B. LA COMMISSION EUROPÉENNE PEINE À IMPULSER UNE RÉELLE DYNAMIQUE EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
Au-delà des difficultés statistiques ne permettant pas de quantifier le niveau de la fraude, la stratégie de lutte contre la fraude aux fonds européens n'est pas apparue à votre rapporteur spécial comme étant pleinement opérationnelle.
D'une part, la Commission européenne n'a adopté qu'en 2011 une stratégie antifraude formalisée , alors même que les dispositions applicables à la gestion des fonds européens pour le cadre financier pluriannuel 2007-2013 avaient déjà été adoptées. Par ailleurs, cette stratégie antifraude ne définit aucun indicateur de performance ni aucun objectif chiffré à remplir.
Alors qu'elle était prévue pour les années 2011 à 2014, elle n'a fait l'objet d'une actualisation qu'en 2019 ( cf. infra ), à la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes européenne relatif à la fraude aux dépenses de l'Union européenne, qui n'a pas manqué de souligner cette carence.
D'autre part, la gestion des risques de fraude est encore divisée entre les différentes directions générales de la Commission européenne . Interrogée par votre rapporteur spécial sur les raisons d'une telle fragmentation, la Cour des comptes européenne a regretté l'existence de « corporatismes » historiques au sein de chaque direction générale .
Votre rapporteur spécial estime que , si chaque domaine de dépenses de l'Union européenne présente des spécificités, cette fragmentation de la lutte contre la fraude contribue à élaborer une vision en « silos » de la réponse à adopter. Ce cloisonnement des responsabilités entre chacune des directions générales tend à présenter la fraude aux fonds européens comme un phénomène marginal et propre à chaque domaine de dépenses de l'Union européenne, plutôt que comme un enjeu transversal de bonne gestion budgétaire .
Mesures de lutte contre la fraude aux fonds européens prises par la Commission européenne depuis le début des années 2000 Au cours des dix dernières années, la Commission européenne a pris les principales mesures suivantes pour protéger les intérêts financiers de l'Union européenne : - elle a adopté sa stratégie antifraude en 2011 , dont les objectifs étaient l'amélioration et l'actualisation des techniques de prévention, de détection et d'examen des fraudes, recouvrer une plus grande partie des fonds indûment versés, et dissuader la fraude en appliquant des sanctions appropriées ; - chaque direction générale a défini sa propre stratégie opérationnelle en matière de lutte contre la fraude ; - la lutte contre la corruption a été intégrée aux priorités dans le processus de gouvernance économique du Semestre européen . Ainsi, plusieurs rapports par pays ont compris une analyse juridique, politique et institutionnelle de la lutte contre la corruption. Plusieurs États membres ont reçu des recommandations les invitant à prendre des mesures pour améliorer la transparence, renforcer la prévention des conflits d'intérêts, lutter contre la corruption dans les administrations publiques, les autorités judiciaires et les marchés publics ; - la Commission a mis en place un système de détection rapide et d'exclusion (EDES) , opérationnel depuis 2016. Il vise à identifier de façon préventive des personnes ou entités représentant un risque pour les intérêts financiers de l'Union européenne, et à exclure ces personnes ou entités de l'accès aux fonds de l'Union européenne. Ce système se fonde sur les informations provenant, entre autres, des jugements définitifs rendus par des autorités judiciaires ou administratives, des constatations établies par l'OLAF, la Cour des comptes européenne, ou tout autre audit, et fraudes et irrégularités signalées par les États membres. Le système est complété par une instance interinstitutionnelle qui conseille, le cas échéant, d'exclure certains opérateurs économiques des financements de l'Union européenne, notamment pour fraude et corruption ; - la Commission a développé et mis à disposition de l'ensemble des États membres l'outil « Arachne » , un outil informatique destiné à collecter des données et les mettre en relation (« data mining ») pour établir des indicateurs de risques en matière de fraude dans la mise en oeuvre des fonds européens structurels et d'investissement (FESI). Il vise à croiser les données publiques permettant d'apprécier un risque de fraude (signalements des irrégularités, décisions de justice relatives à des cas de fraude, de corruption, de conflits d'intérêts etc.). Il est également alimenté par les données des autorités de gestion des fonds, notamment sur l'identité des bénéficiaires, porteurs de projets et prestataires. Pour la période 2014-2020, la Commission européenne propose gratuitement des licences Arachne aux États membres afin d'encourager le développement de cet outil de gestion des risques. - une nouvelle directive relative à la protection des intérêts financiers a été adoptée en 2017 ( cf. infra ). - la Commission a présenté en avril 2019 une nouvelle stratégie antifraude ( cf. infra ). Source : Commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial |