EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 septembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Vincent Éblé , président . - Nous commençons par le contrôle budgétaire sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, réalisé par nos deux rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Nous sommes partis d'un paradoxe bien singulier : entre 2008 et 2018, la masse salariale de la mission « Action extérieure de l'État » a augmenté de 20 %, mais les effectifs qui en relèvent ont diminué de 9,4 %. Nos investigations ont donc porté sur l'objectif de réduction de la masse salariale des agents à l'étranger à l'horizon de 2022 dans le cadre du programme Action publique 2022 ; le système complexe de rémunérations au sein du ministère ; la structure des effectifs ; le pilotage de la masse salariale.
Le ministère ayant réduit d'abord les effectifs des contractuels et des agents de droit local, le coût moyen des emplois a augmenté mécaniquement de 35 % entre 2007 et 2018, car ces catégories de personnels sont les moins coûteuses. En fait, l'essentiel de la hausse de la masse salariale s'explique par l'augmentation de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) : elle progresse de 24 % entre 2008 et 2018, passant de 36 % à 42 % de la masse salariale.
Or, dans le cadre du programme précité, la réforme des réseaux de l'État à l'étranger a fixé l'objectif de réduire de 7,9 % la masse salariale des ministères et des opérateurs employeurs d'agents à l'étranger en cinq ans. Pour le ministère, cette réforme doit se traduire, d'ici à 2022, par une réduction de 45,1 millions d'euros de masse salariale, soit 5,7 %. La réforme prévoit également que le redéploiement du réseau continue de s'effectuer en faveur de nos partenaires stratégiques et des grands pays du G20, notamment en Asie, tout en maintenant l'universalité du réseau.
Ce principe d'universalité ne s'accorde pas nécessairement avec la recherche d'économies de masse salariale ; le risque, c'est le saupoudrage des moyens, ce qui n'est guère satisfaisant.
Les personnels du ministère des affaires étrangères perçoivent un salaire supérieur en moyenne à celui des agents de la fonction publique d'État de même catégorie. Un fonctionnaire de catégorie A perçoit 5 070 euros, soit 30 % de plus qu'un fonctionnaire de même catégorie de la fonction publique d'État. L'écart est moindre pour les agents de catégorie B (7 %) et C (5 %).
Ces rémunérations diffèrent fortement entre les agents exerçant en administration centrale et ceux qui exercent à l'étranger, et l'écart se creuse. La rémunération moyenne en administration centrale représentait 43 % de la rémunération moyenne à l'étranger en 2012 et n'en représentait plus que 41 % en 2018 ; l'écart s'est plus fortement creusé pour les catégories B.
Nous estimons nécessaire de réduire progressivement l'écart entre la rémunération perçue par les agents exerçant en administration centrale et celle qui est perçue par les agents en poste à l'étranger.
Notre rapport accorde une place toute particulière à l'indemnité de résidence à l'étranger.
Pour les titulaires et contractuels à l'étranger, la part indemnitaire a augmenté significativement sur la période. Elle a progressé de 4,8 % entre 2012 et 2018, alors que la part du traitement indiciaire a diminué de 11,3 %. Les primes et indemnités ont donc représenté, en 2018, 74 % de la rémunération totale des agents à l'étranger, contre 70 % en 2012. C'est essentiellement lié à l'augmentation de l'IRE.
Pour rappel, un consul général perçoit entre 10 000 et 10 500 euros brut par mois dans les grandes capitales européennes. Un chef de poste diplomatique perçoit entre 16 000 et 17 000 euros brut par mois dans ces mêmes capitales. La rémunération brute moyenne d'un ministre plénipotentiaire s'élève à 17 900 euros par mois. À titre de comparaison, la rémunération du Président de la République et du Premier ministre s'élève à 15 140 euros brut par mois.
Ces niveaux de rémunération sont particulièrement élevés, alors même que les chefs de postes diplomatiques et les consuls généraux sont logés et, le plus souvent, nourris. Une réflexion pourrait être engagée sur la prise en compte des avantages matériels - le logement notamment - dans la formule de calcul de l'IRE qu'ils perçoivent.
Cette indemnité est versée à l'ensemble des agents expatriés de l'État et des établissements publics administratifs, pour, selon les textes, « compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence ».
Le montant de l'IRE servie à chaque agent varie fortement selon plusieurs critères. D'abord, le niveau de difficulté de la zone et le lieu d'affectation : 242 grilles correspondent aux pays et villes où la France est représentée ; ces grilles sont élaborées sur la base des indices fournis par la société Mercer, qui analyse les prix de 200 produits dans trois catégories de magasins dans 200 villes et qui évalue les conditions de vie au travers de 39 critères - infrastructures, criminalité, environnement politique, conditions sanitaires, etc. Il y a également le critère de l'emploi occupé par l'agent : le classement comporte 18 groupes allant des agents d'exécution aux postes d'encadrement. Et il y a encore le corps, le grade et l'échelon de l'agent.
Le résultat, c'est la coexistence de 18 groupes d'IRE pour chaque pays, facteur de dispersion importante des montants versés ; en pratique, seuls 12 groupes sont utilisés, mais les agents de catégorie C appartiennent tous aux groupes 10 à 12.
Nous appelons de nos voeux la réduction de la dispersion des montants d'IRE entre les catégories d'agents, en réduisant le nombre de groupes utilisés et en faisant remonter les agents de catégorie C des derniers groupes vers des groupes plus élevés.
Pour éviter que la réduction du nombre de groupes ne se traduise par une augmentation de la masse salariale, nous recommandons de faire disparaître la bonification de rémunération aux agents de catégories A et B affectés dans les zones difficiles, communément appelée dispositif de « sur-vocation » et qui vient en plus de l'IRE « classique », alors que l'IRE tient déjà compte de la difficulté spécifique du pays.
Qui plus est, l'IRE varie fréquemment, avec un ajustement trimestriel aux taux de change et à l'évolution du coût de la vie, mais également un reclassement annuel au 1 er janvier pour assurer la cohérence du classement des montants d'IRE entre chaque pays. Les montants d'IRE sont donc révisés à la hausse ou à la baisse en fonction de l'évolution des conditions de vie - y compris l'insécurité -, du coût de la vie et du coût du logement.
Nos entretiens ont démontré que l'IRE est proprement illisible, que son mode de calcul n'est que très vaguement connu et que ses variations sont très mal comprises, ce qui fait perdre de sa légitimité au mécanisme.
Nous jugeons par conséquent nécessaire de rendre la méthode de calcul plus accessible et de faire un effort de transparence auprès des agents pour leur expliquer les variations individuelles en adressant chaque année à chaque secrétaire général d'ambassade une fiche explicitant les évolutions d'IRE pour son poste.
Enfin, les évolutions successives de cette indemnité, en particulier avec les taux de change et l'inflation, conduisent à des incohérences parfois importantes de classement des IRE entre les pays, car les évolutions favorables ne sont que très rarement revues à la baisse.
Nous avons également constaté un écart important entre l'IRE que devrait théoriquement percevoir un agent si les critères du ministère étaient strictement appliqués et l'IRE effectivement perçue : les montants perçus sont supérieurs de 25 % aux montants qui devraient théoriquement être versés. C'est le cas dans 105 pays sur 222, et l'écart peut être très important : c'est le cas en Afrique du Sud (+75 %), en Inde (+67 %), en Moldavie (+57 %) ou encore à New York (+31 %).
L'application d'une baisse de 5 % une année à l'ensemble des IRE supérieures aux montants théoriques d'IRE représenterait une économie de près de 9 millions d'euros.
Nous recommandons donc de remettre à plat le dispositif en appliquant les montants théoriques d'IRE à chaque renouvellement de poste ou en appliquant un plan pluriannuel de baisse des IRE dans les pays bénéficiant d'une IRE avantageuse.
Je rappelle que l'IRE n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu et que son coût fiscal a été estimé dans une fourchette de 100 à 150 millions d'euros par an. Dans la mesure où l'IRE est forfaitisée et ne fait pas l'objet d'une justification de dépenses, nous nous étonnons de son absence de fiscalisation.
Je recommande donc, mais c'est un point de divergence avec mon collègue rapporteur, d'engager une réflexion sur la fiscalisation de tout ou partie de l'IRE, applicable de façon progressive.
M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Notre divergence d'appréciation n'est pas tant de principe, mais de méthode, car je ne suis pas convaincu de la cohérence qu'il y aurait à travailler simultanément sur la mise à plat de l'IRE et la fiscalisation, mais nous aurons à en débattre.
Je parlerai d'abord de la structure des effectifs, très spécifique dans ce ministère, car les agents de catégorie A+ y sont surreprésentés : ils représentent 83 % des agents de catégorie A, contre 6,3 % dans l'ensemble de la fonction publique d'État. Ce ratio a diminué durant les dix dernières années - il s'élevait à 120 % en 2008 -, mais il demeure très élevé.
Cette situation conduit à des tensions sur les débouchés pour les diplomates de grade le plus élevé. Le ministère évalue les personnels de catégorie A+ sans affectation à environ 18 personnes. D'autres agents de catégorie A+ sont affectés à des missions souvent mal définies qui ne correspondent pas à leur coeur de métier. Nous estimons par conséquent nécessaire de poursuivre l'exercice de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en prenant en compte la diminution du nombre de postes à l'étranger. Il faut faire évoluer la structure des effectifs à l'étranger, non pas en multipliant le nombre d'agents de droit local, mais en ayant davantage recours aux contrats de recrutement sur place (CRSP) et aux volontaires internationaux (VI).
Les agents de droit local (ADL) représentent 38 % des personnels de la mission « Action extérieure de l'État ». Le développement du nombre d'ADL atteint désormais ses limites, tant en matière de sécurité et de confidentialité qu'en termes de masse salariale et de recrutement.
Les agents recrutés sur place bénéficient d'un contrat français, mais perçoivent une IRE qui ne représente que 15 % de l'IRE du pays concerné : c'est un mode de recrutement à développer. Le faible montant d'IRE rend ce statut avantageux pour les finances publiques, quand on parle de réduire la masse salariale à l'étranger. La direction générale de la mondialisation a ainsi fait de la transformation de postes de titulaires en CRSP une ligne directrice de la réforme pour le réseau culturel.
De même, le statut du volontaire international (VI), qui a pris le relais du service national en coopération, présente un coût bien moindre que celui d'un expatrié, alors que le cursus des volontaires internationaux leur permet souvent d'occuper des postes importants ; nous l'avons constaté avec le chef du service économique en Estonie.
La transformation de postes d'expatriés en postes d'agents recrutés sur place ou de volontaires internationaux ne peut pas être une règle en tant que telle, ces statuts présentent des inconvénients. Malgré ces difficultés et tout en étant vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de ces recrutements, nous appelons de nos voeux un développement de ces deux types de postes, en remplacement de postes de titulaires, pour réduire la masse salariale de l'État à l'étranger, tout en assurant un service de qualité et en maintenant l'universalité du réseau.
Nous avons examiné, ensuite, le pilotage encore bien perfectible de la masse salariale du ministère. L'architecture budgétaire de la masse salariale actuelle repose sur cinq programmes et deux missions différentes. Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », quatre programmes coexistent, comprenant chacun des dépenses de personnels.
Ce découpage budgétaire est source de complexité au sein des ambassades pour la rémunération des agents de droit local. Elles doivent en effet prélever les fonds nécessaires sur trois ou quatre programmes différents, selon les activités des agents de droit local. La répartition des effectifs à l'étranger sur chacun des programmes procède souvent d'une répartition approximative de la charge de travail des agents qui interviennent sur plusieurs missions (consulaire et administrative notamment), comme nous avons pu le constater lors de nos déplacements. Nous souhaitons donc une répartition plus rigoureuse des crédits de personnels sur les trois programmes. Si cette répartition précise se révélait impossible, il faudrait en tirer les conséquences, avec le regroupement des crédits de titre 2 sur un seul programme budgétaire, en veillant à ce que cela ne nuise pas à notre information.
Enfin, le pilotage de la masse salariale n'est pas satisfaisant parce qu'il est effectué par deux directions : la direction des affaires financières pour la masse salariale et la direction des ressources humaines pour les effectifs. Nous estimons qu'il ne faudrait qu'un seul pilote, chargé de l'application de la réforme.
Au niveau des ambassades - et c'est ce qui a le plus retenu notre attention -, le rôle du chef de poste n'est pas bien défini non plus. Le Premier ministre a indiqué que « la réponse du Gouvernement consistait à donner à l'ambassadeur les moyens de gérer son ambassade et à placer le quai d'Orsay au coeur de l'organisation interministérielle de l'État dans sa projection internationale ».
Ces annonces correspondent à des recommandations faites depuis longtemps, notamment par notre ancien collègue Adrien Gouteyron, pour la nomination d'« ambassadeurs-préfets » dotés de compétences managériales. Nous en sommes loin, l'exercice pour 2019 n'a pas été à la hauteur de ces annonces.
Dans les faits, les administrations centrales limitent la portée interministérielle du rôle de l'ambassadeur. Plusieurs ambassadeurs nous ont signalé que les administrations centrales des autres ministères avaient leurs propres schémas de réorganisation et que les chefs de service concernés au sein des ambassades ne se sentaient que peu tenus par la consultation conduite par l'ambassadeur, qui ouvre pourtant sur des solutions cohérentes.
Nous souhaitons donc que le rôle de gestionnaire et de chef d'équipe de l'ambassadeur soit renforcé concrètement. Il pourrait notamment lui être donné la possibilité de ne plus exercer certaines missions, pour éviter le saupoudrage et préserver la qualité des missions jugées prioritaires par chacun des postes en fonction de leur plan d'action. De même, il faut que les postes soient davantage consultés dans la mise en oeuvre des réformes transversales.
Enfin, il faut veiller à ce que l'objectif de réduire la masse salariale ne conduise pas à des décisions financièrement irrationnelles, par exemple par un surcoût de gestion lié à l'externalisation. Nous avons constaté que la comparaison des coûts des missions n'était pas systématiquement conduite entre la régie et le recours à des prestataires extérieurs, ce qui peut conduire à des reports sur les crédits hors titre 2. Il faut donc être très vigilant sur l'ensemble des coûts de fonctionnement.
M. Vincent Éblé , président . - Je salue notre collègue Ladislas Poniatowski, qui participe à nos travaux en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le programme 105 (action de la France en Europe et dans le monde).
M. Roger Karoutchi . - J'entends parfaitement les arguments de nos excellents rapporteurs, mais je les trouve un peu sévères - je le dis aussi pour avoir été ambassadeur auprès de l'OCDE, à Paris, donc sans IRE. Nous rencontrons de plus en plus de difficultés à recruter des diplomates de qualité, et ce du fait que les carrières sont bloquées à partir d'un certain niveau. Je le dis d'expérience, j'avais auprès de moi un excellent collaborateur qui avait été quatre fois consul général, donc proche de la fin de carrière, mais qui ne trouvait aucun poste d'ambassadeur. La raison en est simple : il n'y a quasiment plus de postes d'ambassadeur, malgré tous ceux qu'on invente ici ou là, pour l'Arctique ou l'Antarctique, et surtout pour récompenser quand même quelques fonctionnaires ou politiques.
En réalité, le corps diplomatique est vexé de se voir réduit en effectifs, vexé que l'on dise partout qu'il y a trop d'ambassadeurs alors qu'on en manque, et que l'on puisse y nommer des gens hors de la carrière diplomatique alors que la leur est bloquée. C'est pourquoi l'IRE est décisive - pensez à l'ambassadeur nommé à Kaboul, qui laisse sa famille à Paris et qui a l'interdiction de sortir même dans la rue : comment voulez-vous attirer des diplomates très compétents sur de tels postes, si vous ne leur offrez pas une compensation ? Les mieux payés sont ceux qui sont dans des postes très exposés. Si l'on supprime l'IRE, qui recrutera-t-on ? Je parle des véritables diplomates, capables de porter la vision de notre pays, la politique extérieure de la France, de ces ambassadeurs que, pour ma part, j'ai pu admirer. Attention, ce n'est pas la haute fonction publique qui est dans l'excès.
M. Ladislas Poniatowski , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Mettre à plat le mécanisme de l'IRE, c'est tout simplement...révolutionnaire ! L'idée est excellente, mais sa réalisation n'est pas près d'arriver. Oui, le mécanisme est opaque, des critères se sont cumulés au fil de temps, de notre histoire. Le critère de l'exposition du poste est cependant majeur, la bonification pour zone difficile est essentielle - être ambassadeur au Mali, ce n'est pas pareil que l'être à Rome... Il faut même que ce critère puisse être appliqué de façon souple ; on doit pouvoir l'adapter aux situations particulières. Je vous soutiens sur l'idée de mettre à plat l'IRE, mais sans savoir comment la faire advenir.
Il faut parler, ensuite, de la réduction des effectifs dans le cadre de la réforme engagée. Il y a les bons élèves, les ambassadeurs qui ont réduit les effectifs dans leurs postes, et qui l'ont fait rapidement, avec cohérence ; mais le problème, bien souvent, c'est que les autres administrations ne jouent pas le jeu. Les ministères entretiennent dans les postes diplomatiques des emplois qui récompensent des fins de carrière, et ils ne veulent pas s'en passer... Vos propositions sont donc ici encore excellentes, je les soutiens, mais sans savoir comment obliger les administrations à diminuer leurs emplois dans les postes diplomatiques.
Mme Sylvie Vermeillet . - Une question technique : l'IRE est-elle soumise à cotisation sociale, comme les autres avantages en nature ? Si elle l'était, ce serait déjà un argument en défense.
Mme Christine Lavarde . - Qu'en est-il, également, des efforts sur le parc de logements de fonction ?
M. Gérard Longuet . - Le concept d'avantages en nature est ambigu, et il irrite tout particulièrement les fonctionnaires de Bercy. Or, les locaux d'une ambassade, aussi fastueux soient-ils et quand bien même ils inspirent tel ou tel romancier, ne sont pas personnels ; ceux qui les habitent ne sont pas complètement chez eux, mais bien dans les locaux qui représentent eux-mêmes notre pays.
Vivre dans un palais qui ne vous appartient pas et où vous devez sans cesse recevoir des gens qui vous importunent, y compris le dimanche - je songe par exemple aux parlementaires - relève non pas d'un choix personnel, mais d'une mission consubstantielle à la fonction diplomatique. Il ne faut donc pas regarder le logement de fonction sous l'angle mesquin de la financiarisation d'autant que l'on arrive à des sommes qui dépassent souvent le salaire perçu. Je crois que nous n'avons pas à prendre le parti de Bercy dans cette guerre entre administrations ; Bercy n'y va pas de mainmorte pour ses propres avantages, sans avoir les sujétions de la diplomatie...
M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Les ambassadeurs ne reçoivent pas toujours les parlementaires, nous en avons fait l'expérience à Berlin ! Nous proposons non pas de supprimer les primes, mais de réduire la disparité entre la rémunération perçue en administration centrale et dans les postes à l'étranger, disparité qui augmente. Nous manquons de postes, c'est vrai, et des carrières s'en trouvent bloquées, et cela démontre que la solution n'a pas grand-chose à voir avec la rémunération.
Le mode de calcul de l'IRE, ensuite, tient déjà compte de la difficulté du pays, mais il est illisible, et il faut que le mécanisme puisse être compris par tous. Nous avons constaté que les ajustements se font toujours à la hausse, ce qui creuse l'écart entre le théorique et l'effectif. Nous demandons plus de rigueur, progressivement. Une baisse de 5 % représente 9 millions d'euros, ce n'est pas négligeable.
Nous disons également que les chefs de poste n'ont pas assez de pouvoir managérial, que les ambassadeurs ne décident pas assez l'allocation des moyens, que leur avis sur l'évolution des postes n'est pas pris en compte ; dans les faits, c'est le ministère qui décide, mieux vaudrait mettre une enveloppe budgétaire à disposition des ambassadeurs. Nous avons encore constaté que réduire la masse salariale n'était pas toujours une bonne solution, surtout quand l'externalisation est plus coûteuse. C'est pourquoi nous demandons qu'on laisse les chefs de postes en décider.
En réponse à Sylvie Vermeillet, les IRE ne sont pas soumises aux cotisations sociales. Nul besoin non plus de justifier de frais pour percevoir ces indemnités.
L'an prochain, nous traiterons peut-être du parc immobilier et des effectifs dans certains pays. Ainsi, Laurent Fabius avait voulu renforcer notre présence en Chine, mais nous ne sommes pas certains que cela soit totalement justifié.
M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Comme l'a dit Ladislas Poniatowski, les ministères doivent mieux coordonner leurs politiques. Ainsi, en Finlande, l'ambassadeur avait engagé la réorganisation de ses services, mais ignorait que la réforme des instituts français allait à l'opposé : il a été contraint d'interrompre sa réforme.
La nature même de l'IRE est ambiguë puisqu'il s'agit d'un complément de revenu reposant sur une évaluation du surcoût de l'expatriation. Cette évaluation doit tenir compte des effets baissiers, quand ils se produisent. En outre, les agents de catégorie C sont globalement insuffisamment rémunérés par rapport à la réalité de leurs contraintes financières d'expatriation ; d'où notre proposition d'augmenter leur IRE.
Ne nous focalisons pas non plus sur Kaboul, Bagdad ou le Soudan du Sud : les personnels concernés sont peu nombreux. Le surcoût de l'IRE dans ces zones pèse peu dans l'enveloppe globale.
Nous ne pouvons accepter de voir le nombre de nos agents dans les ambassades diminuer tandis que la masse salariale continue à augmenter.
M. Vincent Éblé , président . - Merci pour toutes ces précisions.
La commission a autorisé la publication de la communication de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud sous la forme d'un rapport d'information.