entreprises françaises ont un réel savoir-faire et qui présentent de fortes opportunités (ex. secteur des transports publics urbains, qui représentent la moitié des engagements de l'Agence et sur lequel des entreprises comme Alstom, Thalès, Schneider Electric, Areva, CODATU, EGIS et SYTRAL ont pu se positionner) ;
- implication active de l'agence au sein des réunions du Club Smart Cities , qui regroupe aujourd'hui 78 entreprises françaises présentes sur ce secteur dynamique, pour lequel l'AFD met en oeuvre une expertise reconnue et des financements importants ;
- renforcement de la visibilité de l'offre française au travers de l'organisation d'évènements ou de rencontres régulières permettant de mettre en valeur des projets réalisés et de favoriser les échanges entre les autorités indiennes et les entreprises françaises ;
- dialogue et vigilance sur les procédures d'attribution de marchés avec mise en concurrence : l'AFD donne sa non objection aux diverses étapes de l'appel d'offres pour veiller à la transparence du processus, son équité, l'absence de fraude et corruption, pour s'assurer d'une concurrence équitable.
L'Inde est un partenaire important et exigeant, aussi bien sur les conditions financières des banques de développement que sur les volumes en jeu. Le Department of Economic Affairs (département des affaires économiques) du Ministère des Finances rappelle régulièrement à l'AFD son appétence pour des volumes d'engagement supérieurs à 300 millions de dollars par an, sur des sujets principalement urbains (mobilité, services publics, smart cities ). Cette ambition, réaffirmée à l'occasion de plusieurs visites de haut niveau, est toutefois contrainte par les capacités d'intervention de l'AFD en matière de prêts souverains (limites prudentielles) dans un contexte où les projets urbains sont majoritairement portés par des maîtrises d'ouvrages publiques d'État. Si l'AFD peut encore maintenir sur le très court terme son potentiel d'intervention, celui-ci sera rapidement affecté par l'atteinte de la limite d'exposition de l'AFD sur la signature de l'État fédéral (ratio grand risques).
Pour faire face à ce sujet, l'agence prospecte activement de possibles clients non souverains pour identifier des opérations, mais malgré la présence de nombreuses contreparties potentielles et, en dépit des efforts déployés en matière de prospection, l'offre AFD apparaît peu compétitive sur le plan tarifaire compte tenu d'un marché indien surliquide et d'une offre de financement internationale bonifiée (KfW, JICA, banques multilatérales). L'AFD a donc introduit en 2019 auprès du ministère des finances indien une révision de l'accord de coopération, encadrant ses activités en Inde, afin de pouvoir intervenir en prêt direct auprès des entreprises publiques rattachées aux États fédérés : cet aménagement permettrait d'ouvrir de nouvelles perspectives d'intervention pour l'AFD sur un secteur sur lequel les bailleurs de fonds n'interviennent pas aujourd'hui. L'aboutissement de la révision de l'accord de coopération de l'AFD est une priorité.
3. Des secteurs offrant des perspectives intéressantes à la relation économique franco-indienne
a) L'industrie pharmaceutique en devenir
L'industrie pharmaceutique est un secteur très important et en très forte expansion pour l'Inde. En 2020, elle représente 20 milliards de dollars d'exportation annuelle 104 ( * ) .
La pandémie de covid-19 pourrait avoir d'importantes répercussions sur l'industrie pharmaceutique indienne. New Delhi occupe une place déterminante dans l'approvisionnement mondial en médicaments génériques et en vaccins. L'Inde est ainsi, après la Chine, l'autre géant du médicament générique. Mais durant la pandémie, les ruptures d'approvisionnement dues au confinement de l'économie chinoise ont souligné que l'Inde dépendait à 80 % de fournisseurs chinois d'actifs chimiques. « L'Inde s'est essayée à une diplomatie du médicament. Mais elle a dû reconnaître qu'elle dépendait, elle-aussi, de la Chine » 105 ( * ) .
La question de la localisation des chaînes de production d'actifs chimiques et de médicaments fera l'objet d'arbitrages déterminants à moyen terme. Les autorités indiennes devraient en effet tenter de remédier à la dépendance vis-à-vis de la Chine. La France cherche également à réduire sa dépendance à ce secteur.
Des synergies pourraient être recherchées dans ce secteur entre laboratoires et usines indiens et français. L'expertise des laboratoires français pourrait permettre de résoudre certains problèmes de qualité 106 ( * ) auxquels est confrontée l'industrie indienne. Les industries indiennes, surtout si elles se positionnent sur le segment amont de la production des actifs chimiques, constitueraient une source de diversification des approvisionnements intéressante pour la France.
b) Les énergies renouvelables : un secteur d'investissement massif
Les énergies renouvelables sont un des secteurs qui représentent des perspectives intéressantes pour la relation commerciale franco-indienne.
L'Inde s'étant fixé des objectifs très ambitieux de développement des énergies renouvelables dans le pays (objectif de 175 GW en 2022 et de 450 GW en 2030), les entreprises françaises pourraient bénéficier des investissements massifs indiens prévus, estimés à environ 300 milliards d'euros qui auront lieu au cours de la prochaine décennie. Les bénéficiaires de ces investissements pourraient être les grands groupes français comme EDF, ENGIE, Total ou Schneider Electric, mais aussi des PME comme Technique solaire.
Au total, environ 5 GW éoliens et solaires sont opérationnels ou en cours d'installation par ces entreprises. Par exemple, la société Ciel et Terre fournira et installera la première centrale solaire flottante à Thoothukudi dans le Tamil Nadu.
La France bénéficie dans ce domaine d'un avantage comparatif en étant co-présidente avec l'Inde de l'Alliance solaire internationale, première organisation internationale dont le siège est situé en Inde et accompagnant depuis le début l'Inde dans son souhait de décarbonation de sa production d'énergie. L'investissement français dans ce secteur s'appuie également sur l'accord mémorandum de coopération en matière de développement durable signé le 10 mars 2018. Il vise à intensifier l'échange d'informations entre les ministères français et indien compétents dans le domaine de l'environnement et du changement climatique et doit permettre de promouvoir et développer les relations entre structures publiques, entre États et autorités locales et régionales ainsi qu'entre entreprises des deux pays.
Ce renforcement de la coopération prolonge les relations déjà anciennes entre la France et l'Inde dans ce domaine, et portées en particulier par l'Agence Française de Développement, présente depuis 2008 en Inde et devant engager au total 1,8 milliard d'euros dans le développement durable de l'Inde (énergies renouvelables ou efficacité énergétique ou transport urbains notamment).
c) Le développement urbain et les villes intelligentes : des opportunités à saisir
Le secteur du développement urbain représente de réelles opportunités pour les entreprises françaises et constitue aujourd'hui déjà un point d'attention de la France dans ses relations économiques avec l'Inde. L'Agence Française de Développement est fermement implantée dans le secteur, en particulier lorsque les projets incluent la dimension du développement durable.
Si l'Inde demeure fortement rurale, le pays suit une dynamique d'urbanisation ouvrant un certain nombre de perspectives. La part de la population urbaine devrait dépasser durablement 50 % à l'horizon 2050. Surtout, la croissance démographique devrait faire passer la population urbaine de 410 millions actuellement à plus de 814 millions à l'horizon 2050.
Cette tendance a mené à une prise en main de la planification urbaine par les autorités indiennes qui ont lancé plusieurs programmes dont en 2015 la « Smart Cities Mission », d'un montant de 6 milliards d'euros sur 5 ans, qui bénéficie à trois villes accompagnées par la France (sur 100 villes sélectionnées). L'AFD met en oeuvre son expertise dans les domaines du transport, du logement, de l'énergie, de l'eau et de l'assainissement par le biais de l'assistance technique (FEXTE) qu'elle pilote. Elle est, de plus, le premier bailleur de fonds de la mission (106 millions d'euros de financement pour accompagner 15 projets Smart City innovants ).
L'AFD soutient par ailleurs plusieurs projets de développement urbain :
- dans le domaine des transports durables, avec les métros de Bangalore, Kochi, Nagpur. Des études sont en cours pour réaliser un métro à Pune et améliorer la mobilité à Chandigarh en la décarbonant. L'AFD contribue également à la mise en oeuvre de l'initiative Mobilize your City en Inde à Nagpur, Ahmedabad et Kochi,
- dans le secteur de l'approvisionnement en eau à Jodhpur et Pondichéry,
- dans l'éclairage urbain,
- ainsi que dans le domaine du financement de logements verts.
L'AFD 107 ( * ) favorise la coopération institutionnelle dans le domaine du développement urbain en oeuvrant pour une meilleure connaissance du secteur indien et une meilleure implantation des entreprises françaises. Ces dernières ont d'ailleurs accru leur présence ces dernières années. Le secteur le plus actif est celui des transports urbains, avec plus de 25 entreprises françaises participant aux projets de métro. L'Inde paraît très satisfaite des résultats des entreprises françaises dans la mise en place des métros. L'expertise française est reconnue, et l'évaluation ex-post 108 ( * ) est positive sur pertinence et efficacité. En décembre 2019, l'appel d'offres relatif au métro de Surat 109 ( * ) a été remporté par une entreprise française (devançant l'offre très concurrentielle japonaise).
Les entreprises françaises ont également remporté de nombreux appels d'offres significatifs dans le secteur de la distribution et du traitement de l'eau et des contrats d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de conseil, dans le cadre de la mission Smart City notamment.
Suite à une enquête auprès d'entreprises françaises du secteur, le gouvernement français a décidé en janvier 2016 d'offrir un programme d'assistance technique, piloté par l'AFD, à trois villes indiennes : Chandigarh, Nagpur et Pondichéry. Il s'agit de mettre à disposition de ces trois villes des experts français leur permettant de se qualifier pour la mission Smart Cities et de mettre en oeuvre leur plan de développement urbain.
En juillet 2016, la France a créé un « French Smart City Club » (club des villes intelligentes françaises), qui réunit aujourd'hui 80 entreprises françaises implantées en Inde ainsi que l'Ambassade, le Service économique régional, l'AFD, Business France et la Chambre de Commerce et d'Industrie franco-indienne 110 ( * ) . Cette initiative vise à renforcer encore la présence française dans le domaine du développement urbain.
Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont entendu le souhait des acteurs économiques de développer le champ géographique de leurs projets de développement urbain. D'autres zones géographiques ont été proposées par certaines entreprises, comme l'Uttar Pradesh et l'Orissa, et les entreprises ont renouvelé leur intérêt pour des régions telles que le Rajasthan, le Madhya Pradesh et l'Andhra Pradesh.
d) Le numérique : un secteur relancé en 2018
L'Inde fait figure de leader mondial dans le domaine numérique, notamment en termes d'exportations de services informatiques. Elle constitue une plateforme mondiale d'innovation des grands groupes mondiaux, y compris français (Dassault-Systèmes, Technicolor, Atos...), et d'externalisation (Capgemini, Sopra-Steria, Michelin...). L'écosystème indien est attractif pour les entreprises françaises qui souhaitent investir ou externaliser certaines de leurs activités. Tous les grands acteurs français du numérique sont présents en Inde et emploient environ 200 000 personnes sur place. Les grands groupes ont installé des centres de R&D ou de création (c'est le cas notamment des entreprises Dassault-Systèmes, Atos, Ubisoft, Technicolor...), des centres d'externalisation des services des technologies de l'information (Michelin) et conduisent des programmes d'open innovation (Société générale, PSA).
Le pays est également attractif pour les start-ups françaises dont les échanges avec les start-ups et les grands groupes indiens se sont développés, notamment depuis la création en 2019 de la Communauté « French Tech Bangalore-Inde » qui accroît la visibilité de la France dans le domaine des nouvelles technologies.
En 2018, lors de la rencontre des chefs d'États, l'Inde et la France ont réaffirmé leur volonté d'approfondir leur coopération dans les domaines de l'intelligence artificielle, de l'informatique quantique et le supercalcul. Un accord mémorandum de coopération sur le numérique avait déjà été conclu en 2000 et avait donné lieu à des groupes de travail communs dont la dynamique s'était pourtant essoufflée à partir de 2013. La feuille de route de 2018 renouvelle ce groupe de travail franco-indien 111 ( * ) et devrait aboutir à davantage de coopération entre les start-ups indiennes et françaises, avec notamment des échanges entre incubateurs. De nouvelles opportunités se dessinent ainsi.
e) Le domaine spatial : des déclinaisons prometteuses dans le domaine de la surveillance environnementale
La coopération spatiale est un secteur stratégique pour la France et l'Inde qui ont fêté en 2014 le cinquantième anniversaire de leur coopération exemplaire dans ce domaine.
L'accord sur l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, signé le 30 septembre 2008, a élargi et précisé les domaines de coopération, en mettant notamment l'accent sur l'étude du changement climatique à l'aide de moyens spatiaux d'observation de la Terre, ou le développement de satellites de télécommunications à des fins commerciales. Cet accord a permis la mise au point des satellites Megha-Tropiques, lancé le 12 octobre 2011, et SARAL, mis en orbite le 25 février 2013.
L'accord-cadre signé en avril 2015 entre les agences spatiales française et indienne a enrichi les projets de coopération. Il a donné lieu à la mise au point d'une mission commune, à travers le satellite indien Oceansat-3 embarquant l'instrument français Argos-4 de surveillance et localisation du milieu marin notamment, qui devait être lancé au début de l'année 2020.
Toujours dans le domaine de l'observation en vue de la protection de l'environnement, la coopération franco-indienne a également conduit au développement du troisième satellite conjoint, Trishna, d'observation infrarouge thermique. Une contribution française aux prochaines missions interplanétaires de l'agence indienne est par ailleurs à l'étude, notamment vers Mars et Vénus et une nouvelle coopération dans le domaine de la technologie des lanceurs a été lancée en janvier 2017.
La vision commune ambitieuse sur l'espace agréée en mars 2018 ouvre la voie à une articulation de nos coopérations spatiale et maritime et a permis de lancer les travaux en vue d'une constellation conjointe de micro-satellites pour la surveillance maritime.
Enfin, la France soutient l'ambition de l'Inde de lancer d'ici à 2022 une mission spatiale habitée : le CNES a ainsi conclu en septembre 2018 un accord avec l'ISRO pour fournir le soutien technique nécessaire à l'entraînement et au suivi médical des astronautes indiens.
* 90 L'Inde privilégiait jusque-là une stratégie d'autarcie relative, articulée autour de la doctrine de l'industrialisation par substitution des importations et de la prépondérance du rôle de l'État dans l'économie (dont le rôle encore prééminent des entreprises publiques dans de nombreux secteurs apparaît comme l'un des héritages les plus visibles).
* 91 Le ministre des Finances indien avait annoncé le 1 er janvier 2012 une ouverture sans restriction du marché financier indien aux investisseurs étrangers ; particuliers, trusts ou fonds de pension. Ils seraient désormais autorisés à acquérir des parts de sociétés indiennes cotées en Bourse.
* 92 L'annonce de l'ouverture de la grande distribution aux étrangers en décembre 2011 (qui aurait permis l'implantation en Inde de grandes entreprises telles que Carrefour) avait provoqué la colère des petits commerçants et poussé le gouvernement à retirer son projet de loi. Les IDE ont néanmoins été autorisés à hauteur de 100 % dans les commerces de détail à marque unique (ex : Vuitton, Dior, Adidas, Ikea...) alors qu'ils étaient jusque-là plafonnés à 51%.
* 93 Le taux d'impôt sur les sociétés étrangères atteint 40 %, surtaxe en fonction de la valeur du chiffre d'affaires, taxation spéciale sur des activités spécifiques.
* 94 Le classement Doing Business de la Banque mondiale mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 190 économies.
* 95 Les taux variant d'un État à l'autre, le but de la réforme n'est que partiellement atteint.
* 96 Voir la fiche A51/13 sur les relations entre l'UE et l'Inde du 30 janvier 2013, publiée sur le site du Conseil (https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/135126.pdf).
* 97 L'Inde avait des ambitions plus modestes sur l'accord à conclure.
* 98 Il ne semble pas possible d'envisager que les marchés des États fédérés indiens soient inclus dans la négociation.
* 99 L'imposition de critères contraignante et/ou de nouvelles règles n'est pas perçue positivement par les autorités indiennes.
* 100 L'Inde semble aborder les discussions commerciales avec des positions peu négociables ; c'est le cas dans l'enceinte de l'OMC où elle défend l'autorisation d'imposer des droits de douane sur les échanges commerciaux en ligne et s'est opposée à la proposition conjointe de la Commission européenne, du Japon et des États-Unis relative au renforcement de la transparence des pratiques commerciales (sur les subventions notamment).
* 101 En effet, les deux parties s'accordent sur l'idée d'un développement responsable avec une responsabilité partagée conformément aux engagements de chacune pris dans le cadre des accords de Paris. La collaboration indo-européenne s'étend également au développement urbain avec par exemple un prêt de 500 millions d'euros pour la création d'une nouvelle ligne de métro à Bangalore. Les deux parties sont également d'accord pour créer un partenariat en matière de paix et de sécurité, avec l'adoption d'une déclaration conjointe de lutte contre le terrorisme, mais aussi la piraterie et le cyber-terrorisme.
* 102 L'Inde souhaitait renégocier un accord bilatéral ce qui n'était pas possible en raison du transfert de compétences à l'Union européenne en la matière. Voir le décret n° 2018-737 du 22 août 2018 portant publication de l'échange de notes portant dénonciation de l'accord du 2 septembre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signées à Paris le 7 avril 2016, à New Delhi le 22 novembre 2017 et à Paris le 9 février 2018.
* 103 Par le biais de crédits non bonifiés (il s'agit à 90 % d'emprunts sur le marché) déclarables en aide publique au développement car l'élément de don représente au moins 15% du crédit (avec un taux d'actualisation de 9 % ce qui satisfait les critères de l'OCDE). L'AFD vérifie le caractère délié de l'aide, vérifie que les marchés proposés répondent aux conditions de légalité et d'équité, et oriente son intervention vers des projets où la France peut apporter son expertise ou savoir-faire.
* 104 Selon Christophe Jaffrelot, dans l'émission radiophonique « La géopolitique du médicament » diffusée le 16 mai 2020 par France-Culture dans « Affaires étrangères », émission animée par Christine Ockrent : « L'Inde est, après la Chine, l'autre géant du médicament générique. Héritier du tiers-mondisme à la Nehru, le pays invoque le principe du médicament pour tous pour soutenir des investissements massifs. C'est un secteur très important qui représente 20 milliards de dollars d'exportation annuelle - nous étions à moins de 5 milliards il y a encore quelques années. ».
* 105 Ibid.
* 106 « Selon l'OMS, un médicament sur cinq commercialisé en Inde est contrefait et, dans un pays où l'industrie est très morcelée, les inspections sont difficiles à mener, d'autant que l'agence nationale de contrôle des médicaments est en sous-effectif », extrait de l'article « L'Inde joue l'avenir de son industrie pharmaceutique », par Julien Bouissou, publié le 27 juillet 2015 par le quotidien Le Monde.
* 107 Basé sur le mémorandum d'accord signé en 2012 et renouvelé lors de la visite de mars 2018.
* 108 L'AFD a mis en place un système de remontée de l'information de l'appréciation des clients.
* 109 Deuxième ville la plus peuplée du Gujarat après Ahmedabad et la neuvième ville la plus peuplée d'Inde, Surate compte environ 5 millions d'habitants.
* 110 Deux collectivités locales, Bordeaux Métropole et Centre Val-de-Loire, qui ont signé des accords de coopération décentralisée respectivement avec la ville d'Hyderabad et l'État du Tamil Nadu, participent aussi au club.
* 111 Réunissant le Ministère de l'économie et des finances en France et le Ministère de l'électronique et des technologies de l'information en Inde.