B. LES SENIORS EN EMPLOI : PLUS NOMBREUX ET SANS DÉGRADATION DE LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL
1. Une hausse du taux d'activité qui s'est accompagnée d'une progression du taux d'emploi
a) La progression du taux d'activité des seniors
Le taux d'activité 24 ( * ) des 55-64 ans a connu une progression marquée au cours des deux dernières décennies, passant d'environ 30 % en 2000 à 56 % en 2018 (voir graphique ci-dessous) . Ce chiffre masque toutefois des situations très différentes en fonction des différentes tranches d'âge.
Pour la tranche 55-59 ans, marginalement concernée par la retraite, ce taux s'élève actuellement à près de 80 % et tend à se rapprocher du taux d'activité des 25-54 ans, qui est resté à peu près stable depuis 20 ans.
Le taux d'activité des 60-64 ans, dont une partie est à la retraite, a connu une progression parallèle, passant de moins de 11 % en 2000 à 33,5 % en 2018.
Source : Commission des affaires sociales, d'après Eurostat
En ce qui concerne les 55-64 ans, l'écart qui demeure entre le taux d'activité des femmes (53,9 %) et celui des hommes (58,3 %) ne semble pas propre aux seniors 25 ( * ) .
b) Un taux d'emploi qui a suivi la hausse du taux d'activité
Le taux d'emploi 26 ( * ) a connu une évolution similaire à celle du taux d'activité, soit une progression à partir de la seconde moitié des années 1990 qui s'est accélérée au cours des années 2000 (voir graphique ci-après) . En effet, alors que l'emploi ne concernait qu'une part minoritaire des 55-64 ans il y a une vingtaine d'années (32 % en 2000 27 ( * ) ), il représente aujourd'hui la situation majoritaire des personnes de cette classe d'âge (56 % en 2018).
On constate ainsi que le taux d'emploi des 55-59 ans, qui était de 72,1 % en 2018 contre 48,1 % en 2000, tend à se rapprocher de celui des 25-54 ans.
Le taux d'emploi des 60-64 ans est dans le même temps passé de 10,2 % à 31 %.
Source : Commission des affaires sociales d'après Eurostat
L'écart entre le taux d'emploi des femmes (50,4 % pour les 55-64 ans) et celui des hommes (54 %) apparaît cohérent avec l'écart de taux d'activité et ne semble donc pas témoigner de difficultés spécifiques propres aux femmes seniors.
c) Un taux de chômage davantage déterminé par la conjoncture économique
Le taux de chômage des seniors est structurellement moins élevé que celui du reste de la population. Il est en effet inférieur à 7 % pour les tranches 55-59 ans et 60-64 ans contre plus de 8 % pour le reste de la population active (voir graphique ci-dessous) .
Cette différence s'explique en partie par un effet d'éviction. Une partie des personnes qui perdent leur emploi au-delà d'un certain âge basculent dans l'inactivité, soit parce qu'elles ont droit à la retraite et le font valoir soit parce qu'elles ne cherchent plus de travail et ne sont donc plus comptabilisées dans les chiffres du chômage.
L'augmentation du nombre d'actifs âgés de plus de 55 ans a entraîné une augmentation du nombre de chômeurs. Toutefois, en termes relatifs, les taux de chômage des 55-59 ans et des 60-64 ans ont connu une évolution similaire à celle du taux de chômage du coeur de la population active (25-54 ans).
Le taux d'emploi ayant progressé avec le taux d'activité, il semble donc que la progression du taux de chômage est davantage déterminée par la conjoncture économique que par les réformes des retraites ou du marché du travail ayant affecté les travailleurs âgés.
Source : Commission des affaires sociales d'après Eurostat
d) La situation actuelle : un pivot autour de l'âge de 60 ans
Une analyse de la situation des personnes par âge montre une évolution rapide de la situation vis-à-vis de l'emploi avec un pivot autour de l'âge de 60 ans.
Comme le montre le graphique ci-dessous, les personnes en emploi sont en effet majoritaires jusqu'à cet âge alors qu'elles deviennent de plus en plus marginales au-delà.
Source : Commission des affaires sociales d'après Dares
À partir de 60 ans, les situations de retraites ou préretraites ainsi que d'inactivité progressent rapidement, ce qui singularise la France des pays aux économies comparables.
2. L'absence de précarisation des seniors en emploi
a) Des emplois globalement plus stables
Les seniors en emploi sont plus fréquemment en contrat à durée indéterminée (CDI) que le reste de la population (92,8 % des plus de 50 ans et 93,2 % des 55-64 ans contre 87,5 % des 25-49 ans) 28 ( * ) .
A l'inverse, seuls 5,6 % des salariés âgés de 55 à 64 ans sont en contrat à durée déterminée contre 10,5 % de l'ensemble des salariés et 1,1 % contre 2,7 % sont en intérim.
Les seniors en emploi semblent par ailleurs s'inscrire dans une plus grande stabilité. Un document de travail de l'Insee publié en 2014 et portant sur les salariés du secteur privé pour la période 2008-2011 suggère que la rotation de la main d'oeuvre a tendance à décroître avec l'âge.
Source : Insee, Claude Picart, Une rotation de la main d'oeuvre presque quintuplée en 30 ans, document de travail n° F1402
Lecture : Sur 100 salariés âgés de 55 à 59 ans occupant un emploi l'année n, 5,2 ne l'occupaient pas l'année n-1 et ne l'occupaient plus l'année n+1. Pour les 35-39 ans, ce taux est de 8,8 %.
b) Une proportion plus forte de non-salariés en raison d'effets de structures
Les 55-64 ans sont plus fréquemment des non-salariés (19 % contre 11,6 % pour l'ensemble des actifs occupés). Selon France stratégie, ce constat s'explique en partie par un effet générationnel, et en partie également par le fait que les personnes exerçant des professions libérales restent plus longtemps en emploi.
Ce phénomène n'est toutefois pas propre à la France et la surreprésentation du travail indépendant parmi les seniors est plutôt moins prononcée dans notre pays.
c) Un temps partiel plus répandu mais moins souvent subi
France stratégie relève que les seniors sont nettement plus concernés par le travail à temps partiel que les autres classes d'âge. En effet, 20,1 % des 55-59 ans et 30,7 % des 60-64 ans ayant un emploi travaillaient à temps partiel en 2017, contre 16,2 % des 25-49 ans.
Toutefois, seuls 26 % des 55-64 ans travaillant à temps partiel qui ne sont pas retraités souhaitent travailler davantage, contre 35,1 % des 25-49 ans, ce qui suggère que le temps partiel est moins souvent subi par les seniors que par le reste de la population.
d) Des conditions de travail globalement moins pénibles
Selon le rapport de France stratégie (p. 80), les seniors qui occupent un emploi ne sont pas exposés à des conditions de travail plus difficiles que le reste de la population active.
Les seniors subissent ainsi moins de contraintes physiques, sont moins confrontés à des horaires atypiques, ont des rythmes de travail moins contraignants et disposent de plus d'autonomie que les actifs plus jeunes, même si ces différences s'expliquent en partie par un effet de composition, les emplois les plus pénibles étant souvent quittés plus tôt et donc occupés par des travailleurs plus jeunes.
Source : Dares, enquête conditions de travail.
Lecture : en 2016, 46,3 % de salariés de plus de 55 ans et 49,7 % de l'ensemble des salariés déclaraient rester debout longtemps dans le cadre de leur travail
De même, il semble que les travailleurs âgés soient moins souvent soumis à un travail sous pression que leurs cadets.
Source : Dares, enquête conditions de travail
* 24 Rapport entre la population active (personne occupant ou recherchant un emploi) et la population totale.
* 25 Pour les 15-64 ans, le taux d'activité des hommes est de 75,8 % et celui des femmes de 68,2 %.
* 26 Rapport entre la population en emploi et la population totale.
* 27 Eurostat, France métropolitaine.
* 28 Insee, enquête emploi 2016, cité par France stratégie p. 26.