II. EXAMEN DU RAPPORT

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Réunie le mercredi 25 septembre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission des affaires sociales procède à l'examen du rapport d'information de Mme Monique Lubin et M. René-Paul Savary, rapporteurs, sur l'emploi des seniors.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Nous poursuivons notre travail sur l'emploi des seniors avec la remise de nos conclusions pour lesquelles nous attendions la publication du rapport du Haut-commissaire à la réforme des retraites. Depuis notre rapport d'étape de juillet dernier, l'intérêt pour le sujet ne s'est pas démenti.

Le jeudi 12 septembre, dans son discours sur la réforme des retraites, le Premier ministre a fait de la mobilisation des employeurs pour le travail des seniors une condition primordiale à la réussite de la réforme. Il a ainsi confié une mission à trois experts censée alimenter le futur « grand plan » sur l'emploi des seniors annoncé dans son discours de politique générale de juin dernier.

Je salue la prise de conscience de l'importance de ce sujet au sommet de l'État. Je constate néanmoins que les rapports et les propositions en la matière sont déjà très nombreux et la remise de nos conclusions ce matin va contribuer à nourrir un débat déjà largement engagé. Plutôt que d'installer une nouvelle mission, le Gouvernement aurait pu nous exposer sa vision du problème et les solutions envisagées en vue de la réforme des retraites.

C'est précisément ce que nous faisons, avec Monique Lubin, dans le rapport que vous nous avez confié avec pour mission d'éclairer les conséquences d'une nouvelle augmentation de l'âge de départ à la retraite.

Si nous vous avons présenté à deux voix, en juillet dernier, le diagnostic et les facteurs explicatifs de la situation des seniors sur le marché du travail, notre différence d'approche du problème nous conduit à vous faire part de nos recommandations, pourtant communes, de façon séparée.

Je rappelle les trois points de diagnostic que nous partageons :

- premier élément : la France se distingue par un taux d'emploi des 60-64 ans particulièrement faible, 33 % contre 47 % en moyenne dans l'UE ou 60 % en Allemagne ;

- ensuite, un retraité sur deux a connu une période d'inactivité ou de chômage avant de liquider sa retraite ;

- enfin, si le taux de chômage des seniors est en moyenne plus faible que celui du reste de la population active, environ 7 % pour les 55-64 ans contre plus de 8 % en moyenne, la perte d'emploi pour un actif de plus de 50 ans est souvent irrémédiable et le condamne à un chômage de longue durée ou un passage par l'inactivité subie.

Cette situation résulte de trente ans de politiques ayant conduit à écarter les travailleurs de plus de 55 ans du marché du travail en réponse à la montée du chômage.

J'ai longuement exposé en juillet la responsabilité des règles de l'assurance vieillesse : l'abaissement de l'âge du taux plein à 60 ans, en 1982, a sacralisé ce seuil d'âge qui correspond encore à un totem dans l'esprit de beaucoup.

Malgré les réformes des retraites et la poursuite de l'augmentation de l'espérance de vie, il n'est toujours pas possible d'aborder sereinement dans notre pays le recul de l'âge de la retraite. C'est pourtant cet âge qui explique la faiblesse du taux d'emploi des 60-64 ans et c'est par lui que nous réussirons à impulser une dynamique et une culture du travail pour les plus de 60 ans.

De même, notre mission m'a fait prendre conscience du rôle déterminant qu'ont joué les dispositifs de cessation anticipée d'activité au premier rang desquels les préretraites. Si ces dernières sont désormais abrogées, l'impact du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue demeure conséquent.

Il concerne depuis 2012 une personne sur quatre partant à la retraite (soit entre 250 et 300 000 personnes par an), pour un coût de plus de 6 milliards d'euros par an. S'il me paraît juste d'autoriser les actifs ayant commencé à travailler tôt à devancer l'âge légal de départ à la retraite, je pense que l'élargissement du dispositif « Retraite anticipée pour carrière longue » (RACL) en 2012 a été déraisonnable.

Comment justifier en effet qu'un tiers des personnes retraitées cumulant leur pension et les revenus d'une activité professionnelle bénéficient ou ont bénéficié du dispositif RACL ?

Dans son rapport, le Haut-commissaire souhaite maintenir les critères pour le bénéfice de ce dispositif en autorisant un départ dès 60 ans. Même si le nombre de personnes concernées va décroître, il conviendra de bien en mesurer les effets voire de revenir aux règles qui prévalaient avant 2012 et qui me paraissaient équilibrées.

Sur le marché du travail, le rapport montre bien l'échec de tous les dispositifs spécifiques aux seniors. De la contribution « Delalande » aux contrats de génération, ces mesures ont contribué à stigmatiser les actifs les plus âgés et ont eu des effets contreproductifs au point qu'ils ont même freiné les recrutements.

Nous pensons, et nous sommes d'accord sur ce point, qu'il faut changer de paradigme en considérant les travailleurs âgés comme les autres.

Les propositions visant à instaurer un « bonus-malus » sur les cotisations d'assurance chômage des plus de 55 ans ou de créer de nouveaux contrats de travail seniors me paraissent devoir être écartées.

En clair, le dispositif miracle n'existe pas et les réponses apportées par les pouvoirs publics ne peuvent qu'être modestes. En revanche, nous devons faire de l'emploi des seniors une grande cause nationale autour de laquelle doivent s'articuler non seulement les réformes des retraites, de l'assurance chômage et du marché du travail mais aussi la stratégie de gestion des ressources humaines de toutes les entreprises.

Nous formulons une vingtaine de propositions visant à penser, anticiper et préparer la seconde moitié de la carrière qui débute autour de 45 ans. Cette nécessité doit être partagée par tous les managers mais aussi les salariés et être intégrée dès le début de la vie active voire de la formation. Nous devons réussir à penser le temps long d'une carrière dont la durée pourra désormais dépasser 45 ans.

Le recul de l'âge de la retraite est engagé et me parait inéluctable au regard de l'augmentation de l'espérance de vie qui allonge la durée de vie passée à la retraite et pose un défi au financement des retraites.

C'est pourquoi je regrette la confusion régnant au sein du Gouvernement depuis plus d'un an par refus d'aborder frontalement la question du recul de l'âge de la retraite.

Il s'agit pourtant du seul levier actionnable pour atteindre l'équilibre financier du système. Certes, j'ai conscience des effets de report existant entre la baisse des dépenses de retraite et l'augmentation de certaines autres prestations sociales (chômage, pensions d'invalidité, arrêts maladie...).

Mais ces reports sont loin d'effacer l'efficacité de la mesure tant au niveau des finances publiques - la réforme des retraites de 2010 a permis une économie de plus de 20 milliards d'euros - que de la conjoncture économique. Reculer l'âge de la retraite surtout dans une période économiquement porteuse, c'est augmenter l'emploi et donc la croissance économique, à raison de 0,7 point de PIB par année supplémentaire de recul de l'âge de la retraite, d'après la direction du Trésor.

Il faut que nous réussissions à enclencher ce cercle vertueux et nos propositions, que Monique Lubin va préciser, doivent conduire à maintenir les actifs seniors en emploi.

J'évoquerai les deux propositions que nous formulons dans le domaine de la retraite et qui rejoignent les positions du Haut-commissaire évoquées dans son rapport de juillet.

La première concerne un dispositif encore trop méconnu : la retraite progressive. Elle permet au salarié, deux ans avant l'âge de son départ à la retraite, de demander un temps partiel, la perte de salaire étant compensée par la liquidation d'une partie des droits à la retraite. Nous proposons de l'étendre à l'ensemble des actifs, en particulier aux fonctionnaires et aux salariés au forfait qui ne peuvent y prétendre actuellement.

Je considère que ce dispositif doit participer d'une plus grande fluidité entre la vie professionnelle et la retraite et qu'il convient d'en faire un outil de transition favorisant l'emploi des seniors le plus longtemps possible.

Je propose également, sans l'appui de ma collègue, de renforcer l'attractivité du cumul emploi-retraite en rendant créatrices de droits les cotisations versées par les retraités-actifs.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui et ces cotisations représentent une recette de solidarité d'environ 850 millions d'euros pour le régime général et l'Agirc-Arrco. Cette dépense supplémentaire me paraît indispensable et juste pour promouvoir ce dispositif et favoriser des retraités qui souhaitent se maintenir en activité.

Enfin, s'agissant des demandeurs d'emploi âgés, nous suggérons que la négociation de la prochaine convention Unédic soit l'occasion de définir des règles pour trouver un équilibre entre protection des demandeurs d'emploi et incitation au maintien ou au retour à l'emploi.

Les règles actuelles engendrent des effets induits qu'il convient de corriger.

Miser sur les seniors, anticiper et prévenir leur perte d'employabilité, diffuser une culture du travail au-delà de 60 ans, tels sont les défis soulevés par cette problématique de l'emploi des seniors.

Nos propositions recoupent en partie celles déjà avancées dans le débat public. Le temps est donc désormais à la mobilisation de tous pour faire de l'allongement de la durée d'activité une opportunité pour notre pays.

Mme Monique Lubin , rapporteure. - Je n'insisterai pas sur les différences que je peux avoir avec mon collègue René-Paul Savary et qui portent sur la vision que nous avons de la réforme des retraites. Je ne partage évidemment pas sa position sur le dispositif RACL. Néanmoins, au fil de nos auditions, nous avons réussi à aboutir sur un constat et des propositions communs.

Un mot en préambule sur ce terme de « seniors » que je récuse lorsque l'on parle d'actifs. Évoquons plutôt les problématiques de fin de carrière, de transition emploi-retraite ou même de formation ou de chômage tout au long de la vie mais réservons le terme de « senior » pour les troisième et quatrième âges !

René-Paul Savary a raison lorsqu'il dit que les actifs « seniors » sont des travailleurs comme les autres. Inutile de les appeler différemment.

Ce n'est pas qu'une question de sémantique mais bien de représentation tant auprès des employeurs que des actifs eux-mêmes. Le rapport, mal nommé, du Conseil économique, social et environnemental sur l'emploi des seniors a particulièrement insisté sur la nécessité de lutter contre les stéréotypes. Je pense que ce combat commence par celui des mots et bannir, autant que faire se peut, l'usage de « senior » me paraît pertinent.

Ce qui me paraît important de rappeler, dans la perspective de l'allongement de la durée de carrière, c'est qu'une personne sur deux à la retraite a connu une période d'inactivité ou de chômage avant de faire valoir ses droits.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a bien indiqué que l'effet de la réforme de 2010 a été de figer les situations atteintes à l'approche de la soixantaine (emploi, chômage, inactivité) dans l'attente du nouvel âge de départ à la retraite.

Le décalage de l'âge de la retraite n'entraîne donc pas une hausse du taux d'emploi de même ampleur et il faut donc être précautionneux en la matière car les conséquences sociales sont évidemment lourdes : les actifs occupés restent occupés mais les chômeurs ne retrouvent pas plus de travail pour autant.

Voilà résumée notre divergence d'approche avec René-Paul Savary. Elle ne nous empêche pas pour autant de partager tant le diagnostic que les recommandations pour favoriser le maintien ou le retour à l'emploi des travailleurs approchant l'âge de la retraite.

Lors de nos auditions, nous avons tous les deux été désolés d'entendre que l'âge à partir duquel les salariés sont renvoyés à leur séniorité et disent ressentir leurs premières difficultés dans les entreprises est de 45 ans, âge qui correspond bien souvent à la moitié de la vie active.

Il faut donc effectivement réussir à anticiper et préparer la seconde moitié de carrière afin d'éviter la perte d'emploi. Nous formulons pour ce faire une série de propositions.

Une partie d'entre elles renvoient à la négociation.

La mobilisation doit d'abord être celle des employeurs. La seconde moitié de carrière doit faire l'objet d'une réflexion au niveau de la branche et des entreprises et être intégrée explicitement dans la liste des négociations annuelles obligatoires.

Au niveau interprofessionnel, un accord avait déjà été signé en 2005 mais il relevait plus de la déclaration de principe que du guide d'actions à mettre en oeuvre. La ministre Muriel Pénicaud a annoncé le 19 juin que l'emploi des seniors ferait l'objet d'une nouvelle concertation sans apporter plus de précisions.

Les partenaires sociaux vont devoir être imaginatifs ! La tâche est rude et nos auditions nous l'ont bien montré.

Ces négociations vont donc devoir aboutir sur une meilleure prise en compte du risque de désinsertion professionnelle qui passe par une meilleure prévention de la pénibilité et de l'usure au travail mais également de la nécessité de maintenir par tous les moyens l'employabilité de salariés avançant dans l'âge.

Sur la prévention de la pénibilité, le dispositif du compte personnel de prévention (C2P) existe déjà et doit permettre d'envisager des transitions vers des postes moins exposés. Au-delà des six facteurs de pénibilité couverts par le C2P, nous pensons que le suivi par les employeurs de toutes les sources d'usure doit se renforcer. Les PME et TPE devront être accompagnées en la matière et c'est tout l'objet des accords de branche.

Le maintien de l'employabilité des salariés passe par un effort constant de formation et un dialogue permanent sur les besoins et les envies des salariés d'évoluer professionnellement.

Nous avons conscience que ces préconisations sont formulées dans des termes généraux mais il relève bien de la responsabilité de chaque entreprise et même de chaque salarié de s'engager dans une démarche d'employabilité durable.

Certaines initiatives très concrètes méritent toutefois d'être saluées. Il en est ainsi de la création de labels permettant de distinguer les entreprises « inclusives » en matière d'emploi des travailleurs plus âgés.

J'ai d'ailleurs lu avec intérêt la proposition récente de l'association nationale des directeurs des ressources humaines tendant à transposer pour l'emploi des seniors l'index par entreprise prévu en matière d'égalité professionnelle femmes-hommes et qui est en cours de déploiement.

La logique de discrimination positive déployée dans le domaine de l'égalité femmes-hommes peut être appliquée à la question des fins de carrière. Ces labels permettent de valoriser les bonnes pratiques en matière de recrutement ou de participation des travailleurs âgés au sein des entreprises engagées. Ils constituent des repères pour les chercheurs d'emploi et peuvent aider à la diffusion de ces bonnes pratiques.

Nous formulons également plusieurs propositions relatives à l'entretien professionnel qui doit devenir un moment d'échange permettant d'anticiper la seconde moitié de carrière. Au cours de cet entretien, obligatoire tous les deux ans, certains outils comme le conseil en évolution professionnelle ou le bilan de compétences pourraient être présentés et promus auprès des salariés.

Enfin, je crois beaucoup à la nécessité de renforcer la formation des managers et des gestionnaires RH pour mieux prendre en compte le phénomène de vieillissement de la population active. Cet aspect n'est pas du tout abordé actuellement et les jeunes managers fraîchement émoulus ont tendance à privilégier des profils qui leur ressemblent.

S'agissant des travailleurs âgés se retrouvant au chômage, nous considérons à ce stade que la meilleure solution reste la prévention du licenciement.

L'accompagnement spécifique des demandeurs d'emploi âgés pourra également être renforcé. Nous renvoyons aussi à la négociation pour en fixer les conditions mais le service public de l'emploi doit apporter une réponse dédiée aux seniors.

Cela pourrait passer à mon sens, et je le dis à titre personnel, par la création de structures spécifiques sur le modèle des missions locales.

L'effort de formation professionnelle sur les plus de 45 ans doit être renforcé. Cela peut passer par la mobilisation des crédits du plan d'investissement dans les compétences déployé par le Gouvernement. Il met l'accent sur certains publics éloignés de l'emploi mais ne prévoit pas d'action spécifique envers les demandeurs d'emploi âgés. C'est à notre sens une lacune et il serait souhaitable qu'il y soit remédié.

Enfin, le rôle de la médecine du travail dans la prévention de la désinsertion professionnelle est essentiel et mériterait d'être revalorisé. Le rapport de nos collègues Pascale Gruny et Stéphane Artano présenté la semaine prochaine abordera plus en détails ce sujet.

Tels sont les axes de notre réflexion sur cette question complexe des fins de carrière dans un contexte d'allongement de la durée d'activité.

Ces propositions rejoignent bon nombre de celles déjà formulées dans différents rapports.

Nous souhaitons en tous cas avec ce rapport contribuer à faire de la question des fins de carrière et de la transition emploi-retraite une cause nationale qui doit guider désormais toutes les autres réformes.

M. Philippe Mouiller . - La mobilisation générale sur l'emploi des seniors me paraît essentielle. Ce sont les entreprises qui doivent s'engager. Les dispositifs administratifs ont d'ailleurs montré leurs limites. Toutes les régions ne se ressemblent pas. Certains territoires, comme mon département les Deux-Sèvres, ont un taux de chômage faible et les entreprises peinent à y recruter. Elles sont pleinement mobilisées pour le maintien de l'emploi des seniors et de leurs compétences. Sans cet engagement, elles seraient contraintes de changer de territoire par manque de main d'oeuvre. Je pense donc que l'approche de nos rapporteurs centrée sur l'entreprise est la bonne.

Mme Florence Lassarade . - Quelle est la durée du mi-temps thérapeutique ? J'ai été très sensible aux propositions faites sur la retraite progressive. Pourriez-vous les développer ? La retraite progressive est-elle conditionnée à l'accord de l'employeur ?

Mme Victoire Jasmin . - La prise en compte de la différence entre les territoires me paraît essentielle y compris s'agissant du niveau de vie des retraités qui peuvent être confrontés, comme dans les outre-mer, à des surcoûts spécifiques. Par ailleurs, dans les territoires ultramarins, les jeunes diplômés ont du mal à trouver du travail et il est nécessaire de leur trouver un emploi. L'allongement de la durée du travail doit être mis en perspective avec cette réalité. A l'inverse, pour certains secteurs, comme celui de la médecine, le cumul emploi-retraite est une piste privilégiée pour répondre aux carences des professionnels de santé.

Mme Michelle Meunier . - J'approuve votre recommandation visant à prévoir un suivi renforcé par l'employeur des salariés exposés à des facteurs de pénibilité afin d'envisager des transitions vers des postes moins exposés avant que ne surviennent des difficultés. Quelles sont vos positions sur les aspects de santé et de prévention des risques psychosociaux ?

M. Bernard Jomier . - Comment expliquer les différences de taux d'emploi entre la France et les autres pays européens ?

Mme Catherine Fournier . - La situation économique dans les territoires est évidemment différente, le taux de chômage dans mon département s'élève à 13 %. Les recommandations formulées dans le rapport sont-elles applicables dans les PME et TPE ? Ces entreprises n'ont pas de vision sur leur activité et travaillent souvent au mois le mois. Il me paraît difficile de leur demander de prévoir d'anticiper les fins de carrières de leurs travailleurs seniors. Compte tenu de l'évolution de l'état de santé et de la productivité des seniors, avez-vous réfléchi sur la flexibilité des contrats de travail ?

Mme Cathy Apourceau-Poly . - J'ai rappelé hier lors des questions au Gouvernement l'opposition de notre groupe au projet de réforme des retraites. Elle vise reculer l'âge du départ à la retraite qui passera de 62 à 64 ans avec le mécanisme de décote de 5 % à 10 %. Je pense aux salariés et ouvriers soumis à des conditions de travail pénibles qui devront continuer à travailler plus longtemps car ils ne pourront subir une baisse de leur pension. Alors que le taux de chômage est encore élevé pour les seniors, pourquoi vouloir reculer l'âge de la retraite ? Pensez-vous que la réforme des retraites risque de fragiliser les seniors en les contraignant à accepter des emplois précaires pour augmenter leur retraite ?

M. Daniel Chasseing . - J'approuve les remarques de notre collègue Monique Lubin sur les missions locales. Il faut effectivement favoriser les transitions emploi-retraite à la fois pour permettre l'allongement de la durée de la carrière et la transmission dans les entreprises. Je considère à ce titre important de rendre le cumul emploi-retraite créateur de droits. Pour la croissance de notre pays, il faut gagner le combat de l'emploi des seniors.

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Dans le cadre de la retraite progressive, est-il possible de sur-cotiser sur la base d'un temps complet ? Pouvez-vous me confirmer que ce dispositif n'existe pas pour les fonctionnaires ?

Mme Martine Berthet . - J'approuve votre position visant à ne plus parler d'actifs seniors, surtout si les difficultés commencent dès 45 ans. Il faut favoriser la retraite progressive.

Mme Monique Lubin , rapporteure. - Nous sommes d'accord pour dire que les dispositifs publics coercitifs ou incitatifs ne fonctionnent pas. C'est pourquoi nous avons privilégié d'autres solutions.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - La personne de 70 ans aujourd'hui n'est pas la même que dans les générations passées. De plus, quatre générations cohabitent parfois au sein d'une famille. Ce qui signifie qu'il y a désormais une nouvelle période à appréhender dans les âges de la vie : après la période de formation et la période de vie active et avant le quatrième âge, se dessine une période de transition entre la fin de carrière et une première partie de retraite active. Je souhaite que nous ayons une vision sur cette période. Plus les seniors sont au travail, plus on crée de la croissance et plus les jeunes peuvent trouver un emploi. Les entreprises remarquent également que les seniors même en fin de carrière offrent des perspectives de stabilité plus longues que certains jeunes qui souhaitent être mobiles.

Le projet de retraite par points pourra simplifier l'arbitrage des salariés en fin de carrière entre la poursuite de l'activité ou la retraite en donnant une information plus prévisible du montant de la retraite. Les employeurs doivent en revanche sortir du double discours : ils ne peuvent plus dire qu'il faut travailler plus longtemps et dans le même temps se débarrasser des actifs les plus âgés. Ils doivent également investir dans la formation de leurs salariés y compris après 45 ans.

S'agissant du chômage des seniors, je considère que la préretraite n'a pas été et n'est pas une solution, y compris pour les salariés eux-mêmes, alors que le travail est une solution pour prévenir les maladies neurodégénératives. À l'inverse, il faut prévenir le licenciement des seniors qui est un drame passé 50 ans.

Nous appelons donc à faire de l'emploi des seniors une cause nationale. C'est incontournable pour réussir la réforme des retraites. Sans prolongement de la durée d'activité, le système de retraite ne pourra plus financer des pensions suffisantes.

Mme Monique Lubin , rapporteure. - Nous sommes lucides face à nos propositions incitant les entreprises à se mobiliser. Nous n'avons pas les moyens de le décréter ! De même, les TPE et PME sont moins bien armées pour les mettre en oeuvre. C'est pourquoi nous renvoyons aussi à la négociation de branche.

Nous avons également beaucoup réfléchi à la santé au travail et à la prévention des risques psychosociaux. Nous avons tous des exemples de salariés, licenciés à 50 ans après une carrière pénible et ne pouvant pas retrouver d'emploi. Si les grandes entreprises commencent à se saisir de cette question de la prévention, je crois que nous avons baissé la garde dans notre pays ces dernières années. L'État doit avoir une réflexion sur ce point.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - La compensation de la pénibilité dans notre pays peut avoir un effet pervers en incitant les travailleurs à rester dans des emplois pénibles pour partir plus tôt à la retraite. Dans l'industrie automobile en Allemagne, l'occupation d'un poste pénible est temporaire et des propositions d'évolution sont faites aux salariés. Je partage les remarques et questions sur le mi-temps thérapeutique et la retraite progressive. Le mi-temps thérapeutique est possible jusqu'à quatre ans de suite. Je pense également que la retraite progressive peut être une solution pour les proches aidants.

Mme Monique Lubin , rapporteure. - La retraite progressive est effectivement un dispositif méconnu. Elle est soumise à l'accord de l'employeur car il s'agit d'un passage à temps partiel, ce qui nécessite une modification de son contrat de travail. Les entreprises financent également la possibilité de sur-cotiser à la retraite sur la base d'un temps complet. Il est donc difficile de les contraindre à accepter la retraite progressive.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Sur le cumul emploi-retraite, nous reprenons à notre compte la proposition du Haut-commissaire de le rendre créateur de droits. Nous nous sommes interrogés sur ce dispositif car il peut servir d'argument pour ne pas augmenter les retraites.

Mme Monique Lubin , rapporteure. - J'étais en effet fortement opposée à ce dispositif. Quel est l'état d'esprit d'une personne bénéficiant d'une retraite à taux plein et qui reprend un contrat de travail parfois même dans son ancienne entreprise ? Les bénéficiaires du cumul sont en majorité soit des cadres aux bonnes rémunérations, soit des personnes qui sont parties dans le cadre de la retraite anticipée pour carrière longue. Cette situation m'interpelle ! Je ne fais donc pas mienne cette proposition tout en ayant conscience que cela prive de droits supplémentaires des retraités reprenant une activité. Parmi ces dernières, il y a souvent aussi des femmes aux carrières heurtées. Le cumul peut être alors une solution.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Quelle est la borne d'âge pour définir un senior ?

Mme Monique Lubin , rapporteure. - C'est l'un des enjeux du sujet. Nous l'avons fixé à 55 ans mais nos auditions nous ont montré que les premières difficultés se rencontrent dès 45 ans. L'enjeu de notre rapport c'est l'emploi jusqu'à l'âge de la retraite.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Il faut bannir le terme de senior quand on parle d'actifs. Le combat sera gagné lorsque l'on considèrera les actifs les plus âgés comme les autres.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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