TRAVAUX DE LA COMMISSION :
AUDITION POUR SUITE À DONNER
Réunie le mercredi 17 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et la mise en oeuvre des programmes de renouvellement urbain (PNRU et NPNRU).
M. Vincent Éblé , président. - Nous allons procéder à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission des finances en application de l'article 58, paragraphe 2, de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et la mise en oeuvre des programmes de renouvellement urbain (PNRU et NPNRU).
Déjà en juillet 2014, la Cour des comptes avait remis à notre commission un rapport sur l'ANRU, alors que la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine venait de décider le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), succédant au programme national de rénovation urbaine (PNRU) créé en 2003.
Six ans après, le PNRU achève ses dernières réalisations tandis que le NPNRU commence à lancer les siennes. Les deux programmes sont gérés par une Agence qui a elle-même connu des transformations importantes au cours de cette période.
C'est pourquoi notre commission des finances vous a demandé de mener cette enquête qui permettra de mettre à jour les constats que vous aviez faits en 2014 et de tirer les enseignements du PNRU afin de mieux réussir le NPNRU.
Nous recevons Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, qui nous présentera les principales conclusions des travaux menés par la Cour. Le directeur général de l'ANRU, Nicolas Grivel, pourra nous apporter ses observations sur le rapport de la Cour et répondre à nos questions. Si l'Agence est placée sous la tutelle du ministre chargé de la politique de la ville, cette tutelle est exercée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) conjointement avec la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). La DGCL est représentée par Stéphane Brunot, directeur, adjoint au directeur général, et la DHUP par François Adam, directeur.
Par ailleurs, nous avons invité pour cette audition Annie Guillemot, rapporteure pour avis des crédits de la politique de la ville, et Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur pour avis des crédits du logement, toutes deux au nom de la commission des affaires économiques, mais elles sont retenues ce matin par les travaux de leur commission sur la politique du logement.
Après avoir entendu le président Terrien, notre rapporteur spécial, Philippe Dallier, présentera les principaux enseignements qu'il tire de cette enquête et pourra poser ses premières questions aux différentes personnes entendues ce matin.
À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
Un certain nombre de nos collègues suivent notre réunion en visioconférence et pourront parfaitement intervenir pour poser des questions dans le débat qui s'ouvrira.
Je laisse donc la parole au président Gérard Terrien afin qu'il nous présente les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes.
M. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. - Je vous remercie, M. le Président, d'avoir rappelé que nous avions déjà travaillé sur l'ANRU et sur le programme national de rénovation urbaine il y a six ans. Revenir sur ce sujet, à la demande de la commission des finances, a été extrêmement intéressant et utile. Les axes de travail avaient été fixés et précisés par M. Dallier en tant que co-rapporteur spécial des crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Son cadrage nous a beaucoup aidé dans la conduite de nos travaux. Ces travaux ont porté sur la période 2014-2020, la loi de 2014 ayant significativement changé la donne. L'idée était d'abord de contrôler le fonctionnement de l'Agence, les perspectives liées à son changement de statut comptable et financier, et l'impact de la réorganisation des tutelles intervenue récemment. Il s'agissait ensuite de dresser un bilan financier du PNRU. Bien qu'ayant pris fin en 2015, ses réalisations et son exécution financière s'achèveront en 2021, date à partir de laquelle un bilan définitif sera à faire. Enfin, nos travaux ont porté sur le NPNRU, son cadre financier, ses objectifs et ses contraintes.
Ce travail a été conduit par une équipe de rapporteurs et supervisés par mes collègues Philippe Hayez et Denis Berthomier. Il a impliqué une instruction auprès de l'ANRU, et je remercie à cet égard son directeur général et toute son équipe pour le concours qu'ils nous ont apporté, ainsi qu'un échantillon de 15 équipes régionales sur 8 régions. Le rapport a été communiqué au Parlement le 27 avril. Son instruction avait toutefois été achevée avant la crise sanitaire, dont nous n'avons donc pas pu évaluer l'impact.
L'ANRU est un établissement public assez original, reposant sur des moyens humains principalement externes. Elle compte un peu moins de 130 collaborateurs, même si ce nombre a fortement augmenté dans les dernières années. Elle fonctionne avec un réseau de délégations territoriales dans les directions départementales des territoires. Nous avons évalué à 346 équivalents temps plein (ETP) les collaborateurs de ces directions départementales, qui sont les relais de l'Agence dans les territoires. Celle-ci a par ailleurs connu des réorganisations importantes en interne, que nous l'invitons à poursuivre pour parvenir à une meilleure gestion des risques. Ont été mis en place un comité de suivi financier, un comité d'audit interne, un suivi renforcé des marchés publics et une réforme du conseil d'administration.
La gestion financière de l'ANRU nous est apparue saine, avec une part de vigilance nécessaire eu égard aux montants majeurs des engagements sur les deux programmes. On constate un pic de décaissements au titre du PNRU en 2016, qui a généré de fortes tensions. Il a essentiellement été surmonté grâce au décalage de l'exécution financière du NPNRU. Le cadre financier a été reconsolidé suite à des négociations entre l'État, Action logement et l'ANRU et nous apparaît stabilisé à l'horizon 2034, sous les réserves liées aux conventions régulières à réactualiser. Il paraît en outre nécessaire de réactualiser la trajectoire financière, notamment dès lors que le NPNRU se traduira en engagements financiers exécutables. Il existe à ce stade un risque concernant une impasse de trésorerie en 2026. Les ressources sont essentiellement issues des contributions d'Action logement sous la forme de subventions et de prêts bonifiés. L'État a ainsi quelque peu perdu place dans la supervision financière de l'Agence. L'évolution des ressources des emplois mais surtout du solde budgétaire cumulé pourrait poser problème à compter de 2023 ou 2024 et constituent à ce titre un point de vigilance.
Des enjeux organisationnels majeurs vont se poser à un horizon très rapide, sous réserve d'éventuels retards liés à la crise sanitaire que nous n'avons pas pu évaluer. Par exemple, le pilotage interne du nouveau système d'information, l' « Instruction outillée et dématérialisée de l'ANRU » (IODA) est particulièrement stratégique pour l'Agence. Celui-ci doit notamment permettre un suivi simultané des données financières et des données opérationnelles. La mise en place du système, qui a représenté un important de budget de près de 8 millions d'euros, nous paraissait pouvoir être effective début 2021, soit déjà avec un certain retard. La gouvernance de l'Agence a été fortement resserrée par la loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique (ELAN) et nous ne pouvons que nous en satisfaire dans la mesure où c'était l'une des recommandations que nous avions formulée en 2014. Cette réforme a rendu le conseil d'administration plus efficace et plus opérationnel. À l'inverse, la direction du budget s'est quelque peu retirée de l'Agence. En conséquence de la réforme du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) conduisant à la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ce sont désormais la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) qui assurent depuis 2019 la tutelle technique et financière de l'Agence. Nous émettons quelques incertitudes sur cette tutelle financière, mais des précisions devraient prochainement être apportées. Nous préconisons également que le partenariat avec l'ANCT soit formalisé et soit précisé. Enfin, l'article 90 de la loi ELAN a engendré une réforme du système comptable de l'Agence, qui doit passer à un système de comptabilité privée à compter du 1 er janvier 2021. Nous relevons qu'il n'y a pas eu d'étude d'impact concernant cette décision. Du fait de contraintes que nous avions identifiées, auxquelles s'ajoute la crise sanitaire, il n'est pas certain que ce dispositif soit opérationnel en janvier 2021. Des prérequis tenant au système d'information, à la migration comptable, à la formation des agents et à la définition des procédures devaient en effet être satisfaits. Nous avons enfin jugé utile que soient clarifiées les compétences financières des préfets, désormais délégués territoriaux du directeur général et non plus ordonnateurs secondaires, ce qui a été le cas, un décret en ce sens étant paru début mai.
Nous portons donc une appréciation assez positive de la gestion de l'Agence, avec un renforcement des outils de contrôle interne, et un cadre financier stabilisé mais qui nécessitera tout de même une certaine vigilance. Quelques points faibles peuvent être notés : un besoin de pilotage accru et un passage sous comptabilité privée à marche forcée.
Nous avons formulé à cet égard plusieurs recommandations. La première est l'instauration d'un exercice partagé de la tutelle et d'une coordination des tutelles. Une autre recommandation tient au développement définitif du système IODA. Il faudra également veiller à ce que la future convention tripartite garantisse un niveau de financement permettant de faire face au pic de dépenses attendu en 2024-2025. Nous préconisons en outre de bâtir une trajectoire financière selon une double logique de réalisation physique des programmes et des prévisions financières corrélatives. Nous proposons aussi, et la direction générale du Trésor nous soutient dans cette recommandation, la présentation au conseil d'administration d'un bilan des avantages et inconvénients du passage à la comptabilité privée. Il nous paraît enfin important de renforcer le contrôle interne et en particulier l'approche par les risques.
Le deuxième axe de travail suggéré par le sénateur Dallier portait sur le PNRU. Ce programme, qui doit comme je l'indiquais s'achever l'année prochaine, nous a paru constituer un levier important pour la requalification urbaine. En effet, au 31 décembre 2019, 11 milliards d'euros ont été décaissés par l'ANRU pour une enveloppe globale de 40 milliards d'euros. Un peu moins de 150 000 logements ont été démolis et 125 000 ont été reconstruits. Beaucoup d'opérations de résidentialisation et de réhabilitation ont été effectuées et ont profondément transformé les quartiers.
La montée en charge a été progressive, quoique plus rapide que pour le NPNRU, avec un pic de réalisation au bout de 6-7 ans. Une concentration géographique des crédits sur l'Île-de-France, les Hauts-de-France et Auvergne - Rhône-Alpes peut être constatée, ce qui est logique au regard des quartiers concernés. Beaucoup d'avenants ont été apportés aux conventions. L'investissement total d'un peu moins de 46 milliards d'euros engagés, dont plus de 20 milliards d'euros par les bailleurs auxquels s'ajoute un effort important des collectivités territoriales, atteste de l'effet de levier important du programme. Une des particularités de ce programme a été l'implication de l'ensemble des strates de collectivités territoriales (communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements et régions), ce qui est un peu moins vrai s'agissant du NPNRU, qui concerne plutôt le bloc communal.
La signature de nombreux avenants a permis de s'adapter à la réalité des opérations, mais en entraînant un allongement de leur durée. Le programme a abouti à des opérations diversifiées en termes financiers, qui ont été essentiellement centrées sur la production et la démolition de logements sociaux. Beaucoup d'opérations de résidentialisation et de réhabilitation ont été effectuées et ont profondément transformé les quartiers.
La fin du programme paraît encore assez complexe. Celui-ci avait fait l'objet d'un allongement de deux ans, jusqu'en 2015, ce qui se justifie par le fait que l'enveloppe initiale n'était pas totalement engagée fin 2013. Les opérations ne seront donc soldées que l'année prochaine, voir plus tard en fonction de l'impact de la crise sanitaire. Nous insistons sur l'importance d'achever ce programme et de clore les opérations isolées. Cet allongement a posé des difficultés, et en particulier des problèmes de tuilage avec le nouveau programme, qui porte souvent sur les mêmes zones et les mêmes quartiers. Il a en outre posé des difficultés d'adaptation au regard des règles comptables et budgétaires de l'Agence et l'ont mise quelque peu en risque en termes de trésorerie. La réforme des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), intervenue en préfiguration du nouveau programme, a laissé planer des incertitudes sur l'articulation avec les projets préexistants. L'objectif d'économies du PNRU, devant venir en contribution au nouveau programme, a tardé à être stabilisé en termes opérationnels et a pesé sur les décisions du NPNRU.
Nous dressons ainsi un bilan globalement positif du programme, qui comporte des points forts majeurs. Il a permis une véritable mutation urbaine dans près de 600 quartiers. Près de 30 000 opérations ont été menées à leur terme, près de 800 000 logements ont été directement impactés et près de 350 000 ont été modifiés dans leur environnement grâce aux opérations de résidentialisation, pour un coût global d'un peu moins de 50 milliards d'euros.
Nous avons souligné certaines spécificités de ce programme et relevé des améliorations pouvant être intégrées dans le NPNRU. Le pilotage et le suivi demeuraient parfois trop partiels et les évaluations en temps réel, certes difficiles à conduire, assez rares. Il nous paraît également nécessaire d'actualiser le dispositif de notation des collectivités territoriales. Nous proposons en outre d'instaurer une dénomination unique des quartiers et des îlots pour un meilleur suivi des opérations, de leur récurrence et de leur cohérence. Nous proposons aussi de tracer dès à présent le cadre d'évaluation du PNRU une fois achevé. Enfin, nous préconisons d'identifier et de clôturer les opérations isolées, en informant le conseil d'administration de l'Agence de leur avancement.
Le troisième volet de notre travail a porté sur l'appréciation du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Son démarrage a été long et tardif pour de multiples raisons.
La stabilisation financière a été longue et difficile. Le programme est né au moment de la loi de 2014 et il était doté initialement de 5 milliards d'euros avant que la dotation ne passe à 10 milliards d'euros en 2018. Les objectifs initiaux paraissaient moins ambitieux malgré une volonté sociale renforcée. En effet, le programme donne une place importante à l'objectif de mixité sociale et aux logements sociaux. Le cadrage du montant et de la priorité des aides a pris un certain temps à se stabiliser. Le contexte était complexe comme l'ont illustré les tensions entre l'État et Action Logement en 2017 et 2018, ce qui a retardé la définition des financements.
Un deuxième facteur de difficulté a été la réforme des quartiers et la signature des contrats de ville. Ensuite, il y a le poids qu'a représenté pour les collectivités territoriales la réduction des concours financiers de l'État. La mise en place en 2018 du dispositif de la réduction de loyer de solidarité (RLS) a également pesé.
Le démarrage a donc été tardif avec des procédures longues à définir ou à mettre en oeuvre et qui ont ralenti le caractère opérationnel des projets.
La Cour avait recommandé la mise en place des protocoles de préfigurations. Cela était sans doute extrêmement nécessaire et utile car cela donnait une vision beaucoup plus fine et détaillée des besoins mais cela a retardé le lancement des projets. La signature de ces protocoles a souvent abouti à des relectures globales des projets avec des évolutions parfois liées au changement des équipes municipales. La comitologie de l'ANRU avait l'intérêt de garantir la transparence mais était assez lourde. Entre 2016 et 2018 des simplifications ont été opérées mais il a fallu attendre 2018 et 2019 pour en ressentir les effets positifs. La comitologie a été améliorée et est aujourd'hui moins lourde.
Le NPNRU a connu un démarrage tardif mais aussi une accélération importante en 2019 et 2020 avant la crise du covid-19. Cela ne préjuge pas de la rapidité de la réalisation. On a constaté beaucoup d'engagements mais la réalisation pourrait être décalée. Pendant 4 ans, les engagements financiers étaient faibles, en dessous de 120 millions d'euros. Début 2020, sur 480 quartiers éligibles, l'agence affichait plus de 390 projets de quartiers validés dont 168 étaient déjà passés dans la phase suivante. L'engagement total s'élevait à plus de 10 milliards d'euros, ce qui est satisfaisant.
Néanmoins, on relevait toujours la même difficulté fin 2019 puisque les engagements financiers constatés demeuraient faibles. Les engagements généraux étaient forts mais les engagements financiers étaient faibles. L'agence est passée d'un système d'avance à un système d'acomptes ce qui nous apparait plus satisfaisant en termes de suivi de trésorerie.
Au regard des délais normaux de réalisation, sans préjuger de la crise actuelle, les premiers effets physiques du NPNRU ne devraient pas être visibles à court terme.
Certaines leçons ne semblent pas avoir tirées de l'expérience du PNRU pour la conduite du nouveau programme. Il y a d'abord la réforme souhaitable du système d'information, qui n'a pas eu lieu, de sorte que le lancement des opérations au titre du NPNRU n'a pas pu être suivi de manière satisfaisante. Les objectifs humains et sociaux sont pourtant importants et précis.
La notation des collectivités territoriales continue de présenter des défauts. Elle s'appuie sur des données financières qui sont désormais anciennes. Le suivi des bailleurs s'est renforcé mais manque encore de transparence.
Plusieurs enjeux humains, sociaux ou d'habitat nous semblent devoir être mieux pilotés. On observe un différentiel négatif entre le nombre de démolitions et de constructions au titre du PNRU qui devrait également être constaté au titre du NPNRU. Nous n'avons pas l'assurance que ce différentiel soit cohérent avec les besoins des territoires. Il faudra assurer un suivi du relogement des locataires et de l'impact des opérations sur leur reste à charge. On s'aperçoit parfois que les locataires les plus pauvres ne peuvent être relogés sur place avec des risques qu'ils se reportent sur des habitats insalubres. Il importe qu'il y ait un reporting plus consolidé et précis.
L'objectif dans le NPNRU d'un financement de 60 % de PLAI nécessite un suivi fin qui ne semble pas opérationnel à ce jour. Une coordination sera nécessaire au niveau départemental pour suivre les enjeux de mixité sociale.
Nous fixons plusieurs recommandations sur ce point. D'abord, il convient d'actualiser les données relatives aux bailleurs et aux collectivités territoriales associées aux opérations. Ensuite, nous suggérons de renforcer le pouvoir de validation des opérations par les préfets puisqu'ils sont les délégués du directeur général au plan territorial.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Merci à la Cour des comptes pour ce rapport passionnant. J'espère qu'il fera comprendre la politique de la ville à ceux qui, sans la connaître véritablement, disent de manière abrupte qu'elle coûte cher sans produire de résultats. Malheureusement, depuis trois ans la politique de la ville semble être sortie de l'agenda du Gouvernement, notamment depuis l'enterrement de première classe du rapport Borloo. Pourtant les besoins sont toujours aussi importants.
La puissance publique y a engagé des sommes considérables : plus de 40 milliards d'euros pour le programme national de rénovation urbaine (PNRU), et le nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU) sera du même ordre, avec Action Logement comme principal financeur.
Depuis 2014, tout ou presque a changé, donc il sera utile de vérifier si les critiques formulées par la Cour - défaut de pilotage et d'évaluation des résultats, principalement - mais aussi par les acteurs de la politique de la ville - lourdeur de la machine, manque de transparence dans les décisions - ont été prises en compte. La question de la soutenabilité financière des programmes se pose toujours.
Ce rapport répond à de nombreuses questions, y compris à certaines que nous ne nous étions pas posées. Dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), nous avons ainsi accepté, sans véritable débat et sans en avoir anticipé les conséquences, de faire passer l'ANRU en comptabilité privée. Cela reste pour moi un regret, voire un remords : nous nous étions alors focalisés sur la question du conseil d'administration de l'ANRU. Quels sont les avantages et inconvénients de cette transformation ?
Le rapport de la Cour des comptes traite de l'exécution du PNRU, du lancement du NPNRU et du fonctionnement de l'agence.
Le PNRU est l'un des grands projets publics de ce début de siècle. Le délai d'exécution complète des projets est de 14 années en moyenne. La Cour note que le programme a globalement rempli ses objectifs quantitatifs, même si la règle d'une reconstruction pour une démolition n'a pas toujours été respectée. Il est certain qu'un grand nombre de quartiers ont été radicalement transformés et je vous invite à venir le constater sur le terrain. Sur le plan qualitatif, le jugement est rendu plus difficile par le manque d'évaluations.
Selon la Cour, l'Agence n'est pas en mesure de fournir des données synthétiques sur l'impact de ses opérations en termes de typologie sociale des logements. Une enquête doit être réactualisée au premier semestre 2020 : pourra-t-on savoir comment de logements ont été financés par un prêt locatif aidé d'insertion (PLAI) ou par un prêt locatif à usage social (PLUS) dans le cadre du PNRU ?
Le règlement du NPNRU prévoit que les logements reconstitués doivent être à 60 % au moins des PLAI, ce qui est sans doute nécessaire : d'après le rapport inter-associatif sur la demande de logement social publié la semaine dernière, 72 % des demandeurs se trouvent en-dessous des plafonds PLAI. Le règlement prévoit aussi que la reconstitution de l'offre doit contribuer au rééquilibrage géographique sur le territoire de l'agglomération. Ce rééquilibrage est essentiel ; je note pourtant dans chaque rapport de loi de finances que les écarts de revenu entre les quartiers de la politique de la ville et l'agglomération environnante restent toujours aussi élevés : la rénovation urbaine ne peut bien sûr pas résoudre tous les problèmes des quartiers, mais on aimerait qu'elle y contribue et la mixité sociale est l'un des objectifs les plus importants.
Selon la Cour, le bilan des opérations de démolition et de reconstruction aboutit à une diminution d'environ 10 % du parc de logement. Comment l'ANRU explique-t-elle cette diminution globale ? Est-elle concentrée sur les territoires où il y a le moins de besoins, par exemple ceux où il y avait des logements vacants ?
S'agissant du NPNRU, dans un travail mené en 2006 avec Roger Karoutchi sur le PNRU, je notais que l'ANRU avait engagé près de 7 milliards d'euros de subventions en comité d'engagement au bout de deux ans de fonctionnement. Pour le NPNRU, en revanche, les engagements financiers de l'ANRU ont été de 110 millions d'euros seulement entre 2014 et 2018. C'est seulement quand les modalités de financement ont été mieux définies que les projets ont véritablement commencé, mais les réalisations physiques restent très rares. Il faut le dire : si les procédures de l'agence étaient peut-être en cause, surtout avant leur révision en 2018, les hésitations de l'État en sont aussi responsables. L'enveloppe financière de 5 milliards d'euros prévue en 2014 n'était pas adaptée à l'ambition du projet. L'État ne souhaitant apporter qu'un financement minoritaire, il a fallu négocier longuement le doublement de l'enveloppe apportée principalement par Action Logement. Et l'année où ce financement était finalisé, en 2018, la mise en oeuvre de la réduction de loyer de solidarité (RLS) conduisait légitimement les bailleurs sociaux - autres partenaires essentiels des projets - à douter de leur capacité à s'engager sur des projets de long terme !
La logique des projets de l'ANRU a conduit à une accumulation des dépenses dans les années 2010 à 2016, la « bosse de l'ANRU » que nous avons souvent évoquée en commission des finances. Pouvez-vous expliquer comment cette « bosse » a été surmontée par l'Agence sur le plan des financements et quelles leçons en tirerez-vous pour le NPNRU, qui devra faire face à un défi similaire ? La Cour a indiqué que la trésorerie serait très négative entre 2020 et 2034 ; or je crois savoir que vous allez présenter des projections moins pessimistes : d'où vient cet écart ?
Il est également nécessaire de parler des conséquences de la crise sanitaire, que la Cour n'a pas pu aborder en détail étant donné le calendrier de ses travaux qu'elle avait convenu avec nous. Les chantiers reprennent un peu partout, mais la crise aura un double impact : sur l'organisation des chantiers en raison des surcoûts occasionnés par les normes sanitaires d'une part, sur les ressources même des financeurs ou des habitants d'autre part. Pourtant tout plaide pour faire du renouvellement urbain l'un des axes de la relance de l'économie : les emplois créés sont locaux, les habitants font partie de ceux qui souffrent le plus de la crise. Avez-vous d'ores et déjà une estimation, ou en tout cas une première analyse, de l'impact de la crise actuelle sur les coûts, les délais, voire le contenu même des projets du NPNRU ?
Une recommandation importante de la Cour est de renforcer le pilotage local des opérations. Il s'agirait en particulier d'assurer la validation par les préfets des projets de l'ANRU, afin de mieux mettre en cohérence les politiques publiques tels que les plans locaux de l'habitat et les aides à la pierre. Je ne peux qu'être favorable à une prise de décision plus proche des communes et des agglomérations. La vérification de l'impact des projets sur la mixité sociale nécessite une connaissance fine du contexte local que l'on peut difficilement avoir au siège de l'Agence - même si celui-ci sera prochainement transféré en Seine-Saint-Denis. Quel est le rôle que jouent déjà les services déconcentrés dans les projets de l'ANRU ? Considérez-vous que le rôle des préfets pourrait se développer comme le propose la Cour des comptes ?
Au-delà des délégations locales de l'ANRU et des services préfectoraux, il faut aussi souligner le rôle des collectivités locales qui sont les porteuses des projets : la Cour note que l'ANRU n'a jamais eu à se substituer à un maître d'ouvrage qui aurait pu être défaillant, comme elle avait la possibilité de le faire sur demande. Or la Cour met en cause le manque de transparence du « scoring », la méthode de notation à partir de laquelle l'ANRU module ses taux de subvention aux collectivités territoriales, aussi bien dans le PNRU que maintenant dans le NPNRU. La Cour a retenu 15 projets parmi lesquels se manifestent bien les différences de traitement qui, à l'origine, ont constitué un sujet de polémique : saisissons l'occasion de cette audition pour en discuter. N'est-il pas aussi nécessaire d'actualiser les données communales sur lesquelles se fonde la cotation, afin de mieux refléter la situation financière des collectivités attributaires des aides ?
S'agissant du fonctionnement de l'ANRU, la Cour donne plutôt un satisfecit, notamment sur les dépenses de personnel. Elle est plus sceptique, voire critique, sur la plus-value apportée par le passage de l'ANRU à la comptabilité privée, qui doit s'effectuer le 1 er janvier 2021 en application de l'amendement apporté à la loi ELAN. Cette échéance pourra-t-elle être tenue, compte tenu de la complexité du changement de comptabilité, alors que l'Agence prépare en même temps son déménagement et que la période de confinement n'a pas dû faciliter les travaux ? Quel avantage voyez-vous à ce changement ? Je vais finir par n'y voir plus que des inconvénients, car l'ANRU n'est plus considérée comme un opérateur de l'État, de sorte que le Parlement ne dispose plus d'informations à son sujet dans les documents budgétaires pour suivre les actions de l'Agence. N'est-il pas encore temps de faire machine arrière ?
Un décret paru le 6 mai dernier prévoit que l'ANRU peut déposer des fonds auprès d'un établissement de crédit traditionnel, avec l'accord du ministre chargé de l'économie : quelle en est l'utilité, alors que la Cour des comptes considère que cette pratique aurait peu d'intérêt pour un organisme qui n'a pas vocation à avoir des excédents budgétaires ?
Après la disparition du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), la Cour des comptes souligne que les administrations exerçant la tutelle de l'ANRU doivent adopter au plus vite un cadre partagé d'exercice de cette mission : comment allez-vous exercer ce contrôle et en avez-vous les moyens ?
Enfin, dans un rapport réalisé il y a exactement dix ans pour notre commission, je notais que l'ANRU avait eu pendant longtemps un système d'information très insuffisant. Or l'Agence semble toujours, en 2020, avoir du mal à effectuer un suivi rigoureux des opérations : la modélisation des prévisions financières se ferait toujours sous Excel selon la Cour, qui préconise depuis des années une remise à plat. Qu'en est-il exactement ? La commission des finances a souligné plusieurs fois que les projets informatiques de l'État tendaient à déraper en coûts et en délais.
M. Michel Canevet . - Je souhaite remercier la Cour pour la qualité du rapport qui nous a été rendu sur une politique particulièrement importante. Ma première question s'adresse au directeur de l'habitat et concerne la recommandation du précédent rapport de la Cour, rendu en 2014, sur la mise en place d'un contrat d'objectifs et de performance. Quelles sont les raisons pour lesquelles un tel contrat n'a pas été signé entre l'agence et la tutelle ?
Par ailleurs, le recours à une agence est-il le moyen le plus efficient pour construire des projets de territoire et coordonner les politiques transversales de l'État ? De ce point de vue, je m'interroge sur l'application de la recommandation de la Cour figurant dans son rapport de 2014 sur la simplification des règles d'intervention pour les programmes de rénovation urbaine. Alors que le NPRNU a été lancé en 2014, sur le terrain, peu d'opérations ont été engagées. Selon vous, la responsabilité de ces retards incombe-t-elle en partie aux élus qui n'auraient pas lancé les procédures suffisamment tôt ?
Je considère qu'il faut allier les questions de politiques et l'action publique dans les quartiers. Les phénomènes de violences doivent notamment conduire à s'interroger sur le périmètre de la politique urbaine : le champ de l'action de l'ANRU est-il suffisamment large pour permettre de répondre aux défis posés par les quartiers ? Est-il nécessaire de lui fournir une approche complémentaire ?
M. Marc Laménie . - La politique de la ville et les programmes de l'ANRU supposent une imbrication très forte entre les acteurs publics et leurs partenaires privés. Je m'interroge sur le niveau des moyens humains qui y sont dédiés : sont-ils suffisants ? De plus la tâche de la rénovation urbaine reste immense, en particulier dans les quartiers difficiles.
Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'implication de l'ANRU dans les petites villes ? Ma question porte également sur le lien avec les autres démembrements de l'État et particulièrement les moyens de coordination avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ? J'ai le sentiment qu'il y a toujours plus d'intervenants et une complexification des politiques publiques en particulier en matière de renouvellement urbain. Il faut réussir à allier les problématiques relatives à la fois aux préoccupations environnementales, au vivre ensemble, à la culture ou encore à l'éducation nationale.
M. Charles Guené . - Je tiens à mon tour à féliciter la Cour pour la qualité de son travail ainsi que le rapporteur spécial Philippe Dallier pour son expertise. Je souhaite interroger les intervenants sur les relations financières et sur le partenariat avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Pour ma part, il me semble clair qu'il faut qu'il y ait étanchéité entre les crédits de l'ANRU et les crédits dédiés aux autres politiques des territoires.
M. Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine . - Je tiens tout d'abord à souligner l'importance du travail fourni par la Cour, mais également par les différents services de l'ANRU qui ont été très fortement mobilisés pour répondre aux demandes et participer aux travaux. Ce rapport permet de rendre compte des évolutions de nos actions et de faire connaître nos travaux, en particulier concernant les changements profonds à l'oeuvre dans les quartiers.
Dans son rapport, la Cour relève l'importance des chantiers portés par l'ANRU. Ceux-ci sont particulièrement exigeants pour l'agence, ses équipes et ses partenaires. La bonne finalisation d'un programme aussi important que le PNRU représente des exigences très lourdes, de même que le lancement du nouveau programme. Je note avec satisfaction que la Cour ne signale pas de dérives dans la gestion mais indique plutôt des points de vigilance. Nous partageons la plupart des recommandations de la Cour et nous avons d'ailleurs déjà commencé et nous continuerons à agir pour les mettre en oeuvre.
Si ces sujets peuvent paraître un peu techniques, il me semble que notre vigilance doit avant tout être portée sur le contrôle interne et la maîtrise des risques. En effet, les modalités de gestion de projets de l'ANRU sont particulières, l'agence reposant sur les services déconcentrés de l'État avec des porteurs de projets collectivités territoriales. Alors que 30 000 opérations sont en cours, la maîtrise des risques doit constituer un axe primordial tant au niveau du siège de l'agence que de ses délégations territoriales.
Je souhaiterais faire trois focus. Le premier concernant le bouclage financier du PNRU, le deuxième porte sur le lancement NPNRU et le dernier sur sa trajectoire financière.
Sur la fin du PNRU, le bouclage a en effet dû être anticipé, alors que les incertitudes nées de la crise du coronavirus ne sont pas encore résorbées. En tout état de cause, nous nous appliquerons à trouver des solutions au cas par cas pour chacune des situations problématiques.
Pour vous donner une vision actualisée au 30 avril 2020, il reste 1 677 opérations encore actives dans 65 départements. Cependant, si ces actions du PNRU apparaissent non soldées sur le papier, elles le sont physiquement pour la plupart d'entre elles.
De plus, beaucoup d'opérations non soldées ont été rechargées dans le NPNRU. Ces retards doivent prendre en compte les nombreux aléas, le covid-19 faisant peser des incertitudes très fortes sur 2020.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Il me semble que la crise devrait conduire à accorder des délais complémentaires allant de trois à six mois pour les collectivités dont les projets ont été affectés.
M. Nicolas Grivel . - Notre doctrine globale est de procéder à des évaluations au cas par cas et de trouver des solutions sur mesure, avec éventuellement une intégration au NPNRU. J'insiste sur la nécessité de faire le lien entre les deux programmes.
Les restes à payer se concentrent sur une quinzaine de départements, avec une focalisation très forte sur la Seine-Saint-Denis et les Bouches-du-Rhône qui représentent 50 % des restes à payer.
Les économies constatées s'élèvent à 643 millions d'euros, qui seront intégralement reportés sur le NPNRU. Les différentes prorogations du PNRU ont été à l'origine d'une grande complexité de gestion. Pour rappel, fin 2015, les restes à payer s'élevaient à 3 milliards d'euros.
Concernant l'avancée du NPNRU, 85 % des projets ont d'ores et déjà passé le stade de la validation. Les concours financiers atteignent 10,3 milliards d'euros. Il y a une vraie accélération maintenant que la phase de préfiguration est passée. Malheureusement, le report des élections municipales a bloqué un certain nombre de projets. Il s'agit désormais d'atteindre nos objectifs opérationnels : alors que nous visons 80 000 démolitions, nous serons probablement au-delà de 100 000. Encore une fois, les cas les plus complexes sont localisés dans les territoires ultra-marins, à Marseille et en Île-de-France.
Le lancement d'un programme est toujours une opération complexe. Pour assurer le démarrage, il faut lancer le programme, sélectionner des quartiers, valider les projets, engager la dépense, et enfin payer. La temporalité est donc relativement longue. Sur le NPNRU, 213 opérations ont déjà été finalisées et livrées et de très nombreux chantiers sont en cours.
Enfin, concernant la trajectoire financière, celle-ci sera fixée au conseil d'administration de l'agence, le 23 juin prochain. De nombreux paramètres sont encore susceptibles de la faire varier.
Nous avons désormais l'expérience du PNRU pour lequel les années 2011 et 2016 ont connu un plateau avec des paiements annuels supérieurs à un milliard d'euros : la « bosse » a été aplanie. La trajectoire peut prendre des formes variables dans la mesure où elle agrège des données à l'échelle macro qui dépend de l'agrégation d'une multiplicité de projets souvent complexes. La consommation des projets dépend donc d'effets de trésorerie particulièrement importants, d'autant qu'il y a désormais une combinaison entre les programmes.
Depuis 2016, les difficultés de trésorerie de l'ANRU sont pour l'essentiel résolues. Désormais, nous intégrons à la trajectoire financière la réalité des opérations constates et non des estimations globales.
L'ANRU souhaite s'appuyer sur le constat du décalage entre l'exécution physique et l'exécution financière du programme pour fiabiliser ses données. L'objectif est de lisser les échéanciers de paiement pour répondre aux besoins de trésorerie des maîtres d'ouvrage et éviter le recours à un système d'avances qui avait fait l'objet de critiques de la Cour dans son précédent rapport. L'intégration progressive des conventions NPNRU dans le système d'information de l'ANRU permettra d'agréger des données de prévision d'exécution plus détaillées. Cette transition permettra surtout de fiabiliser les données qui ne seront plus fondées sur un modèle théorique mais bien sur chacune des conventions, et ce de façon actualisée. Ainsi, l'ANRU disposera des échéanciers de paiement et d'une réelle visibilité. Le sujet sera abordé la semaine prochaine en conseil d'administration.
Par ailleurs, compte tenu de l'application du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), il n'est pas possible de désengager des crédits. Les gestionnaires attendent donc le dernier moment pour engager les crédits, afin que la prévision soit au plus près des coûts réels. À l'inverse, du point de vue opérationnel, on engage le plus vite possible et il y a donc un décalage entre les opérations physiques et financières.
Le nouveau dispositif permet donc de présenter des chiffres plus fiables, avec 10 milliards d'euros réellement engagés du fait des remontées de chacun des projets. Il faut désormais que cela se traduise dans la trajectoire financière.
Cependant, celle-ci reste très théorique et sera particulièrement sensible à deux paramètres : le rythme défini des échéanciers de paiement et la date juridique et opérationnelle de la fin des engagements. Alors qu'aujourd'hui la loi prévoit la fin des engagements en 2024, cette date devra être remise en cause, comme cela a été le cas pour le premier programme, l'échéance ayant été déplacée de 2008 à 2011 puis à 2015. La crise actuelle renforce la nécessité de remettre en cause l'échéance de 2024.
La question du déroulé du NPNRU a été posée et elle est primordiale. On ne peut pas lancer ce programme dans les mêmes conditions que si on partait de zéro et il nous faut prendre en compte le précédent programme. De plus, nous devons répondre à des exigences renforcées. Les projets doivent maintenant traiter avec les intercommunalités, ce qui entraîne parfois des difficultés au niveau local, et associer davantage les habitants. Surtout, les nouveaux projets doivent incorporer toutes les politiques publiques, les problématiques de transport, de santé. Cela suppose un vrai temps de préparation et il est impossible de commencer rapidement sans délai de préfiguration. De plus, le contexte n'a pas joué en la faveur de l'ANRU, la réduction de loyer de solidarité et les tensions entre les acteurs qui s'en sont suivies, les réflexions autour du rapport de Jean Louis Borloo, de la loi PACTE sur la question des seuils, ont largement ralenti les processus.
Si je pense que nous pouvons nous féliciter de ce que la phase de préfiguration a véritablement été d'une grande qualité, il y a tout de même une réflexion rétrospective à mener sur la césure entre les deux programmes. Fermer et ouvrir des programmes aussi considérables, cela demande beaucoup d'énergie et je considère qu'il n'y a pas eu suffisamment de tuilage. Il s'agirait désormais d'inventer des systèmes plus continus et avec davantage d'anticipation.
S'agissant du choix des taux de subvention, il faut rappeler que l'ANRU a commencé à valider des projets sans disposer d'un cadre complètement stabilisé sur ces sujets. Ce n'est la faute de personne : c'était le démarrage et il fallait inventer un dispositif d'intervention. Au sein de ce dispositif, il est apparu nécessaire de varier l'intensité d'aide selon les difficultés et les particularités des territoires. Sur la demande de la Cour, nous avons retrouvé les décisions intervenues sur certains projets en 2004 et en 2005, et qui pouvaient sembler contradictoires avec nos règlements. Cela vient simplement du fait que ces décisions sont intervenues avant les règlements, le cadre était différent.
Sur le NPNRU, les choses ont été posées d'emblée, nous avions du recul et de l'expérience. Nous avons dû également créer deux scoring : un communal et un intercommunal, ce qui n'était pas facile en pleine évolution de la carte intercommunale. On a affiché clairement les critères pris en compte, par exemple sur la pauvreté et la richesse du territoire et de la collectivité, et la gamme des aides, entre 10 % et 70 % majorables de 15 points en cas de difficultés particulières ou de problèmes de soutenabilité financière spécifiques. Je crois donc, malgré tout, qu'on a eu moins de difficultés dans la période récente que dans la période initiale sur la transparence et la justification de l'octroi d'un certain montant d'aides à chaque projet.
Pour autant, vos interrogations et celles de la Cour des comptes demeurent valides, et redoutables : comment, de cette photographie initiale d'un programme, faisons-nous évoluer dans le temps le projet ? Quand on valide des projets à hauteur de 10 ou 12 milliards d'euros, si on bouge les curseurs en cours de programme en revenant sur ce qui a été décidé, c'est impossible à gérer. Après avoir pris des engagements à un certain niveau envers une collectivité, on ne peut pas lui dire qu'on va lui reprendre cet argent pour le donner à une collectivité voisine qui irait relativement moins bien. Comme la Cour des comptes le préconise, on s'est toutefois engagé, pour des opérations nouvelles qui se concluraient ces prochaines années par avenant ou par redéploiement, à actualiser le regard que nous portions alors sur la collectivité afin de contractualiser, le cas échéant, à un niveau différent sur les prochaines étapes.
Notre objectif initial était de ne pas remodifier les paramètres sans arrêt : les collectivités voulaient savoir à combien elles étaient financées, sur quelle base elles devaient travailler, sur quels montants. Ces deux ou trois dernières années, nous n'étions pas du tout dans l'idée de réviser le scoring tous les ans, ce qui aurait changé les bases de calcul.
On doit contribuer à la politique de rééquilibrage territorial, c'est pour nous crucial. C'est notre principal sujet : les quartiers ont certes des difficultés intrinsèques, mais ils sont avant tout le résultat de ce qui se passe autour. Leur historique le montre bien : ils étaient très attractifs dans les années 1960 et 1970 avant de décrocher, les gens ne voulaient plus y vivre, ils ont déménagé et ceux qui y sont restés l'ont souvent fait de manière contrainte. La leçon du premier programme, sur laquelle s'appuie le second programme, c'est qu'on ne peut pas seulement raisonner à l'échelle du quartier. Le dialogue que nous avons avec les élus est avant tout un dialogue intercommunal : sur la démographie des collectivités où habitent les gens, sur les besoins de construction dans les dix années à venir en volume et en qualité des logements à construire comme sur la localisation des logements sociaux. Nous avons renforcé l'une de nos exigences, celle de ne pas forcément reconstruire un logement social là où il avait été démoli, dans le quartier d'origine, mais dans un autre endroit, à l'échelle du territoire au sens large. Cela ne s'est pas fait sans opposition. Dans le cadre du NPRNU, 17 % des reconstitutions de logements validées auront lieu dans le quartier d'origine, contre 50 % dans le premier programme, voire 60 % si on tient compte de tous les quartiers prioritaires d'une agglomération. Dans ces 17 %, on compte les logements sociaux créés dans des quartiers de copropriété très dégradés.
Cela nous semble donc plutôt vertueux mais nous ne devons pas être les seuls porteurs de cette politique publique. Elle doit s'incarner sur beaucoup de choses, de l'offre de logement aux politiques d'attribution. La mixité sociale vient aussi de cette politique d'attribution, qui repose, au niveau intercommunal, sur des stratégies qui, pour être efficientes, doivent être prolongées au-delà de l'offre de logements.
Je reviens sur la règle du « 1 pour 1 » c'est-à-dire une reconstruction pour une démolition. On n'a pas détruit du logement puisque, dans le 1 pour 1, on ne compte pas les logements diversifiés par ailleurs construits dans les quartiers. Quand on démolit du logement social dans un quartier, on peut certes le reconstruire dans le quartier (de moins en moins) ou ailleurs, mais on peut aussi construire à la place du logement en accession ou en locatif libre. L'essentiel pour nous, c'est de ne pas reconstruire du logement là où il n'y en a pas besoin, d'où les aménagements à la règle du 1 pour 1. Il y a des territoires en forte déprise démographique : si on y construit trop de logements sociaux, soit ils ne seront pas occupés, soit on vide d'autres logements sociaux plus anciens, soit on vide les centres villes.
Sur l'impact du covid-19 sur la fin du PNRU et le début du NPNRU, des questions de surcoût vont se poser. Toutefois il est encore trop tôt pour évaluer l'impact réel en coût comme en durée, et donc l'impact global sur le programme, d'autant que le lancement des chantiers avait ralenti en période de campagne électorale pour les municipales. Notre inquiétude n'est pas tant sur les chantiers en cours que sur ceux qui devaient être lancés maintenant ou prochainement. Ces surcoûts seront pris en charge par redéploiement interne ou renégociations locales.
Le rôle des préfets est pour nous essentiel, car ils sont les délégués territoriaux de l'ANRU. Les équipes travaillent localement avec le préfet et on ne fait rien sans elles. L'ANRU avait une structure déjà plutôt déconcentrée sur un certain nombre de sujets. La question qui se pose est de savoir si elle peut l'être un peu plus sur la validation des projets : on l'a fait sur des projets régionaux, même nationaux lorsque les choses semblaient relativement simples, en donnant des mandats aux préfets, ce qui a permis d'accélérer le processus. Toutefois, deux éléments viennent amoindrir cet effort. Premièrement, on a encore du mal à considérer que certains sujets peuvent se traiter seulement au niveau local, même lorsque l'ANRU le dit. Quand le projet soulève des oppositions, les parties prenantes en appellent souvent à l'ANRU ou au ministre. Deuxièmement, on doit avoir des éléments de cohérence globale, de savoir-faire et de partage de bonnes pratiques, que peut favoriser l'ANRU. Je pense par exemple à la mixité sociale ou à la politique publique d'attribution des logements, sur lesquelles certaines collectivités n'en sont encore qu'au début. Des éléments d'impulsion et de partage peuvent et doivent encore être donnés par la coopération entre le niveau national et le niveau local. Notre modèle avec l'État et les régions fonctionne plutôt bien.
Je ne vais pas relancer le débat sur le passage à la comptabilité privée, votée par le législateur. Je rappelle juste que c'est une suite directe du rapport de M. Jean-Louis Borloo, qui avait proposé soit de créer une fondation privée porteuse de la rénovation urbaine, soit d'avoir un cadre de gestion plus proche du privé pour l'ANRU. Il y a eu, dans ce cadre, un sujet relatif à la comptabilité, mais aussi au schéma d'emplois, révélateur de tensions, surtout à la fin du PNRU et au début du NPNRU. L'Agence a eu besoin de renforcer nos effectifs à ce moment-là. Il ne faut pas avoir une vision « apocalyptique » sur ce changement : il y aura des éléments de continuité assez forts, car la comptabilité publique et la comptabilité privée partagent un certain nombre de principes et cette transition pourra apporter davantage de souplesse, par exemple pour modifier les engagements en cours de programme. Notre seul objectif, c'est que cette transition se passe bien et soit « invisible », indolore pour les acteurs locaux. Nos équipes travaillent sur la comptabilité et le système d'information afin que tout soit en place au 1 er janvier 2021. Sous réserve de la suite de ces travaux, nous pensons tenir ce délai sans risques ou dommages pour les parties prenantes. Au niveau du système d'information, changer beaucoup de paramètres dans un système est nécessairement créateur de complexités. D'ici au prochain rapport de la Cour des comptes, j'espère que la Cour constatera nos progrès sur nos divers systèmes d'information.
M. Stéphane Brunot, directeur, adjoint du directeur général des collectivités locales. - Les deux missions confiées à la DGCL à l'égard de l'ANRU s'inscrivent dans le cadre plus général de la création, le 1 er janvier 2020, de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de la disparition concomitante du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Ces deux nouvelles missions ont eu un impact sur l'organisation de la DGCL, plus connue traditionnellement pour s'occuper de droit des collectivités territoriales, de finances locales et de fonction publique territoriale. Cela s'est traduit par la création d'une sous-direction de 30 agents qui exercent un ensemble de missions qui vont de la gestion des crédits de la politique de la ville ou de l'aménagement du territoire à la tutelle des opérateurs relevant désormais de la DGCL. Au sein de cette sous-direction, un bureau a été créé pour assurer la tutelle nouvelle de l'ANRU. Alors que la DGCL siégeait auparavant au conseil d'administration de l'Agence, elle exerce maintenant une mission de tutelle, en lien avec la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Des échanges ont été entamés avec la DHUP pour assurer la meilleure répartition possible et la meilleure complémentarité entre nos approches. La DHUP sera plutôt la direction « métier », mais sa mission aura un impact direct sur le suivi de l'ensemble du programme financier et du programme d'intervention de l'ANRU, assuré par la DGCL.
Une autre mission a été créée, également nouvelle dans sa forme, à savoir le contrôle économique et financier, qui n'est pas un contrôle budgétaire puisqu'il n'y a plus de contrôle a priori . Un décret du 7 janvier 2020 est venu expliquer en quoi consistait cette nouvelle mission et de quelles informations la DGCL était destinataire au titre de cette mission de contrôle. Pour reprendre les termes du décret, l'objectif du contrôle économique et financier est une mission de veille et d'analyse du risque financier, ainsi que l'appréciation de la performance et de la soutenabilité de la trajectoire financière pluriannuelle. Cette mission commence au 1 er mars 2020, la tutelle ayant commencé au 1 er janvier 2020. Elle pourra aussi s'appuyer sur le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), qui relève du ministère de la transition écologique et solidaire. En matière de moyens humains et de cadre juridique, tout a défini pour être en ordre de marche dès le premier semestre 2020.
S'agissant de l'articulation avec l'ANCT, il y a deux niveaux : le niveau national et le niveau local. Au niveau national, entre les deux agences, une convention a été présentée au conseil d'administration de l'ANCT aujourd'hui même pour expliquer la coopération entre les deux agences. Au niveau local, le lien entre ces deux missions est assuré par l'unicité du représentant du délégué territorial, soit le préfet de département.
M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. - Notre ministère va désormais contribuer à la tutelle de l'ANRU. La DHUP suivait l'activité de l'Agence depuis 2004, via sa participation au conseil d'administration et au comité d'engagement. Pour mener cette mission, nous allons tâcher d'exploiter au maximum la synergie avec d'autres missions, notamment le suivi des bailleurs sociaux et des politiques d'attribution, le financement du logement social de droit commun et le suivi des relations financières entre l'État et Action logement, qui est l'un des principaux financeurs de l'Agence. Nous ne manquons donc pas des compétences pour mener à bien cette nouvelle mission, mais celle-ci implique néanmoins un redéploiement de ressources en interne.
La décision n'est pas tranchée quant à la mise en place d'un contrat d'objectifs et de performance (COP), mais nous sommes favorables à ce qu'il existe un document contractuel avec l'Agence quelle que soit sa forme. Si l'essentiel des dossiers sont déjà contractualisés, des enjeux se posent sur le suivi de l'exécution des programmes.
Sur le choix de confier la politique de rénovation urbaine à une agence, le rapport de la Cour montre bien qu'une bonne partie des objectifs initiaux ont été atteints. Le système de financement et de contractualisation spécifique que nous avons construit n'était possible que dans le cadre d'un établissement public et ne l'aurait pas été dans le cadre standard de l'exécution budgétaire de l'État. L'Agence est néanmoins restée proche de l'État, et ce aussi bien dans les grandes décisions que dans l'exécution comme l'atteste le rôle joué par les préfets en tant que délégués territoriaux. Dans ce cas-là comme dans le cas de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), on constate un certain nombre d'avantages liés à la création d'une agence tout en conservant une interaction très forte avec les politiques de l'État.
Sur les questions relatives à la trajectoire financière, je pense effectivement que l'enjeu des paiements sur la période 2023-2028 constitue un sujet très sérieux. Nous savons quels leviers mobiliser pour le traiter. Se pose d'abord un enjeu de suivi et de qualité des prévisions : les prévisions de 2004-2005 se sont avérées peu réalistes et ont dû être recalibrées au cours du temps. Il faudra sans doute affiner les choses, peut-être sur la base de scénarios. C'est sur cette base que devront être prises les décisions sur le rythme de versement des contributions de l'État et sur l'ajustement dans le temps des contributions d'Action logement. Il s'agira d'ailleurs d'un sujet majeur dans la perspective de la prochaine convention quinquennale avec Action logement dont l'exécution doit démarrer en 2022. La question de la soutenabilité financière, si elle n'est pas réglée, semble néanmoins maîtrisée et ne devrait pas constituer un facteur bloquant pour l'avancement des projets.
L'ANRU a mené un énorme effort depuis deux ans pour valider et contractualiser les projets. Elle n'a plus la maîtrise complète sur la conduite des opérations, qui relève des très nombreux maîtres d'ouvrages, collectivités territoriales et bailleurs sociaux. L'Agence peut certes jouer un rôle de suivi, voire d'aiguillon, au travers de ces délégués territoriaux, mais l'avancement dépend des maîtres d'ouvrage.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - En effet, une fois que les opérations sont lancées, n'êtes-vous pas tributaires de la rapidité avec laquelle elles s'exécutent ?
M. François Adam. - La contribution financière totale de l'ANRU au NPNRU est connue, ainsi que la répartition entre les financeurs. Seul le séquençage dans le temps de la contribution de certains financeurs, notamment Action logement et l'État, n'est pas encore déterminé.
M. Nicolas Grivel. - Lorsque nous examinons les calendriers, nous sommes obligés de prendre le scénario d'exécution le plus rapide. Chaque opération a cependant des aléas, et toutes les opérations « se tiennent » les unes les autres. Nous ne voudrions pas qu'à l'inverse notre système de trajectoire s'avère freinant pour les acteurs locaux.
M. François Adam. - Le renforcement du suivi de la trajectoire physique constitue aujourd'hui un enjeu important, comme l'a souligné la Cour. Les délégués territoriaux doivent faire passer ce message à l'ensemble des maîtres d'ouvrage. L'objectif du NPNRU n'est pas seulement de réaliser des projets ambitieux, mais encore de les réaliser dans une échelle de temps permettant de produire rapidement un maximum d'impact dans les quartiers visés. L'enjeu de l'optimisation des délais reste un aspect majeur pour les années qui viennent.
Sur le passage à la comptabilité privée, il s'agit d'un chantier qui a demandé beaucoup de travail à l'Agence et le délai devrait être tenu. Plusieurs facteurs sont en effet à prendre en compte. Tout d'abord, l'Agence appliquait déjà les normes comptables des établissements publics s'agissant des états financiers, qui sont aujourd'hui relativement proches de celles de la comptabilité commerciale. Ensuite, les paiements étaient déjà centralisés, ce qui rend la transition plus simple. Enfin, les comptes de l'ANRU étaient déjà certifiés.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Je reviens sur la question de la tutelle de la DHUP. Vous sentez-vous véritablement outillés pour assumer ce nouveau rôle ?
M. François Adam. - Par rapport à la situation standard d'un établissement public, nous n'aurons plus stricto sensu de tutelle financière. Le ministère de l'économie reste toutefois présent au conseil d'administration et sera forcément attentif aux questions financières. La DGCL comme la DHUP disposent bien de compétences financières en interne, et sont habituées à la tutelle d'établissements publics avec de gros enjeux financiers. C'est certes un défi, mais il me semble que nous partons avec un certain nombre d'atouts pour cette évolution des modalités de la tutelle.
M. Nicolas Grivel. - Je confirme que la convention est examinée par l'ANCT au titre de ses attributions en matière de politique de la ville. Cette convention ne porte cependant pas sur des flux financiers croisés. L'articulation avec les autres politiques publiques, aussi bien celles portées par l'ANCT que par l'ensemble des ministères concernés, est importante. L'ANRU s'efforce de favoriser les complémentarités entre les différents dispositifs. À titre d'exemple, sur les 222 villes concernées par le plan Action Coeur de ville, près de 150 sont connues par l'ANRU et, pour 30 à 40 d'entre elles, le quartier visé par le plan Action Coeur de ville et par les plans de rénovation urbaine est le même.
M. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. - Nous partageons la perplexité du sénateur Dallier sur la question du cadre comptable. Certains établissements publics qui remplissent des missions comparables à celle de l'ANRU, comme les établissements publics d'aménagement, travaillent en comptabilité publique. Il nous parait malgré tout impossible de revenir sur ce choix du passage à la comptabilité privée car ce serait incohérent et entraverait la bonne marche de l'Agence. Le bilan permet toutefois d'identifier des points à renforcer : le contrôle interne, le contrôle de gestion ou la plus grande visibilité du conseil d'administration, par exemple.
L'ANRU nous parait être un levier majeur pour les opérations de rénovation urbaine. Nous avons mis en avant sa plasticité, sa tonicité, sa réactivité et son expertise. Le NPNRU est attendu et il a des ambitions extrêmement larges. Ses objectifs sont plus compliqués, son financement plus complexe et le nombre d'opérateurs impliqués est très important.
Le point qui nous parait majeur est d'identifier l'impact de la crise sur les maîtres d'ouvrage. Le financement ANRU est à peu près garanti, mais il y a un effet levier qui suppose que les autres acteurs soient présents. La Cour va lancer des travaux sur ce sujet dans les mois qui viennent. L'impact de la crise sur la situation financière de certaines collectivités territoriales ou bailleurs risque d'être fort. Ce sera un point majeur pour l'exécution, les délais et la bonne fin des opérations.
Un dernier point peut être évoqué. Nous avons essayé de travailler sur une évaluation de l'impact de la politique de renouvellement urbain et de la politique de la ville sur les quartiers prioritaires. On constate l'effet important de ces programmes. Ils ne sont pas suffisants mais ils sont nécessaires et leur impact est majeur. La Cour des comptes devrait publier un rapport à l'automne sur ce sujet.
M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie pour vos contributions. Ces politiques sont directement opérationnelles, à la différence d'autres politiques reposant sur des instruments simplement incitatifs, et produisent des effets concrets dans les territoires.
La commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de M. Philippe Dallier.