C. UNE PREMIÈRE RÉPONSE POUR LES TERRITOIRES RURAUX : PROROGER LES ZRR JUSQU'À FIN 2021 POUR CONSTRUIRE UN ZONAGE MIEUX CIBLÉ ET PLUS EFFICACE POUR LA RURALITÉ

1. Deux rapports du Gouvernement au Parlement sont encore attendus sur le sujet et doivent être discutés

À l'occasion de la présentation de l' agenda rural du Gouvernement , le 20 septembre dernier, le Premier ministre a fait part de son intention de prolonger le régime des ZRR jusqu'à fin 2020 pour toutes les communes bénéficiant des effets du zonage.

Pourtant, ces annonces ne sont que partiellement satisfaisantes pour les rapporteurs, qui soulignent que trois rapports du Gouvernement au Parlement étaient prévus par les textes pour procéder à l'évaluation des ZRR . À ce jour, seul le rapport mentionné au II de l'article 27 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a été remis 37 ( * ) .
Le Parlement devra encore recevoir communication :

- du rapport mentionné au III de l'article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 avant le 1 er juillet 2020 , relatif « à l'impact du dispositif sur les territoires classés en zone de revitalisation rurale » ;

- du rapport mentionné au VI de l'article 17 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 que le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1 er septembre 2020 afin d'évaluer le « coût pour les finances publiques et, au regard de leurs objectifs, de l'efficacité des dispositifs en faveur des zones de revitalisation rurale » ainsi que d'autres dispositifs.

Dans ces conditions, il semble difficile d'évaluer les conséquences de la réforme de 2015 et les rapporteurs peinent à comprendre la volonté de certains acteurs de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales en ZRR. Ces échéances ne sauraient être vidées de leur sens et la réduction du nombre de communes bénéficiant des effets du classement ne peut constituer l'objectif principal d'une réforme de ce zonage. Plus qu'une logique de rationalisation financière, il convient de faire primer les enjeux économiques et sociaux de développement local. Le débat doit donc avoir lieu.

2. Une exigence de responsabilité : proroger le bénéfice du classement pour les 4 074 communes sortantes ainsi que les dispositifs d'exonération fiscale jusqu'en 2021 afin de construire une alternative plus équitable et plus efficace

Dans l'attente de ces rapports d'évaluation remis en 2020 et face aux deux échéances cruciales à venir au 30 juin et au 30 décembre 2020, les ZRR sont à la croisée des chemins.

Aussi, les rapporteurs considèrent qu'il est urgent d'annoncer une nouvelle prorogation. Celle-ci doit viser :

- d'une part, le principal dispositif d'exonération fiscale prévu pour les ZRR, qui prendra fin au 31 décembre 2020 38 ( * ) ;

- d'autre part, le maintien des 4 074 communes qui cesseront de bénéficier des effets du classement le 1 er juillet 2020 39 ( * ) .

Ces échéances sont d'autant plus importantes que, pour certaines professions artisanales, la phase d'extinction dans laquelle le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) est entré depuis plus d'un an constitue une menace supplémentaire sur l'activité. Il est aujourd'hui nécessaire de préserver les ZRR pour mieux envisager l'évolution du zonage. Aussi, quelles que soient les options finalement retenues, l'année 2020 constituera un tournant pour les ZRR.

En outre, les rapporteurs ne peuvent que constater une aggravation des fractures territoriales et de leur perception par nos concitoyens. D'ailleurs, 80 % des Français interrogés dans le cadre du premier Baromètre des territoires, réalisé par IPSOS en partenariat avec Villes de France et la Banque des Territoires, jugent que les grandes métropoles et Paris sont les territoires qui bénéficient le plus des politiques de l'État , contre 5 % seulement pour les villes moyennes et 3% pour les zones rurales 40 ( * ) .

Dès lors, les rapporteurs partagent les recommandations du rapport Ruralités : une ambition à partager , récemment remis à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui propose de prolonger le régime des ZRR jusqu'en 2022 .

À travers le récent plan « Action coeur de ville », mis en oeuvre depuis 2018, le Gouvernement annonçait vouloir mettre le principe d'équité territoriale au coeur des politiques publiques de cohésion. Pour les rapporteurs, la cohérence imposerait de lever la menace qui pèse actuellement sur l'attractivité des ZRR, du fait de l'extinction programmée des exonérations fiscales, et sur les 4 074 communes qui sont sur le point de sortir du zonage.

Proposition n° 1 : maintenir l'ensemble des communes sortantes au 1 er juillet 2020 pour une période transitoire allant jusqu'au 31 décembre 2021 et réévaluer, au plus vite et au cas par cas, la situation de ces communes au regard des modifications des périmètres intercommunaux intervenues depuis le 1er juillet 2017.

Proposition n° 2 : maintenir à droit constant l'ensemble des dispositifs en vigueur dans les ZRR, en particulier les exonérations fiscales, jusqu'au 31 décembre 2021.

RÉSUMÉ

Face à des dynamiques profondes de métropolisation et de concentration des activités productrices et des services, l'objectif d'un soutien différencié aux territoires ruraux, qui s'est traduit par la création des ZRR dès 1995, est plus que jamais d'actualité.

Les effets des recompositions des périmètres intercommunaux résultant de la loi NOTRe sur le classement des communes en ZRR ont été insuffisamment anticipés. Dès lors, la réforme des critères de classement de 2015 est devenue inadaptée au nouvel équilibre territorial, en dépit de son ambition simplificatrice qui avait été unanimement saluée.

Ainsi, le nombre d'EPCI à fiscalité propre en France métropolitaine a baissé de 40 % entre 2016 et 2017 et 143 EPCI ont plus de 50 communes en 2019 alors qu'ils n'étaient que 53 en 2016. Ces élargissements de périmètres ont accru l'hétérogénéité interne à certains EPCI à fiscalité propre.

En outre, les rapporteurs constatent que de nombreuses communes sortantes, prises isolément, pourraient bénéficier du zonage : 90 % de ces 4 074 communes remplissent le critère de densité actuellement en vigueur (63 hab/km 2 ), soit plus de 3 700 communes et 70 % d'entre elles ont une densité démographique constatée inférieure ou égale à 30 hab/km 2 . S'agissant de la richesse des habitants, plus de 1 400 communes sortantes, sur les quelques 3 381 communes pour lesquelles cette donnée est disponible, remplissent le critère en vigueur (19 111 euros) soit un peu plus de 40 % de ces communes.

À l'heure actuelle, les ZRR sont cependant menacées. Au 1 er juillet 2020, plus de 4 000 communes sortiront du zonage et 6 mois plus tard, au 31 décembre, les principaux dispositifs d'exonération fiscale arriveront à échéance s'ils ne sont pas renouvelés par le législateur. Qui plus est, la parution du rapport des députées Anne Blanc (LREM) et Véronique Louwagie (LR) a contribué à renforcer cette menace dans la mesure où ses auteures ont préconisé de supprimer les dispositifs d'exonération en ZRR, au profit d'une hausse de la dotation d'équipement des territoires ruraux.

Aucune mesure n'a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020 pour pérenniser ce dispositif, pourtant indispensable aux territoires ruraux. Aussi, dès l'examen de la loi de finances pour 2020, les rapporteurs recommandent de proroger jusqu'au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif . Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et améliorer le ciblage et l'efficience des dispositifs associés au zonage.


* 37 Le II de l'article 27 précise en effet : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er juin 2018, un rapport sur la mise en oeuvre de la sortie progressive des effets du dispositif des zones de revitalisation rurale pour les communes concernées, notamment par des expérimentations et politiques contractuelles avec l'ensemble des collectivités territoriales compétentes. Ce rapport étudie la pertinence qu'il y a eu à substituer aux critères existants le revenu médian de chaque commune concernée ».

* 38 Article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 39 L'échéance du dispositif transitoire prévu pour les communes sortantes situées en zones de montagne est prévu au 30 juin 2020 par l'article 7 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016. L'échéance du dispositif transitoire pour les communes sortantes situées en dehors des zones de montagne, est prévue par l'article 27 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour la même date du 30 juin 2020.

* 40 https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2019-02/BarometreDesTerritoires2019.pdf

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