C. DES PERSPECTIVES EUROPÉENNES DE MUTUALISATION ET DE RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES À POURSUIVRE FACE À L'AGGRAVATION DU RISQUE DE FEUX DE FORÊTS
1. La France, premier pays contributeur au Mécanisme européen de protection civile
Expression de la solidarité européenne en matière de sécurité civile, le Mécanisme européen de protection civile (MEPC) regroupe actuellement 34 pays : les 28 pays de l'Union ainsi que l'Islande, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Macédoine du Nord et la Turquie. Il est déclenché à la demande d'un État lorsque ses capacités de réaction sont insuffisantes pour faire face à la crise en cours. Le budget destiné à la mise en oeuvre du MEPC, pour la période 2014-2020, est établi à 368 millions d'euros.
Situé à Bruxelles, le Centre européen de réaction d'urgence ( Emergency response coordination centre, ERCC) est le coeur opérationnel du MEPC et coordonne à ce titre la mise en commun des ressources proposées par les États membres en capacité de répondre.
La France joue un rôle majeur dans le fonctionnement du MEPC , et s'est illustrée au cours de nombreuses interventions avec le déploiement de ses moyens aériens ou terrestres et le partage de son expertise, en particulier dans la lutte contre les feux de forêts, comme en Suède l'an dernier. Elle est ainsi le premier pays contributeur du MEPC, devant l'Allemagne.
Le Mécanisme européen de protection civile (MEPC) et les incendies de forêts Depuis 2001, l'aide de l'ERCC a été sollicitée plus de 300 fois en réaction aux activations du MEPC de l'UE. Entre 2007 et 2018, 31 % des demandes d'aide émanant du MEPC étaient sollicitées en raison des incendies de forêt . En 2018, celles-ci représentaient 25 % des demandes d'aide, alors que 22 États membres de l'UE ont été touchés par des incendies de plus de 30 hectares, qui ont brûlé une superficie totale de 135 856 hectares. À la suite des incendies de forêt survenus en Suède en juillet 2018, l'ERCC a coordonné le déploiement de sept avions, six hélicoptères, 67 véhicules et plus de 360 personnes venant de sept pays dont la France, qui a envoyé trois avions (deux Canadairs et un Beechcraft - dix pilotes et quatre mécaniciens) ainsi qu'un détachement de 30 sapeurs-sauveteurs des ForMiSC et de 30 sapeurs-pompiers professionnels . Cette aide s'est traduite par 207 heures de vol et 741 largages d'eau ou de retardant. Cette intervention en Suède représente la plus vaste opération de lutte contre les incendies de forêt du MEPC des dix dernières années en Europe. Source : DGSCGC |
En 2017, face à la multiplication des catastrophes naturelles et des inquiétudes suscitées par le réchauffement climatique, l'Union européenne a initié un projet de réforme que la France a particulièrement soutenu. Aboutie en 2019, cette réforme a notamment permis de mettre en place une réserve européenne de protection civile, appelée « RescEU » qui rassemble des ressources engagées par les États européen et a abouti en 2019 .
Dans une résolution adoptée en juin 2018, la commission des affaires européennes du Sénat a salué la création de cette réserve qui mettra fin au fonctionnement précédent du MEPC, lequel accordait « une place sans doute excessive au volontariat, ce qui se traduisait par un fort déséquilibre entre les États membres en matière de moyens engagés et aboutissait de facto à des iniquités de traitement. À tel point que la France s'est vu refuser le bénéfice du dispositif pour faire face à des incendies de forêts en août [2017], en raison de la concentration des moyens sur les pays du Sud de l'Europe au même moment ». 32 ( * )
Cette même résolution appelle cependant à veiller à ce que les ressources de RescEU complètent effectivement les moyens de l'État membre sans s'y subsister et à ce que les capacités européennes soient également bien identifiées pour assurer la visibilité de l'action de l'UE.
La mise en place de RescEU va également dans le sens d'une meilleure mutualisation des coûts dont la France pourrait tirer profit , puisque l'ensemble des dépenses de RescEU est couvert par un financement européen.
Une aide de la Commission peut également financer 75 % les dépenses de modernisation des capacités nationales affectées à la réserve européenne. Enfin, les coûts liés au déploiement de ces capacités sont également pris en charge par la Commission à hauteur de 75 %, ce qui n'était pas le cas précédemment - seuls les frais de transport étaient couverts. Pour 2019, première année de mise en oeuvre de la réserve, la France a mis à disposition de façon temporaire l'un de ses Dash.
À ce jour, la perspective d'une flotte commune est de plus en plus envisagée, en raison notamment de la coïncidence des besoins de renouvellement des avions bombardiers d'eau dans plusieurs pays d'Europe, détaillée supra . La création d'une flotte européenne permettrait une réelle optimisation des ressources au niveau européen et sans doute un allégement des coûts supportés par la France . D'après la DGSCGC, les avions acquis pour le compte de la France dans le cadre d'une flotte mutualisée seraient en effet cofinancés à hauteur de 90 % par l'Union européenne, en contrepartie de leur engagement dans un pays tiers, sur demande de la Commission européenne.
Cette perspective doit néanmoins s'accompagner d'une vigilance sur l'adaptation d'une telle flotte à nos exigences nationales en matière de soutien et d'utilisation, au regard des difficultés rencontrées dans la maintenance de certains aéronefs du ministère des armées, acquis dans le cadre d'une coopération d'armement. 33 ( * )
2. Un recours aux fonds européens à préserver
Au titre de la mesure 8 « Investissements dans le développement des zones forestières et amélioration de la viabilité des forêts » du Fonds européen agricole de développement rural (FEADER), l'UE peut financer jusqu'à 80 % des projets d'aménagement et d'entretien d'équipements de DFCI . Ce financement peut également couvrir des actions de communication (production de supports notamment), qui pourraient être utilement menées dans les collectivités où les OLD ne sont pas suffisamment respectées.
À ce jour, 10 programmes de développement rural (PDR) ont inclus cette possibilité de recourir au FEADER en France, en ouvrant des appels à projets dans le cadre de la sous-mesure 8.3 « Prévention des dommages causés aux forêts par des incendies ». D'après la DGSCGC, 1,5 à 2 millions d'euros provenant du FEADER sont utilisés chaque année à cet effet dans la zone méditerranéenne.
Cependant, ces crédits pourraient constituer une variable d'ajustement à l'aune d'une baisse globale du FEADER dans la nouvelle programmation 2021-2027, envisagée avec la perspective du « Brexit ». Un maintien de ces ressources s'avère crucial pour pérenniser et encourager les actions de DFCI, notamment dans les collectivités présentant des difficultés financières.
Recommandation n° 3 : afin de préserver les ressources financières des collectivités territoriales pour la réalisation de leurs actions préventives contre les feux de forêts, favoriser le maintien de l'utilisation actuelle des crédits issus du Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) dans la prochaine programmation pluriannuelle. |
* 32 Compte rendu de la commission des affaires européennes lors de l'examen de la proposition de la résolution n° 557 (2017-2018) de MM. Jacques BIGOT et André REICHARDT, sénateurs, devenue résolution n° 140 (2017-2018) du Sénat le 13 juillet 2018 https://www.senat.fr/ue/pac/EUR000003756.html#88-4
* 33 Voir par exemple le cas des hélicoptères NH-90 et Tigre, présenté dans le rapport d'information n° 650 (2017-2018) du 11 juillet 2018 de M. Dominique de Legge, sénateur, sur le parc d'hélicoptères du ministère des armées : https://www.senat.fr/rap/r17-650/r17-650_mono.html#toc82