B. LA RÉFORME DE 2015 : UN ÉQUILIBRE TERRITORIAL QUI N'EST PLUS ADAPTÉ À L'AGRANDISSEMENT DES PÉRIMÈTRES INTERCOMMUNAUX RÉSULTANT DE LA LOI NOTRe ET L'EXCLUSION DE TERRITOIRES POURTANT FRAGILES

1. Les effets pervers de la simplification des critères de classement et de la référence au périmètre élargi des intercommunalités

Si l'ambition simplificatrice de la réforme des ZRR conduite dans le cadre de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 14 ( * ) était louable, les rapporteurs ne peuvent que déplorer les conséquences du manque d'anticipation relatif aux élargissements des périmètres des intercommunalités, résultant de la loi NOTRe, sur les communes alors classées en ZRR . Ce manque d'anticipation rend la réforme des critères de classement inadaptée à ces évolutions , alimentant des incompréhensions et un malaise grandissant dans certains territoires.

a) Une ambition louable de simplification

En 2014, les ZRR couvraient 14 691 communes 15 ( * ) , soit environ 40 % du total des communes françaises et 6 millions d'habitants, essentiellement réparties du Nord-Est au Sud-Ouest du territoire national. Les communes de moins de 250 habitants représentaient alors 55 % des communes classées en ZRR .

Le zonage obéissait aux trois critères fixés par l'article 52 de la « LOADT » et modifiés dans le cadre de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux 16 ( * ) : un critère de faible densité , selon des seuils fixés par décret et appréciés à l'échelle de l'EPCI, du canton ou de l'arrondissement 17 ( * ) , un critère sociodémographique apprécié sur la base du déclin de la population 18 ( * ) , du déclin de la population active ou de la forte proportion d'emplois agricoles et un critère institutionnel , imposant à la commune souhaitant être classée d'être membre d'un EPCI à fiscalité propre, afin d'encourager le développement de l'intercommunalité. Si les critères de classement prennent pour référence une échelle plus large que les périmètres strictement communaux, l'attribution du bénéfice du zonage ZRR par arrêté s'est toujours fait nommément pour chaque commune concernée.

L' article 1465 A du code général des impôts tel qu'il résultait de la loi précitée du 23 février 2005 disposait en outre que les EPCI à fiscalité propre dont au moins 50 % de la population était incluse en ZRR en application des critères susmentionnés étaient inclus dans ces zones pour l'ensemble de leur périmètre.

Toutefois, face à une augmentation quasi-continue du nombre de communes classées en ZRR ( voir tableau ci-après ) et face à la difficulté politique de modifier ce dispositif par simple ajustement des seuils comme cela avait été envisagé entre 2010 et 2013, une réforme globale a été construite à partir de 2014, sur la base des constats et propositions formulés dans deux rapports :

- un rapport conjoint des inspections IGA-CGEDD-CGAAER-IGAS 19 ( * ) de juillet 2014 20 ( * ) s'était prononcé pour un maintien du dispositif mais proposait une révision des critères de classement à partir du critère de densité démographique pondéré par l'insuffisance de potentiel fiscal ainsi qu'une limitation à 10 000 du nombre de communes pouvant en bénéficier, ce qui correspondait au nombre de communes rurales bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale (DSR) ;

- un rapport des députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier d'octobre 2014 21 ( * ) concluait à la nécessité d'abandonner le critère institutionnel d'appartenance à un EPCI à fiscalité propre, de ne plus retenir d'indicateur dynamique de mesure de l'évolution démographique et de ne pas créer de nouveaux critères socioéconomiques. Les députés, souhaitant instaurer des critères « indiscutables, simples et lisibles par nos concitoyens » tout en correspondant à la réalité des territoires, avaient alors proposé de retenir un critère démographique et un critère de revenus des habitants , dans le cadre d'une unique référence aux EPCI à fiscalité propre.

Dans ce contexte, la loi de finances rectificative pour 2015 22 ( * ) a mis en place une réforme d'ampleur des critères de classement en ZRR, sans pour autant modifier les mesures liées au zonage en lui-même , dont bénéficient les collectivités classées. À titre de précision, les rapporteurs rappellent que si les critères antérieurs à la réforme de 2015 avaient été maintenus sans actualisation des seuils, seules 10 000 communes auraient effectivement bénéficié du classement en ZRR.

Dans le droit fil du rapport parlementaire précité, cette réforme consistait à prolonger jusqu'au 31 décembre 2020 l'exonération d'impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises créées dans les ZRR , qui arrivait à échéance le 31 décembre 2015, à réformer les critères de classement et à stabiliser le nombre de communes classées (autour de 14 000 environ). Elle devait entrer en vigueur à compter du 1 er juillet 2017 , afin de tenir compte des modifications de périmètres des EPCI à fiscalité propre pouvant intervenir jusqu'au 31 décembre 2016, en application de la loi du 7 août 2015 dite NOTRe 23 ( * ) .

La réforme de 2015 retient uniquement l'échelon intercommunal comme maille de référence pour le classement en ZRR et ne conserve que deux critères pour les classements des communes : la densité démographique et la richesse des habitants , selon une approche similaire à celle retenue dans le cas des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) mais avec des seuils différents. Afin d'éviter une modification régulière des seuils de densité 24 ( * ) , ceux-ci sont désormais exprimés en valeurs relatives .

Ainsi, pour que les communes d'un EPCI à fiscalité propre puissent être classées en ZRR, deux conditions doivent désormais être remplies simultanément ;

- la densité démographique de l'EPCI considéré doit être inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCI métropolitains ;

- le revenu médian des habitants de l'EPCI considéré doit être inférieur ou égal à la médiane des revenus médians des habitants des EPCI métropolitains.

Pour le classement réalisé au 1 er juillet 2017, les seuils constatés étaient de 63 hab/km 2 pour le critère de densité démographique et de 19 111 euros pour le critère de la médiane des revenus médians 25 ( * ) .

Le choix a par ailleurs été fait de conférer au classement en ZRR une validité pour toute la durée des mandats des élus communaux et communautaires , en prévoyant son actualisation au 1 er janvier suivant les élections locales.

L'objectif fixé lors de l'adoption de cette réforme de stabiliser le nombre de communes classées en ZRR a donc été atteint : de 14 691 en 2014 (dont 12 652 communes respectant les critères et 2 069 maintenues bien que ne respectant plus les critères), le nombre de communes correspondant strictement aux nouveaux critères de classement au 1 er juillet 2017 est passé à 13 890 .

b) Des effets pervers et non-anticipés

Au-delà du bien-fondé de l'ambition ayant présidé à la réforme de 2015, les rapporteurs souhaitent attirer l'attention du Gouvernement sur les effets pervers et non anticipés qu'elle a occasionnés pour nombre de territoires ruraux, en raison des effets de l'entrée en vigueur de la loi NOTRe sur la carte intercommunale.

• En premier lieu, les rapporteurs regrettent que les recompositions de périmètres des EPCI à fiscalité propre aient pu entrainer la sortie du zonage ZRR pour des communes pourtant isolées et fragiles au sein de grands ensembles intercommunaux hétérogènes.

D'ailleurs, dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) indique que la mise en oeuvre de la réforme sur des EPCI dont les périmètres avaient très fortement évolué « a conduit à des situations qui n'avaient pas toujours été anticipées et [...] qui justifient très certainement des adaptations ». Dans la même logique, les rapporteurs partagent l'analyse des députées Anne Blanc et Véronique Louwagie selon laquelle la loi NOTRe a abouti à la constitution d'ensembles intercommunaux moins homogènes . Les députés reconnaissent qu'avec une prise en compte des critères de classement exclusivement à l'échelle de l'EPCI « nombre de communes se sont trouvées exclues du classement en ZRR alors qu'elles-mêmes, prises isolément ou même avec tout ou partie des communes de leur ancien ensemble, auraient satisfait (et parfois de très loin) aux critères de classement ».

Plus de 250 EPCI à fiscalité propre comprennent entre 1 et 114 communes sortantes. Dans 35 d'entre eux, le nombre de communes devenant non classées est inférieur à 10 %, témoignant d'une forte hétérogénéité interne à l'intercommunalité, qui a été insuffisamment prise en compte . Ces situations correspondent le plus souvent à des recompositions de périmètres intercommunaux, au cours desquelles une ou plusieurs communes ont intégré une nouvelle structure de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant une ville centre : ainsi, parmi ces 35 EPCI, seuls 4 satisfont au critère de densité démographique alors que 12 remplissent le critère du revenu médian.

De même, les fusions entre des EPCI hétérogènes ont abouti à des situations dans lesquelles le nombre de communes sortantes d'un même EPCI représente entre le tiers et les trois quarts des communes membres de cet EPCI .

À cet égard, la situation de la communauté de communes Coeur-de-Berry , située à Lury-sur-Arnon (Cher) est emblématique : au 1 er janvier 2017, la communauté de communes des Terres d'Yèvre a fusionné avec la communauté de communes des Vals-de-Cher et d'Arnon dans un nouvel EPCI à fiscalité propre totalisant 15 communes pour plus de 18 000 habitants . Si cet agrandissement s'inscrivait dans une réelle cohérence territoriale , les communes membres de la nouvelle communauté de communes ont perdu les bénéfices issus du zonage ZRR . Après un an de fonctionnement, les trois communes de l'ancienne communauté de communes des Terres d'Yèvre ont cependant souhaité se retirer de Coeur-de-Berry et le périmètre de ce dernier revient à celui avant la fusion, à savoir 12 communes pour environ 8 500 habitants . Les communes membres de Coeur-de-Berry devraient donc être réintégrées dans le zonage ZRR .

Au total, 21 EPCI ont au moins 40 communes sortantes , soit près de 10 % des EPCI, et le CGET identifie par ailleurs 45 EPCI dits « XXL » , qui représentent 18 % des EPCI ayant des communes devenant non classées.

Si l'augmentation de la taille des intercommunalités rurales a longtemps été présentée comme une nécessité pour le développement économique rural, les rapporteurs considèrent que la limite de ce raisonnement a été atteinte : il est désormais clair que l'effet de la sortie du classement en ZRR n'a pas été ou pas suffisamment anticipé pour de nombreuses communes .

Selon une étude de l'Assemblée des communautés de France 26 ( * ) , le nombre d'EPCI à fiscalité propre est passé, entre le 1 er janvier 2016 et le 1 er janvier 2017, de 2 062 à 1 266, soit une baisse de 40 % . Le nombre moyen de communes par ensemble est passé de 17 à 28. En milieu rural, la taille des intercommunalités est souvent bien plus importante :
au 1 er janvier 2019, l'on dénombre ainsi 143 EPCI de plus de 50 communes alors qu'ils n'étaient que 53 en 2016 .

Au sein de la communauté urbaine du Grand Reims , 39 communes sur les 143 membres de l'EPCI ont perdu leur classement en ZRR en raison de la fusion d'EPCI. Autre exemple, 72 % des communes de la communauté d'agglomération du Pays Basque sortent du classement, soit 114 communes sur 158. La communauté de communes du Nord Est Béarn est dans une situation également problématique avec près de 50 % de communes sortantes, soit 35 communes sur 74.

• En second lieu, les mouvements d'entrée (communes classées qui ne l'étaient pas précédemment) et de sortie (communes qui étaient classées et qui ne le sont plus) sont très importants car ils visent près de 30 % des communes concernées. Cette situation constitue en elle-même un facteur de déstabilisation pour les territoires.

À l'issue de la réforme de 2015, entrée en vigueur au 1 er juillet 2017 :

- 13 890 communes sont classées , dont 10 211 communes qui restent classées et 3 679 communes, non classées en 2014, entrent en ZRR ;

- 4 074 communes perdent le bénéfice du classement car elles ne répondent pas aux nouveaux critères, dont plus de 1 000 communes de montagne.

Ainsi, l'apparente stabilité du nombre de communes classées en ZRR voile le fait que les évolutions des critères de classement appliquées aux nouveaux périmètres intercommunaux ont fait, pour reprendre l'expression des députées Anne Blanc et Véronique Louwagie, « des gagnants et des perdants » et suscité « beaucoup d'incompréhensions et de frustrations ».

Les 20 départements comprenant le plus de communes sortantes regroupent 2 244 communes, soit 55 % des communes sortantes 27 ( * ) . À titre d'exemple, la part de la population « sortante » du classement ZRR atteint plus de 80 % pour le Loir-et-Cher . Par ailleurs, dans trois départements, le nombre de communes sortantes correspond à 100 % du nombre de communes classées en 2014 . Il s'agit de l'Eure (35 communes sortantes), du Loiret (43 communes sortantes) et de la Seine-et-Marne (28 communes sortantes).

• Enfin, la situation d'un grand nombre de communes sortantes (montagne et hors montagne) et de certains EPCI à fiscalité propre également sortants apparaît peu favorable au regard des seuils actuels des critères de classement et des dynamiques économiques locales dans les territoires considérés.

Les exemples sur lesquels l'attention des rapporteurs a été attirée sont, malheureusement, nombreux. Pour le département de la Lozère , la sortie des communautés de communes Coeur de Lozère (Mende) et Gévaudan (Marvejols) apparaît inadaptée dans un département peuplé par moins de 80 000 habitants. D'après les informations transmises par les chambres de commerce et d'industrie (CCI), ces deux communautés de communes concentrent à elles seules un tiers des créations d'entreprises et les leviers fiscaux déployés par la ZRR, tels que l'exonération d'IR et d'IS, sont essentiels accompagner cette dynamique. En outre, la zone de chalandise de ces communes enclavées est de plusieurs dizaines de kilomètres avec une offre de produits et de services restreinte. La même logique peut être poussée dans la communauté d'agglomération de Foix-Varilhes dans l'Ariège qui sortira également du classement en juin 2020.

Des espaces en grande difficulté se retrouvent également exclus des ZRR. Le cas se retrouve par exemple dans le Nord du département du Cher : la communauté de communes Pays Fort-Sancerrois comprend notamment la ville de Belleville-sur-Loire, avec une centrale nucléaire, Sancerre, qui dispose de moyens importants et où le revenu par habitant est élevé mais aussi Vailly-sur-Sauldre, espace le plus pauvre du département et qui ne bénéficie désormais plus d'aucun zonage.

De nombreuses communes cumulent par ailleurs des difficultés, qui justifieraient un maintien du bénéfice du classement en ZRR . C'est le cas par exemple des communes suivantes : La Chabanne (03), Banca (64), Maël-Pestivien (22), Estramiac (32), Saint-Nicodème (22), Issirac (30), Gaujan (32), Saint-Laurent-de-la-Barrière (17), Bélesta (66), Mandailles-Saint-Julien (15), Fontenoy-le-Château (88), Montner (66), ou encore Toutry (21), Montlaur (11), Gruey-lès-Surance (88), Sauvain (42), Aubigny (03), Saint-Léopardin-d'Augy (03), Montlouis (18).

Ainsi, les rapporteurs constatent que 90 % de ces 4 074 communes sortantes remplissent le critère de densité actuellement en vigueur (63 hab/km 2 ), soit plus de 3 700 communes. Par ailleurs, 70 % d'entre elles ont une densité démographique constatée inférieure ou égale à 30 hab/km 2 . S'agissant de la richesse des habitants, plus de 1 400 communes sortantes , sur les quelques 3 381 communes pour lesquelles cette donnée est disponible, remplissent le critère en vigueur (19 111 euros) soit un peu plus de 40 % de ces communes.

Prises de façon autonome, ces communes pourraient bénéficier du zonage et les rapporteurs considèrent à cet égard que leur situation doit être évaluée avec attention.

c) L'attachement des élus locaux aux ZRR

Les rapporteurs considèrent que l'attachement des élus locaux aux ZRR, conçues comme un dispositif symbole d'équité territoriale, a été sous-estimé .

Sur ce point, les députés Jean-Pierre Vigier et Alain Calmette avaient relevé le même sentiment à propos de ce qu'ils avaient appelé le « replâtrage » de l'été 2013 dans leur rapport d'information : « la remise en cause de l'appartenance de certaines communes aux ZRR au cours de l'été 2013 a servi de détonateur , en soulignant l'attachement des populations et des élus au maintien d'un dispositif dédié aux territoires les plus fragiles » 28 ( * ) .

Entendue par les rapporteurs, l'association des départements de France (ADF) a d'ailleurs tenu à rappeler que le dispositif ZRR « constitue logiquement un enjeu politique important pour les élus locaux qui y voient un moyen de faciliter le développement économique mais également une reconnaissance des difficultés de leur territoire justifiant l'octroi d'aides particulières qui s'ajoutent aux défiscalisations sociales et fiscales destinées aux entreprises ».

Pour les rapporteurs, ce zonage de la politique de la ruralité vient rappeler la mission de soutien aux territoires ruraux fragiles que le législateur a assignée à l'État et aux collectivités territoriales et doit impérativement être préservé.

2. Au bout du compte, la mise en place d'une période transitoire pour les communes sortantes illustre les limites de la réforme

Aux yeux des rapporteurs, la mise en place d'une période de sortie transitoire pour plus de 4 000 communes illustre les limites de la réforme de 2015 . Ils rappellent à cet égard que sans l'intervention du législateur, ces communes seraient aujourd'hui privées d'un zonage qui fait partie intégrante de leur attractivité.

Initialement, aucun dispositif n'avait été prévu pour les communes sortantes du classement car le Gouvernement considérait comme suffisante la circonstance permettant aux bénéficiaires individuels actuels des mesures de continuer à en bénéficier jusqu'au terme initialement prévu. Face aux réactions consécutives au vote de la réforme des critères de classement de 2015, deux évolutions législatives ont dû intervenir afin de minimiser les dégâts pour les communes concernées, à l'initiative des parlementaires.

En premier lieu, la loi du 28 décembre 2016 dite « Montagne II » 29 ( * ) a prévu la possibilité pour les communes de montagne sortant de la liste du classement en ZRR au 1 er juillet 2017 de continuer à bénéficier des effets du dispositif pendant une période transitoire de trois ans 30 ( * ) jusqu'au 30 juin 2020 . Ainsi, au 1 er juillet 2017, 14 901 communes bénéficiaient des effets du dispositif des ZRR : 13 845 communes répondant aux critères ZRR en métropole, 1 011 communes de montagne continuant de bénéficier des effets du classement bien que n'étant plus formellement classées et 45 communes des départements d'outre-mer.

En second lieu, la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 31 ( * ) a prévu un mécanisme similaire pour les communes sortantes du classement en ZRR le 1 er juillet 2017 auxquelles le dispositif de la loi « Montagne II » n'était pas applicable, afin qu'elles puissent continuer à bénéficier des effets du dispositif pendant une période transitoire jusqu'au 30 juin 2020 .

Enfin, le III du même article 27 de la loi de finances pour 2018 a créé une nouvelle catégorie de classement en ZRR pour les EPCI à fiscalité propre en modifiant le critère relatif à la densité démographique sans changer le critère relatif au revenu médian. Dès lors, les EPCI à fiscalité propre qui connaissent un déclin de population depuis les quatre dernières décennies de 30 % ou plus à condition qu'ils se trouvent dans un arrondissement composé majoritairement de communes classées en ZRR et dont la population est supérieure à 70 % de l'arrondissement, peuvent également être classés en ZRR s'ils respectent le critère du revenu médian 32 ( * ) . Cette situation a concerné les douze communes de la communauté de communes Decazeville Communauté (Aveyron).

À l'issue de ces réformes successives 33 ( * ) et depuis le 23 février 2018, il y a désormais 17 976 communes concernées par le classement en ZRR, soit environ 50 % des communes françaises avec :

- 13 902 communes classées en ZRR , dont 10 211 communes déjà classées avant les réformes, 3 679 nouvelles communes classées et les 12 communes de la CC Decazeville Communauté ;

- 4 074 communes qui ne sont plus classées en ZRR mais qui bénéficient des effets du classement jusqu'au 30 juin 2020, dont 1 011 communes de montagne et 3 063 communes prises en compte par la loi de finances pour 2018.

Dans ce cadre rénové, 17 départements ont plus de 250 communes classées 34 ( * ) et 39 départements ont plus de 50 % de leurs communes classées 35 ( * ) dont 17 départements avec plus de 70 % des communes classées.
Les départements de l' Ouest et du Nord de la France concentrent à titre principal les communes nouvellement classées. À l'inverse, 17 départements n'ont aucune commune classée et 3 départements ont moins de 20 communes classées.

L'évolution du nombre de communes classées en ZRR est retracée dans le tableau suivant sur la période 1995-2018.

Année

Nombre de communes en ZRR

Observations

1995

11 688

2005

13 596

- 11 592 communes classées à titre permanent ;

- 1 526 communes classées à titre conditionnel ;

- 478 communes classées à titre temporaire ;

2006

13 666

2007

13 688

2009

12 479

- sorties de 729 communes parmi les communes classées, en 2005, à titre conditionnel ;

- sorties de 463 communes parmi les communes classées, en 2005, à titre temporaire ;

2010

12 920

2013

14 290

- entrée de 1 213 communes ;

- réintégration de 1 891 communes ;

2017

17 964

- 13 890 communes classées ;

- 1 011 communes de montagne sortantes continuant de bénéficier des effets du classement ;

- 3063 communes sortantes continuant de bénéficier des effets du classement ;

2018

17 976

Ajout des 12 communes de la CC de Decazeville classées

Source : CGET.

Les rapporteurs se réjouissent des prorogations votées pour ces communes sortantes mais rappellent que c'est la deuxième fois qu'un tel dispositif est mis en place : déjà en 2013, il avait été décidé de continuer à faire bénéficier du classement en ZRR les 2 039 communes ne satisfaisant plus aux critères de l'époque . Cette réintégration avait d'ailleurs été jugée juridiquement contestable par le rapport conjoint des inspections IGA-CGEDD-CGAAER-IGAS de 2014 36 ( * ) .

Ils relèvent également que, dès 2014, les députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier avaient proposé de prévoir un délai de deux ans pour laisser aux communes sortantes le temps de préparer leur sortie du dispositif.

Il est dommageable d'avoir dû procéder par « coups de boutoir » successifs en 2016 et 2017, qui plus est au milieu des mandants municipaux , pour répondre au mécontentement des élus, alors qu'il aurait été plus simple et sécurisant pour l'ensemble des parties prenantes de prévoir d'emblée une période transitoire plus longue permettant de mesurer d'une part, les effets des évolutions de la carte intercommunale pour les communes qui s'insèrent dans de nouveaux périmètres et, d'autre part, les conséquences de la perte du classement ZRR pour ces communes.

La carte ci-après récapitule les mouvements intervenus en 2014 et 2018 s'agissant des communes classées en ZRR.

Source : CGET.


* 14 Article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 15 Aux termes des arrêtés de classement du 10 juillet 2013, du 24 juillet 2013 et du 30 juillet 2014.

* 16 Article 2 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

* 17 Aux termes du décret du 26 juin 2013, la commune devait relever d'un canton ou d'un EPCI à fiscalité propre dont la densité de population était inférieure à 35 hab/km 2 (contre 31 hab/km 2 avant révision des seuils) ou d'un arrondissement dont la densité de population était inférieure à 37 hab/km 2 (contre 33 hab/km 2 avant révision des seuils).

* 18 L'article 16 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a ajouté la précision selon laquelle le déclin de la population est constaté sur l'ensemble de l'arrondissement ou du canton ou dans une majorité de leurs communes dont le chef-lieu.

* 19 Rapport précité de juillet 2014.

* 20 Ce rapport intervenait dans le prolongement d'un rapport conjoint des inspections CGAAER-CGEDD-IGF-IGAS de novembre 2009 : Évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR).

* 21 Rapport d'information n° 2251 du 8 octobre 2014, présenté par MM. Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier, députés, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

* 22 Article 45 de la LFR n° 2015-1786.

* 23 L'article 33 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a porté de 5 000 à 15 000 habitants, sauf exceptions (zones de montage et insulaires notamment), le seuil de constitution des EPCI à fiscalité propre.

* 24 Le décret du 26 juin 2013 a, par exemple, modifié le seuil de densité démographique maximum de 31 à 35 hab/km 2 pour les cantons et EPCI à fiscalité propre et de 33 à 37 hab/km 2 pour les arrondissements.

* 25 Les données démographiques sont celles issues du recensement de la population de 2013. Les revenus médians par EPCI à fiscalité propre ont été calculés spécifiquement par l'INSEE, à partir des revenus par unités de consommation et les compositions des EPCI à fiscalité propre sont celles existantes au 1 er janvier 2017. Les communes sont celles existantes au 1 er janvier 2017. Afin d'assurer la cohérence des données géographiques, il n'y a pas eu d'actualisation des périmètres communaux au 1 er janvier 2018 prenant en compte les fusions de communes dans une commune nouvelle intervenues depuis le 1 er janvier 2017.

* 26 AdCF, Fusions 2017 - Bilan des SDCI et nouvelle typologie des communautés, juin 2018.

* 27 Il s'agit de la Marne (295 communes sortantes), de la Côte d'Or (225), du Gers (142), des Pyrénées-Atlantiques (137), de la Meuse (130), de l'Aube (122), de la Haute-Marne (122), du Loir-et-Cher (115), du Cher (106), de la Meurthe-et-Moselle (104), de l'Yonne (101), du Jura (98), de la Saône-et-Loire (94), de l'Eure-et-Loir (73), de la Haute-Garonne (69), de la Haute-Saône (69), des Ardennes (66), des Landes (63), des Vosges (60) et de l'Allier (53).

* 28 Rapport d'information précité n° 2251 (2014-2015), p. 51.

* 29 Amendement adopté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2016-2017/47/Amdt_COM-81.html .
Le Gouvernement avait déposé un amendement de suppression en séance, rejeté par le Sénat avant de se rallier à la position des Sénateurs dans la perspective de la commission mixte paritaire.

* 30 Article 7 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Dans ce cadre, l'arrêté du 16 mars 2017 listait en annexe I les communes classées en zone de revitalisation rurale (article 1 er ) et en annexe II les communes de montagne sortant de la liste du classement en ZRR au 1 er juillet 2017 et continuant à bénéficier des effets du dispositif pendant une période transitoire de trois ans.

* 31 Amendement adopté par les députés : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/0235A/AN/588 .

* 32 Huit EPCI sont dans cette situation mais seule la communauté de communes Decazeville Communauté n'était pas en ZRR : avec un revenu médian de 17 446 euros (alors que le plafond de classement en ZRR est de 19 111 euros), elle remplit les critères de classement en ZRR, bien que la densité démographique de l'EPCI soit de 104 hab/km 2 .

* 33 L'arrêté du 22 février 2018 tire les conséquences des modifications apportées par la loi de finances pour 2018 : au titre du critère de déclin démographique introduit par le III de l'article 27 de cette loi, les douze communes de la CC Decazeville Communauté sont classées en ZRR et figurent en annexe I de l'arrêté ; au titre du dispositif de sortie progressive instauré par le I du même article 27 de cette loi, 3 063 communes sont inscrites à l'annexe II de l'arrêté et continueront de bénéficier des effets du dispositif jusqu'au 30 juin 2020.

* 34 Nombre de communes classées en 2017 pour ces départements : Aisne (437 communes), Dordogne (408), Meuse (344), Haute-Saône (341), Orne (323), Aude (317), Ardennes (307), Gers (302), Charente (287), Lot (286), Vosges (275), Charente-Maritime (274), Tarn (269), Haute-Marne (263), Nièvre (257), Ariège (253), Somme (251).

* 35 Haute-Corse (93,64 %), Haute-Loire (91,83 %), Creuse (91,47 %), Indre (90,53 %), Cantal (89,88 %), Lot (88,82 %), Lozère (87,97 %), Aveyron (85,61 %), Tarn (84,33 %), Nièvre (83,17 %), Orne (81,98 %), Alpes-de-Haute-Provence (79,80 %), Dordogne (78,46 %), Deux-Sèvres (78,16 %), Ariège (76,44 %), Charente (74,93 %), Aude (72,71 %), Meuse (68,66 %), Allier (68,14 %), Ardennes (67,92 %), Corrèze (67,14 %), Haute-Vienne (67 %), Lot-et-Garonne (66,77 %), Gers (65,37 %), Landes (65,15 %), Hautes-Alpes (64,07 %), Mayenne (63,92 %), Tarn-et-Garonne (66,77 %), Haute-Saône (62,92 %), Haute-Marne (61,59 %), Corse-du-Sud (61,29 %), Sarthe (58,45 %), Charente-Maritime (58,42 %), Pyrénées-Orientales (54,87 %), Aisne (54,35 %), Vosges (54,24 %), Drôme (52,32 %), Vienne (51,09 %), Indre-et-Loire (50,18 %).

* 36 En 2017, du fait des fusions et dé-fusions entre communes, ces 2 039 communes ne sont plus que 2018. Sur ce dernier nombre, 1 029 communes sont classées en ZRR (51 %) et 989 communes bénéficient du maintien des effets du classement (49 %). Ces 989 communes se répartissent en 286 (29 %) bénéficiant du maintien au titre de la montagne et 703 (71 %) au titre de la LFI 2018. Ainsi, parmi les 4 074 communes bénéficiant actuellement des effets du classement jusqu'au 30 juin 2020, 25 % ne satisfont plus les conditions de classement depuis 2013. Ces communes auront donc bénéficié de dispositifs dérogatoires durant 7,5 ans.

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