B. PRÉCARITÉ ET INSÉCURITÉ ALIMENTAIRES VOISINENT AVEC ABONDANCE ET GASPILLAGE
D'une manière qui peut sembler paradoxale à première vue, les maladies liées à l'excès et aux déséquilibres de consommations alimentaires voisinent avec les situations d'insécurité alimentaire. Cette dernière prend certes, en France, des formes moins sévères et plus complexes que dans les pays en développement 50 ( * ) , mais elle demeure un phénomène endémique, malheureusement trop souvent minoré. Au cours des années 2000, plusieurs enquêtes ont montré 51 ( * ) que plus de 10 % des personnes vivent parfois ou souvent des situations où elles disposent d'apports alimentaires en quantité insuffisante pour se nourrir normalement. Une proportion beaucoup plus importante d'individus (entre 16 et 20 % selon les études) mangent assez sur le plan quantitatif, mais n'ont pas toujours accès aux aliments qu'ils pensent souhaitables pour être bien nourris (par exemple, impossibilité d'acheter des fruits, des légumes ou du poisson). Enfin, 7 à 8 % des adultes disent vivre dans l'anxiété à l'idée de manquer d'aliments 52 ( * ) . Dans des zones défavorisées, le taux d'insécurité alimentaire peut même atteindre 40 à 50 %, preuve que le phénomène est socialement et géographiquement relativement concentré. Le champ de l'insécurité alimentaire ne se confond ni avec celui de la population en situation de pauvreté monétaire ni avec celui de la population qui recourt à l'aide alimentaire : il est bien plus vaste, car de nombreuses variables autres que le revenu monétaire y contribuent, par exemple, le fait de vivre dans un foyer monoparental ou de devoir faire face à des dépenses courantes de logement trop lourdes. Ces personnes vulnérables passent aujourd'hui sous les radars des politiques publiques d'accompagnement alimentaire et risquent d'être les oubliées de la sécurité alimentaire.
Pour terminer, on peut souligner que la qualité nutritionnelle de l'alimentation des personnes en insécurité alimentaire est généralement médiocre, ce qui s'explique par le fait qu'elles se tournent en priorité vers les aliments bon marché riches en énergie mais de faible qualité nutritionnelle.
* 50 L'insécurité alimentaire reste un phénomène massif au niveau mondial : bien qu'elle ait beaucoup reculé, la sous-nutrition touche encore 820 millions de personnes en 2019 ; les carences nutritionnelles, notamment en vitamine A, en fer et en iode, concernent quant à elles 2 milliards de personnes ; enfin, si on prend en compte l'accès à une eau potable, qui est un aspect de l'alimentation, on note que 30 % de la population mondiale n'a pas accès à des services d'eau potable gérés en toute sécurité.
* 51 Etude nationale nutrition santé et Inca 2 en 2006-2007.
* 52 Il est vraisemblable que la crise sanitaire actuelle aura contribué à renforcer ces situations d'insécurité alimentaires.