II. DE GRANDS PARTENARIATS STRATÉGIQUES À DÉVELOPPER
Les deux grands partenariats structurants, précédemment évoqués, doivent demeurer ouverts à d'autres pays et ne sont évidemment pas exclusifs d'autres partenariats, que la France doit s'attacher à renforcer et à promouvoir.
A. L'ITALIE, UNE RELATION BILATÉRALE À CONSOLIDER
1. De nombreux points communs
Comme vos rapporteurs l'indiquaient en introduction, l'Italie offre un exemple saisissant de pays avec lequel notre relation ancienne d'amitié et de coopération en matière de défense ne doit pas être occultée par les difficultés résultant de relations tendues entre les gouvernements actuels des deux pays. De fait, ces difficultés ne concernent pas les questions de défense, sur lesquelles les relations entre les deux pays sont à la fois anciennes et bonnes.
De nombreuses raisons peuvent amener la France à intensifier son partenariat avec l'Italie en matière de défense. Tout d'abord, il s'agit d'un acteur majeur de la défense européenne . Membre fondateur de l'Union européenne, l'Italie en est aussi un des pays les plus peuplés, avec une population de plus de 60 millions d'habitants et un PIB qui situe le pays au huitième rang mondial. En outre, d'après le SIPRI, l'Italie se classe au 12 e rang mondial par son budget de défense.
Outre la taille et l'importance du pays, la deuxième raison évidente de la proximité de la France et de l'Italie en matière de sécurité et de défense est leur proximité géographique : partageant des frontières terrestres et maritimes, les deux pays ont en permanence un regard sur la situation en Méditerranée et en Afrique du Nord. De ce point de vue, en Europe, l'Italie fait assez clairement partie des pays pour lesquels la perception de la menace est plus sensible sur le front sud que sur le front est.
Il est du reste malheureux que ce soit dans ce domaine que les tensions soient apparues entre l'Italie et ses partenaires européens, concernant en particulier la prise en charge des migrants recueillis dans le cadre de l'opération SOPHIA. Sans trancher ce débat ici, car ce n'en est pas le lieu, on ne peut que déplorer que, de façon globale, les pays européens aient fait preuve de si peu de solidarité avec leurs partenaires du sud de l'Europe, qui se sont trouvés bien seuls en première ligne pour gérer l'arrivée des migrants dans des conditions dramatiques. Les mouvements migratoires sont évidemment un sujet commun, et ce d'autant plus que l'objectif ultime des migrants se situe en général plutôt vers le nord de l'Europe , les pays du Sud n'étant dans leur projet que le point d'entrée sur le continent. Vos rapporteurs forment le souhait que ce moment de tension puisse rapidement être dépassé, de façon à redonner à l'opération SOPHIA sa pleine efficacité . C'est d'autant plus important que la question des mouvements migratoires d'ampleur n'est pas réglée au fond. Il est même vraisemblable qu'elle n'en soit qu'à ses débuts, tant l'écart de développement est grand entre les pays d'origine de ces migrants et l'Europe.
Enfin, l'Italie partage avec la France une approche pragmatique des opérations. Si la constitution italienne dispose en son article 11 que « l'Italie renonce à la guerre comme moyen de résolution des conflits », l'armée italienne cultive la mémoire d'une culture opérationnelle qui est un atout pour la défense européenne. Elle s'exprime en particulier par une grande efficacité dans les opérations logistiques et de soutien .
2. Des domaines d'excellence variés
a) Un engagement significatif dans les opérations extérieures
L'Italie compte actuellement entre 6.000 et 7.000 hommes projetés dans des missions extérieures, chiffre important si on le compare par exemple aux 3.500 Allemands déployés. L'Italie compte ainsi un petit détachement au Niger, d'une centaine d'hommes à l'heure actuelle, mais qui pourrait s'établir autour de 300 personnels d'ici la fin 2019.
S'y ajoutent 6.000 hommes pour l'équivalent italien de l'opération Sentinelle (opération Strade sicure ). Dans la mesure où cette opération prévoit un dispositif statique, l'Italie est intéressée par le RETEX de l'opération Sentinelle.
Le budget de la défense italien, de l'ordre de 24 milliards d'euros, est significatif. Il faut noter que sur ce montant 6 à 7 milliards d'euros financent les Carabinieri et la Guardia di finanza qui comprend la police des douanes.
b) Une marine indispensable à la sécurité de la Méditerranée
La marine italienne joue un rôle important pour la sécurité collective en Méditerranée, comme en témoigne les responsabilités italiennes dans l'opération SOPHIA : le commandant de l'opération et le numéro 3 sont italiens. La situation géographique de l'Italie en fait nécessairement un acteur incontournable pour la surveillance et la sûreté de la Méditerranée.
Comme l'illustre le rôle de commandant en second de l'opération SOPHIA confié un amiral français, la coopération entre les marines italienne et française est très bonne 65 ( * ) .
c) Un acteur important de la BITDE
La BITD italienne est dynamique et variée. Parmi ses domaines d'excellence, on relève notamment :
- le naval, comme l'illustre le rapprochement entre Fincantieri et Naval Group ;
- l'aéronautique, avec en particulier une longue expérience dans le domaine des hélicoptères, mais aussi les missiles avec la participation dans MBDA ;
- le spatial.
Le début de rapprochement entre la France et Italie dans le domaine naval suscite un intérêt particulier. S'il s'agit d'un mouvement complexe, dont les potentialités doivent encore être confirmées, on observe qu'il s'agit peut-être là de la première étape de la consolidation globale de l'industrie navale en Europe. De fait, la construction navale fait l'objet, dans le civil comme dans le militaire, d'une concurrence particulièrement rude des acteurs non-européens. Il est donc important que les entreprises européennes puissent unir leurs forces, plutôt que de se diviser et se concurrencer sur les marchés, comme elles le font actuellement 66 ( * ) .
Vos rapporteurs émettent donc le souhait que la relation bilatérale retrouve rapidement sa sérénité et que la relation de défense puisse connaître de nouvelles avancées .
* 65 Il existe également une coopération avec la France dans le domaine terrestre, moins développée mais de bonne qualité, en particulier dans le domaine des troupes de montagne.
* 66 De ce point de vue, on ne peut que regretter que l'allemand TKMS soit pour l'instant totalement fermé à un rapprochement avec Naval Group. Les deux entreprises se livrent donc une concurrence acharnée et coûteuse.