N° 136
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) par le groupe de travail sur les biocarburants (2) commun à la commission des affaires économiques et à la commission des affaires européennes, sur la filière française des biocarburants ,
Par M. Pierre CUYPERS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot . (2) Ce groupe de travail est composé de : Mme Sophie Primas, M. Jean Bizet, présidents ; MM. Yannick Botrel, Pierre Cuypers, Fabien Gay, Claude Haut, Benoît Huré, Jean-Marie Janssens, Franck Menonville, Franck Montaugé . |
L'ESSENTIEL
La directive du 11 décembre 2018 1 ( * ) , dite « EnR II » 2 ( * ) , assigne aux États membres un objectif d'au moins 14 % d'énergie renouvelable dans la consommation finale d'énergie du secteur des transports en 2030 .
Les biocarburants, entendus comme les carburants produits à partir de la biomasse et utilisés comme combustible pour le transport, sont en France une des réponses à ce défi, à travers deux filières : le bioéthanol et le biogazole.
1. Les biocarburants présentent un intérêt en matière énergétique.
Représentant environ 10 % de notre consommation d'énergie primaire renouvelable 3 ( * ) , ils contribuent à diversifier notre mix énergétique, en particulier dans le secteur précité des transports.
En outre, par rapport aux carburants d'origine fossile, ils concourent à renforcer notre indépendance énergétique, la provenance de leur matière première étant européenne - aux deux tiers - et française - pour moitié.
Du point de vue des ménages, les biocarburants sont un atout en termes de pouvoir d'achat, puisque leur « prix à la pompe » est plus attractif que celui des carburants d'origine fossile, grâce à la fiscalité incitative qui leur est appliquée.
2. S ur le plan environnemental, les biocarburants sont aussi utiles.
Selon une étude publiée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en 2010 4 ( * ),5 ( * ) :
- leur bilan énergétique 6 ( * ) est inférieur à l'essence et au gazole purs, dans des proportions entre 18 et 85 % pour les bioéthanols et entre 65 et 82 % pour les biogazoles ;
- leurs émissions de gaz à effet de serre sont moindres, à hauteur de 24 à 72 % pour les bioéthanols et de 59 à 91 % pour les biogazoles.
En outre, on retiendra d'une autre étude, réalisée par l'agence en 2018 7 ( * ) sur des filières d'autobus urbains, que les carburants riches en éthanol et les huiles végétales hydrotraitées (HVO) émettent des oxydes d'azote dans des quantités stables sinon inférieures aux carburants d'origine fossile.
3. Les biocarburants constituent également un atout économique.
Ils représentent 29 000 emplois directs et indirects, dont 20 000 dans la filière du biogazole et 9 000 pour celle du bioéthanol, selon la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).
La production française de bioéthanol est la 1 ère à l'échelle européenne et la 5 e au niveau mondial 8 ( * ) ; s'agissant du biogazole, la France est classée au 2 e rang européen et au 6 e rang mondial 9 ( * ) .
Par ailleurs, la France dégage un solde excédentaire de 1,9 Mhl en matière de bioéthanol, ainsi qu'un taux d'autosuffisance de 122% 10 ( * ) .
4. Pour l'agriculture, les biocarburants présentent des bénéfices :
- Leur impact est d'autant plus favorable sur le revenu des agriculteurs que l'approvisionnement des industries, fondé sur la contractualisation, permet de stabiliser les relations commerciales ;
- La diversification des cultures en faveur, notamment, des oléagineux, joue un rôle clé dans les assolements des grandes cultures et permet de réduire l'usage des engrais et des produits phytosanitaires et de valoriser efficacement l'azote minéral issu des effluents organiques ;
- Certaines cultures offrent des externalités positives en faveur de la biodiversité, le colza étant à titre d'exemple une plante mellifère ;
- La culture de matières premières des biocarburants permet la production en parallèle de tourteaux protéinés et de drêches destinées à l'alimentation animale. Sous l'effet notamment de la production de colza, qui produit 56 % de tourteaux contre 1 % pour le palme, l'autosuffisance protéique de la France est ainsi passée de 25 % à 50 % depuis les années 1980.
Loin d'être un concurrent aux cultures alimentaires, la culture de biocarburants en est un complément : ces cultures favorisent la production de matières destinées à l'alimentation animale, libérant ainsi des surfaces des cultures céréalières qui peuvent donc être dédiées à l'alimentation humaine.
5. Dans ce contexte, quelles actions peuvent être envisagées ?
À court terme , il importe d'assumer en France un soutien à la filière des biocarburants produits sur notre territoire.
Un cadre stratégique complet doit être fixé dans le cadre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), tandis que l'effort de recherche doit être mieux identifié au moyen d'objectifs nationaux dans la future loi de programmation de la recherche et d'appels à projets dédiés parmi les opérateurs de l'État.
Une fiscalité incitative nécessite aussi d'être maintenue , notamment pour favoriser le recours aux biocarburants dans les « flottes captives » ; dans le même temps, l'acquisition de boîtiers Flexfuel mérite d'être encouragée via un dispositif de soutien national.
À moyen terme , dans la mesure où la directive susmentionnée prévoit le principe de sa révision en 2026, il convient d'étudier l'opportunité, sur le plan économique, social et environnemental, d'engager des négociations à l'échelle européenne pour relever les futurs objectifs d'incorporation des biocarburants.
À long terme , il importe enfin de favoriser l'émergence d'une filière française de production et de distribution des biocarburants aéronautiques et d'envisager la compensation aux compagnies aériennes des surcoûts induits par leur utilisation.
* 1 Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion et à l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.
* 2 L'acronyme « EnR II » signifie « Énergies renouvelables II » ; en anglais, cet acronyme est « RED II » pour « Renewable Energy Directive II ».
* 3 Commissariat général au développement durable (CGDD), Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition 2019, p. 73.
* 4 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Analyse du cycle de vie appliquée aux biocarburants de première génération consommés en France, février 2010.
* 5 Fondée sur l'analyse du « cycle de vie » des biocarburants et ne tenant pas compte des changements d'affectation des sols.
* 6 C'est-à-dire la consommation d'énergie non renouvelable nécessaire à leur production.
* 7 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Panorama et évaluation des différentes filières d'autobus urbains, décembre 2018.
* 8 FranceAgriMer, « Fiche filière Bioéthanol », janvier 2019, p. 1.
* 9 FranceAgriMer, « Fiche filière Biogazole », janvier 2019, p. 1.
* 10 FranceAgriMer, « Fiche filière Bioéthanol », janvier 2019, p. 2.