B. UN PILOTAGE ÉCLATÉ, SANS VÉRITABLE CHEF DE FILE

1. Des responsables de programme variablement impliqués

Les secrétariats de programme 32 ( * ) occupent un rôle important dans les arbitrages retenus de réorganisation des postes pour satisfaire aux objectifs annuels d' « Action publique 2022 ». Ils ont notamment recommandé des évolutions d'organigramme à chacun des postes, auxquelles les postes pouvaient répondre par des propositions alternatives. Les réponses des postes ont également été étudiées conjointement par les secrétariats de programmes, la direction des ressources humaines, les directions géographiques, l'Inspection générale des affaires étrangères (IGAE) et les autres services compétents.

Pour pouvoir réaliser de telles recommandations, les secrétariats de programmes doivent disposer d'outils de suivi de l'activité des postes qui leur servent de socle de discussion lors du dialogue de gestion et qui leur permettent d'identifier les gisements d'économies. Or les responsables de programmes n'ont pas tous intégré cette culture de gestion et ne disposent pas tous de ce type d'outils de suivi d'activité.

L'exemple de la direction des Français à l'étranger (DFAE)

La DFAE dispose d'un infocentre rénové dénommé OSCAR. Cet outil rassemble les informations issues des applications métiers et permet d'avoir un suivi mensuel de l'activité pour chacun des postes. Les postes ont également la possibilité de consulter ces informations et de suivre leur activité.

Malgré l'existence de cet outil de pilotage de l'activité, la DFAE rencontre des difficultés pour suivre la réduction de la masse salariale dans la mesure où son outil intègre encore une approche par les ETP.

Source : réponses du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2. Des pilotes de la masse salariale et des effectifs encore distincts

La direction des affaires financières (DAF), responsable de programme délégué pour les crédits de titre 2, gère la budgétisation et le suivi des crédits de personnel pour l'ensemble du ministère. La direction des ressources humaines (DRH), quant à elle, effectue le suivi des ETP et définit la politique des ressources humaines.

Si le pilotage de la masse salariale par la DAF s'effectue en lien avec la DRH, notamment à travers des comités de pilotage réguliers associant les deux directions, c'est la DAF qui est chargée de la négociation budgétaire avec le ministère de l'action et des comptes publics et qui est à l'initiative des arbitrages internes adoptés par le secrétaire général ou le cabinet du ministre.

À l'inverse, c'est la DRH qui mène, avec les directions concernées et les postes diplomatiques, l'exercice de dialogue de gestion annuel visant à programmer les effectifs. Les décisions qu'elle arbitre sont communiquées à la DAF, avant la date prévue de mise en oeuvre, pour qu'elle les valorise et mette à jour l'économie attendue en masse salariale.

Dans le cadre d' « Action publique 2022 », cette partition des responsabilités entre la DAF et la DRH peut nuire à la cohérence des décisions prises et au pilotage conjoint de la masse salariale et des ETP . Elle conduit en effet à gérer de manière disjointe les mesures liées aux effectifs et celles liées à la masse salariale, alors même que l'exercice demandé par la réforme des réseaux de l'État à l'étranger nécessite de lier étroitement les deux en faisant primer l'approche par la masse salariale.

Recommandation n°8 : revoir la chaîne de pilotage de la masse salariale et des effectifs pour qu'il n'y ait qu'un seul pilote, à même de décliner la réforme.

3. Des chefs de poste qui ne sont devenus que très récemment des acteurs du pilotage de la masse salariale

Dans le cadre du programme de transformation « Action publique 2022 », le Premier ministre a, lors de son discours du 28 août 2018 à la conférence des ambassadeurs et des ambassadrices, rappelé et précisé la décision du Gouvernement de réformer le mode de gestion des réseaux de l'État à l'étranger. Il a, à cette occasion, indiqué que « face à cette complexité, la réponse du Gouvernement consiste à donner à l'ambassadeur les moyens de gérer son ambassade. Et à placer le quai d'Orsay au coeur de l'organisation interministérielle de l'État dans sa projection internationale ». Il a ajouté que « le ministère de l'Europe et des affaires étrangères se trouve singulièrement conforté dans son rôle de pilotage interministériel. Le rôle de l'ambassadeur dans la définition de l'équipe dont il estime avoir besoin pour mener à bien sa mission se trouvera considérablement renforcé ».

Si ces annonces correspondent à des recommandations faites depuis longtemps, notamment par notre collègue Adrien Gouteyron qui appelait de ses voeux la nomination « d'ambassadeurs-préfets » dotés de compétences managériales, la réalité de l'exercice pour 2019 n'a pas été à la hauteur de ces annonces . Au sein des postes diplomatiques que vos rapporteurs spéciaux ont visités, plusieurs propositions faites par les chefs de poste, correspondant à des nécessités locales, n'ont pas été retenues par la direction des ressources humaines.

L'exemple de la Finlande

L'ambassade de France en Finlande avait proposé, pour satisfaire à l'exercice de réduction de la masse salariale dans le cadre d' « Action publique 2022 », de prendre les mesures suivantes sur la période 2018-2022 :

- supprimer un emploi d'ADL chargé du nettoyage des bureaux de la chancellerie diplomatique et consulaire ;

- créer un emploi d'ADL de gestionnaire administratif et financier au service commun de gestion et à la régie ;

- supprimer un emploi d'ADL gestionnaire administratif et RH du bureau de Business France ;

- transformer le poste de premier secrétaire de l'ambassade (catégorie A) en poste de CRSP ;

- transformer le poste de secrétaire du chef de poste de titulaire de catégorie C en ADL ;

- supprimer un poste d'ADL traducteur.

Parmi ces propositions, seule la suppression de trois postes d'ADL a été retenue. Les propositions de transformation de postes qui avaient été faites ont été refusées.

Source : réponses du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

La portée interministérielle du rôle de l'ambassadeur, pourtant réaffirmée par le Premier ministre, est par ailleurs contredite, dans les faits, par les administrations centrales des différents ministères concernés . Plusieurs ambassades ont en effet signalé à vos rapporteurs spéciaux que les administrations centrales des autres ministères concernés avaient leurs propres schémas de réorganisation et que les chefs de service concernés au sein des ambassades ne se sentaient par conséquent que peu tenus par la consultation conduite par l'ambassadeur.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent par conséquent que soit effectivement renforcé le rôle de gestionnaire et de chef d'équipe de l'ambassadeur. Il pourrait notamment lui être donné la possibilité de ne plus exercer certaines missions jugées non prioritaires au regard de son plan d'action et de supprimer les effectifs correspondants.

Recommandation n°9 : donner explicitement la possibilité aux ambassadeurs, pour éviter le risque de saupoudrage et préserver la qualité des missions jugées prioritaires par chacun des postes en fonction de leur plan d'action, de ne plus exercer certaines missions.


* 32 Cellule autour du responsable de programme.

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