C. RENFORCER LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

La coopération avec les États voisins devrait être une composante essentielle de la lutte contre l'orpaillage illégal, car cette activité est principalement organisée depuis le Brésil et le Suriname. Or, celle-ci est encore balbutiante.

1. Le Brésil : la lutte contre les réseaux ?

Le Brésil mène une politique de répression très dure de l'orpaillage illégal sur son territoire. De ce fait, nombre d'orpailleurs brésiliens viennent exercer leur activité sur le sol guyanais et de nombreux avoirs criminels venant de Guyane sont régulièrement saisis côté brésilien.

Construction sur la rive surinamienne du fleuve Maroni indiquant,
en portugais « nous faisons des ordres de paiement pour le Brésil »
et « Supermarché, on achète de l'or »

Source : commission des lois du Sénat

Un accord dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial a été conclu entre la France et le Brésil le 23 décembre 2008 . Il prévoit un contrôle renforcé des mines, un durcissement des sanctions contre les activités illégales relatives à l'orpaillage, et une coopération accrue entre les deux pays. Cet accord n'a toutefois jamais été réellement mis en oeuvre , faute de volonté politique du côté brésilien.

Malgré cela, les contacts sont réguliers entre les forces de sécurité brésiliennes et françaises, les premières informant leurs homologues des opérations mises en oeuvre contre l'orpaillage et le trafic d'or, sans toutefois les y associer.

Proposition n° 11 :  Engager le Brésil à appliquer l'accord signé en 2008 et relancer les négociations en matière de coopération pénale.

2. Le Suriname : base arrière de l'orpaillage illégal en Guyane

En matière d'orpaillage illégal, la principale problématique à laquelle est confrontée la France est l'absence de coopération avec le Suriname.

Le fleuve Maroni est bordé, du côté surinamais, de villages rassemblant de nombreux commerces dénommés « libres-services » qui servent de base arrière aux orpailleurs agissant côté français . Majoritairement tenus par des ressortissants chinois, ils fournissent aux orpailleurs du mercure, des pompes et de l'essence. Selon les informations recueillies au cours du déplacement, plus de 75 % des sites illégaux d'orpaillage situés dans le parc amazonien de Guyane se trouvent proches du Suriname car l'approvisionnement en matériel est plus aisé.

New Albina, en face de Maripasoula

Source : commission des lois du Sénat

La coopération avec le Suriname est faible. L'État surinamais n'a pas ou peu d'administration au sud de la bande littorale, et les différends frontaliers rendent plus difficiles l'avancée de la coopération en matière d'orpaillage illégal. À ce titre, la négociation d'un accord entre la France et le Suriname dans le domaine de la lutte contre l'orpaillage, sur le modèle de celui qui a été conclu entre la France et le Brésil, pourrait être une avancée majeure dans la lutte contre l'orpaillage illégal s'il était effectivement appliqué 27 ( * ) .

Proposition n° 12 :  Négocier un accord entre la France et le Suriname dans le domaine de la lutte contre l'orpaillage.

3. La question du fleuve Maroni

Le fleuve Maroni constitue la frontière entre la France et le Suriname . Dès 1915, un accord prenait en compte le caractère frontalier du fleuve et le fait que des activités réalisées d'un côté pouvaient avoir un impact sur la vie des populations de l'autre État. Cet accord, toujours en vigueur, indique ainsi en son article 3 qu'« aucun ouvrage d'utilité publique ou privée susceptible de modifier le régime hydrographique ou d'entraver la navigation ou le halage dans les eaux de la partie du fleuve Maroni [...] ne pourra être entrepris sans l'entente préalable des deux Gouvernements » 28 ( * ) . L'accord est cependant contesté par le Suriname, du fait notamment de la délimitation de la frontière qu'il détermine. Une solution serait donc de dissocier la délimitation de la frontière de la régulation des activités sur le fleuve Maroni .

La délimitation exacte de la frontière n'est en effet pas entièrement reconnue par les deux parties, ce qui peut engendrer des tensions dans la lutte contre l'orpaillage . À titre d'exemple, les autorités françaises ont, au début de l'année 2019, procédé à des contrôles sur une barge d'orpaillage qu'ils considéraient située sur la partie française du fleuve Maroni. Ce n'était toutefois pas l'avis des autorités surinamaises qui ont dépêché leur police sur place très rapidement. Cet incident n'a heureusement pas dégénéré en accident diplomatique.

En vue de délimiter la frontière entre la France et le Suriname , une mission conjointe a récemment eu lieu afin de visiter les ilots faisant l'objet d'un différend frontalier. Elle devrait permettre d'aboutir à une délimitation frontalière commune sur une partie du Maroni.

Il est indispensable, à terme, que les deux États s'accordent sur les conditions d'utilisation du fleuve Maroni .

Les activités d'orpaillage réalisées du côté surinamais ont en effet un impact direct sur la qualité de vie des populations vivant du côté français. Les autorités coutumières de Papaïchton ont ainsi indiqué aux membres de la délégation que « s'il n'y avait que l'orpaillage côté français, le problème aurait déjà diminué. Le plus gros problème aujourd'hui vient du côté surinamais ». « Il suffit d'observer l'eau : avant, elle était propre et l'on pouvait la boire et s'y laver. Aujourd'hui, elle est sale, et devient de plus en plus sale avec l'orpaillage ».

De nombreuses barges d'orpaillage sont en effet installées sur le fleuve Maroni, et creusent les berges du Suriname. Ce faisant, elles troublent les eaux du fleuve et déplacent les bancs de sable, mettant en péril la navigation et la santé des populations par les rejets de déchets dans l'eau.

Survol d'une barge d'orpaillage sur le fleuve Maroni

Source : commission des lois du Sénat

Chantier d'orpaillage, en face de Papaïchton

Source : commission des lois du Sénat

Berges côté surinamais après le passage de barges d'orpaillage

Source : commission des lois du Sénat

Une solution avancée à la délégation au cours de son déplacement serait de donner au fleuve Maroni un statut international . Si ce statut se justifie, il ne constituerait toutefois pas une solution immédiate car les conditions d'utilisation du fleuve resteraient conditionnées à un accord conclu entre la France et le Suriname... Initier le débat permettrait néanmoins de proposer au Suriname de définir conjointement les activités qu'il est possible de réaliser sur le fleuve Maroni.

Proposition n° 13 :  Proposer au Suriname d'engager des négociations en vue de définir un statut de fleuve international au Maroni.

*


* 27 Cette recommandation reprend une observation exprimée par les anciens sénateurs Josselin de Rohan, Bernadette Dupont, Jacques Berthou et Jean-Étienne Antoinette dans leur rapport d'information n° 271 (2010-2011), La Guyane : une approche globale de la sécurité , publié le 1 er février 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/r10-271/r10-271.html .

* 28 Convention entre la République française et le Royaume des Pays-Bas relative aux limites territoriales entre les colonies de la Guyane française et du Suriname, dans la partie du fleuve frontière comprise entre l'extrémité septentrionale de l'île néerlandaise Stoelman dite Stoelmanseiland et l'extrémité méridionale de l'île française Portal, signée le 30 septembre 1915.

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