C. LES INTERVENTIONS BUDGÉTAIRES
La promotion des biocarburants repose également sur des interventions budgétaires, qui prennent notamment la forme d'un soutien national et européen à la recherche et au développement (R&D) et d' aides régionales à l'acquisition de boîtiers Flexfuel.
1. L'effort de recherche national et européen
À l'échelle nationale, les pouvoirs publics ont appuyé l'effort de R&D en faveur des biocarburants de deuxième et de troisième générations , notamment via le programme des investissements d'avenir (IA).
C'est ainsi que l'Agence nationale de la recherche (ANR) a soutenu les biocarburants dans le cadre :
- de programmes consacrés aux bioénergies (de 2005 à 2013) ;
- du défi sociétal « Énergie propre, sûre et efficace » (de 2014 à 2017) ;
- d'un axe « Bioéconomie : technologies spécifiques et approches système » (depuis 2018).
De son côté, l'Agence nationale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié une « Feuille de route des biocarburants avancés » en 2011.
En outre, elle a contribué à financer des démonstrateurs à l'issue d'appels à projets :
- « Biocarburants de deuxième génération », dans le cadre du Fonds démonstrateur de recherche (en 2008) ;
- « Biocarburants avancés », « Chimie du végétal et matériaux biosourcés » et « Matériaux biosourcés » (en 2011, 2015 et 2018) ;
- « Projet R&D Graines », « Bioéconomie et protection de l'environnement » (depuis 2016 et 2019).
Complémentairement à l'ANR et à l'Ademe, IFP Énergies nouvelles (IFPEN), établissement public de recherche intervenant notamment dans le domaine de l'énergie, favorise également l'effort de recherche précité.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, les biocarburants sont soutenus à travers les programmes de recherche H2020 et NER300.
2. Les soutiens budgétaires aux véhicules Flexfuel
Parmi les autres interventions budgétaires figurent les subventions 66 ( * ) attribuées par certains conseils régionaux afin de soutenir l'achat par les particuliers de boîtiers Flexfuel :
- la région Hauts-de-France propose une « aide à la conversion au bioéthanol » dont le montant est plafonné, pour la part régionale, à 33 % du coût de conversion dans la limite de 300 € et, pour la part départementale, à 20 % de ce coût, dans la limite de 150 € 67 ( * ) ;
- la région Grand-Est alloue une subvention forfaitaire de 250 € 68 ( * ) ;
- la région Sud propose un « chèque transition bioéthanol » permettant la prise en charge du coût de la conversion jusqu'à 50 %, dans la limite de 250 € 69 ( * ) .
Un cas particulier : le recours aux biocarburants dans le transport aérien Le secteur du transport aérien est engagé en faveur du recours aux biocarburants. Au niveau international , l'Organisation internationale de l'aviation civile (OIAC) a fixé un objectif de maintien des émissions de gaz carbonique générées par l'aviation à leur niveau de 2020 et institué un mécanisme mondial de compensation. S'agissant des biocarburants, l'OIAC a affirmé l'importance des biocarburants dans la lutte contre les changements climatiques, en indiquant à l'occasion de sa 39 e session à Montréal les 27 septembre et 6 octobre 2016 que « pour favoriser une croissance durable de l'aviation internationale et pour réaliser ses objectifs ambitieux mondiaux, il faut une approche globale, consistant en un ensemble de mesures, notamment dans les domaines [...] des carburants alternatifs durables [...] visant à réduire les émissions » 70 ( * ) . À l'occasion de la seconde conférence sur l'aviation et les carburants alternatifs (CAAF) à Mexico, les 11 au 13 octobre 2017, l'OIAC a défini une orientation politique pour la promotion des biocarburants dans le cadre du projet « Vision 2050 » , appelant les États, les industriels et les autres parties prenantes à remplacer une « proportion significative de carburants conventionnels par des carburants alternatifs d'ici 2050 » 71 ( * ) . Récemment encore, la France a promu le recours aux biocarburants aéronautiques conjointement avec l'Espagne, lors du Comité de protection de l'environnement en aviation de février 2019, et parmi l'ensemble des États membres de l'OACI, au cours de sa 40 e session de septembre 2019, ainsi que l'a précisé au rapporteur la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Hormis l'OIAC, d'autres instances internationales ont elles aussi participé à la promotion du recours aux biocarburants dans le secteur aérien. À titre d'illustration, l'Association internationale du transport aérien (AITA) a convenu d'un « objectif voulant que, d'ici 2025, un milliard de passagers voyagent sur des vols propulsés par un mélange de carburéacteur et de carburant d'aviation durable » 72 ( * ) . À l'échelle européenne , la Commission européenne , dans son livre blanc sur les transports de 2011, a fixé l'objectif de « porter à 40 % la part des carburants durables à faible teneur en carbone dans l'aviation d'ici à 2050 » 73 ( * ) . Dans le même ordre d'idées, dans une feuille de route intitulée « Flightpath 2050 » et actualisée en 2011, l' Advisory Council for Aeronautics Research in Europe (ACARE) a défini un objectif de réduction de 75 % des émissions de gaz carbonique par passager au kilomètre en 2050, en établissant l'Europe comme un « centre d'excellence sur les carburants alternatifs et durables » 74 ( * ) . Pour ce qui concerne la France , plusieurs initiatives ont également été engagées. Tout d'abord, un effort de recherche a été consenti. Ainsi, le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC ), qui constitue l'instance de concertation entre l'État et les acteurs des filières chargée depuis 2008 de définir et de mettre en oeuvre un programme de recherches coordonnées, a fixé des axes de recherche prioritaires dans le cadre d'une « Feuille de route technologique pour la recherche aéronautique civile nationale», actualisée le 6 mars dernier 75 ( * ) . Il met en relation des porteurs de projets et ses adhérents dans le cadre d' « appels à compétences » , à raison de deux par an. L'un des axes de recherche précités vise notamment à conduire des travaux pour dépasser la proportion de 50 % de biocarburants dans le kérosène, qui limite encore l'usage de ces derniers pour des raisons essentiellement liées à la sécurité. De son côté, l'Association nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) , qui regroupe des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur dans le domaine de l'énergie 76 ( * ) , a publié une «Feuille de route pour le développement de filières biocarburants aéronautiques en France » le 29 juin 2018. Les principaux enjeux identifiés par cette feuille de route sont d'améliorer l'accès à la biomasse, de réduire les coûts des procédés de conversion de la biomasse, de mesurer l'impact des biocarburants sur les aéronefs et d'évaluer la durabilité des filières. Par ailleurs, l'État et des professionnels du secteur aérien ont convenu le 12 décembre 2017 d'un « Engagement pour la croissance verte relatif à la mise en place d'une filière de biocarburants aéronautiques durables en France ». Son article premier prévoit notamment que « les cosignataires souscrivent à l'objectif de développer l'utilisation de biocarburants durables pour l'aviation, notamment par l'émergence d'une filière en France à des conditions économiques viables, et collaborent à la mise en oeuvre de mesures destinées à la concrétiser ». Parmi les engagements incombant à l'État figure celui de contribuer au partage de données et de connaissances, à l'identification de plateformes aéroportuaires cibles, au déploiement des biocarburants et à la promotion de la certification de durabilité. Depuis la signature de cet engagement, un travail de fond, dont les conclusions seront publiées prochainement, a été réalisé par cinq groupes de travail thématiques 77 ( * ) . Dans ce contexte, le projet de PPE fixe « un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien en soutenant le déploiement des biocarburants aéronautiques avancés ou issus de l'économie circulaire avec un objectif de développement de 5 % en 2030 et de 50 % en 2050 ». Pour ce faire, il est prévu « d'accompagner la mise en place de chaînes de distribution de biocarburants aéronautiques intégrées à la logistique massifiée du carburant d'aviation » 78 ( * ) . |
En outre, Élisabeth Borne, alors ministre des transports, avait indiqué en marge du salon du Bourget de juin dernier que le Gouvernement envisageait d'instituer un objectif obligatoire d'incorporation de biocarburants aéronautiques , précisant à la presse que « comme dans le transport terrestre, une obligation d'incorporation est le seul moyen de créer une filière de biocarburants » 79 ( * ) . La DGAC a confirmé au rapporteur l'intention du Gouvernement d'instituer un tel objectif, de 2 % en 2025 et 5 % en 3030. Par ailleurs, elle a précisé que plusieurs mesures concrètes sont envisagées à court terme pour la mise en oeuvre des objectifs susmentionnés : le lancement d'un appel à manifestations d'intérêt, la démonstration de la possibilité d'approvisionner le hub de Paris en biocarburants aéronautiques, la mise en place d'outils pour favoriser la production en France de tels biocarburants et leur utilisation par les compagnies aériennes. |
* 66 Il existe également une réduction ou une gratuité sur les cartes grises en fonction des régions.
* 67 Selon les éléments publiés par la région Hauts-de-France, disponibles ici
* 68 Telle que présentée sur le site de la région Grand-Est :
https://www.grandest.fr/vos-aides-regionales/soutien-conversion-bioethanol-2019/
* 69 Ainsi que l'illustrent les éléments indiqués par la région Sud, consultables ici .
* 70 Organisation internationale de l'aviation civile (OIAC), Résolution A39-2, 27 septembre et 6 octobre 2016 ( https://www.icao.int/Meetings/a39/Documents/Resolutions/a39_res_prov_fr.pdf ).
* 71 OACI, Déclaration CAAF/2, 11 au 13 octobre 2017 ( https://www.icao.int/environmental-protection/GFAAF/Pages/ICAO-Vision.aspx )
* 72 Le communiqué de presse est disponible ci-après : https://www.iata.org/pressroom/pr/Documents/2018-02-26-01-fr.pdf
* 73 Commission européenne, Livre blanc. Feuille de route pour un espace européen unique des transports. Vers un système de transport compétitif et économe en ressources, 2011, p. 11.
* 74 Advisory Council for Aeronautics Research in Europe (ACARE ) , Flightpath 2050. Europe's Vision for Aviation, 2011, p. 15.
* 75 Le communiqué de presse est disponible ci-dessous :
http://aerorecherchecorac.com/le-corac-presente-sa-nouvelle-feuille-de-route-a-la-presse-mars-2019/
* 76 Sous l'égide du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de la Conférence des Présidents d'Université (CPU) et d'IFP Énergies nouvelles (IFPEN).
* 77 Ces cinq groupes de travail portent sur les thématiques suivantes : gisements de matières premières mobilisables en France ; technologies et procédés de production ; impacts environnementaux des biocarburants ; circuits logistiques pour l'approvisionnement des aéroports ; modèle économique de la filière et politiques d'accompagnement.
* 78 Projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023 et 2024-2028, p. 323.
* 79 Fabrice Gliszczynski, « La France envisage d'obliger les compagnies aériennes à utiliser des biocarburants », La Tribune, 21 juin 2019.