C. UNE COMPOSANTE AÉRONAUTIQUE QUI DOIT ÊTRE PRÉSERVÉE TOUT EN EN MAÎTRISANT LES COÛTS ET EN GARANTISSANT SON EFFICACITÉ

Les résultats obtenus par le GAAr, associé aux moyens terrestres, confirment la nécessité de maintenir les moyens aériens actuels alors même que le risque de feux demeure élevé, même s'ils avèrent onéreux. En dehors du coût d'acquisition, les dépenses du ministère de l'intérieur affectées à la flotte dépendent des coûts de maintenance, de modernisation et de ravitaillement des avions et de la rémunération du personnel.

1. Des dépenses de fonctionnement dépendantes des opérations de maintenance et du ravitaillement des avions
a) Un coût de maintenance maîtrisé

Comme évoqué supra , la maintenance des avions a été confiée à Sabena Technics FNI, dans le cadre d'un marché conclu en 2015 pour une période initiale de 7 ans 19 ( * ) , représentant un engagement de 211,6 millions d'euros, soit 30,1 millions d'euros par an . Ce montant correspond au minimum prévu par le marché, le coût du MCO dépendant également de l'activité opérationnelle. La dépense annuelle affectée au MCO des avions oscille ainsi entre 35 et 47 millions d'euros , ce qui représente environ 30 % des dépenses de fonctionnement du programme 161.

Dépenses de maintenance des avions de la sécurité civile

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (prévision)

36,5

39,7

39,8

36,5 20 ( * )

39,6

40,1

46,9

35,15

35,5

Source : DGSCGC

Le marché a néanmoins pour objectif la maîtrise des risques financiers liés au MCO des avions , dans un contexte où le secteur aéronautique fait face à une augmentation régulière de ses prix (augmentation des exigences de sécurité et de sûreté, des situations monopolistiques, forte sensibilité au dollar).

Cette prestation de maintenance est spécifique aux avions de la sécurité civile, et ne peut être mutualisée avec les aéronefs du ministère des armées, dans la mesure où les flottes présentent peu de caractéristiques communes, les modèles d'avion sont différents, et les modalités retenues de part et d'autre sont différentes, la DGSCGC ayant opté pour une externalisation intégrale.

b) Une consommation de carburant et de retardant dépendant fortement de l'activité opérationnelle

Les dépenses de fonctionnement comprennent également la consommation de carburant et de produit retardant . Ces coûts sont naturellement indexés sur l'intensité de la saison de feux, mais dépendent également du prix du carburant. Le coût du carburant était ainsi bien plus élevé en 2017 à cause du prix et d'un plus grand nombre d'heures de vol. Quant au retardant, il coûte environ 2 000 euros la tonne.

Produits consommés par les avions, au 14 septembre 2018

(en millions d'euros)

2018 21 ( * )

2017

2016

Carburant

5

7,48

3,3

Retardant

1,99

6,6

4,03

Sources : documents budgétaires et données de la DGSCGC

2. Un vieillissement de la flotte suscitant des dépenses d'investissement supplémentaires

Les dépenses d'investissements aéronautiques ont fortement progressé ces dernières années du fait de l'acquisition de nouveaux aéronefs en remplacement d'avions vieillissants et de programmes de modernisation. Cependant, le coût de ces investissements semble avoir été optimisé, tant pour l'acquisition que pour la rénovation des aéronefs.

a) L'acquisition bienvenue de six nouveaux avions multi-rôles

Les avions de la flotte actuelle de la sécurité civile ont été achetés d'occasion, il y a dix ans pour les plus récents et trente ans pour les plus anciens. Ils ont donc une ancienneté moyenne comprise entre 17 et 61 ans.

Vieillissement de la flotte au 31 août 2018

Type

Âge moyen

Observations

Canadair CL-415

21 ans et 4 mois

Premier appareil livré en 1994, dernier appareil livré le 15 mai 2007, aucune limite de vie fixée par le constructeur

S2F - Tracker

61 ans et 1 mois

Limite de vie à 25 000 heures de vol, maintenu en service jusqu'à l'horizon 2022

DASH 8
Q 400 MR

17 ans et 8 mois

Premier appareil livré le 9 juillet 2005 et dernier livré le 12 juillet 2019

Beechcraft
King 200

33 ans et 1 mois

Premier appareil livré le 18 mars 1991 et dernier livré le 25 juillet 2001

Source : DGSCGC

L'emploi des Tracker devant cesser à l'horizon 2022 du fait de leur vieillissement, un renouvellement de la flotte se faisait nécessaire, d'autant qu'il générait d'importants surcoûts de maintenance . Une importante révision technique avait déjà permis de prolonger leur activité au-delà de 2008. Mis en place en 2011, un groupe de travail de la DGSCGC a finalement décidé en 2017 le remplacement progressif de ces appareils, par un modèle d'avion multi-rôles neuf, le Dash 8 Q 400 .

Six nouveaux avions vont ainsi compléter la flotte actuelle des deux Dash, afin de remplacer les 9 Tracker, de façon échelonnée entre 2019 et 2024. À cet égard, le budget du programme 161 pour 2018 avait ainsi fortement augmenté pour tenir compte de cette commande , en AE (440,7 millions d'euros en 2018 contre 46,6 millions d'euros en 2017) comme en CP (97,8 millions d'euros en 2018 contre 65,7 millions d'euros en 2017).

Le montant total de la commande s'est finalement avéré plus faible que prévu, à 370,37 millions d'euros , après l'attribution du marché en janvier 2018 à la société Conair. Le premier Dash a été livré en juillet 2019.

Échéancier prévisionnel des acquisitions d'avions multi-rôles

(en unité et en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2018-2023

Commande

6

6

Livraison

1

2

1

1

1

6

AE

322,08

10,77

5,5

10,76

8,86

12,4

370,37

CP

34,48

64,24

66,28

80,52

61,08

63,77

370,37

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

Si ces remplacements se faisaient nécessaires en raison du vieillissement des Tracker, le choix d'un modèle d'avion multi-rôles est bienvenu, car il pourra être mobilisé pour d'autres opérations, comme le transport de secours (jusqu'à 64 passagers), pour les périodes où le risque de feu est moindre.

b) La nécessaire modernisation des Beechcraft

Moins vieux que les Tracker, les trois Beechcraft King 200 dépassent tout de même un âge moyen de 33 ans. Un renouvellement ou une révision de ces aéronefs se faisait nécessaire afin de maintenir leur capacité à mener leurs missions d'observation, de coordination et de transport.

Plutôt qu'un remplacement de la flotte par des avions neufs, la DGSCGC a initié en 2017 un programme de modernisation , impliquant la rénovation de leur avionique et de leur motorisation ainsi que, pour deux d'entre eux, l'ajout de moyens optroniques pour la vidéo-surveillance. À la fin de ce programme, les avions seront considérés comme neufs, et leur équipement optronique permettra de renforcer leur capacité de détection au cours des campagnes de lutte contre les feux.

Ce chantier a mobilisé 3,9 millions d'euros en 2017 et 6,5 millions d'euros en 2018 , soit 10,3 % des dépenses d'investissements du programme 161.

D'après la DGSCGC, ces dépenses s'avèrent bien moindres que celles qu'aurait engendré une commande de nouveaux avions , le coût total de la modernisation des trois avions représentant le coût d'acquisition d'un seul Beechcraft neuf.

En cumulant les frais de fonctionnement et d'investissement, les dépenses autres que celles de personnel liées à la flotte de la Sécurité civile s'élèvent donc à plus de 80 millions d'euros en 2018 , dont près de la moitié couvre l'achat d'un seul nouveau Dash au cours de cette même année.

3. Un dispositif qui nécessite l'adaptation du réseau des stations de ravitaillement et le maintien de pilotes qualifiés
a) Un ravitaillement des avions multi-rôles à garantir sur tout le territoire

Afin de pourvoir au ravitaillement des Tracker et des Dash en produit retardant, plusieurs stations de réservoir, appelées « pélicandromes » 22 ( * ) , sont répartis sur le territoire. Permettant de recharger l'équivalent de 10 Dash, ces réservoirs sont essentiels dans la bonne exécution du GAAr.

Leur installation relève de la décision des départements, à travers les SDIS, l'État prenant à sa charge l'acquisition et l'acheminement du retardant . À ce jour une vingtaine de pélicandromes sont présents sur le territoire, dont 16 dans les départements de la zone Sud, deux dans la zone Sud-Ouest et un à La Réunion.

Répartition actuelle des pélicandromes
dans la zone de défense et de sécurité Sud

Source : centre zonal opérationnel de crise de la zone Sud

La répartition actuelle des pélicandromes ne serait pas forcément adaptée alors que la stratégie du GAAr évolue du fait de l'arrivée des Dash , qui permettent d'assurer une couverture géographique plus vaste.

La DGSCGC a pris deux initiatives successives pour accompagner cette évolution : depuis 2018, un pélicandrome « mobile », affecté au département d'Indre-et-Loire, permet d'assurer le ravitaillement des avions dans l'Ouest de la France.

En 2019, la DGSCGC a publié une instruction sur la doctrine d'emploi des moyens aériens visant à classer les stations en deux catégories, selon leur capacité de remplissage des Dash.

Cependant, le CeZOC de la zone Sud considère qu' « un état des lieux des stations » est nécessaire , certaines n'étant pas en mesure d'accueillir des Dash, d'autres n'auraient par ailleurs pas vocation à être maintenues dans la zone Sud, déjà bien pourvue, la vitesse et l'emport du Dash étant supérieurs à ceux des Tracker.

Une révision de l'implantation de ces stations doit donc être réalisée d'ici à 2022 , avec le maintien de 13 d'entre elles en zone Sud et l'éventuelle installation d'un pélicandrome mobile dans chaque zone de défense et de sécurité, comme c'est déjà le cas dans la zone Ouest.

Recommandation n° 4 : compte tenu des nouvelles capacités de guet aérien armé permises par les Dash 8, revoir l'implantation des stations de ravitaillement sur le territoire métropolitain et envisager l'installation d'un « pélicandrome » mobile dans chaque zone de défense et de sécurité.

b) Un personnel qualifié dont la fidélisation doit être mieux garantie

Situé sur la base de Nîmes-Garons, le groupement d'avions de la Sécurité civile (GASC) mobilise un personnel de 106 agents dont 80 pilotes, ayant le statut de contractuel, pour une masse salariale totale de 11,5 millions d'euros . Il s'agit pour la plupart d'anciens militaires de l'armée de l'air. Au cours de son déplacement à Nîmes, votre rapporteur spécial a pu mesurer le niveau élevé de qualification et de précision de ces pilotes malgré les conditions de travail difficiles intrinsèques à leur mission. Le maintien de ces compétences s'avère crucial alors que l'attractivité des métiers et la fidélisation du personnel du GASC tendent à décroître . Au cours de cette année, 10 pilotes auraient ainsi quitté le GASC pour rejoindre l'aviation commerciale.

Consciente de ce problème, la DGSCGC a récemment mis fin au recrutement en CDD, et les pilotes sont désormais tous recrutés en CDI . En revanche, le facteur salarial demeure le principal motif de ce déclin d'attractivité. D'après la Cour des comptes, la rémunération maximale d'un pilote peut aller jusqu'à 8 250 euros par mois, ce qui peut sembler élevé.

Mais cette première impression ne résiste pas à la confrontation de ces rémunérations avec celles en vigueur dans le secteur commercial : un pilote et un co-pilote de la DGSCGC perçoivent respectivement 6 000 euros et 3 100 pour 1 607 heures, alors qu'un pilote et un co-pilote de compagnie privée gagnent respectivement entre 15 000 et 18 000 euros, et 6 000 euros pour 700 heures , sans compter les heures supplémentaires qui pourront leur être payées.

L'option d'une augmentation de la rémunération des pilotes semble cependant se heurter aux observations de la Cour des comptes , qui dans son rapport sur les personnels des SDIS et de la sécurité civile 23 ( * ) , critiquait le décalage entre la rémunération des pilotes et le temps de travail réalisé, inférieur à la durée légale de travail. Le même rapport rappelle cependant que le temps de travail d'un pilote peut atteindre une moyenne de 17,3 heures par jour en saison des feux. Malgré ces observations, une concertation spécifique entre la DGSCGC et les représentants du personnel du GASC serait souhaitable afin d'avancer des pistes d'amélioration de l'attractivité de leur profession.

Recommandation n° 5 : afin de maintenir un personnel qualifié au sein des pilotes de la sécurité civile, engager une réflexion au sein de la DGSCGC sur les axes possibles de revalorisation de leur métier.

S'ils représentent une masse financière considérable, les moyens aériens de la Sécurité civile font l'objet d'optimisation dans leur utilisation et leur acquisition, comme en témoigne la commande des 6 nouveaux avions multi-rôles, pouvant donc servir à d'autres missions que la lutte contre les feux de forêts. Il faut en outre souligner que l'évolution des dépenses de la lutte aérienne contre les feux semble plutôt maîtrisée .

En 2009, le rapport de la mission interministérielle précité évaluait à 79 millions d'euros le coût global des moyens aériens. Converti en euros 2018 (avec un taux d'inflation cumulée de 8,8 %), ce coût représente 85,95 millions d'euros, et reste certes inférieur à celui en 2018 , qui s'élève à 95,6 millions. Mais il est voisin de la moyenne annuelle des dépenses réalisées en 2018 - année marquée par l'acquisition d'un Dash (35 millions d'euros) mais de faible intensité en termes de feux de forêts - et en 2017 - année de forte activité opérationnelle en raison de l'importante saison des feux, qui s'élève donc à 85,8 millions d'euros .

Synthèse des dépenses affectées à la flotte de la sécurité civile

(en millions d'euros)

2017

2018

Dépenses de personnel (Titre 2)

11,83

11,5

Formation des pilotes

0,185

1,09

Maintien en condition opérationnelle des avions

45,9

35,1

Consommation de carburant et de retardant

14,08

7

Dépenses de fonctionnement (Titre 3)

61,08

43,2

Modernisation des avions

3,9

6,5

Acquisition d'avion

0

34,5

Dépenses d'investissement (Titre 5)

3,9

41

Montant total

75,9

95,7

Source : commission des finances, d'après les données de la DGSCGC


* 19 Cette période initiale peut être prolongée de cinq années supplémentaires.

* 20 Compte tenu des reports de charge importants vers 2015, l'exécution redressée (charges rattachables à l'exercice) s'établit à 39,2 millions d'euros.

* 21 En 2018, l'activité « carburant avions » et « carburant hélicoptères » a été fusionnée en une seule ligne « carburant aéronefs ». Cependant, la DGSGCG suit a posteriori la consommation de carburant des avions pendant la campagne « feux de forêt ».

* 22 Le nom de pélicandrome est trompeur, le « pélican » étant le surnom du Canadair CL-415, qui n'est chargé qu'en eau, et non en retardant.

* 23 Cour des comptes, les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et de la sécurité civile, rapport public thématique, 2019.

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