B. CONFORTER UNE FONCTION D'ORIENTATION STRATÉGIQUE POUR LES RÉGIONS
1. Les régions, échelon pertinent pour définir une stratégie d'adaptation intégrée
L'échelon administratif régional correspond à un périmètre géographique suffisamment large pour poser et penser de façon cohérente l'ensemble des problématiques liées à l'adaptation au changement climatique (ressources en eau, transformations de l'agriculture, transition énergétique, etc.) et donc pour appréhender véritablement les interactions, les synergies ou les contradictions entre les composantes sectorielles ou infrarégionales des politiques d'adaptation.
C'est une telle approche intégrée des effets du changement climatique et des enjeux d'adaptation qu'a permis le projet pionnier AcclimaTerra pour la région Aquitaine .
Le projet AcclimaTerra Il est né du souhait du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de doter le territoire régional d'un groupe d'experts scientifiques permanent, indépendant, capable d'apporter aux acteurs du territoire les connaissances nécessaires à leur stratégie d'adaptation au changement climatique. Au terme de deux années, la cellule, qui regroupait 15 chercheurs sous l'égide d'Hervé Le Treut, a produit un ouvrage de synthèse qui a mobilisé le savoir collaboratif de 163 experts. Ce travail scientifique pluridisciplinaire, unique à l'échelle d'une région française, traite du contexte et des enjeux du climat pour l'Aquitaine, des défis pour ses ressources, ses activités et sa qualité de vie. Il propose enfin un bilan des enjeux, des questionnements et des recommandations à destination des décideurs. Dans le prolongement de son travail d'expertise scientifique, AcclimaTerra est devenu une association chargée de valoriser ses travaux dans la région au moyen de différentes actions : tournées dans la région (Train du Climat), travail auprès des étudiants dans le cadre des AcclimaCampus et AcclimaLycées. Le projet Acclimaterra (rapport et valorisation) a été essentiel pour que l'ensemble des acteurs de la Région Nouvelle-Aquitaine puissent appréhender plus concrètement les problématiques provoquées par le dérèglement climatique. La double entrée sectorielle et territoriale leur a permis de comprendre les mécanismes liés aux changements climatiques et de mieux anticiper les changements à venir. Au niveau régional, le rapport Acclimaterra est cité dans chaque document de planification. Il a également vocation à inspirer les autres collectivités du territoire, notamment dans le cadre des PCAET. Plusieurs évènements organisés par le comité Acclimaterra ou par le Train du Climat ont permis de réunir et sensibiliser aussi les acteurs économiques. Plusieurs instances professionnelles, comme les Chambres d'agriculture, ont organisé des évènements à la suite de la publication de ce rapport. La sensibilisation du grand public s'est, quant à elle, effectuée par le biais de conférences et par l'organisation de la tournée du Train du Climat en présence d'un grand nombre de scientifiques ayant participé à la rédaction du rapport. |
Les régions disposent en outre de plusieurs outils d'impulsion et de structuration de l'action des échelons territoriaux inférieurs dans le domaine de l'adaptation , à savoir :
- les schémas régionaux qui définissent la stratégie de la Région dans différents domaines (le SRADDET en premier lieu pour ce qui concerne les politiques d'adaptation, mais aussi le PRAD et le SRDEII). La hiérarchie des normes crée une articulation et une cohérence entre ces schémas régionaux et les documents de planification des échelons territoriaux inférieurs au travers de rapports de prise en compte ou de compatibilité ;
- le levier financier des aides régionales , notamment dans le cadre d'appels à projets ou de la contractualisation régionale. Ces outils permettent de conditionner l'accès des échelons inférieurs aux aides régionales au respect ou à la prise en considération des objectifs de la Région en matière d'adaptation ;
- du soutien à la mise en place et au fonctionnement d'observatoires régionaux du changement climatique (spécialisés dans le domaine de l'agriculture, du littoral, de la montagne, de la biodiversité,...).
Ces différents outils confèrent aux régions, en matière de politiques d'adaptation aux changements climatiques, une mission de chef de file pour orienter et animer une dynamique régionale rassemblant les autres niveaux de collectivités.
2. Comment améliorer le rôle moteur des régions dans les politiques d'adaptation ?
a) Généraliser l'expérience AcclimaTerra
Il est proposé d' encourager la généralisation à l'ensemble des régions de la démarche de prospective régionale inaugurée par le projet aquitain AcclimaTerra.
Plus qu'un simple exercice de prospective, ce projet trace en effet les contours d' un nouveau modèle de gouvernance et d'action collective sur les politiques d'adaptation, qui favorise une véritable acculturation des acteurs politiques, administratifs, économiques et associatifs aux enjeux de l'adaptation et qui constitue le terreau d'une vision partagée sur l'avenir du territoire. Les traits de ce modèle de gouvernance sont les suivants :
- la présence d'un organe scientifique indépendant de prospective, placé auprès de la collectivité, éclaire la décision politique sur des sujets complexes où l'incertitude est forte, en apportant des ressources expertes dont la collectivité est dépourvue en interne. Le scientifique ne se substitue pas au politique pour choisir, mais l'aide à identifier les choix possibles et à évaluer leurs avantages et inconvénients ;
- la transversalité du diagnostic scientifique sur les impacts régionaux du dérèglement climatique et l'identification des scénarios envisageables pour bâtir une stratégie régionale d'adaptation crée un référentiel commun qui permet de décloisonner les approches administratives et politiques sectorielles au sein des institutions régionales et de mieux articuler les différents plans et schémas régionaux (SRADDET/PGRI/SRDEII/SDAGE/PRAD) ;
- l'implication de tous les acteurs du territoire régional (élus, fonctionnaires, scientifiques, représentants des acteurs économiques, associations) dans l'élaboration de la prospective, suivie d'un travail de diffusion et de valorisation des conclusions du rapport, permet la création à l'échelle régionale de réseaux d'acteurs et d' une culture commune autour des questions d'adaptation , ce qui constitue une ressource humaine indispensable à la réussite ultérieure des politiques d'adaptation ;
- la pérennisation d'une structure de conseil scientifique auprès des régions garantit la mise à jour des diagnostics scientifiques et permet de faire évoluer la stratégie d'adaptation au fur et à mesure que les impacts du dérèglement climatique se précisent. Elle permet également à la Région de consulter, en tant que de besoin, des experts scientifiques sur ses projets de règlement ou de décision ou sur l'évaluation de ses actions.
b) Renforcer les capacités d'impulsion des régions
La seconde proposition concernant les régions est de renforcer leur capacité à entraîner les collectivités infrarégionales dans une dynamique commune d'adaptation . Cela peut passer par la généralisation de pratiques incitatives telles que :
- lier les aides apportées par les régions à la prise en compte de critères ou d'objectifs en matière d'adaptation dans les projets territoriaux. Un projet ne doit plus être arrêté, un financement ne doit plus être accordé sans qu'ait été posée la question de l'adaptation et envisagées des propositions visant à renforcer l'adaptation ;
- soutenir des démarches de « démonstrateurs territoriaux » permettant de tester/valider des solutions d'adaptation complexes et de donner à voir à tout le monde les solutions qui marchent.