N°3
CONSEIL
|
N° 484 SÉNAT RÉPUBLIQUE FRANÇAISE |
|
Adopté le 15 juin 2020 par le comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juin 2020 SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020 |
RAPPORT CONJOINT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat (1) de la République Française et du comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération (2) de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie relatif à un agenda de confiance entre la France et la Russie ,
PAR M. Konstantin KOSSATCHEV,
|
PAR M. Christian CAMBON,
|
(1) La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat de la République française est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic, secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung.
(2) Le comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie est composée de : M. Konstantin Kossatchev, président du Comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération ; MM. Vladimir Dzhabarov et Sergey Kislyak, Premiers vice-présidents du Comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération ; MM. Alexander Babakov, Bair Zhamsuyev, Andrei Klimov, Vladimir Lukin, Farit Mukhametshin, vice-présidents du Comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération ; MM. Alexei Kondratyev, Vladimir Lakunin, Oleg Morozov, Alexei Orlov, Oleg Selezneov, Sergei Tsekov, membres du Comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération .
INTRODUCTION
A. TEXTE DU SÉNAT FRANÇAIS
« Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. (...) Il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie. »
Discours du Président de la République française aux Ambassadeurs,
août 2019
Ce rapport est le deuxième rapport conjoint que le Sénat français et le Conseil de la Fédération de Russie décident d'écrire ensemble. Alors que nous célébrons le 75 ème anniversaire de la victoire contre le nazisme, c'est évidemment un symbole.
Le premier rapport conjoint 1 ( * ) entre nos deux commissions s'inscrivait dans un contexte très différent . Les relations bilatérales entre la France et la Russie, tout comme celles des autres pays européens, avaient été profondément dégradées du fait de la crise ukrainienne, mais aussi des divergences sur le conflit syrien et des soupçons d'ingérence (manipulations de l'information, cyberattaques) de la Russie dans les processus électoraux de plusieurs pays. De nombreux canaux de discussion avaient été rompus et la communication demeurait difficile, même si la rencontre du Président français et du Président russe à Versailles en mai 2017 laissait entrevoir la possibilité d'une évolution.
Les relations entre les Chambres hautes étaient cependant demeurées denses. Dès février 2015, puis en avril 2016, le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, conscient du caractère stratégique de la relation bilatérale, en dépit des difficultés et des divergences de fond, a effectué un déplacement à Moscou, à l'invitation de la Présidente du Conseil de la Fédération, Mme Valentina Matvienko. Les liens noués entre les deux chambres hautes ont contribué à maintenir la relation franco-russe, y compris lorsque celle-ci était à son étiage.
Lors de la préparation du premier rapport conjoint, fruit de ces contacts, nous avions conscience de nous lancer dans une entreprise délicate à l'issue incertaine, tant nos divergences paraissaient indépassables . S'il ne les a pas fait disparaître, ce premier rapport a été l'occasion de les énoncer, d'exprimer des attentes et de mettre l'accent sur les points de convergences et les pistes de rapprochement. Par les contacts et les échanges intenses qu'elle a nécessités, cette coopération parlementaire a été en elle-même une première étape sur le chemin du rétablissement de la confiance .
Presque deux années plus tard, nous avons souhaité renouveler l'expérience et donner une suite à ce premier rapport. Dans un contexte international encore plus instable, le dialogue est en effet encore plus indispensable.
Le contexte stratégique est en pleine recomposition. L'accentuation du repli stratégique américain appelle un raffermissement de l'autonomie stratégique européenne. Face à un multilatéralisme en panne, les crises ne cessent de s'aggraver et de se multiplier (Syrie, Sahel, Iran, Libye, Venezuela...). La Russie s'implique sur un nombre croissant de théâtres d'opérations, qu'il s'agisse de l'Afrique (à laquelle elle a récemment consacré un sommet à Sotchi), de la Libye, du Moyen-Orient et même de l'Amérique latine, confirmant son statut d'interlocuteur incontournable sur la scène internationale . Le délabrement du régime de maîtrise des armements (fin du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire [FNI], incertitude concernant l'avenir du traité New Start...) et le renforcement des logiques de puissance donnent, hélas, le signal d'une nouvelle course aux armements , sur le sol même de l'Europe.
Le contexte diplomatique a lui aussi changé puisque le Président de la République française a posé le constat d'une incapacité de nos relations actuelles à faire avancer le règlement des crises et considéré qu'il était vain d'envisager la sécurité du continent européen sans tenir compte de la Russie. D'où la démarche structurée de réengagement du dialogue avec Moscou .
C'est à l'occasion d'une réunion conjointe des ministres des affaires étrangères et des ministres de la défense des deux pays le 9 septembre 2019 (la première réunion en format dit 2+2 à se tenir depuis 2012) qu'a été présentée à la partie russe une proposition « d'agenda de confiance et de sécurité » comportant cinq axes de travail (le développement des coopérations bilatérales existantes dans le domaine de la sécurité et des technologies de souveraineté, la création de mécanismes bilatéraux de dialogue et de transparence sur les enjeux stratégiques et défense, un dialogue sur les instruments et enceintes multilatéraux, le développement de la dimension humaine de notre relation, le renforcement de notre coordination pour la gestion des crises internationales). Chaque partie a nommé un envoyé spécial chargé de coordonner le dialogue qui implique, de part et d'autre, un grand nombre d'interlocuteurs.
Là où le premier rapport parlementaire conjoint avait précédé l'initiative diplomatique française, ce deuxième rapport se donne pour objectif de l'accompagner, au plan parlementaire, et de l'approfondir .
En ce qui concerne la méthode, nous avons repris la même que celle du précédent rapport, qui consiste à mettre en regard, pour les différents thèmes qui structurent notre relation, la vision russe et la vision française, qui sont parfois concordantes, parfois divergentes.
Nous formons le voeu que ce rapport parlementaire, fruit d'une coopération inédite entre nos deux assemblées, contribue à une meilleure compréhension de nos positions respectives et facilite le dialogue engagé au niveau de nos exécutifs comme de nos sociétés civiles .
B. OBSERVATIONS DU CONSEIL DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
Le Conseil de la Fédération de Russie et le Sénat français constatent que depuis l'établissement du dernier rapport commun en 2018 le contexte international s'est complexifié et en l'état actuel il inspire une inquiétude légitime.
Nous voyons s'écrouler le système des accords dans le domaine de la stabilité stratégique, de la non-prolifération et de la maîtrise des armements, et de la non-dissémination des armes nucléaires. Le seuil d'utilisation d'armes nucléaires baisse, les crises régionales se multiplient, les normes internationales ne sont pas respectées, avec notamment des cas d'ingérences armées dans les affaires de pays souverains, de sanctions illégales et de fortes mesures protectionnistes qui déstabilisent les marchés mondiaux et le système du commerce mondial. Se multiplient des tentatives pour opposer au principe de la primauté du droit international un ordre fondé sur des règles établies par un cercle restreint. Nous constatons une dégradation importante du comportement sur la scène internationale, ainsi qu'une dégradation du cadre de vie de l'être humain. Et sans aucun doute, les conséquences de la révolution technologique et numérique, qui a changé le mode de vie de l'homme et la communication entre les êtres humains et qui est devenue l'un des éléments les plus importants dans le monde actuel, appellent à une réflexion.
C'est pourquoi, la question la plus importante pour la communauté internationale est la suivante : que faire pour que le monde ne s'enlise pas dans une confrontation, mais qu'il prenne la voie du développement durable ? La Russie et la France sont d'accord sur le fait qu'une solution ne peut pas être trouvée sans le respect d'un nombre de conditions de base. Et notamment, la reconnaissance d'un système multipolaire d'ordre mondial fondé sur la primauté absolue du droit international et l'appui d'institutions universelles, de l'ONU en premier lieu, ainsi que la reconnaissance de l'impossibilité de résoudre les problèmes de sécurité internationale et européenne sans une coopération égale et en tenant compte des intérêts communs.
Dans ces conditions compliquées, la Russie et la France, qui ont une responsabilité particulière d'assurer avec les autres pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU la paix et la sécurité internationales, doivent et peuvent jouer un rôle important dans la résolution de la crise qui s'est installée dans les relations entre l'Orient et l'Occident, le Nord et le Sud. Aujourd'hui, plus que jamais, des efforts conjoints sont demandés pour relever les défis mondiaux. Notre intérêt commun est de créer un espace commun dans les domaines de la sécurité, de l'économie et de la communication de l'Atlantique à l'océan Pacifique. Dans le cadre de cet espace, une confrontation géopolitique intensifiée serait remplacée par le rétablissement d'une coopération mutuellement bénéfique fondée sur la diplomatie et le partenariat multilatéraux. Dans le même temps, la mise en place d'un Grand Partenariat eurasiatique pourrait conduire à un nouveau niveau d'interaction sous la forme de l'« intégration des intégrations». Une grande perspective se voit dans la recherche d'un terrain d'entente entre les plus grandes associations d'intégration d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, particulièrement entre l'Union européenne et l'UEEA.
Aujourd'hui, l'Europe reconnaît de plus en plus la nécessité de rétablir les relations entre l'UE et la Russie, en rétablissant progressivement un dialogue politique cohérent. Des mesures ont déjà été prises en ce sens : pendant le sommet Russie-UE on a adopté des décisions stratégiques basées sur la création de quatre espaces communs - économique, de sécurité extérieure, de liberté, de sécurité et de justice, de science et d'éducation (incluant les aspects culturels). Ces mesures restent pertinentes.
A la fin du mois d'août 2019, dans son discours devant les ambassadeurs de France à l'étranger, Emmanuel Macron a amorcé une révision fondamentale des relations entre la France et la Russie dans le sens d'un rapprochement stratégique pour la formation d'une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, en respectant ce faisant la tradition constructive de la politique étrangère française établie par les éminents personnages politiques qu'étaient Charles De Gaulle et François Mitterrand. La position active de Paris en ce qui concerne le renforcement de l'autorité internationale et la subjectivité non seulement de la France, mais de l'Union européenne dans son intégralité, rencontre un réel soutien en Russie et est largement acceptée en Europe.
La nouvelle politique du Président de la République française a été traduite par un appui au rétablissement des droits de la délégation russe à APCE dans le cadre de la présidence de la France au Conseil de l'Europe, par une reprise du travail du Conseil Franco-Russe pour l'économie, les finances, l'industrie et le commerce (CEFIC), qui a été gelé suite à la crise ukrainienne, du Conseil de sécurité au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi que par la proposition de réintégrer la Russie au G8.
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron au poste du Président de la République française en mai 2017, les leaders des deux pays se sont rencontrés plusieurs fois, mais c'est la rencontre à Brégançon en 2019 qui a marqué une nouvelle étape dans les relations franco-russes. Malgré une divergence de points de vue sur la façon de résoudre les crises internationales et les sanctions réciproques entre l'Union européenne et la Russie, nos relations bilatérales ont surmonté toutes les épreuves, même lors des périodes les plus sombres de l'histoire européenne.
Dans l'optique du développement des relations entre les pays, la diplomatie parlementaire est appelée à contribuer au rétablissement de la collaboration pluridimensionnelle franco-russe, au renforcement de la confiance entre les peuples des deux États et de la construction des relations entre l'Union européenne et la Russie basées sur les principes de l'égalité et du respect mutuel.
Il est symbolique que la préparation du deuxième rapport parlementaire commun a lieu à l'approche d'une grande date, le 75 e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, ce qui représente une bonne occasion de réfléchir sur le passé, le présent et le futur de nos relations bilatérales.
I. L'APPROFONDISSEMENT DES COOPÉRATIONS BILATÉRALES ET DU DIALOGUE BILATÉRAL EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ, DE DÉFENSE ET DES TECHNOLOGIES DE SOUVERAINETÉ
A. TEXTE DU CONSEIL DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
La Russie et la France essaient, quand c'est possible, de coopérer ou d'engager des démarches communes, en s'appuyant sur des intérêts objectifs et communs et en partageant un même objectif : diriger le potentiel de la collaboration franco-russe vers une action commune visant à former une nouvelle architecture de sécurité sur le continent européen. Les deux parties portent un intérêt particulier aux questions de sécurité dans la zone Europe-Atlantique basée sur un dialogue ouvert, équitable et honnête.
La Russie et la France sont d'accord sur le principe qu'au coeur d'un tel dialogue doit se trouver le concept d'une sécurité égalitaire et indivisible établi dans les documents fondamentaux tels que l'Acte final d'Helsinki de 1975, la Charte de la sécurité européenne de 1999, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe de 1990 et la Déclaration d'Astana adoptée au Sommet de l'OSCE de 2010. Au cours des rencontres à Brégançon en août 2019 et la réunion du Conseil pour la coopération dans le domaine de la sécurité (format « 2+2 » avec la participation des Ministres des Affaires étrangères et des Ministres de l'Intérieur) en septembre 2019 à Moscou, les parties russe et française ont convenu de travailler conjointement pour créer, en Eurasie et dans la zone Europe-Atlantique, un espace de paix, de sécurité et d'une large coopération égalitaire .
Selon l'avis russe, aujourd'hui cela est entravé par une tendance destructrice d'un grand nombre de pays occidentaux, à commencer par les États-Unis, qui a pour l'objectif de « retenir » la Russie, de déplacer les lignes de séparation au plus près des frontières russes dans le cadre d'une expansion sans réserve de l'OTAN et du renforcement du flanc "Est" de l'Alliance. Cela concerne également l'installation d'une base rotative de droit, mais permanente de facto, des contingents militaires des pays de l'OTAN, y compris français, dans les États Baltes : c'est-à-dire directement aux frontières russes.
La politique de progression de l'OTAN vers l'Est, en ne prenant en compte les intérêts des États hors Alliance et en violant les principes d'une sécurité égale et indivisible, a provoqué en grande partie, ou du moins a aggravé des conflits persistants sur l'espace européen déjà dès la fin de l'époque de la « guerre froide », puisque les gouvernements et les peuples ont été mis devant une parodie de choix entre divers centres de force.
De nombreuses crises dans la zone eurasiatique, ainsi qu'au Proche- Orient, en Afrique et en Amérique Latine qui impactent les intérêts de la Russie et de la France poussent les deux pays au dialogue et à la recherche de solutions acceptables pour les deux parties, et en premier lieu, lorsque les positions russe et française sont très proches (sauvegarde du PAGC avec l'Iran, arrangement du conflit libyen et de la crise palestino-israélienne). En lien avec cela, les deux parties pourraient mettre en place ou restaurer des canaux de communication entre les forces militaires russes et françaises dans les régions où leurs positions rapprochées comportent de forts risques d'escalade aux conséquences désastreuses.
Le travail commun de la Russie et de la France revêt une importance particulière dans la lutte contre le terrorisme international . L'activité des groupes terroristes continue à représenter une menace majeure pour la paix internationale et la sécurité mondiale. Après la défaite en Syrie et en Irak, l'EI s'est transformé en un vaste réseau terroriste clandestin en déplaçant ses activités dans d'autres régions du monde. Ce groupe continue à mûrir des plans de recréer un Califat et tente d'étendre son influence en Asie Centrale et Asie du Sud, d'augmenter sa présence dans la zone Pacifique, de développer la collaboration avec les islamistes en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest.
La déstabilisation du Proche-Orient à la suite de ce qu'on a appelé « le printemps arabe » et le succès de la politique russe dans la région, y compris dans le cadre du « processus d'Astana », amènent la France à une collaboration constructive. Des accords ont été conclus pour continuer la lutte coordonnée contre les terroristes qui restent toujours sur le territoire syrien, pour résoudre des problèmes humanitaires, pour aider les réfugiés à retourner chez eux. La question du refus d'envoyer de l'aide humanitaire de la part des structures internationales à la population syrienne sur les territoires contrôlés par le pouvoir légal du pays est une question très importante. Moscou et Paris contribuent au travail du Comité constitutionnel supervisé par l'ONU à Genève, ils n'ont qu'un seul désaccord qui concerne la composition optimale des forces qui y sont représentées. La solution politique de la crise en Syrie basée sur la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'ONU et les décisions du Congrès du dialogue national syrien est incontournable.
La nécessité du développement d'une collaboration bilatérale est manifeste pour répondre aux nouveaux défis et menaces à différents niveaux. Dans ce contexte, il est important de rétablir le travail du Groupe de travail interministériel franco-russe pour la lutte contre les nouvelles menaces qui a été créé en 2013 suite à la décision des chefs des États de Russie et de France. A ce niveau, l'idée de rétablir sur une base bilatérale des ports d'escales intermédiaires (par exemple, Vladivostok pour la flotte française et Brest et Marseille pour les navires russes) semble prometteuse.
Le développement de la coopération dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme au format bilatéral, comme au format multinational, est également important et notamment dans le cadre du Groupe d'action financière et de Moneyval. Notre étroite collaboration au sein du Groupe d'action financière pour déterminer les sources financières d'EI, d'Al-Qaïda et des groupes qui leur sont proches revêt une importance particulière. Ce genre d'informations doit figurer dans une enquête fermée du Groupe d'action financière régulièrement mise à jour (initiative de la Russie de 2016) pour que les pays et leurs autorités compétentes puissent prendre des décisions et des mesures nécessaires rapidement.
La communauté internationale doit porter une attention particulière au blocage des voies de transmission de tout type d'armement aux groupes terroristes.
La Russie et la France se basent sur la nécessité d'un travail continu pour la prévention et la lutte contre la menace terroriste qui s'appuie sur le droit international, et notamment au sein de l'ONU . C'est sous sa tutelle et avec son rôle central et coordinateur que doit se construire la coopération internationale dans ce domaine, avec le respect des Statuts de l'ONU, des normes et des principes du droit international, de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations unies, des conventions et des procès-verbaux antiterroristes internationaux.
Dans le cadre de la réalisation des objectifs fixés et des accords signés, la Russie et la France ont procédé à l'établissement des moyens du renforcement de la stabilité stratégique, notamment à la lumière de la situation, et notamment de celle qui s'est mise en place suite à la sortie unilatérale des États-Unis du Traité sur l'élimination des missiles à portée intermédiaire et à plus courte portée (IRNFT) qui a de fait annulé l'action du Traité, sans qu'aucune raison valable n'ait poussé les Etats-Unis à commettre cet acte destructeur. La position de la Russie a été confirmée plusieurs fois par le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine : nous n'installerons pas ce genre de systèmes dans les régions où il n'y aura pas de systèmes similaires américains. La Russie a proposé de négocier des contre-engagements de la part de l'OTAN, mais l'Alliance s'est jusqu'à présent abstenue de s'en rapprocher. La France aurait pu jouer un rôle important dans le rétablissement du dialogue concernant ce problème d'armement dans un but de prévenir leur installation en Europe, ce qui influe de manière fortement négative sur la sécurité dans la zone Euro-Atlantique.
La Russie et la France sont préoccupées par cette situation inquiétante autour de New Start, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et la préparation d'une conférence consacrée au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NPT). Toutes ces situations comportent des risques importants, en premier lieu, les conséquences de la position non-constructive de l'administration actuelle des Etats-Unis envers l'ensemble des problèmes liés au contrôle des armements. Les États dotés de l'arme nucléaire doivent comprendre leur responsabilité et empêcher la dégradation de la stabilité stratégique. À cet égard, nous saluons la déclaration commune des ministres des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, de la Chine, de la Russie, des États-Unis et de la France à l'occasion du 50 e anniversaire de l'entrée en vigueur du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui souligne l'engagement de négocier de bonne foi des mesures efficaces dans le domaine du désarmement nucléaire, ainsi que le traité sur le désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace, et le but ultime de la création du monde sans armes nucléaires avec une sécurité égale pour tous est soutenu.
La Russie est ouverte à un dialogue plurilatéral sur des mesures éventuelles dans le domaine de la prévisibilité et de la retenue nucléaire. Mais il doit être mené sur la base d'un consensus, avec le respect des intérêts légitimes des parties.
Dans cette optique, la réalisation de l'initiative de Vladimir Poutine adressée aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, à savoir mettre en place des mesures de lutte contre les conditions favorables à une guerre mondiale et mettre à jour les mesures permettant d'assurer la sécurité sur notre planète peut jouer un rôle positif.
Le programme nucléaire iranien suscite également une grande inquiétude, suite à la sortie non-justifiée des Etats-Unis du Plan d'Action Global Commun (PAGC) le 15 juillet 2015, qui représentait à ce moment-là une réussite majeure dans le domaine de la diplomatie internationale . La Russie et la France plaident ensemble en faveur de la poursuite des efforts collectifs visant à créer les conditions appropriées pour réduire les tensions et poursuivre la mise en oeuvre intégrale du plan d'action conjoint, conformément aux objectifs, aux conditions et aux délais initialement fixés dans les accords et renforcés par la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l'ONU.
La Russie s'oppose à la course aux armements vers l'espace, étant donné que les États-Unis, la France et leurs alliés prennent des mesures pour le déploiement de systèmes d'armes dans l'espace et l'utilisent pour des opérations militaires. Ils ont déjà prévu une telle possibilité dans leurs documents doctrinaux, ce qui nuit objectivement aux efforts menés pour démilitariser l'espace. La Russie appelle à engager au plus vite possible des négociations en vue de la conclusion d'un instrument international juridiquement contraignant qui fournirait de solides garanties pour la prévention d'une course aux armements dans l'espace et du déploiement de systèmes d'armes dans l'espace, sur la base du projet russo-chinois révisé de traité relatif à la prévention du déploiement d'armes dans l'espace et de la menace ou de l'emploi de la force contre des objets spatiaux. De plus, des efforts collectifs sont nécessaires pour la mondialisation de l'initiative internationale de non-déploiement en premier d'armes dans l'espace. Dans ce contexte, il est très important de relancer un dialogue bilatéral substantiel sur la sécurité des activités spatiales, au cours duquel, en particulier, la partie française pourrait fournir les précisions nécessaires sur les dispositions de la Doctrine spatiale et militaire de France qui a été adoptée le 25 juillet 2019.
Il est indispensable de faire des actions pour accroître la confiance et développer la coopération bilatérale dans le domaine de la biosécurité , notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines. Cette coopération renforcerait le régime de la Convention et réduirait ainsi la menace de l'utilisation d'agents biologiques en tant qu'armes. Cela améliorerait considérablement les chances de prendre des décisions efficaces à la Conférence d'examen de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines de 2021, y compris dans le contexte de nos initiatives visant à établir des unités mobiles biomédicales et du Comité scientifique consultatif dans le cadre de la Convention, ainsi que d'améliorer les mesures de confiance mises en oeuvre dans le cadre de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines.
La forte appréhension de la partie russe est que l'OTAN étende son activité opérationnelle non seulement au domaine spatial, mais aussi au cyberespace qui peut s'avérer être un terrain de rivalité et de course à l'armement au lieu de réaliser le potentiel d'une action commune dans le bien de toute l'humanité.
En novembre 2019 à Moscou, à la suite des accords conclus par les présidents de la Russie et de la France en 2018, ont eu lieu les consultations sur la cybersécurité, qui ont permis de poursuivre le dialogue franco-russe, interrompu à cause du conflit ukrainien, sur la sécurité internationale de l'information et l'utilisation sûre des technologies de l'information et de la communication. Les parties ont décidé de développer la coopération au niveau international, y compris à l'ONU, où plusieurs groupes traitent simultanément la question des normes de comportement des États dans le cyberespace. La partie russe considère que le travail commun permettra aux deux pays de développer une coopération efficace dans ce domaine prioritaire du point de vue de la sécurité nationale, de la stabilité, de la démocratie et des droits de l'homme. Au cours de la visite, la partie française a présenté l'initiative d'Emmanuel Macron " Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace " qui a été accueillie avec beaucoup d'intérêt en Russie. Parmi ses points principaux figurent des obligations de protéger les utilisateurs de l'internet et les infrastructures critiques contre les actes malveillants dans le cyberespace, contribution à la lutte contre l'ingérence étrangère dans les élections, prévention du vol de propriété intellectuelle grâce aux technologies informatiques.
* 1 France-Russie : dialogue parlementaire pour rétablir la confiance, rapport d'information n° 387 (2017-2018) de MM. Christian CAMBON et Konstantin KOSSATCHEV, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat français et du comité des affaires internationales du Conseil de la Fédération de Russie, déposé le 28 mars 2018.