II. REPLACER LES PORTS FRANÇAIS AU CoeUR DE LA COMPÉTITION MONDIALE : LA NÉCESSITÉ D'UN PROGRAMME FÉDÉRATEUR EN 3 AXES POUR SAISIR LES OPPORTUNITÉS DE CROISSANCE
A. AXE 1 : AMÉLIORER LE PILOTAGE STRATÉGIQUE DES GPM ET AMÉLIORER L'ASSOCIATION DES ACTEURS ÉCONOMIQUES ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À LA GOUVERNANCE
1. Clarifier le pilotage stratégique des GPM
À partir de ses échanges avec les acteurs du secteur portuaire, la mission constate :
- un pilotage insuffisamment unifié de l'État sur les GPM , prenant la forme d'un manque d'objectifs clairs fixés aux directoires ;
- un manque de diversité dans les profils des directeurs de port, même si des évolutions sont positives (notamment à Bordeaux). Si certains directeurs ont développé une forte composante commerciale, telle n'est pas la règle pour l'ensemble des GPM. En outre, l'entente locale entre les acteurs de la place portuaire repose trop souvent sur la personnalité des directeurs ;
- que la politique de dividendes de l'État est mal comprise et perçue .
Elle considère dès lors qu'il est nécessaire de renforcer le pilotage des GPM par la performanc e et d'assurer à ces derniers une plus grande transparence et une prévisibilité sur la politique de dividendes de l'État.
L'idée de renforcer le pilotage stratégique des GPM dans un objectif de performance n'est pas nouvelle . En 2008, lors de l'examen du projet de loi de réforme portuaire, le rapporteur Charles Revet avait défendu l'inscription d'un contrat d'objectif et de performance (COP) dans la loi entre les GPM et l'État. L'objectif était double : préciser les modalités de mise en oeuvre des projets stratégiques et clarifier l'évolution de la part de dividendes demandés par l'État, considérant qu'il est essentiel que le port dispose d'une certaine visibilité, notamment pour ses investissements.
Sur ce sujet deux remarques s'imposent 178 ( * ) :
- d'une part, l'État n'a pas respecté la volonté du législateur puisque celui-ci avait prévu la mise en place d'un COP dans la partie législative du code des ports maritimes 179 ( * ) lors de la réforme portuaire, que le Gouvernement a ensuite supprimé lors de la codification du code des transports en 2010 180 ( * ) . L'ordonnance de codification du code des transports avait été ratifiée dans le cadre de la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, en première lecture à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement du député Yanick Paternotte ;
- après avoir rétrogradé cette disposition dans la partie réglementaire du code des transports 181 ( * ) , le Gouvernement a purement et simplement supprimé cet outil par décret en 2017 182 ( * ) .
Dans son rapport précité de 2017, la Cour considère que l'État manque à ses obligations sur trois points en matière de pilotage stratégique :
- le faible nombre de lettres de mission aux directeurs de ports et l'absence d'objectifs quantitatifs. La Cour relevait que, lorsque de telles lettres existent, elles n'affichent pas d'objectifs quantitatifs ;
- aucun contrat pluriannuel n'a été signé ;
- l'État n'a pas demandé aux GPM de lui rendre compte de la mise en oeuvre du projet stratégique 183 ( * ) .
Il ressort des travaux de la mission que ces constats sont toujours d'actualité.
En outre, le rapporteur souhaite une plus grande incitation à la performance concernant les rémunérations des directeurs généraux 184 ( * ) , qui pourrait être fixée à environ 25 % de la rémunération totale.
S'agissant de la politique patrimoniale de l'État , l'APE 185 ( * ) indique dans ses réponses au questionnaire que « pour les besoins de l'élaboration du budget initial principalement, il a été fixé un principe selon lequel le montant des dividendes s'élève à 40 % du résultat net comptable de l'entité concernée », même si des adaptations sont pratiquées en fonction de la situation du port. Toutefois, la mission IGF-CGEDD insiste sur le fait que la stratégie de dividendes de l'État n'est pas assez formalisée et déplore un manque de visibilité pour les GPM.
Le rapporteur partage ces observations ( voir I A ) : les indicateurs de performance et le pilotage de la politique portuaire lui semblent insuffisamment développés. Toutefois, les évolutions proposées ne doivent pas conduire à un alourdissement de la charge administrative pesant sur les GPM . Au contraire, il s'agit pour le rapporteur de donner des règles du jeu claires : la création d'un COP vise à formaliser la tutelle exercée sur les GPM mais ne doit pas se concevoir comme un « étage supplémentaire » dans les obligations de reporting des GPM. En conséquence, ce COP aurait vocation à intégrer l'ensemble des documents de suivi existants et à constituer le cadre idoine pour le pilotage de la politique portuaire ainsi qu'un outil de dialogue et de soutien de l'État aux GPM. Au cours de ses déplacements, le rapporteur a ainsi été alerté sur une insuffisante attention portée par l'État à certains enjeux, notamment à Bordeaux .
Proposition n° 1 : renforcer le pilotage des GPM par la performance et inscrire la politique patrimoniale de l'État dans une logique pluriannuelle, en créant des contrats d'objectifs et de performance (COP), en généralisant l'établissement de lettres de mission aux directeurs généraux des GPM et en renforçant l'incitation à la performance dans le cadre de leurs rémunérations. |
2. Apporter des ajustements pragmatiques à la gouvernance des GPM pour améliorer le dialogue sur la place portuaire et utiliser HAROPA comme un terrain d'expérimentation
À la suite des réformes de 2008 et 2016, la gouvernance des ports maritimes français a profondément évolué ( voir encadré ). Ces réformes, notamment inspirées par les recommandations de la Cour des comptes concernant les conflits d'intérêts au sein des places portuaires, ont renforcé l'efficacité de la gouvernance interne des établissements portuaires mais ont occasionné nombre d'effets négatifs , en particulier s'agissant de l'association des acteurs locaux aux choix opérés par le port, alors même que les règles en matière de prévention des conflits d'intérêts sont bien établies par le code des transports, qui prévoit notamment le déport des membres du conseil de surveillance et du directoire concernés par les débats et le vote des délibérations 186 ( * ) .
Les évolutions apportées par les lois de 2008 et 2016 La loi de 2008 visait à : - moderniser la gouvernance des grands ports maritimes à travers de nouvelles instances (directoire 187 ( * ) , conseil de surveillance 188 ( * ) , conseil de développement 189 ( * ) ) et un renforcement des règles de déontologie ; - recentrer les GPM sur leurs activités régaliennes (sécurité, sûreté et police portuaire) et sur les fonctions d'aménageur du domaine portuaire ; - simplifier et rationaliser l'organisation de la manutention portuaire en confiant aux opérateurs intégrés de terminaux la responsabilité des opérations de manutention 190 ( * ) . En conséquence, les contrats de travail des salariés affectés à ces activités ont également été transférés 191 ( * ) ; - organiser la coordination entre ports d'une même façade ou d'un même axe fluvial (conseils de coordination portuaire) 192 ( * ) . La loi de 2016 pour l'économie bleue a apporté plusieurs ajustements complémentaires : - un renforcement de la présence de la région au conseil du surveillance des GPM ; - la consécration dans la partie législative du code des transports d'un comité d'audit chargé d'assister le conseil de surveillance dans ses fonctions ; - la création d'une commission des investissements au sein du conseil de développement. Présidée par le président du conseil régional ou son délégué et composé de deux collèges, elle rend des avis non contraignants sur le projet stratégique du GPM et certains projets d'investissements publics sur le domaine. Désormais, la direction de l'établissement et la responsabilité de sa gestion sont exercées par un directoire dont le fonctionnement est plus ou moins collégial d'une place portuaire à une autre. Le contrôle et l'évaluation de l'action du directoire sont confiés à un conseil de surveillance de 18 membres, dont 5 représentants de l'État, 5 représentants des collectivités territoriales, 5 personnalités qualifiées et 3 représentants du personnel. Enfin, le conseil de développement , contrepartie à l'exclusion des acteurs économiques locaux du précédent conseil d'administration, se prononce sur le projet stratégique, certains investissements et la politique tarifaire des GPM. Les effectifs du conseil de surveillance sont en diminution de 35 % par rapport aux anciens conseils d'administration des ports autonomes. Le nombre de membres des conseils de surveillance issus du secteur privé varie entre 6 et 17 % dans les GPM et peut être réévalué entre 11 et 17 % en incluant les personnalités qualifiées. |
a) Revoir la répartition des rôles en matière de nomination du directoire et d'incitation à la performance
La désignation des directeurs de ports relève du pouvoir réglementaire 193 ( * ) : sur le rapport du ministre chargé des ports, après avis simple du président du conseil régional de la région dans laquelle se trouve le siège du port et avis conforme du conseil de surveillance, le Président de la République nomme les directeurs généraux des GPM.
Toutefois, cette organisation et la pratique apparaissent perfectibles pour le rapporteur, qui souhaite :
- que les instances de gouvernance des GPM jouent pleinement leur rôle de contrôle, y compris dans cette matière ;
- que le profil des directeurs de port soit diversifié 194 ( * ) .
Enfin, le rapporteur rappelle que, lors des débats sur la loi de réforme portuaire de 2008, la commission avait dans un premier temps proposé par amendement, à l'initiative de son rapporteur Charles Revet :
- une durée minimale de 5 ans pour le mandat du directeur général . Ce point a été traité par voie réglementaire 195 ( * ) : le code des transports prévoit une durée de 5 ans renouvelable ;
- la faculté pour le conseil de surveillance de demander la révocation du directeur général par un vote à bulletins secrets.
Dès lors, le rapporteur considère qu'il est nécessaire de conduire une évolution de la procédure de nomination des directoires , dans un objectif de contrôle efficace du conseil de surveillance sur l'action de l'État.
b) Mieux associer les acteurs économiques et renforcer le poids des collectivités territoriales dans la gouvernance des GPM
À l'issue de ses travaux, le rapporteur dresse les principaux constats suivants :
- le nombre de membres du conseil de surveillance est élevé (18) alors que le droit commun des sociétés commerciales prévoit entre 3 et 18 ;
- le pouvoir reste pour l'essentiel dans les mains de l'État , contrairement aux choix faits dans d'autres pays européens ;
- des résultats très différents dans la pratique de la gouvernance d'un port à l'autre et en fonction de la taille de la communauté portuaire ;
- la représentation des acteurs économiques et des collectivités territoriales ne leur permet pas d'influer de façon significative sur la trajectoire de développement du port. Le conseil de développement a du mal à trouver sa place et l'implication des acteurs est variable du fait du caractère non-contraignant de ses avis, qui donne un sentiment d'impuissance à ses membres, alors même qu'il représente l'ensemble de l'écosystème portuaire ;
- si le dialogue entre les directoires et le monde économique apparaît bien établi et constant dans la plupart des places portuaires, il s'organise sur un mode informel et dépend largement des personnalités en place.
Ces défauts en matière de gouvernance peuvent avoir des conséquences très négatives, comme en témoigne le processus de réalisation du terminal multimodal du Havre , au sujet duquel la Cour des comptes décrit froidement un manque d'implication du conseil de développement et du conseil de surveillance, alors même que ceux-ci ne disposaient que d'un rôle très limité dans le projet.
En outre, l'étude réalisée par la direction de la législation comparée du Sénat sur les différents modèles de gouvernance des ports maritimes en Europe , annexée au présent rapport ( voir annexe ), inspire deux constats complémentaires :
- en premier lieu, on peut supposer que le nombre plus important de membres dans les instances de gouvernance des GPM français réduit la gouvernabilité des établissements concernés et, en tout état de cause, dilue la représentation des acteurs locaux (opérateurs, collectivités territoriales) au profit de l'État ;
- en second lieu, la coordination et la coopération interportuaire semble moins aboutie en France , en particulier au regard du cas de l'Italie, qui a profondément rationalisé le nombre de ces unités portuaires et unifié leur gouvernance.
Pour le rapporteur, ces différences de modèle emportent deux séries de conséquences en France. D'abord, il semble qu'il y ait une plus faible cohésion de la place portuaire , sauf dans le cas de ports de moins grande envergure comme La Rochelle ou Dunkerque. Ensuite, l'insuffisante coopération interportuaire en France implique une plus grande difficulté à orienter les flux dans la perspective d'un agrandissement de l'hinterland portuaire.
Au cours de ses travaux, le rapporteur s'est interrogé sur la fonction et l'utilité réelle du conseil de développement , organe purement consultatif et dont la création représente un compromis avec le monde économique à la suite de la substitution des conseils d'administration des GPM par des directoires et des conseils de surveillance. La fonction et les prérogatives limitées de cette instance freinent, logiquement, l'implication des acteurs et la capacité de la place portuaire à orienter les décisions du port. L'intérêt du conseil de développement doit être double : d'une part, constituer une sorte d'« assemblée générale » de la place portuaire et d'autre part, permettre aux acteurs économiques de se prononcer sur les choix d'investissement. Est-ce que la démarche visant à s'assurer que les grands opérateurs d'une place portuaire, qui tirent la croissance du port, et les plus petits, qui en sont aussi l'avenir, bénéficient directement des investissements publics au plus près de leurs équipements favorise les conflits d'intérêts ? Les moyens pour prévenir et traiter les conflits d'intérêts au sein de la place portuaire sont bien établis et le risque est donc limité pour le rapporteur.
Pour le rapporteur, il est certain qu'une meilleure association des milieux économiques et des collectivités territoriales permettrait d'instaurer une plus grande confiance entre les acteurs de la place portuaire . Les établissements portuaires sont de plus en plus dépendants des régions pour leurs investissements et le renforcement relatif du rôle des régions est également légitime et nécessaire.
Dès lors, les propositions du rapporteur renvoient aux observations formulées par les acteurs qu'il a pu rencontrer et partent du double constat que les réformes prises pour lutter contre les conflits d'intérêts montrent leurs limites et que les frustrations de nombreux acteurs économiques , voire les dysfonctionnements constatés dans le fonctionnement des instances de gouvernance actuelle, réduisent le potentiel économique des GPM . Après avoir formulé des propositions sur la coordination interministérielle de la politique portuaire ( voir I B ), cette seconde série de propositions sur la gouvernance des ports français vise à :
- un resserrement des conseils de surveillance dans un objectif d'efficacité et de révision du rôle de l'État dans cette instance ;
- renforcer l'association des acteurs économiques de la place portuaire et des élus locaux à la gouvernance des GPM dans un objectif de territorialisation de la gouvernance des GPM.
De nombreuses observations des acteurs confortent le rapporteur dans ce constat ( voir annexe ) et les professionnels de la manutention, du pilotage, et certains grands utilisateurs des ports demandent :
- de donner au président du conseil de développement le pouvoir de saisine de la commission des investissements 196 ( * ) ;
- la présence d'un représentant de l'union maritime et portuaire locale au conseil de surveillance ;
- la présence du président du conseil de développement au conseil de surveillance.
Le rapporteur souscrit à ces orientations . Il considère que « l'avantage comparatif » de la France en matière de gouvernance doit résider à la fois dans une forme de différenciation des structures de gouvernance des GPM , en fonction de la taille du port concerné et dans la capacité de l'ensemble des acteurs du commerce et de la logistique à se concerter . Une coordination renforcée entre autorités portuaires de l'État et des collectivités, entre industriels, chargeurs et acteurs de la chaîne de transport est nécessaire pour développer l'activité, traiter rapidement les difficultés opérationnelles (procédures et formalités administratives, interopérabilité des systèmes d'information), concentrer les flux pour assurer la rentabilité de certaines infrastructures, décider collégialement des meilleurs espaces pour l'implantation des équipements utiles, regrouper les équipements existants, tout en respectant des contraintes de développement durable et de prévention de l'artificialisation nette des sols et développer des coopérations industrielles en matière d'économie circulaire et d'approvisionnement en énergies renouvelables. À Nantes , par exemple, la présidence du conseil de surveillance est assurée par la présidente de région .
Dès lors, deux modèles se distinguent pour la mission :
- d'un côté, les deux grandes portes d'entrée maritime que sont Le Havre et Marseille ;
- de l'autre, les ports de taille plus modeste : Dunkerque, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux.
Pour les premiers, l'expérience d'HAROPA est un moment décisif . Le préfet François Philizot 197 ( * ) retient deux scenarii possibles pour l'intégration des ports de l'axe Seine ( voir encadré ), tout en privilégiant le scénario d'un groupe intégré aux trois établissements territoriaux.
Rapport d'intégration des ports de l'axe Seine (Le Havre, Rouen, Paris) Dans l'optique d'une intégration aboutie, le rapport souligne la nécessité d'inverser l'ordre existant actuellement : HAROPA ne doit être plus subordonné aux trois autorités portuaires. Ainsi, une nouvelle structure pilote doit mutualiser les fonctions supports (tels que les systèmes d'information et les compétences d'ingénierie), centraliser les excédents financiers annuels dans une caisse commune et définir un projet stratégique commun de développement. Pour aboutir à cette transformation, deux scenarii sont envisagés par l'auteur, tout en conservant le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) pour le futur ensemble. Le premier scénario esquisse un modèle avec une holding , anciennement le GIE HAROPA qui assurerait les fonctions support, la définition de la stratégie commerciale et des investissements, etc. et trois filiales (les trois autorités portuaires). L'avantage de cette solution est d'assurer une transition souple en conservant les trois entités portuaires filialisées, garantissant une proximité dans la gestion des ports. En outre, dans le cas d'une hypothétique transformation de ces filiales en société anonyme, les régions pourraient rentrer au capital des filiales à côté de la holding. Cependant, ce scénario aboutit à une structure compliquée avec l'existence de quatre personnes morales dans laquelle les filiales pourraient prendre le pas sur la holding de tête, surtout si les collectivités territoriales sont au capital des autorités portuaires. Quant au second scénario, il esquisse un groupe intégré où une personne morale unique gère trois places portuaires. Il conviendrait de définir le partage de compétences entre le siège de l'EPIC et les échelons territoriaux, autrement dit entre le directeur général et les directeurs de ports. Ceux-ci doivent avoir de larges prérogatives pour dialoguer avec les élus locaux (notamment les communes et les intercommunalités) et avec les syndicats. Néanmoins, ce scénario constitue un changement radical, ce qui suscite des peurs au sein du port de Rouen (la peur du déclassement vis-à-vis du Havre) et de Paris (l'incompréhension vis-à-vis du modèle spécifique d'un port intérieur). De plus, ce modèle pose la question de la place des collectivités territoriales dans ce nouvel ensemble, ainsi que celle de l'harmonisation des conditions de travail (temps, indemnités, représentation syndicale...). Enfin, le délégué souligne que : « Les équipes des ports, malgré ou à cause des limites du GIE, ne contestent pas l'intérêt de mettre en place un nouveau cadre de gestion. En même temps, s'expriment des inquiétudes diverses. L'ensemble des syndicats manifeste ainsi la crainte que l'intégration ne se traduise à terme par des suppressions d'emplois du fait des mutualisation inéluctables et demande donc une garantie de maintien des effectifs, mesure retenue par les autorités néerlandaises quand fut modifié le statut du port de Rotterdam. » |
Le rapporteur privilégie également l'option d'une structure unique de gouvernance , dotée de trois établissements. Afin de ne pas créer de différences avec les autres GPM, une structure associant un directoire , un conseil de surveillance et une assemblée de la place portuaire / conseil de développement devrait être retenue, à condition que chaque instance soit en mesure d'exercer pleinement ses compétences, en particulier le conseil de surveillance. Des conseils territoriaux de développement par place portuaire devront compléter ce dispositif et permettre une proximité et un dialogue constant entre les acteurs. En outre, la question de l'extension de la convention collective unifiée des ports et de la manutention (CCNU) aux ports de Paris doit être étudiée avec attention. Une mission est d'ailleurs en cours de lancement sur ce sujet.
Pour HAROPA , l'objectif est double : il s'agit à la fois de rechercher une gouvernance agile , en visant un objectif de réduction du nombre de membres du conseil de surveillance à 14 maximum , et de garantir une bonne représentation de l'écosystème portuaire (services portuaires, représentants des salariés, industriels, chargeurs, opérateurs de transports etc.). À Marseille , une plus grande coopération avec la CNR, gestionnaire du port de Lyon, doit être recherchée mais les structures de gouvernance peuvent aussi être adaptées dans la même logique que pour les autres GPM, en réduisant le nombre de membres du conseil de surveillance à 14 maximum, comme pour HAROPA.
Pour les GPM de la façade atlantique et Dunkerque , l'objectif doit être d' alléger les structures de gouvernance en nombre de membres. Le directeur général doit pouvoir s'entourer d'une équipe adaptée et disposer d'une grande latitude dans ce domaine pour recruter les profils dont il estime avoir besoin en fonction des objectifs fixés par la tutelle. Le conseil de surveillance pourrait être redimensionné entre 12 et 14 membres maximum.
Pour le rapporteur, la piste d'une évolution du statut d'HAROPA, comme de l'ensemble des GPM, vers des sociétés anonymes à capitaux publics semble devoir être exclue à ce jour, dans un contexte social encore fragile et face aux chantiers qui restent à mener pour le pilotage stratégique des GPM (indicateurs, suivi, développement de la recherche) 198 ( * ) . Il relève toutefois que le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, avait demandé en 2015 une étude à ses services sur la transformation des établissements publics portuaires en sociétés anonymes. Cette piste a déjà été envisagée par la Cour des comptes (1999, 2006) et par la mission IGF-CGEDD. Pour l'APE , « la transformation en société anonyme est un moyen pertinent de rappeler que les GPM sont et doivent fonctionner comme de véritables entreprises, et peut permettre à ces entreprises de passer à une gouvernance et à une structure plus normalisées » .
Dès lors, pour le rapporteur, il ne s'agit pas de révolutionner la gouvernance des GPM ni de mettre en cause les principaux équilibres des réformes de 2008 et 2016 mais de procéder à des ajustements fonctionnels pour améliorer le dialogue au sein de la place portuaire.
Droit en vigueur |
Propositions
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HAROPA (Le Havre, Rouen, Paris) et Marseille |
5 représentants de l'État (ministères des ports maritimes, de l'environnement, de l'économie, du budget et préfet de région) |
1 représentant de l'État : le préfet de région |
2 représentants de la région |
Sans changement |
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3 représentants des CT autre que la région dont 1 représentant du département |
Sans changement |
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3 représentants du personnel de l'établissement |
Sans changement |
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5 personnalités qualifiées |
3 personnalités qualifiées |
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Le président du conseil de développement |
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Le président de l'union maritime et portuaire locale |
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Choix du président : libre |
Choix du président : au sein du collège des élus locaux |
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TOTAL : 18 membres |
TOTAL : 14 membres |
Droit en vigueur |
Propositions
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Autres GPM métropolitains (GPMD, GPMB, GPMNSN, GPMLR) |
5 représentants de l'État (ministères des ports maritimes, de l'environnement, de l'économie, du budget et préfet de région) |
1 représentant de l'État : le préfet de région |
2 représentants de la région |
Sans changement |
|
3 représentants des CT autre que la région dont 1 représentant du département |
Sans changement |
|
3 représentants du personnel de l'établissement |
Sans changement |
|
5 personnalités qualifiées |
1 à 3 personnalités qualifiées |
|
Le président du conseil de développement |
||
Le président de l'union maritime et portuaire locale |
||
Choix du président : libre |
Choix du président : au sein du collège des élus locaux |
|
TOTAL : 18 membres |
TOTAL : 12 et 14 membres |
Proposition n° 2 : mieux associer les acteurs économiques et renforcer le poids des collectivités territoriales dans la gouvernance des grands ports maritimes en prévoyant : - la nomination des directeurs généraux des GPM sur proposition des conseils de surveillance de chaque GPM et la possibilité pour ces derniers de les révoquer ; - la présence du président du conseil de développement et du président de l'Union maritime et portuaire locale au conseil de surveillance avec voix délibératives ; - l'élection du président du conseil de surveillance au sein du collège des élus locaux ; - une représentation unique de l'État au conseil de surveillance via le préfet de région ; - une adaptation des instances de gouvernance à la taille des places portuaires en distinguant d'une part HAROPA et Marseille et les GPMD, GPMB, GPMSN et GPMLR d'autre part. |
* 178 En outre, ces décisions apparaissent inappropriées à la lecture du rapport de François Philizot au Premier ministre, dans lequel il regrette qu'« il n'existe pas à ce jour, d'engagements programmatiques liant directement l'État et le port, contrairement aux exemples des contrats d'objectifs qui sont fréquemment passés entre l'État et ses démembrements (...) Un tel cadre méthodologique n'a certes rien d'original et il est presque surprenant qu'il n'ait pas encore été utilisé dans le domaine portuaire. Cela est sans doute une illustration de la faiblesse durable du pilotage stratégique exercé en cette matière par l'État. Il est temps de combler cette lacune ».
* 179 Ancien article L. 103-1 du code des ports maritimes.
* 180 Article 9 de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.
* 181 Décret n° 2014-1670 du 30 décembre 2014.
* 182 Décret n° 2017-423 du 28 mars 2017.
* 183 Toutefois, dans ses réponses à la Cour des comptes, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat souhaitait nuancer le constat de la Cour : « des réunions associant le directeur des services de transports et les directeurs généraux des GPM se tiennent chaque mois afin d'échanger sur les différents sujets d'actualité et guider les ports dans les grandes orientations stratégiques. [...] En conséquence et compte tenu du dispositif de suivi en place, la question de l'opportunité de conclure des contrats pluriannuels, dans les formes habituelles, entre l'État et les GPM est posée. S'agissant des lettres de mission des directeurs de port, le ministère s'attache à résorber le retard ».
* 184 À l'heure actuelle, le MTES, le MACP et le MEF déterminent des critères quantitatifs et qualitatifs de calcul d'une part variable de la rémunération des présidents de directoire.
* 185 À l'APE, le suivi des GPM est assuré par la direction de participations transports de l'APE, dont la compétence porte sur les grandes entreprises du secteur des transports (SNCF, AF-KLM, RATP, les aéroports, les grands ports, ATMB/SFTRF). Le suivi des GPM est assuré à plein temps par une chargée de participations, épaulée par les différents représentants de l'État choisis par le MEF au sein des conseils de surveillance des différents ports, ainsi que par les pôles transverses de l'APE, plus particulièrement le pôle juridique et le pôle audit et comptabilité.
* 186 Articles R. 5312-19 à -22. Le règlement intérieur du conseil de surveillance peut également fixer des dispositions particulières en la matière.
* 187 Articles L 5312-9 à L 5312-10 et articles R 5312-27 à R 5312-35 du code des transports.
* 188 Articles L 5312-7 à L 5312-8-1 et articles R 5312-10 à R 5312-26 du code transports.
* 189 Article L 5312-11 et articles R 5312-36 à R 5312-39-1 du code des transports.
* 190 Article 9 de la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008.
* 191 Article L. 5312-12 du code des transports.
* 192 Articles D. 5312-40 à D 5312-60-8 du code des transports
* 193 L'APE indique, dans ses réponses au questionnaire de la mission, être « systématiquement associée au recrutement du président du directoire des GPM et participe activement à leur sélection (...) Elle a même proposé, avec succès, de recourir à des cabinets de recrutement pour les ports de Nantes et Marseille. Si cette méthode a permis d'élargir le vivier des potentiels directeurs de port, il n'en reste pas moins limité par la nécessaire maîtrise de l'univers portuaire, dont la connaissance est en général vue comme indispensable à l'exercice de ces fonctions ».
* 194 Par exemple, Armateurs de France indique qu' « il est important que les dirigeants des ports (membres du directoire et cadres dirigeants) soient recrutés dans un vivier large (incluant le monde de l'entreprise), et si possible international. De même, la voix du secteur économique doit être plus proche des acteurs décisionnaires opérationnels ».
* 195 Article R. 5312-27 du code des transports.
* 196 Lors de l'examen du texte (2016) au Sénat, le rapporteur Didier Mandelli a considéré qu'une telle commission devait pouvoir fonctionner avec les moyens de ses ambitions. Il a en ce sens déposé un amendement prévoyant que l'avis rendu par la commission des investissements sur le projet stratégique et sur les projets d'investissement les plus importants devait être conforme . En effet, la procédure de l'avis simple, si elle entérine symboliquement une concertation, est en réalité dépourvue de toute forme d'influence et ne changera rien au processus de décision existant. Cette proposition n'avait cependant pas été retenue.
https://www.senat.fr/amendements/commissions/2015-2016/370/Amdt_COM-18.html .
* 197 Le Premier ministre a demandé à M. François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, d'étudier les modalités de transformation du groupement d'intérêt économique (GIE) HAROPA en vue de l'intégration des ports de l'axe Seine (Le Havre, Rouen et Paris) dans un même ensemble.
* 198 Au-delà des enjeux sociaux et d'exposition à des prises potentielles de participations étrangères, la transformation des GPM en sociétés anonymes à capitaux publics permettrait de renforcer l'association des financeurs, en particulier des collectivités territoriales, au développement du port et de placer directement les GPM dans un modèle de « port entrepreneur ».